M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial. Monsieur le Premier ministre, comment en est-on arrivé là ?
Lundi dernier, vous avez réuni l’ensemble des acteurs de la montagne pour échanger sur les conditions d’un accueil dans nos stations, cet hiver. Sur la base d’un travail sérieux et responsable, vous avez annoncé une décision sous dix jours, lorsque la situation sanitaire serait plus claire.
Hier soir, nous avons écouté avec stupeur les déclarations du Président de la République. Nous les avons ressenties comme une trahison.
M. François Patriat. De la part de qui ?
M. Cédric Vial. Comment en est-on arrivé là ?
Depuis votre nomination, pour plus d’efficacité de l’action publique, vous n’avez eu de cesse de nous vanter les vertus de la décentralisation…
M. François Patriat. Ce n’est pas Wauquiez qui va arrêter le virus…
M. Cédric Vial. … et de la proximité, ainsi que le rôle des élus locaux. Or la gestion de cette crise sanitaire n’a jamais été aussi centralisée. Les situations sont pourtant bien différentes d’un massif à l’autre, d’un territoire à l’autre.
Comment en est-on arrivé là ?
Nous ne comprenons plus rien à votre stratégie de gestion de crise. Nous déplorons l’absence d’une méthode coordonnée. Nous ne savons même plus qui pilote. S’il existe bien des voitures à deux volants, lorsque l’on se sert des deux en même temps, c’est l’accident !
Monsieur le Premier ministre, soit vous n’étiez pas informé des déclarations du Président de la République hier soir, et cela pose le problème de la gouvernance à la tête de l’État, soit vous l’étiez, et vous nous avez dans ce cas raconté des calembredaines, ce qui pose un problème de crédibilité à la tête de l’État.
Comment en est-on arrivé là ?
Certes, la situation sanitaire n’est pas bonne – d’ailleurs, la pression sur le monde hospitalier reste forte –, mais elle s’est considérablement améliorée ces derniers temps…
M. François Patriat. En attendant la troisième vague ?
M. Cédric Vial. … et son évolution nous offre espoir et perspectives.
Tous les ans, l’accueil des touristes en station est une prouesse sanitaire, réalisée sans encombre. Cette année, on attend une fréquentation en baisse de 50 %. Des personnels médicaux saisonniers sont d’ores et déjà prévus dès le 15 décembre prochain. Une politique de tests massive a été prévue par la région et par les départements. Nous pourrions être prêts en toute sécurité.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer que la concertation entre le Gouvernement et les acteurs de la montagne est toujours d’actualité et que la décision sera finalement fondée sur des éléments objectifs plutôt que sur des appréciations à l’emporte-pièce ? (Vifs applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Vial, nous mesurons tous la déception que vous exprimez : je la mesure tout particulièrement, comme la colère, qui éclate parfois.
Il y a une heure encore, j’étais en réunion avec le président des domaines skiables, les représentants de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) et des écoles des skis pour préparer la suite.
Voilà plusieurs semaines que nous travaillons ensemble : j’ai pu mesurer combien les acteurs du monde de la montagne sont sérieux et responsables… (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Rémy Pointereau. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ils veulent simplement travailler : ils ne sont pas en cause !
Ce qui est en cause, c’est la situation sanitaire, qui, même si elle s’améliore, demeure très tendue.
Ce qui est en cause, c’est aussi l’évolution des intentions des États voisins.
M. Jacques Grosperrin. Les skieurs iront en Suisse !
Mme Anne Chain-Larché. Et la Suisse ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ces intentions ont été manifestées postérieurement à la réunion tenue par le Premier ministre.
Le Premier ministre a réuni les acteurs lundi dernier. Il a émis le vœu que le travail se poursuive et ce sera bien le cas. Le Président de la République le souhaite aussi.
À la suite des annonces d’hier, nous allons voir s’il est possible d’autoriser telle ou telle activité, comme la raquette. On pourrait également rouvrir les jardins d’enfants en plein air… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Il faut s’adapter !
Mme Sophie Primas. Et le ski, ce sera en Suisse !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Ces questions doivent encore être travaillées et discutées. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
En outre, le soutien économique doit être renforcé pour aider les acteurs à faire face à cette situation particulièrement complexe. On le sait : Noël représente 20 % à 25 % de la saison. Ce que nous voulons, c’est préserver le cœur de la saison. De nombreux acteurs l’ont dit : rien ne serait pire que d’ouvrir les stations, puis de devoir les refermer à cause d’une mauvaise évolution.
Nous allons continuer à travailler d’arrache-pied. On pourrait également organiser davantage de classes de neige le moment venu – le Président de la République y est très ouvert. On a besoin de réamorcer la pompe pour que les jeunes redécouvrent la montagne. (Mêmes mouvements.)
En tous les cas, nous allons travailler et nous serons au côté des acteurs de la montagne ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour la réplique.
M. Cédric Vial. Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas sérieux !
La concurrence n’est pas en Allemagne ou en Italie. Elle est en Autriche et en Suisse : ces deux pays ont pris la décision d’ouvrir leurs stations. Nos compatriotes vont s’empresser de s’y rendre et nous devrons ensuite gérer le retour de cette clientèle française, alors même que, notamment en Suisse, la situation sanitaire y est pire qu’en France aujourd’hui ! (Très bien ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
situation économique et financière des outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ‘ia ora na !
La crise sanitaire n’épargne pas les outre-mer en général et je crains fort que nous ne soyons les oubliés de la République.
Demain, le gouvernement polynésien déposera son projet de budget 2021 à l’assemblée de Polynésie française. De son côté, le Sénat examinera la mission « Plan de relance » du projet de loi de finances pour 2021. Or je n’y retrouve pas la traduction des engagements de l’État à l’égard de ma collectivité.
En premier lieu, je constate l’absence des 12 millions d’euros se rapportant à la convention État-pays relative à la santé et à la solidarité. Pourtant, garantir un niveau d’accès aux soins pour l’ensemble des citoyens français du Pacifique est un impératif.
En second lieu, un second prêt garanti par l’État pour l’exercice 2021 est attendu.
Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 n’offre aucune visibilité quant au montant réservé à la Polynésie française. Le tourisme demeure le premier moteur de notre économie. Or ce vecteur pourvoyeur d’emplois est en berne depuis vos annonces du 30 octobre dernier.
Quelles mesures immédiates envisager pour maintenir nos emplois liés au tourisme ? L’État tiendra-t-il ses engagements envers ma collectivité ou devons-nous conclure que nos statuts spécifiques d’autonomie constituent une limite, et non le gage d’une confiance réciproque entre l’État et ses collectivités d’outre-mer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler la violence avec laquelle l’épidémie sévit dans les différents outre-mer, singulièrement dans votre territoire.
Je saisis cette occasion pour saluer publiquement, au nom du Gouvernement, la manière dont nous travaillons avec Édouard Fritch, président de la Polynésie française. La qualité de cette collaboration et la maturité des décisions prises nous permettent de faire au mieux. Ce territoire est grand comme l’Europe et les décisions y sont évidemment parfois difficiles à prendre.
Sur le terrain financier, la solidarité nationale a largement été mobilisée grâce au vote de l’ensemble des parlementaires. Parfois, les domaines concernés relèvent non de l’État, mais du pays. Je pense notamment au fonds de solidarité pour les entreprises : déployé depuis le mois de mars dernier, ce fonds atteint aujourd’hui 63 millions d’euros. Les prêts garantis par l’État représentent 435 millions d’euros, destinés, entre autres secteurs, au transport aérien. S’y ajoutent un premier prêt au pays de 240 millions d’euros ainsi que des prêts spécifiques.
Pour répondre très précisément à votre question, nous allons poursuivre cet effort de solidarité. Si vous ne le savez pas déjà, le président Fritch, lui, le sait : nous envisageons un nouveau prêt pour le pays. Il faut documenter les besoins en trésorerie de la Polynésie française, afin de les évaluer précisément.
En parallèle, M. le Premier ministre s’y est engagé devant vous et devant une délégation polynésienne, et je m’y suis engagé moi-même, la convention relative à la santé et à la solidarité sera efficace et effective. C’est le cas pour 2020, ce le sera également pour 2021. Si vous n’en trouvez pas trace dans la mission « Plan de relance », c’est parce que ces sommes figurent au programme 123, dont le Sénat débattra dans quelques jours.
Nous poursuivrons donc bien l’effort de solidarité engagé au mois de mars dernier. Il n’y a aucune raison d’en douter, madame la sénatrice, et le président Fritch le sait.
Enfin, vous m’interrogez sur les compétences et me demandez si l’autonomie n’empêche pas la solidarité. Les situations de crise et d’urgence sont un enjeu tout à fait spécifique. C’est peut-être une réflexion dont le Sénat peut s’emparer, y compris en se penchant sur les questions de fiscalité, car de telles interventions, notamment l’accompagnement des entreprises, renvoient à la question fiscale. En tout cas, nous sommes prêts à répondre à vos attentes et à vos questions sur ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour la réplique.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le ministre, reconnaissez que l’on s’y perd parfois un peu. Entre les paroles et les actes, il y a tout de même une différence ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Ma question s’adresse à Mme le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame le ministre, jusqu’à présent, malgré les pétitions de principe réitérées comme pour conjurer la réalité vécue sur le terrain par les élus locaux, la crise du covid a été le triomphe du jacobinisme.
C’est à Paris que tout se décide, un point c’est tout.
M. François Patriat. Encore ?
M. Laurent Burgoa. Cette vision totalement verticale du pouvoir a conduit un grand journal allemand à renommer la France l’« Absurdistan ».
M. Julien Bargeton. Oh !
M. Laurent Burgoa. Ces dernières heures, le rythme s’est même accéléré. Hier, le Président de la République déclare que trente personnes pourront participer aux offices religieux et, pas plus tard que ce matin, nous apprenons que vous revenez déjà sur cette annonce. (M. David Assouline s’exclame.)
Une telle absurdité ne se serait pas produite si vous aviez laissé les autorités locales – maires et préfets – adapter les mesures en fonction de leur territoire.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Eh oui !
M. Laurent Burgoa. La période peu glorieuse de pénurie de masques a pourtant montré que la proximité trouvait des solutions là où l’hypercentralisation restait impuissante.
Pour être efficace, la lutte contre la pandémie aurait dû et doit être menée en lien étroit avec les maires. Les Premiers ministres qui se sont succédé en ont fait des éléments de discours, mais le couple préfet-maire n’a jamais eu les moyens de fonctionner réellement.
M. Laurent Burgoa. Le Président de la République l’a redit hier, comme si la crise ne faisait que commencer : le couple préfet-maire, c’est la solution. En réalité, il n’y a jamais eu coconstruction et les maires sont souvent considérés comme des exécutants sans marge de manœuvre.
M. François Patriat. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent Burgoa. Une étude récente, réalisée en partenariat avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), a d’ailleurs montré qu’une majorité de maires dressaient un constat négatif de leur relation avec l’État.
Madame le ministre, vous êtes chargée des relations avec les collectivités locales : comment expliquez-vous ces résultats ? Comment comptez-vous faire en sorte que les maires soient pleinement associés aux décisions qui concernent leur territoire, qu’ils connaissent mieux que personne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, commençons par le commencement : nous sommes en pleine crise sanitaire et, vous le savez, c’est l’État qui est responsable. C’est lui qui gère la crise sanitaire sur le territoire. Même M. Baroin ne cesse de le répéter au fil de ses déclarations. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ensuite, en matière de sondages, je n’ai pas les mêmes sources que vous. Pour ma part, j’ai lu un excellent petit papier publié par l’Association des maires de France – elle aurait dû tenir son congrès aujourd’hui, mais ce n’est bien sûr pas possible.
M. Roger Karoutchi. Ah, ça…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’AMF a confié un sondage d’opinion au centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Mme Françoise Gatel. Exactement !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. À la question « Êtes-vous content de votre relation avec votre préfet ? », 68 % des maires – je cite de mémoire, mais je ne crois pas me tromper – se déclarent satisfaits de leur relation avec leur préfet ; j’ajoute bien sûr les sous-préfets, car il faut considérer le corps préfectoral dans son ensemble.
Enfin, c’est le Premier ministre qui a mis en avant le couple préfet-maire, et pour cause ! Les politiques publiques menées dans les territoires n’auraient aucune efficacité sans cette alliance. Elle est absolument indispensable dans de nombreux domaines, a fortiori face à la crise sanitaire.
Tous les jours, je suis en relation avec les préfets et avec les élus locaux. Tous les jours, je mène des concertations avec toutes les strates de collectivités territoriales. Hier encore, nous avons discuté des tests antigéniques, actuellement développés dans les territoires grâce au partenariat des maires et des préfets, car il n’y a pas d’autre solution.
Monsieur le sénateur, vos critiques sont donc tout à fait fausses : la concertation existe et l’action dans les territoires existe ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
précarité des étudiants
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le président des Restos du cœur, Patrice Blanc, s’est dit bouleversé par l’image de jeunes « arrivant aux Restos du cœur avec leur tenue Uber Eats. Ils apportent à manger, mais n’ont pas de quoi manger pour eux ».
Monsieur le Premier ministre, je tenais à vous parler d’un sujet qui me tient à cœur, qui nous tient à cœur, qui engage notre pays et son avenir : la situation de notre jeunesse.
La crise de la covid-19 a encore dégradé les conditions de vie des jeunes.
Le chômage des actifs de moins de 25 ans a bondi et pourrait dépasser les 30 % d’ici à la fin de l’année. Un jeune de moins de 25 ans sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Les épiceries sociales sont débordées. Les soins médicaux sont un luxe pour nombre d’entre eux.
Cette génération, qui consent tous les sacrifices, souffre terriblement. Elle ne connaîtra en retour qu’un marché de l’emploi très difficile, voire inaccessible. Pourtant, les jeunes bénéficient moins des mesures de solidarité et sont exclus des principaux dispositifs de lutte contre la pauvreté, comme le revenu de solidarité active (RSA).
La France tourne-t-elle le dos à sa jeunesse ? Je vous pose la question.
Votre plan Jeunes, modeste compilation de vieilles recettes, n’apporte que peu de réponses à cette urgence.
Est-ce la bonne démarche ? L’horizon proposé à la jeunesse ne peut pas se résumer à l’emploi. Il est temps de repenser les politiques publiques en faveur de la jeunesse dans une approche globale et transversale. Il est temps de considérer les jeunes comme une chance, comme le socle de notre avenir et non seulement comme des victimes ou comme une menace.
Face à la violence de la situation actuelle, qui frappe encore plus durement les jeunes, comment allez-vous répondre à l’urgence et redonner un avenir à notre jeunesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Cardon, la précarité de la jeunesse est une réalité. La nier ou la sous-estimer serait une erreur. S’y résigner serait une erreur plus grave encore. C’est pourquoi, depuis le début de cette crise, le Gouvernement actionne de très nombreux leviers, notamment pour soutenir les étudiants.
Ainsi, pendant le premier confinement, plus de 19 millions d’euros ont été dédiés aux étudiants les plus précaires sous forme d’aides numériques, alimentaires ou encore sanitaires, en particulier en faveur des jeunes femmes.
Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont assuré un accompagnement remarquable, à l’instar des établissements. Nous avons également mis en place un ensemble de mesures, comme le versement de 200 euros pour tous ceux qui avaient perdu leur job étudiant ou la prolongation des bourses sur critères sociaux pour ceux dont les examens avaient été retardés.
Alors que nous connaissons un deuxième confinement, le Premier ministre a annoncé un plan inédit, intitulé « 1 jeune, 1 solution ».
Nous y avons travaillé en interministériel. Il permet notamment aux entreprises de maintenir l’apprentissage. En 2020, les résultats obtenus en la matière seront finalement meilleurs qu’en 2019, qui était déjà une année exceptionnelle pour l’apprentissage.
Ce plan, c’est l’aide à l’embauche des jeunes par les entreprises au travers d’un soutien aux premiers contrats de travail. C’est aussi un versement de 150 euros à chaque étudiant boursier et à chaque jeune bénéficiaire des aides personnalisées au logement (APL), qui sera effectué dans quelques jours. C’est le ticket de restaurant universitaire à 1 euro, grâce, une nouvelle fois, à la mobilisation exceptionnelle des Crous : ces centres prennent les commandes des jeunes et font en sorte qu’ils aient des repas équilibrés, faciles à réchauffer. Ils leur fournissent même plusieurs repas à la fois pour leur éviter de se déplacer plusieurs fois par jour.
Oui, la précarité est une réalité. Elle dure depuis longtemps. Nous travaillons pour y faire face et nous proposons des solutions globales, en lien avec toutes les associations ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, le plan « 1 jeune, 1 solution » ne répond pas à l’urgence et reste largement sous-dimensionné.
Toutefois, vous aurez une occasion de vous rattraper : les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous donnent rendez-vous dans quelques semaines pour l’examen de leur proposition de loi relative aux droits nouveaux dès 18 ans. Ils y défendent une perspective universelle et plus structurelle, avec le projet d’aide individuelle à l’émancipation ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
conséquences psychologiques de la crise sur les étudiants
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, alors que nous sommes encore au cœur de la deuxième vague de covid-19, c’est une véritable lame de fond, aux effets potentiels sévères, qui est en train de se former. L’enjeu, c’est la santé des Français, en particulier celle des jeunes.
Après une dernière année de lycée largement tronquée, les nouveaux étudiants abordent le virage important de l’entrée dans les études supérieures dans des conditions extrêmement dégradées.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Stéphane Piednoir. L’absence de cours en présentiel, qui devrait durer deux mois encore, accroît considérablement la durée d’exposition aux écrans. Celle-ci dépasse parfois les dix heures par jour. Elle va de pair avec une inactivité physique qui interroge, alors même que, dans un récent avis, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) alerte les pouvoirs publics sur les risques sanitaires inhérents à ce type de comportements.
Mauvaises habitudes alimentaires, obésité, anxiété, troubles du sommeil : toutes ces conséquences sont bien identifiées. Aujourd’hui, un certain nombre d’étudiants avouent être en situation de fragilité psychologique du fait d’une brutale rupture sociale. Ils ont quitté depuis peu un cocon familial protecteur et n’ont pas encore eu le temps de construire un réseau d’amis dans leur nouvel environnement.
D’ailleurs, les services de santé universitaires (SSU) donnent l’alerte. En cette période propice au décrochage, entre la Toussaint et Noël, ils reçoivent de fréquents appels à l’aide ; un accompagnement psychologique de proximité est nécessaire. Malheureusement, celui-ci n’existe que rarement sur le terrain.
Certes, le Premier ministre a annoncé récemment le déploiement de 1 600 emplois étudiants dans les cités universitaires, mais, par définition, seuls sont concernés les résidents de ces structures, soit seulement 7 % des étudiants.
Madame la ministre, que prévoyez-vous de faire pour les 93 % restants ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Piednoir, vous soulevez vous aussi une question d’une grande importance, y compris pour l’avenir de notre pays.
Si les jeunes vivent eux aussi cette crise et sont soumis à ses aléas psychologiques, comme l’ensemble de la population, les effets de celle-ci sont parfois plus graves sur eux, car ils sont en train de se construire. C’est aussi un risque pour notre avenir ; il y va de leur confiance en notre pays et dans la société en général. Celle-ci doit être en mesure de les accompagner.
C’est pourquoi plusieurs dispositifs ont été mis en place.
Vous évoquez les 1 600 étudiants référents dans les cités universitaires : 600 d’entre eux sont déjà au travail et 400 sont en cours de recrutement. En l’espace de trois semaines, ces 1 600 emplois seront pourvus.
De surcroît, les établissements d’enseignement supérieur ont recruté 30 000 tuteurs pour accompagner les jeunes qui – vous le soulignez vous-même – ont pu connaître une fin de terminale compliquée et dont les débuts dans l’enseignement supérieur sont tout aussi compliqués.
En réalité, la difficulté, c’est de convaincre les étudiants de l’importance de la prévention. Ils ont parfois tendance à l’oublier, tant ils se sentent jeunes et en bonne santé.
Depuis plus de trois ans, nous menons un travail de fond avec le ministère des solidarités et de la santé au sujet de la prévention, sous toutes ses formes. Je pense notamment à la santé mentale.
Il faut que les jeunes osent dire qu’ils ne vont pas bien. Or ils ne le disent jamais mieux qu’à d’autres jeunes. C’est pourquoi nous avons mis en place les services sanitaires : ces équipes pluridisciplinaires composées d’étudiants en santé peuvent aller à la rencontre de ces jeunes. C’est pourquoi les SSU sont à pied d’œuvre. C’est pourquoi plus de trente-six maisons de santé ont été ouvertes au sein des universités : ainsi, les jeunes disposent de relais auprès d’autres jeunes afin d’être dirigés vers des professionnels de santé.
Une nouvelle fois, je tiens à saluer le travail mené par les SSU, par les associations, par les bénévoles, par tous ceux qui nous permettent de donner un avenir à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, nous dressons le même constat au sujet de l’isolement et de la fragilité des étudiants. J’entends qu’ils s’ouvrent plus volontiers à des jeunes du même âge.
Néanmoins, notre enseignement supérieur souffre d’un manque de moyens humains. Ainsi, la France compte 1 psychologue pour 30 000 étudiants, alors que le ratio est de 1 pour 4 000 dans d’autres pays. Il est peut-être temps de s’interroger sur ces sujets ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
évacuation de la zad du carnet