M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année dernière, à cette tribune, je regrettais la réduction des moyens de cette mission, dans la droite ligne de la saignée infligée à ce ministère depuis plus de vingt ans.
Nous nous lamentions, sur toutes les travées, du fait que, en adoptant un budget continuellement en baisse, nous choisissions de dégrader la qualité du service public rendu dans nos consulats et que nous affaiblissions l’image de notre culture et de notre langue, portées par notre réseau de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et de la Mission laïque française (MLF), par nos instituts français, par nos alliances françaises et par nos instituts de recherche. Très naturellement, vous défendiez, par solidarité gouvernementale, les arbitrages rendus.
En 2018, nous avions voté contre la suppression de 33 millions d’euros de crédits, qui a déstabilisé les établissements de l’AEFE, et contre la suppression de plus de 240 postes sur deux ans ; nous refusions de voter un budget qui ne fût pas à la hauteur de nos ambitions, et nous ne voulions pas donner raison à Bercy, qui demande chaque année de nouvelles économies. Nous souhaitions également faire montre de notre solidarité à l’égard du personnel, à qui l’on demande de faire toujours plus avec des moyens réduits.
Avons-nous été entendus ou, tout simplement, la crise sanitaire a-t-elle suspendu les coupes ? Quoi qu’il en soit, notre ambition demeure la même : préserver nos moyens, voire les consolider, au travers des amendements que nous proposerons.
Quand vous nous annoncez, cette année, monsieur le ministre, une stabilisation du budget, l’abandon définitif des suppressions de postes grâce au renoncement au plan Action publique 2022, confirmé lors de votre audition par la commission, voire l’augmentation de certaines lignes budgétaires, grâce notamment aux reports des crédits prévus dans la troisième loi de finances rectificative, ou LFR 3, et non consommés, nous ne pouvons que nous en réjouir. Notre vote sur les crédits de cette mission le prouvera ; Rémi Féraud l’a déjà indiqué.
Nous espérons sincèrement que le virage budgétaire que vous venez d’amorcer s’inscrira dans le temps. Vous pourrez compter sur nous pour soutenir cette évolution ; nous pouvons même rêver d’embauches et d’augmentations pérennes de crédits dans les prochains PLF…
Nous saluons la hausse de 3,65 % des crédits du programme 105. Ce budget permet d’augmenter les contributions volontaires, les travaux de sécurisation de nos postes et l’entretien de notre patrimoine ; autant de démarches bienvenues. Seul regret : il reste peu de crédits pour les postes.
Toutefois, je tiens à saluer l’effort budgétaire particulier, qui s’inscrit dans la lignée des gouvernements du quinquennat de François Hollande, pendant lequel la sécurité passive de nos entreprises est devenue prioritaire, puisque 204 millions d’euros lui ont été affectés depuis 2015 ; un réel effort avait déjà été consenti dès 2013 pour le centre de crise.
Je tiens tout particulièrement à saluer le rôle des membres des comités de sécurité et de nos élus locaux, qui se réunissent pour répondre au mieux aux situations locales. Nous pensons néanmoins que des progrès peuvent encore être réalisés en matière de réactivité et de communication en cas d’attaque.
Les crédits du programme 151 sont stables. La légère hausse que l’on peut observer est due au report de crédits non utilisés en 2020.
Le maintien, à 102 millions d’euros, de la dotation dédiée aux bourses scolaires ne permettait pas d’anticiper les difficultés économiques que connaissent les familles en raison de la crise sanitaire. Il est donc heureux qu’une enveloppe de 30 millions d’euros, adoptée dans le cadre de l’examen de la LFR et non utilisée, s’y ajoute.
En effet, les impayés de ce trimestre commencent à déstabiliser les budgets, déjà fragiles, des établissements scolaires de l’AEFE et de la MLF et nous laissent craindre le pire pour l’équilibre financier de ces établissements, aux deuxième et troisième trimestres de l’année scolaire en cours. Enfin, ne relâchons pas nos efforts pour soutenir notre réseau d’écoles francophones et nos établissements de la MLF au Liban.
Nous saluons également l’ouverture, pour la première fois, de l’aide aux familles étrangères, qui constituent les deux tiers des effectifs, avec un bémol : celui de la sous-consommation des crédits et de leur non-reconduction en 2021. Les critères ont paru suffisamment intrusifs pour que beaucoup de familles renoncent à déposer un dossier. En outre, les instructions sont arrivées parfois trop tard dans les postes pour le dépôt des demandes.
Ces dysfonctionnements sont la traduction, dans de nombreux pays, de la faiblesse des effectifs ; le télétravail ne permet pas de couvrir toutes les missions. Nos compatriotes du collectif Love is not tourism, séparés de leurs conjoints, en ont été premières victimes, eu égard à la longueur de traitement de leurs demandes.
Pour ce qui est des aides sociales exceptionnelles, force est de constater que, en raison d’un cadrage trop serré des conditions d’éligibilité aux aides, les crédits débloqués n’ont pas été utilisés à la hauteur des besoins. Seuls 2,5 millions d’euros ont été versés, grâce à la révision des critères d’attribution, alors que, nous le savons, nombre de nos compatriotes se trouvent dans une situation très précaire, les femmes étant particulièrement touchées.
Tout comme pour les critères d’obtention des bourses, il me semble urgent de reconsidérer les documents et les informations à exiger des demandeurs ; beaucoup d’entre eux ont fait appel à leurs économies, mais ils risquent de se tourner de plus en plus vers le secours occasionnel. Pour y répondre, les organismes locaux d’entraide sociale, ou OLES, préexistants ou créés à cette occasion, ont joué un rôle essentiel.
Néanmoins, comme ces organismes n’existent pas dans tous les pays, nous pensons que le basculement des crédits du soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, le Stafe, vers les OLES doit demeurer exceptionnel, d’autant que l’allocation de cet argent public échappe totalement au contrôle des conseils consulaires.
Je souhaite aborder maintenant la question des élections consulaires, reprogrammées en mai 2021. Pour désigner les 443 futurs conseillers des Français de l’étranger, près de 1, million de nos compatriotes seront appelés à voter, en présence ou par voie électronique. Or il semblerait que, pour des raisons de sous-effectifs, mais également d’économies, il ait été demandé aux postes de réduire le nombre de bureaux de vote.
Si le vote physique est déjà compliqué par la situation sanitaire, comment s’assurer que ces élections se dérouleront dans des conditions satisfaisantes, si, en plus, on demande aux électeurs de parcourir des dizaines de kilomètres pour voter à l’urne ?
On ne peut pas non plus compter sur le seul vote électronique, qui se heurte, en certains endroits, à la fracture numérique et à une incertitude quant à l’organisation optimale du vote par la société retenue. Dans le contexte actuel, cela va de soi, le renforcement de l’efficience du dispositif de vote électronique doit être garanti sur tous les continents.
Enfin, le budget du programme 185 est stable, avec des évolutions contrastées. Nous déplorons tout d’abord que les établissements de l’AEFE ne bénéficient pas, avec 71 postes de moins cette année, du gel des suppressions de postes. Les conséquences ne sont pas nulles ; la charge de la masse salariale basculera sur les établissements, qui sont déjà en grande difficulté, puisque les postes de résidents ou de détachés sont transformés en des postes de recrutés locaux.
La crise sanitaire frappe également de plein fouet le réseau de nos alliances françaises. Les 2 millions d’euros déployés ont certainement évité des fermetures, mais nous proposons une aide complémentaire, parce que la situation demeure critique.
Rappelons, à ce titre, la pétition intitulée Sauvons les alliances françaises, qui a recueilli, l’été dernier, plus de 10 000 signatures, preuve de l’attachement des francophiles du monde à ce réseau.
Quant aux instituts français, dont le budget est stable par rapport à la loi de finances pour 2020, nous pensons qu’un fonds d’urgence les aiderait à traverser la crise. Ils ont puisé dans leur fonds de roulement, mais leur situation demeure extrêmement fragile. Nous avons l’immense honneur de posséder le premier réseau culturel au monde ; protégeons-le, chérissons-le !
Pour conclure, je veux rendre hommage à la mobilisation de l’ensemble du personnel – titulaires, contractuels ou recrutés locaux – de votre ministère, en poste à l’étranger comme en France, à commencer par vous, monsieur le ministre, sans oublier nos conseillers des Français de l’étranger et les associations, qui n’ont pourtant pas été épargnés.
Cette mobilisation de nos réseaux et de nos relais locaux a permis le retour de plus de 370 000 Français. Elle assure la sécurité tant de nos ressortissants que de nos représentations. Elle fait vivre la citoyenneté de nos compatriotes, grâce au service public de nos consulats et aux élections qu’elle permet d’organiser. Elle fait partager nos valeurs et notre langue dans notre réseau culturel et éducatif. Elle aide au développement des pays où nous sommes présents.
L’une des leçons à tirer de la crise sanitaire qui nous touche est l’utilité d’un service public solide, qui protège et apporte son soutien quand tout semble s’écrouler.
On ne peut pas compter sur le seul engagement et sur le seul dévouement du personnel, même si ce dernier a démontré qu’il avait su se mobiliser au pic de la crise et révéler ainsi la résilience de nos réseaux diplomatique, consulaire, culturel et éducatif. Donnons-lui donc les moyens de continuer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que, depuis l’examen du dernier PLF, le contexte international ne s’est guère amélioré.
Si l’élection de Joe Biden apporte un apaisement bienvenu à la relation transatlantique, elle n’entraînera sûrement pas le retour aux équilibres antérieurs, détruits par la pandémie mondiale qui a bouleversé notre planète. Les États puissances poussent leurs ambitions nationales dans de nombreux points du globe ; l’exemple des tensions stratégiques causées en Méditerranée orientale par les agissements de la Turquie, dont nous avons longuement débattu ces derniers jours, en est la preuve.
Dans ce monde aux tensions exacerbées, le multilatéralisme, censé réguler la violence des relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale, devient lui-même l’objet d’une compétition ; la course aux postes d’influence s’y fait âpre !
Les règles en sont remises en cause et la place de la France est concurrencée. Ainsi, le poste de secrétaire général adjoint aux opérations de paix, traditionnellement réservé à notre pays, aiguise les appétits de pays qui entendent obtenir un « retour sur contributions ». C’est toutefois oublier la contribution de notre pays à la sécurité internationale, au prix de l’engagement de nos soldats au Sahel.
Or vous savez, monsieur le ministre, combien notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées soutient la prise en compte des dépenses engagées par la France au titre des opérations extérieures, les OPEX, qui bénéficient à la sécurité collective.
Face à ce chaos géostratégique, la modestie des crédits du Quai d’Orsay nous apparaît dans sa cruelle réalité, même si le ministre multiplie, sur tous les fronts, les efforts pour faire entendre la voix de la France dans le monde.
Bien sûr, l’augmentation de plus de 2 % des crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui va dans le bon sens. Nous nous félicitons, monsieur le ministre, d’avoir été entendus sur plusieurs points, je voulais vous en faire part ; plusieurs évolutions que nous appelions de nos vœux ont été prises en considération.
Je pense en premier lieu à l’arrêt de la réforme Action publique 2022, qui prévoyait une importante réduction du personnel dans le cadre de la mutualisation des effectifs à l’étranger.
Cette réforme, réalisée à 80 %, est enfin interrompue, car vous avez bien voulu tirer les leçons de la pandémie ; les agents de votre ministère, éprouvés par cette réforme, ont été essentiels pour le rapatriement des 370 000 Français coincés à l’étranger lors de la première vague de la covid.
Je souhaite, moi aussi, leur rendre un hommage appuyé, car ils ont été formidables – les témoignages se sont multipliés en ce sens –, et j’aimerais que vous puissiez leur transmettre l’expression de l’admiration de la commission pour le travail extraordinaire qu’ils ont accompli. (MM. Olivier Cadic et Philippe Bas applaudissent. – M. le ministre opine.)
Les postes de présence diplomatique, au nombre de vingt-cinq, ont montré leurs limites. Ils ne sont fonctionnels qu’avec l’appui des réseaux régionaux, qui ne peuvent se déployer réellement que lorsque les transports aériens fonctionnent ; or ceux-ci sont interrompus, et cette réduction de format ne peut être étendue sans remettre en cause l’universalité de notre réseau.
Nous recommandions également la « sincérisation » des crédits de cette mission, par la mise en place de mécanismes de couverture du risque de change et d’inflation, afin de couvrir les effets de l’érosion monétaire locale sur les frais de location et sur la rémunération des agents de droit local, plus nombreux du fait de la réforme Action publique 2022. C’est chose faite, et nous en sommes satisfaits.
Néanmoins, des points d’attention subsistent, que nos rapporteurs ont détaillés. Le programme 151, qui vise le soutien à nos compatriotes vivant à l’étranger et fragilisés par la crise, pose la question du report des crédits en 2021. Nous demeurons préoccupés par la situation des 300 000 Français qui résident au Royaume-Uni, à la veille d’un Brexit difficile ; cela retient également toute notre attention.
Les ambitions portées par le programme 185 sont élevées et nous les encourageons. Le doublement du nombre d’élèves dans les écoles et lycées français à l’étranger, annoncé en 2017 par le Président de la République, nécessite des moyens qui ne sont toujours pas au rendez-vous, malgré vos engagements, monsieur le ministre.
C’est pourtant un volet essentiel de la politique de développement de la francophonie, à laquelle nous sommes tous attachés. Notre réseau éducatif à l’étranger a été fragilisé par la pandémie ; des mesures fortes sont donc attendues. À cela s’ajoute le défi de la sécurisation de ce parc immobilier.
Tout cela implique des modalités d’intervention peu évidentes, alors que le risque terroriste croît partout et que le sentiment anti-français augmente dans le monde musulman ; nous avons eu l’occasion de le constater ensemble récemment.
Nos concitoyens sont devenus des cibles, y compris sur le territoire national, de même que tous ceux qui travaillent pour la France à l’étranger – je pense notamment à nos agents de droit local – et les bâtiments et symboles français. La protection de nos représentations doit être assurée.
La rebudgétisation des crédits de sécurisation et d’entretien va dans le bon sens, mais le niveau est encore insuffisant au regard des besoins et des recommandations de notre commission. Il manque entre 20 millions et 40 millions d’euros pour l’entretien lourd des bâtiments.
Les dépenses de sécurisation sont également loin d’avoir retrouvé le niveau préalable à leur basculement sur le compte d’affectation spéciale et à la mise en place d’un système de Gribouille : on vend parfois des immeubles pour sécuriser et entretenir ceux qui ne sont pas encore vendus. (M. Bruno Sido s’esclaffe.) Une telle absurdité ne laisse pas de susciter des interrogations.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Christian Cambon. Comment peut-on ne pas sérieusement s’interroger face au projet de vente de bâtiments et de terrains, pour 143 millions d’euros, en 2021, pour rembourser les dépenses de sécurisation ? La pandémie a bloqué la plupart des ventes envisagées cette année, ce qui rend irréalistes les prévisions et le rythme envisagé de remboursement des avances au compte d’affectation spéciale.
Cette politique conduisant à l’appauvrissement de l’État doit cesser ! Je pense que vous-même en êtes convaincu, monsieur le ministre ; vous avez donné un coup d’arrêt aux politiques antérieures en ce domaine ; nous vous en savons gré, mais nous vous invitons à mener une négociation budgétaire très ferme sur ce point. Vous le savez, nous vous soutiendrons.
Je veux néanmoins vous dire, au nom du groupe Les Républicains, mais aussi de la commission des affaires étrangères, que nous vous soutiendrons pour ce budget, en mémoire du comportement extraordinaire de l’ensemble de vos agents, ainsi que du vôtre, monsieur le ministre.
Nous souhaitons vous adresser nos encouragements, car nous savons combien, dans les moments difficiles de crises multiples que nous traversons et que vous gérez, votre engagement personnel est la garantie pour nous tous que les intérêts supérieurs de la France seront défendus.
Nous voterons donc ce budget. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise pandémique a fortement affecté la vie de la communauté française à l’étranger.
Permettez-moi de rendre hommage aux conseillers des Français de l’étranger, ainsi qu’au personnel des postes diplomatiques ou consulaires, qui viennent en aide à nos compatriotes en difficulté avec un grand dévouement, qui ont été particulièrement sollicités et qui ont répondu au-delà de toute attente.
Alors que la crise perdure, il faut être vigilant à l’égard de nos compatriotes expatriés les plus fragiles. Un secours occasionnel de solidarité leur a été attribué par le plan de soutien. Nous avions adopté des crédits de 50 millions d’euros, mais seulement 5 millions d’euros ont été consommés par près de 20 000 bénéficiaires, alors que nombre de nos compatriotes m’ont fait part de leur extrême précarité et de leur difficulté à conserver un emploi et à payer leur loyer, la scolarité de leurs enfants et leurs assurances, bref, le quotidien.
Les critères d’attribution, totalement opaques et ne tenant pas compte des situations individuelles, sont évidemment la cause d’une si faible consommation des crédits. Le reliquat devrait être ajouté au budget de 2021 et les critères devraient être revus. En 2021, la dotation pour les affaires sociales s’élèvera à 20 millions d’euros, traduisant une hausse de 17 % par rapport à 2020.
Je souhaite également appeler votre attention sur les crédits des OLES. La dotation de 410 000 euros qui leur est dédiée reste stable par rapport à 2020, alors que ces organismes ont été fortement sollicités pour venir en aide à nos compatriotes fragilisés par la crise sanitaire. Ce montant aurait dû être réévalué.
Le réseau scolaire à l’étranger a été fortement affecté par la crise, mais il s’est montré résilient. On compte actuellement 531 établissements dans le réseau, soit 13 de plus que l’an passé.
Avec 365 000 élèves à la rentrée de 2020, les effectifs de l’enseignement français à l’étranger, l’EFE, ne diminuent, malgré la crise, que de 1 %. Quelque 65 % des établissements accueillaient leurs élèves en présence, 20 % à distance et 15 % en mode mixte. Le budget de l’AEFE s’élèvera à 1 milliard d’euros, dont 417,1 millions d’euros de subvention ; il augmente de 9 millions d’euros pour financer la sécurisation des emprises immobilières.
D’autre part, il a été constaté que l’on continue de transformer les postes de résidents en contrats de droit local, pour de simples raisons d’économies budgétaires, sans suffisamment tenir compte de l’expertise des enseignants ; c’est regrettable.
En ce qui concerne les aides à la scolarité, sur les 50 millions d’euros du plan de soutien, seuls 10 millions d’euros ont été dépensés ; j’espère que les 40 millions d’euros restants seront ajoutés au budget de 2021.
On observe une stagnation des crédits affectés aux bourses, en 2021, avec 105 millions d’euros. Cette stagnation s’explique par un assouplissement insuffisant des critères d’attribution, alors que de nombreuses familles sont frappées de plein fouet par la crise ; aucun enfant français ne devrait être exclu du système scolaire pour des raisons financières.
Sur les 50 millions d’euros de crédits du plan de soutien en faveur des établissements, environ la moitié a été consommée, l’essentiel étant consacré aux établissements du Liban, terriblement affectés par l’explosion intervenue à Beyrouth. Là encore se pose la question du report des crédits non consommés au budget de 2021.
Le Président de la République a lancé un plan de développement de l’enseignement français à l’étranger. Pour y donner suite, l’AEFE a notamment besoin de retrouver sa capacité d’emprunt, afin de financer les projets immobiliers des établissements en gestion directe, au-delà des douze mois actuellement autorisés. Cette durée devrait être prolongée afin d’éviter de faire supporter la charge immobilière aux parents, via l’augmentation des frais de scolarité.
Pour ce qui concerne l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’Anefe, je m’interroge sur le remplacement des dispositions actuelles relatives aux prêts aux établissements pour leurs investissements immobiliers. En quarante-cinq ans d’existence, après 169 prêts garantis, le dispositif de l’Anefe n’a jamais rien coûté l’État, ni en garantie ni en fonctionnement. Jamais l’État n’a été appelé en garantie !
De plus, le régime de l’Anefe présentait l’avantage de la rapidité d’instruction et de décision sur les dossiers. Il est urgent de savoir ce qui sera mis en place pour les nouveaux crédits ; espérons que le futur dispositif sera aussi efficace et économe que celui qui existe actuellement, au travers de l’Anefe.
À la rentrée de 2020, quelque 577 alliances françaises, soit plus des deux tiers d’entre elles, étaient encore fermées au public ou en cessation d’activité et risquent de ne pas rouvrir si aucune aide ne leur est apportée. C’est une perte considérable pour la diffusion de la langue française et le rayonnement de la France.
J’en viens maintenant à un sujet de préoccupation essentiel : les entreprises françaises créées localement par nos compatriotes expatriés, essentiellement des PME ou TPE, ont été les grandes oubliées du plan de relance.
Aucune aide ne leur a été accordée, alors que leur contribution au développement de notre commerce extérieur et au rayonnement de la France est indéniable. Serge Babary, le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, m’a confié une « mission flash », avec l’organisation de plusieurs tables rondes réunissant les acteurs du commerce extérieur et du financement international des entreprises ; je l’en remercie.
À ce jour, il faut bien le constater, rien n’est prévu pour ces entreprises. Si rien n’est fait, des milliers de Français rentreront ruinés dans leur pays ; je pense surtout aux drames familiaux qui en découleront ; des vies seront détruites. Le budget de l’État ne tient pas compte de cette dépense.
Enfin, la question de la sécurité de nos compatriotes à l’étranger est aujourd’hui cruciale. À la suite de l’attentat odieux contre Samuel Paty et des propos tenus sur la légalité des caricatures de Mahomet, des manifestations ont eu lieu contre le Président de la République et notre pays, et le boycott des produits français a été encouragé. Des inquiétudes se font jour face à l’évolution de nos relations avec plusieurs pays musulmans. Tout doit être fait pour la sauvegarde des personnes et des biens de nos compatriotes.
Néanmoins, je suivrai le groupe Les Républicains dans son vote pour ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous, je suis totalement convaincu que la France a besoin d’une diplomatie forte.
La France a besoin d’une diplomatie forte pour faire face à la crise pandémique dans laquelle notre pays et notre continent se trouvent plongés depuis plusieurs mois.
La France a besoin d’une diplomatie forte pour faire face à la menace terroriste qui s’est récemment manifestée aux Français dans son inacceptable violence, sur fond d’une campagne de haine et de manipulation que le président Cambon a rappelée.
La France a besoin d’une diplomatie forte pour, tout simplement, défendre ses intérêts dans un monde brutal, de plus en plus marqué par les rapports de force.
La France a besoin d’une diplomatie forte pour renforcer la souveraineté européenne, essentielle à la sienne propre, et pour mieux affirmer, sur la scène internationale, aux côtés de nos partenaires, un multilatéralisme nouveau, capable d’apporter des réponses collectives et concertées aux défis globaux : la santé, le climat, l’éducation ou encore la sécurité alimentaire.
Pour avoir une telle diplomatie forte, il faut avoir un budget à la hauteur. Notre proposition en la matière me semble, cette année, en nette amélioration, du point de vue tant quantitatif que qualitatif ; je vous remercie de l’avoir reconnu et d’avoir souligné les efforts qu’il a fallu réaliser pour aboutir à cette inversion de tendance, que je vais exposer. Il était indispensable que nous ayons les moyens nécessaires pour que notre diplomatie puisse agir.
Contrairement à ce qu’ont fait certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’entrerai pas ici dans le débat géopolitique. J’ai l’occasion de le faire tous les mois devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de votre assemblée.
Je veux simplement réagir à l’observation de M. Cadic, qui a rappelé qu’il y avait une Amérique du Sud… Cela ne m’avait pas échappé, monsieur le sénateur ! Je veux vous dire que la présence de la France y est très forte, à la fois sur le plan économique et sur le plan éducatif. Nous y avons des réseaux politiques très utiles.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de conflit armé entre deux pays d’Amérique du Sud que ce continent ne fait pas partie de nos préoccupations. Nous y sommes extrêmement présents. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur la situation interne du Venezuela et de la Bolivie. Et nous avons, avec l’ensemble des pays d’Amérique du Sud, des relations très utiles, fructueuses, parfois délicates. De manière générale, la présence de la France sur ce continent est tout à fait essentielle. Nous y veillons de très près.
Je vais revenir maintenant sur les cinq points de ce budget 2021 qui me semblent essentiels. Ils ont tous été évoqués par les différents intervenants, mais je veux les reprendre, dans un souci de clarification.
La première orientation de ce budget consiste en des moyens nouveaux pour une meilleure efficacité de l’action extérieure de l’État.
Ce sont tout d’abord de nouveaux moyens humains, puisque, pour la première fois depuis vingt ans, mon ministère gardera le même nombre d’emplois – voilà vingt ans que les effectifs diminuaient tous les ans !