M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. Merci !
Mme Nathalie Delattre. … ont souligné cette nécessité…
M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. En effet !
Mme Nathalie Delattre. … et le RDSE y est très favorable.
Sur l’orientation géographique, est-il bien opportun, dans les conditions politiques que nous connaissons, de reconduire notre soutien, notamment bilatéral, vers la Turquie ? (M. Vincent Segouin s’exclame.) Il a tout de même représenté 127 millions d’euros en 2018 !
Est-il bien raisonnable de continuer à aider la Chine, qui a enregistré une croissance de 4,9 % au troisième trimestre de 2020 ?
En revanche, le Comité interministériel de coopération internationale et de développement de 2018 a réaffirmé que l’Afrique était le continent à aider en priorité, ce qui n’est pas encore suffisamment le cas.
Doit-on pourtant rappeler que l’Afrique est le continent de tous les défis – démographique, environnemental et démocratique – et que la non-résolution de ces défis en impose un autre, aux portes de l’Europe, le défi migratoire ? Ce débat est urgent, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, en attendant de redéfinir ensemble les contours de la politique de notre aide publique au développement et de répondre à toutes ces questions, le groupe RDSE votera les crédits de cette mission, qui envoient néanmoins des signaux positifs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.)
Mme le président. La parole est à M. Jacques Le Nay. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jacques Le Nay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans la continuité de la hausse des crédits de l’aide publique au développement depuis 2016, après une baisse continue entre 2010 et 2015.
Cette aide enregistre la plus forte hausse relative au budget de l’année 2021. Nous constatons sans équivoque qu’il s’agit d’un effort sans précédent en faveur de la solidarité internationale, effort qui s’inscrit dans le contexte économique actuel, qui pèse lourd sur nos finances publiques.
Le groupe Union Centriste salue l’effort qui contribue à concrétiser l’engagement du Président de la République, celui de rattraper notre retard et d’atteindre 0,55 % du revenu national brut d’ici à 2022. Nous voterons donc les crédits de cette mission.
Nous encourageons le fait que l’aide publique au développement et la réforme de la politique française de développement soient consacrées comme l’une des priorités du quinquennat.
Il va sans dire que la réalisation de cet objectif est essentielle dans le contexte international, contexte où les crises successives et la montée des inégalités ne cessent de s’amplifier et où le multilatéralisme menace de se fissurer.
De même, nous approuvons, bien entendu, que les crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » respectent les conclusions du Conseil interministériel de la coopération et du développement de 2018.
D’une part, la priorité géographique est respectée, avec 73 % des prêts qui doivent bénéficier à la région Afrique-Moyen-Orient.
D’autre part, la priorité sectorielle est aussi constatée dans le contexte de crise sanitaire. Nous remarquons un soutien significatif en faveur de la santé mondiale, avec notamment 60 millions d’euros d’aides budgétaires globales dans le programme 110, 2 millions d’euros pour l’Institut Pasteur et plus de 10 millions d’euros en faveur du Fonds français Muskoka.
Cependant, certains points appellent notre vigilance.
Certaines évolutions relatives aux programmes 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » et 110 « Aide économique et financière au développement » sont à regretter. En effet, ces programmes resserrent les autorisations d’engagement puisqu’elles sont en baisse de 2,1 milliards d’euros, alors que les crédits de paiement sont en hausse de 1,6 milliard d’euros.
La pandémie a démontré la nécessité d’aller au-delà du renforcement du multilatéralisme. Pourtant, ce mouvement conduit à une baisse considérable de l’action Aide économique et financière multilatérale du programme 110. Cette diminution ne nous semble pas cohérente dans le contexte sanitaire que nous subissons.
La raison et le sens commun voudraient que la France se maintienne et conserve sa capacité d’orientation des fonds gérés par les banques multilatérales de développement.
Nous tenons à attirer votre attention sur un autre point. L’impact de la crise sanitaire dans l’aide publique au développement ne doit pas placer la situation d’urgence climatique au second rang de nos préoccupations.
À titre d’exemple, le sud de l’île de Madagascar, que j’ai visité l’an dernier dans le cadre d’une mission interparlementaire, connaît aujourd’hui un épisode de sécheresse exceptionnel menaçant de famine plus d’un million de Malgaches. Cette tragédie imminente nous rappelle l’importance d’annuler la dette des pays les plus vulnérables.
Dans cet élan, des efforts ont été entrepris en concordance avec les engagements du Président de la République. Je fais référence à l’instauration d’un moratoire au service de la dette des pays les plus pauvres.
Quant au Fonds monétaire international, il estime que des actions plus audacieuses sont nécessaires, comme la réduction des intérêts de la dette.
En conclusion, l’action du Gouvernement gagnerait à être mieux hiérarchisée. Elle est cependant toujours définie par cet engagement originel, fixé en 1970 par l’Organisation des Nations unies : celui d’allouer au moins 0,70 % de notre richesse nationale brute à l’aide publique au développement.
Vos efforts doivent tendre vers cet objectif. Nous plaçons donc nos espérances dans le projet de loi de programmation relatif à la politique de développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, très attendu au Parlement.
Aujourd’hui, l’actualité mondiale nous démontre plus que jamais à quel point l’aide publique au développement est cruciale.
Plusieurs pays, plusieurs régions du monde sont en proie à des déséquilibres, qui laissent craindre, dans un futur proche, l’émergence de situations contraires à nos intérêts. Il est important de garder en mémoire que l’aide publique au développement, levier puissant de notre diplomatie, ne pourra répondre à ces défis communs que par la pérennisation d’une large solidarité internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’aide publique au développement connaît cette année une forte augmentation dont nous nous réjouissons, mais qui soulève toutefois deux inquiétudes et deux attentes.
Notre première inquiétude concerne l’Agence française de développement.
Les crédits de paiement délégués à l’AFD augmentent de 154 millions d’euros, soit 26 %. C’est beaucoup. Or, depuis plusieurs années, la forte augmentation des engagements de l’AFD a conduit la commission des affaires étrangères du Sénat à relever que le pilotage de cette agence était insuffisant. Cette analyse a été confirmée il y a quelques mois par un rapport de la Cour des comptes.
Il est donc impératif que le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD soit présenté aux assemblées et que la nouvelle convention-cadre entre l’État et l’AFD soit signée pour fixer le schéma stratégique, mais aussi démocratique, de notre aide publique au développement.
De manière plus générale, il faut rééquilibrer la relation entre l’AFD et ses deux ministères de tutelle – le vôtre, monsieur le ministre, et le ministère des finances –, avec des objectifs clairs et bien définis. Il importe de pouvoir contrôler que les attentes des parlementaires et du Gouvernement sont satisfaites.
Enfin, malgré certains progrès, la question d’une meilleure évaluation des résultats n’est pas résolue et la mise en place d’une commission indépendante d’évaluation paraît plus que jamais nécessaire.
M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. Très bien !
M. André Vallini. Comme l’a démontré Hugues Saury, l’AFD se trouve aujourd’hui dans une situation difficile, qui trouve son origine dans un modèle privilégiant par trop les prêts, ce que souligne notre commission depuis de nombreuses années.
Il est donc impératif de trouver des modalités de financement des pays les plus pauvres qui n’acculent pas, périodiquement, ces derniers à des situations d’endettement insoutenables.
Notre seconde inquiétude porte sur la disparition prochaine du Fonds européen de développement (FED), qui sera fusionné au sein d’un instrument unique de voisinage, de développement et de coopération internationale, avec pour conséquences probables une moindre focalisation sur l’Afrique subsaharienne et, à la demande de plusieurs pays d’Europe du Nord, une attribution plus importante de financement au pays des Balkans.
Les nouveaux instruments comporteront sans doute une part de prêts réservés aux pays africains à revenus intermédiaires davantage qu’aux pays les plus pauvres du continent africain. Il faudra donc que la France veille à préserver la concordance de ces financements européens, auxquels elle va – comme toujours – beaucoup contribuer, avec ses priorités géographiques vers les pays en développement africains les plus pauvres.
Après ces deux inquiétudes, j’exprimerai deux attentes.
La première attente concerne la taxe sur les transactions financières (TTF), dont plusieurs collègues ont déjà parlé. Cette année, son rendement sera plus élevé que prévu – tant mieux ! –, mais la part de cette taxe qui sera consacrée à l’aide publique au développement restera plafonnée, hélas, à 528 millions d’euros.
Parallèlement, la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui alimente aussi le FSD, a vu son rendement s’effondrer du fait de la crise du transport aérien.
Si cette diminution a été compensée par le budget général pour 2021, il serait souhaitable que le dynamisme de la TTF soit mis à profit pour assurer une compensation de la baisse de la TSBA.
Enfin, en ce qui concerne la TTF, nous renouvelons, comme chaque année, notre souhait de voir augmenter son taux de 0,3 % à 0,5 % et allouer 50 % de ses recettes au FSD.
Le seconde attente – de nombreux collègues en ont parlé – concerne la loi d’orientation : elle est attendue, espérée même, et vous l’aviez promise l’année dernière, lors de la discussion budgétaire, monsieur le ministre.
Ce texte devrait permettre à la France de traduire de manière législative les engagements pris par notre pays pour respecter l’agenda 2030 de l’ONU et l’Accord de Paris sur le climat. L’avant-projet a été diffusé à la fin du mois de février 2020, mais sa présentation en conseil des ministres a été depuis sans cesse reportée, sans doute du fait de la crise sanitaire. Il est véritablement temps de présenter dans les tous prochains mois ce projet de loi en conseil des ministres, puis au Parlement.
La société civile impliquée dans les problématiques du développement dans son ensemble dénonce le retard pris par la France et demande qu’une augmentation des crédits budgétaires soit inscrite dans la future loi. Elle demande notamment que les fameux 0,7 % du produit national brut consacrés à l’APD soient inscrits dans le marbre de la loi et deviennent une obligation légale, comme cela a été fait par nos amis britanniques voilà plusieurs années.
En conclusion, ce budget marque une forte augmentation, une volonté soutenue d’accroître l’aide française au développement. Nous en prenons acte avec satisfaction. Nous voterons donc ce projet de budget afin d’encourager le Gouvernement à aller plus loin encore. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un intérêt à intervenir en dernier : on a le sentiment d’écouter plusieurs propos semblables. Tous les ans, d’ailleurs, on entend la même chose…
Nous voudrions, cette année, dire notre satisfaction. Mes collègues l’ont dit amplement, les efforts qui ont été accomplis sont sans précédent en termes d’accroissement des dons de l’AFD, soit plus de 150 millions d’euros. Une augmentation des crédits de 17 %, c’est tout à fait considérable dans la période de grande difficulté budgétaire que nous connaissons.
Pourtant, je suis obligé d’évoquer au nom de mon groupe, et aussi un peu au nom de la commission puisque les rapporteurs pour avis ont évoqué ces sujets, les problèmes qui nous occupent.
Tout d’abord, quelles que soient nos recommandations d’année en année, sur les douze premiers destinataires de notre aide bilatérale, on trouve seulement deux pays d’Afrique subsaharienne, tandis que la Chine caracole en sixième place et que, jusqu’à récemment, nos amis turcs figuraient dans les tous premiers rangs.
Vous me répondrez, monsieur le ministre – et vous aurez raison de le faire –, que cette situation est liée aux normes de comptabilisation de l’aide publique au développement (M. le ministre acquiesce.), qui prennent en compte un certain nombre de dépenses, notamment celles des étudiants étrangers. Cela modifie en effet quelque peu les comptes.
Pour autant, je répète ce que nous vous avons dit de manière quasi unanime : la situation actuelle est illisible. Elle pourrait même paraître choquante aux yeux de nos concitoyens.
Il est véritablement temps de distinguer clairement ce qui relève de l’aide aux pays les plus pauvres et ce qui concerne plutôt le financement du développement durable dans les pays émergents. Ces deux objectifs sont tout à fait recommandables et nécessaires, mais ils ne se confondent pas.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. Christian Cambon. La France est handicapée par le modèle économique de l’AFD, qui est du reste assez singulier parmi les pays de l’OCDE. Il s’agit en effet d’une institution financière qui agit comme une banque et à laquelle on demande de faire de plus en plus de dons. A-t-on jamais demandé à une banque de faire des dons ?
Selon nous, l’AFD est une agence qui doit lutter contre les inégalités et contre la pauvreté, particulièrement dans les pays du Sahel, lesquels sont d’ores et déjà très éprouvés par le terrorisme.
Vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre, les succès militaires que nos soldats y remportent chaque jour et que l’on peut saluer ne pourront aboutir à une paix durable que s’ils sont accompagnés par les succès du développement. Nous avons, sur ce plan, une véritable responsabilité.
L’actuelle direction de l’AFD fait plutôt figure de chevalier du développement durable, de promoteur universel de la lutte contre le changement climatique, tant dans les pays émergents, voire davantage, que dans les pays prioritaires. Cela pose évidemment un réel problème.
Lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur la solidarité nationale, nous aurons l’occasion de clarifier cette situation confuse. J’espère que vous pourrez nous dire très prochainement quand nous sera soumis ce texte, que l’on nous annonce depuis un certain temps.
La clarification des priorités de notre aide publique au développement n’est d’ailleurs pas ce que nous attendons au travers de l’examen de ce projet de loi de finances. Ce que nous souhaitons, vous le savez – cela a été dit et redit –, c’est l’amélioration du pilotage de l’AFD, l’encadrement d’une aide multilatérale encore trop peu transparente, l’intégration d’Expertise France dans le groupe AFD et la création d’une commission d’évaluation réellement indépendante.
Ces dispositions essentielles nous permettront d’introduire davantage de démocratie, de transparence et un véritable sens politique dans l’action que vous menez. Je rappelle que ce budget représente tout de même près de la moitié du budget du Quai d’Orsay !
À propos de transparence, je ferai moi aussi, à l’instar des rapporteurs, une observation de principe sur le nouveau siège de l’AFD. On l’a répété tout au long de ce débat, 836 millions d’euros, très sincèrement, représentent un montant totalement décalé – pour ne pas employer un autre terme – dans le contexte actuel. Le film que nous avons projeté en commission était assez évocateur à cet égard.
Par ailleurs, il semblerait que le Gouvernement ait décidé de déposer un amendement de recapitalisation de l’AFD à hauteur de 500 millions d’euros. Vous nous raconterez peut-être ce soir l’histoire de cet amendement, que nous poursuivons désespérément. Nous avons cru qu’il serait déposé à l’Assemblée nationale ; cela n’a pas été le cas. Il devait l’être au Sénat et nous l’avons attendu ces jours derniers ; tel ne fut finalement pas le cas non plus.
Je rappelle que ce montant de 500 millions d’euros représente les deux tiers des crédits en dons prévus par le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », soit le quart de notre aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne et cinq fois notre aide au Mali : pour un seul amendement, cela fait beaucoup ! Nous espérons que vous nous donnerez des explications de nature à nous rassurer, afin que nous puissions nous féliciter sans arrière-pensée de l’augmentation des moyens consacrés à cette politique.
Monsieur le ministre, cette nouvelle augmentation des crédits de l’APD, notamment des dons-projets, nous permettra de maintenir notre soutien à une Afrique d’ores et déjà ébranlée par les effets économiques du covid. Cette hausse a convaincu notre commission de soutenir votre budget.
Nous maintenons nos interrogations sur l’AFD et nous espérons que vous nous éclairerez enfin, à cette heure tardive, sur ces mystères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin d’année 2020, la mission « Aide publique au développement » revêt une symbolique particulière et recouvre de nouveaux enjeux, à la lumière des crises que la pandémie de covid-19 a entraînées.
Le nouvel état d’un monde « covidé » cristallise plus que jamais les inégalités entre les pays et affecte durablement l’avenir des populations partout dans le monde, bouleversant encore davantage les équilibres géopolitiques. C’est d’autant plus vrai qu’il a été extrêmement difficile de mettre en place les dispositifs de production et d’acheminement d’aides d’urgence en matériels et équipements médicaux.
Parallèlement, l’aide publique au développement est autant un vecteur de sécurité globale, reposant sur la sécurité alimentaire et énergétique, qu’un outil d’influence internationale et diplomatique. Cette influence intègre désormais la capacité d’un État à soigner, à gérer une pandémie sur son sol, au travers d’un système de santé et avec des ressources humaines, d’équipement et de recherche.
À l’aune de ce contexte aux inédits multiples, vous comprendrez, monsieur le ministre, notre triple exigence.
La première exigence concerne les objectifs de la politique française d’aide au développement.
Quelles seront les priorités géographiques et stratégiques de l’APD en 2021 ? Quels pays bénéficieront des projets ?
Comment seront fléchés les 344 millions d’euros d’augmentation du programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement » et du programme 110, « Aide économique et financière au développement », gérés par le ministère de l’économie et des finances ? Cette augmentation considérable de 17 %, que nous saluons, prend-elle en compte l’accélération des mutations démographiques et environnementales ?
Force est de constater que ces nouveaux impératifs rendent caduques les priorités de l’APD française définies dans le premier chapitre de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale votée en 2014 ! Une nouvelle loi, annoncée à grand renfort de communication en 2017, est toujours attendue.
Il y a plus d’un an, les membres de la commission des affaires étrangères se sont mobilisés et ont commencé à travailler dans un esprit de proposition et de responsabilité.
Monsieur le ministre, lors de votre audition au Sénat, le 3 novembre dernier, vous aviez déclaré qu’un projet de loi serait présenté à la fin du mois de novembre en conseil des ministres. Nous connaissons votre engagement personnel sur ce sujet et nous vous en remercions, mais nous désespérons d’une transmission de ce texte au Parlement avant la fin de l’année.
Notre deuxième exigence concerne les moyens.
Eu égard à l’état de nos finances publiques, avons-nous les moyens de nos ambitions ?
En 2020, la France devrait consacrer 0,56 % de son produit intérieur brut à l’aide publique au développement, et 0,69 % en 2021. Qu’en est-il en termes de volumes de crédits ? N’est-ce pas un effet mécanique résultant de la réduction du PIB liée à la crise et à l’annulation de la dette soudanaise ?
Nous sommes cependant satisfaits que l’objectif des 0,55 % soit dépassé. Aussi une autre question se pose-t-elle : devons-nous continuer à poursuivre cette tendance haussière sans répondre à l’équation de l’évaluation ?
Logiquement alors, notre troisième exigence concerne la nature de l’aide, qui est indissociable de l’instauration d’un programme d’évaluation fondé sur la transparence.
Nous ne pouvons que constater le fossé grandissant entre l’augmentation des montants dédiés à l’AFD et les carences de pilotage de ces fonds. Certes, l’Agence est une banque sous la tutelle de Bercy. Est-ce pour autant une raison pour s’affranchir des recommandations des commissions des affaires étrangères et des finances du Sénat, ainsi que de la Cour des comptes, sur un problème aussi grave que le déficit de gouvernance, alors même que tous les acteurs du secteur privé déploient actuellement des efforts considérables pour répondre aux impératifs internationaux en termes de normes de gestion ?
Le projet immobilier de 50 000 mètres carrés destiné à héberger le siège de l’AFD témoigne a minima d’une totale déconnexion avec la réalité économique. Son coût de 836 millions d’euros suffirait presque à financer une annuité de prévisions d’opérations extérieures ! Que dire aussi des 1 500 mètres carrés dédiés aux espaces de réunion, au moment où les réunions internationales sont dématérialisées et où les grandes sociétés réduisent leurs parcs de bureaux parisiens ?
À cet instant, je tiens à remercier les rapporteurs pour avis, Hugues Saury et Rachid Temal, qui ont alerté sur les déséquilibres inquiétants du modèle de prêt de l’AFD, lequel nécessite la mobilisation de fonds propres dont elle ne dispose pas.
Monsieur le ministre, avant de conclure, j’aborderai un point important, la fiduciarisation de l’APD internationale.
Les prises de participations dans des banques de développement, comme celles qui sont prises au sein de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, ou le sommet des banques publiques de développement, réuni à Paris le 12 novembre dernier, ne sauraient devenir les tendances lourdes de la politique de développement.
L’ambition, l’expérience, la vision singulière de notre diplomatie, doivent redevenir la boussole d’une APD à la française. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux défis globaux auxquels nous sommes confrontés, nous avons besoin d’une solidarité internationale accrue. C’est une question d’efficacité et de justice.
C’est pourquoi, en accord avec le Président de la République et le Premier ministre, j’aurai l’honneur de présenter en conseil des ministres, le 16 décembre,…
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Prochain ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Prochain, en effet ! (Sourires.)
… puis devant la représentation nationale, le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est aussi pourquoi le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » connaît dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, comme vous avez bien voulu le rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, une augmentation très significative – près de 17 % –, pour atteindre près de 2,5 milliards d’euros.
Cette progression nous permettra de poursuivre une trajectoire ascendante de l’APD, dans la perspective d’y consacrer 0,5 % de notre richesse nationale d’ici à 2022, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.
Sur ce point, je connais toutes les discussions en cours. Une clarification est assurée par l’OCDE, dont a parlé l’un des intervenants ; il faut prendre pour règles celles de l’OCDE.
En 2021, la France consacrera 0,69 % de son PIB à l’aide publique au développement, du fait non seulement de la réduction du revenu national brut, mais aussi d’annulations de dettes.
L’objectif demeure, toutes choses égales par ailleurs, le niveau de 0,55 % que nous visions. Je suis convaincu que nous l’atteindrons en 2022. Je rappelle pour ceux qui auraient tendance à l’oublier que nous partions, en 2016, d’un pourcentage à 0,37 %.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Absolument !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La mission « Aide publique au développement » se compose également du programme 110, « Aide économique et financière au développement », géré par le ministre de l’économie et des finances, qui prévoit 1,39 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,47 milliard d’euros en crédits de paiement, lesquels sont significatifs en termes de mobilisation de prêts.
S’y ajoute le programme 365, programme budgétaire dédié, qui a été créé pour doter l’AFD en capital à hauteur de 953 millions d’euros, afin de lui permettre de poursuivre son activité de prêt dans le respect de la réglementation bancaire.
L’AFD est en effet soumise à deux ratios : un ratio « grands risques » et un ratio de solvabilité qui impose que les fonds propres représentent au minimum 14 % de ses actifs. M. le rapporteur spécial Michel Canevet y a fait référence, nous allons donc engager une recapitalisation de l’AFD, qui est indispensable, via la conversion en fonds propres de prêts à long terme versés à l’AFD entre 2017 et 2019, à hauteur de 953 millions d’euros, et qui figurent dans le projet de loi de finances au sein du programme 365.
Je précise à cet instant que le Gouvernement et le ministre chargé de ce dossier, c’est-à-dire votre serviteur, examinent un second canal, passant par une dotation supplémentaire en capital de 500 millions d’euros qui serait proposée le moment venu par le Gouvernement.
En tout état de cause, une telle dotation représenterait un nouvel effort financier important de la part de l’État pour soutenir l’AFD, dans un contexte budgétaire contraint, et devrait donc être assortie de contreparties très strictes pour l’Agence, au premier rang desquelles figurent la maîtrise de son bilan et une réduction de ses charges d’exploitation, notamment sur sa masse salariale. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Cela explique que le sujet ne soit pas encore sur la table.
Par ailleurs, conformément aux orientations définies par le Président de la République, la composante bilatérale de l’aide publique au développement augmentera fortement en 2021, et ce d’abord au travers de la poursuite de la hausse des moyens alloués à l’AFD au titre de l’aide projet, c’est-à-dire les dons-projets et les dons-ONG qui demeurent évidemment – je le dis parce que j’ai entendu des choses fausses sur ce sujet – notre priorité. Ces moyens sont portés en crédits de paiement à 733 millions d’euros, soit une augmentation de 150 millions d’euros. C’est très important ! Il s’agit, pour la première fois, du plus important poste budgétaire du programme, devant les crédits dédiés au FED.
Dans cet ensemble, les fonds destinés à soutenir l’action de la société civile augmentent également : en 2021, les subventions dons-ONG mises en œuvre par l’AFD augmenteront de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour atteindre 130 millions d’euros.
Je tenais à préciser ces points, car je voudrais éviter que des erreurs soient commises. Pour ce qui est de la programmation de l’aide bilatérale, le processus de programmation géographique et sectorielle des engagements de l’AFD est très clair : en 2019, ce sont 68 % des dons qui ont bénéficié aux dix-neuf pays prioritaires.
Je répondrai maintenant à d’autres questions qui m’ont été posées.
Une question sur le pilotage de l’AFD m’a déjà été soumise l’année dernière dans le cadre du débat budgétaire. Je vous avais alors indiqué que je tirerais de ce débat toutes les conclusions qui s’imposaient. Je l’ai fait : nous avons renforcé le pilotage à l’échelon national, essentiellement en créant un comité de pilotage restreint, à mon niveau, et que je préside.
Ce comité fait, tous les deux mois, le point sur l’ensemble de l’évolution de l’action de l’AFD, en présence du directeur général de l’Agence et de mes services. Ce dispositif, qui fonctionne désormais depuis six mois, fait partie des décisions que j’ai prises à la suite de notre débat de l’an passé ; cela nous a permis d’orienter le processus de programmation géographique et sectorielle que je viens de citer.
Sur le terrain, ce pilotage renforcé est en train de se réorganiser, l’ambassadeur assumant le rôle de pilote de notre politique de développement pour l’intégralité de son champ de compétences et dans le pays où il nous représente. Ainsi pouvons-nous assurer la pleine cohérence entre tous les instruments de notre politique.
Seront inscrits dans le texte que j’évoquais précédemment non seulement ce rôle de l’ambassadeur,…