M. le président. L’amendement n° II-821, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Patrimoines |
1 000 000 |
1 000 000 |
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Création |
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Transmission des savoirs et démocratisation de la culture dont titre 2 |
1 000 000 |
1 000 000 |
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Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement tend à créer un fonds d’expérimentation permettant aux DRAC de proposer une assistance gratuite à maîtrise d’ouvrage aux collectivités à faibles ressources, en complément du fonds incitatif et partenarial visant à aider ces collectivités à financer les travaux d’entretien, de restauration et de mise en valeur des monuments historiques.
En effet, dans de nombreuses collectivités, il existe un besoin d’ingénierie et d’accompagnement technique des porteurs de projets publics, dont la non-satisfaction contribue à entretenir la sous-consommation des crédits consacrés aux monuments historiques.
Ce point, particulièrement mis en lumière par la « mission flash » relative à l’évaluation du cadre législatif et réglementaire existant pour le soutien au patrimoine protégé, menée début 2018 à l’Assemblée nationale, est corroboré par le dispositif mis en place depuis plus d’une dizaine d’années par la DRAC de Bretagne.
L’expérience menée dans cette région paraissant probante, nous proposons que d’autres territoires puissent développer, de manière expérimentale, des conventions d’assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux, en vue de l’entretien, de la restauration ou de la mise en valeur de monuments historiques appartenant à des collectivités à faibles ressources.
M. le président. L’amendement n° II-822, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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Patrimoines |
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Création |
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Transmission des savoirs et démocratisation de la culture dont titre 2 |
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Soutien aux politiques du ministère de la culture dont titre 2 |
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La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à renforcer le soutien à la revitalisation des centres anciens ; je l’ai évoqué lors de la discussion générale.
Alors que se déploient des politiques visant à restaurer l’attractivité des centres-villes et des centres-bourgs, le budget de l’action 2 du programme « Patrimoines », qui comporte notamment le financement des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites inscrits au patrimoine mondial, n’a pas évolué depuis 2018.
Or la réussite des politiques telles que le plan Action cœur de ville ou le plan Petites villes de demain requiert d’agir, de manière combinée, sur tous les leviers qui permettront d’améliorer la qualité de vie des habitants et l’attractivité des centres-villes et centres-bourgs.
Des moyens doivent donc être apportés à ces dispositifs patrimoniaux en direction des centres anciens, afin qu’ils prennent toute leur place comme outils au sein des dispositifs de revitalisation, de la même manière sur tous les territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. L’amendement n° II-897 vise à transférer les crédits du pass culture vers l’EAC, mais cette annulation remettrait en question la dynamique observée, au cours des derniers mois, quant à l’utilisation de ce pass. En effet, on compte 85 % d’utilisateurs chez les jeunes concernés par l’expérimentation. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-898 vise à transférer 59 millions d’euros des crédits du programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », vers le programme 175, « Patrimoines », en prélevant ces sommes sur le pass culture. La commission demande également le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-36 rectifié ter tend à transférer 20 millions d’euros des crédits du programme 361 vers le programme 175. Là encore, c’est le pass culture qui est ciblé, mais la majoration, de 20 millions d’euros, des crédits de ce dispositif, qui est actuellement expérimenté dans seulement quatorze départements, vise au contraire à l’étendre à tout le territoire français. La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, madame Dumas.
Les amendements identiques nos II-823 et II-928 ont pour objet de transférer 5 millions d’euros des crédits du programme 361 vers le programme 175, « Patrimoines », afin de majorer la dotation de l’Inrap. La ligne ciblée pour le prélèvement des sommes est l’action n° 02, Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle.
Sans analyser le bien-fondé de l’affectation de ces crédits à l’Inrap, une telle baisse des crédits de l’action n° 02 annulerait la majoration des crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle enregistrée au sein du PLF pour 2021.
En outre, 2 millions d’euros supplémentaires sont dédiés aux contrats territoire-lecture, quand la dotation accordée aux pratiques artistiques et culturelles en temps scolaire progresse de 1 million d’euros. La baisse des crédits du pass culture remettrait en question sa généralisation sur l’ensemble du territoire. La commission demande donc, là encore, le retrait de ces amendements identiques.
L’amendement n° II-37 rectifié ter vise à transférer 3 millions d’euros des crédits du programme 361 vers le programme « Patrimoines », en ciblant, là encore, le pass culture. Compte tenu de la réorientation du chantier du Grand Palais, visant au respect d’une enveloppe budgétaire définitive, nous doutons qu’une majoration des crédits dédiés soit pertinente. C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-824 tend à transférer 2 millions d’euros des crédits du programme 361 vers le programme 175, pour le développement des centres de conservation et d’étude. Je formulerai la même observation que précédemment : c’est le pass culture qui est ciblé. Nous vous saurions donc gré de bien vouloir retirer cet amendement, madame Monier.
L’amendement n° II-821 a pour objet de transférer 1 million d’euros des crédits du programme 361 vers le programme 175 dans le but de créer un fonds d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, en ciblant le pass culture. La commission souhaite donc que cet amendement soit retiré.
Enfin, l’amendement n° II-822 vise à transférer 2 millions d’euros des crédits du programme 361 vers le programme 175, afin de financer un dispositif de restauration des centres anciens.
Une fois encore, la mesure cible le pass culture. Or, je le répète, la majoration de 20 millions d’euros des crédits doit permettre d’étendre ce dispositif à toute la France, son montant étant par ailleurs revu à la baisse, puisqu’il passerait de 500 à 300 euros. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’ai bien lu tous ces amendements, dont les objets peuvent se justifier, mais dont les dispositions relèvent toutes de la même démarche : prélever des crédits sur le pass, voire supprimer ce dernier. Vous ne vous étonnerez donc pas que j’émette un avis défavorable sur tous ces amendements.
Cela étant, je souhaite formuler une réponse plus complète, parce que ces propositions d’amendements ont ouvert un certain nombre de dossiers qui méritent d’être expliqués et clarifiés.
J’aurais peut-être dû être plus explicite, dans mon propos introductif, à propos du pass culture : où en est-on quant à sa phase d’expérimentation ?
J’ai ici les chiffres les plus récents – presque sortis du four, si j’ose dire, puisqu’ils datent du 20 novembre 2020 ; ils permettent de dresser le bilan du pass culture.
Dans les quatorze départements d’expérimentation, on note, au 20 novembre 2020, un taux d’inscription de 88 %, 119 000 comptes sur 135 000 éligibles et un taux d’utilisation de 82 %. Ces montants sont donc tout à fait encourageants et tranchent avec les premiers chiffres qui nous avaient été apportés et qui avaient suscité des doutes ou des interrogations.
Quelque 131 euros ont été dépensés, en moyenne, sur une période de neuf mois, 4 400 lieux culturels ont été actifs, pour près de 3 millions d’offres disponibles, et 640 000 réservations ont été effectuées depuis le lancement du pass en février 2019.
Les catégories les plus réservées sont à 59 % les livres, à 15 % la musique, à 10 % l’audiovisuel et à 4 % le cinéma. Quant aux types de biens, il s’agit de biens physiques à 65 %, de biens numériques à 26 % et d’événements à 9 %.
Pour ma part, je considère que ce bilan est très positif. On peut, bien sûr, regretter que des politiques événementielles, par exemple la fréquentation des spectacles, soient moins importantes que nous pourrions le souhaiter. Mais n’oublions pas que cette expérimentation s’est déroulée dans un contexte de crise sanitaire, qui a sans doute empêché de se tourner vers ces événements.
En outre, nous ne pourrons communiquer sur le pass culture qu’à partir du moment où celui-ci sera généralisé sur l’ensemble du territoire ; on ne peut pas communiquer sur ce que l’on peut en attendre alors qu’il est encore au stade de l’expérimentation dans quatorze départements.
Le pass culture a vraiment participé à la relance du secteur culturel, grâce à une communication des offreurs physiques auprès des jeunes inscrits. On ne peut absolument pas parler de crédits « perdus pour la culture ».
La nouvelle délégation que je crée au ministère, ce qui a d’ailleurs été salué sur certaines de ces travées, sera chargée de la transmission, des territoires et de la démocratie culturelle. Elle permettra de faire dialoguer les dispositifs d’éducation artistique et culturelle et le pass culture au service d’une même ambition : renforcer l’accès et la participation de tous les habitants, tout au long de leur vie et sur l’ensemble du territoire, à la vie culturelle.
Un certain nombre d’amendements ont proposé d’affecter cet argent à des actions différentes : l’amendement n° II-898, défendu par M. Ouzoulias, tendait à ce que les crédits participent à l’entretien et à la conservation des monuments historiques.
Je signale que 210 millions d’euros sont consacrés aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État, dont 170 millions sur le programme 175, soit 70 % des crédits déconcentrés, et 40 millions d’euros dans le cadre du plan de relance.
Ces moyens bénéficient aux immeubles protégés au titre des monuments historiques, répartis sur l’ensemble du territoire national, et représentent déjà la diversité que vous souhaitez défendre à juste titre : édifices religieux, cathédrales, mais aussi chapelles rurales, châteaux, grands palais nationaux, demeures plus modestes, calvaires, pigeonniers et maisons. Ils bénéficient également aux anciennes usines – je tiens beaucoup au patrimoine industriel, qui est très important. L’ensemble représente plus de 44 000 monuments. Un effort tout à fait considérable est donc réalisé sur ce sujet.
L’amendement n° II-36 rectifié ter, présenté par Mme Dumas, vise à déployer 20 millions d’euros, prélevés sur le pass culture, pour l’entretien et pour la conservation des monuments historiques. Ma réponse sera la même que précédemment.
L’amendement n° II-37 rectifié ter, toujours présenté par Mme Dumas, me permet, comme je m’y étais engagée lors de la discussion avec Jean-Raymond Hugonet, d’aborder la question du Grand Palais, au sujet de laquelle je souhaite apporter un certain nombre de précisions.
J’ai voulu une profonde réorientation du projet de restauration et d’aménagement du Grand Palais, défini en 2016. J’ai souhaité le redéfinir dans un sens plus économique et plus écologique. Il faut, évidemment, sauver ce bâtiment absolument magnifique, qui structure le paysage parisien dans un environnement patrimonial et urbanistique tout à fait extraordinaire. Certains se sont étonnés que le coût de la restauration n’ait pas évolué et ont prétendu que je parlais d’économies sans en avoir fait en réalité.
En fait, ces évaluations étaient datées. Le coût de restauration du Grand Palais est beaucoup plus élevé que les 466 millions d’euros qui ont été prévus au départ. On aboutissait à des sommes qui dépassaient largement les 500 millions d’euros – on était plutôt à 100 millions d’euros supplémentaires.
En outre, il y avait, dans la restauration, un certain nombre d’éléments patrimoniaux de façade, de statuaire, de corniche qui n’avaient pas été pris en compte lors de la première évaluation. Ceux qui se promènent au droit du Grand Palais peuvent constater qu’une partie des façades est mise sous filets, pour éviter que des chutes d’éléments architecturaux n’attentent à l’intégrité physique des promeneurs. Tout cela n’avait pas été pris en compte dans l’évaluation.
Ces 466 millions d’euros représentent donc une véritable économie de plus de 100 millions d’euros. De plus, il y a une réserve de précaution de 30 millions d’euros pour sécuriser la bonne fin des travaux et s’assurer que l’on reste bien dans l’enveloppe de 466 millions d’euros. Je tenais à apporter ces éléments clés.
L’amendement n° II-824 a également pour objet de prélever 2 millions d’euros sur le pass culture, pour créer de nouveaux centres de conservation et d’étude.
Je partage tout à fait l’avis de Mme Monier sur l’utilité de ces centres, dont l’action scientifique et le rôle dans l’attractivité du territoire sont tout à fait majeurs. Toutefois, leur déploiement sur le territoire nécessite du temps pour bâtir des projets pérennes, à la fois sur le plan culturel et sur le plan scientifique. Ils ne peuvent être menés à bien qu’avec le soutien et l’appui des collectivités territoriales.
Je signale que le plan de relance permettra, grâce à l’enveloppe destinée à la rénovation des équipements patrimoniaux, d’assurer le réaménagement du site de Bibracte, en Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que l’achèvement des travaux d’aménagement des communs du domaine de Campagne, en Nouvelle-Aquitaine.
Ce sont donc près de 6 millions d’euros, sur une enveloppe de 20 millions d’euros, qui bénéficieront à la rénovation des équipements dans le domaine de l’archéologie.
L’amendement n° II-821 vise à accompagner les petites communes dans la protection de leurs monuments historiques. Il y a là un vrai sujet pour la culture, et je partage les préoccupations exprimées sur différentes travées.
Des moyens juridiques et financiers existent déjà ; les services de l’État peuvent apporter une assistance à maîtrise d’ouvrage, ou AMO, aux propriétaires de monuments historiques pour leurs travaux de restauration. Cette assistance peut être gratuite lorsque le propriétaire ne dispose pas des moyens nécessaires à l’exercice de cette maîtrise d’ouvrage. De nombreuses petites communes bénéficient donc déjà de cette assistance à la maîtrise d’ouvrage.
Lorsque les DRAC ne sont pas en capacité de répondre favorablement à toutes les demandes d’aides à la maîtrise d’ouvrage, les propriétaires doivent bénéficier d’aides financières. Ils peuvent, en effet – ceci est souvent ignoré, et il faut vraiment en informer les partenaires –, inclure le coût du recours à une AMO payante dans le montant des travaux de restauration subventionnés par l’État. Il y a là une petite tuyauterie financière tout à fait utile.
Votre demande me semble donc déjà satisfaite. En revanche, je crois souhaitable que, à côté de l’offre de l’État, se développe une offre des collectivités territoriales, comme le font certains départements, que je salue, notamment pour la réalisation des études préalables aux travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’acharnement de ces amendements contre le pass culture m’a permis de donner des réponses circonstanciées sur un certain nombre de dossiers qui ont attiré, à juste titre, votre attention !
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie beaucoup, madame la ministre, de la qualité de nos échanges et du soin que vous mettez à nous répondre précisément sur chacun des amendements. Il n’est pas fréquent qu’un membre du Gouvernement nous fasse des réponses précises ; cela méritait donc d’être souligné. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai bien entendu vos explications, mais j’en reste fermement à l’analyse de notre collègue Hugonet, qui a réalisé un travail de suivi exemplaire et extrêmement difficile. Je tire de ces trois ans de suivi la conclusion que, malheureusement, une expérimentation qui s’éternise s’appelle un échec. Et il faut, à un moment donné, sanctionner cet échec.
Je juge donc important que le Sénat affirme clairement son mécontentement par le vote d’amendements, même si ce ne sont sans doute pas les nôtres qui seront adoptés. Je retirerai d’ailleurs les amendements nos II-897 et II-898, au profit du II-36 rectifié ter, qui a plus de chance d’être voté. À un moment donné, le Sénat doit dire qu’il faut s’arrêter.
Sur le fond, cela fait trois ans que le groupe CRCE ne vote pas les crédits du pass culture, pour une raison fondamentale, qui touche, d’ailleurs, à notre vision assez républicaine de la culture. Nous ne considérons pas, contrairement à une vision en quelque sorte néo-libérale, que l’individu puisse être maître de son destin, notamment artistique, seul, sans une intermédiation. Et cette intermédiation absolument fondamentale manque à notre société.
La relation d’un individu avec la culture, simplement par le biais de son téléphone et d’une application, ne nous convient pas. Nous sommes un peu vieillots : nous en restons à l’idée de la maison de la culture, telle que Malraux l’a développée, j’en suis désolé.
Je retire donc les amendements nos II-897 et II-898.
M. le président. Les amendements nos II-897 et II-898 sont retirés.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je vous remercie de vos explications, notamment à propos du Grand Palais.
Nous avons un point de désaccord sur le pass culture. Ce n’est pas une fixette de la part du Sénat. C’est tout simplement, comme l’a dit Pierre Ouzoulias, le fruit de trois ans de suivi de cette affaire.
Je ne dénie pas au Président de la République le droit de laisser l’empreinte de son quinquennat sur la culture par un label pass culture. Mais voilà trois ans que nous patinons, voilà trois ministres qui sont passés, voilà des crédits qui pleuvent sur le pass culture ! Je ne remets pas vos chiffres en question, mais, sincèrement, d’où sortent ces évaluations ? En ce qui nous concerne, nous devons glaner ces informations et les quémander auprès de la SAS pass culture.
Or c’est au moment même où la culture est à l’arrêt dans notre pays et où les artistes crèvent que l’on déverse 59 millions d’euros sur le pass culture. On ferme les bibliothèques, on ferme les librairies et on paye des livres ? (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Mais à qui va-t-on faire gober cela ?
Je salue Pierre Ouzoulias pour le retrait de ses amendements au profit de celui de Catherine Dumas. Madame la ministre, nous partageons, sur ces travées, l’avis qu’il n’est pas décent de continuer obstinément sur ce pass culture. Peut-être est-il légitime : nombre de territoires, départements, régions et communes pratiquent déjà de tels pass. Il n’y a donc pas de problème à ce sujet.
Toutefois, ce n’est ni le moment, ni la bonne formule, ni le bon procédé. Il est donc clair, madame la ministre, que nous voterons l’amendement de notre collègue Catherine Dumas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je vais aller dans le même sens que mon excellent collègue Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, ce n’est pas nous qui faisons une fixette sur cette unique mesure ; c’est le ministère. Et c’est bien dommage, car il faut reconnaître que vous êtes battue pour les crédits du ministère. Dire le contraire serait un tour de force absolument incroyable.
Les sommes incroyables que vous dépensez seront finalement dispersées là où le public n’a pas payé. Telle est la vérité : on déverse des tonnes de dette publique, parce que le public ne va plus dans les musées ou les librairies, ni voir du spectacle vivant ou des films au cinéma. Quant aux mesures de compensations justes, vous le savez, le Sénat vous suit.
Toutefois, comme l’a dit Jean-Raymond Hugonet, ce pass culture est une mesure qui n’est bonne qu’à l’échelon local, à l’instar de celle qui concerne le patrimoine rural non protégé. Vous le savez aussi bien que nous, madame la ministre, car vous avez été élue locale. La région Hauts-de-France, tout comme plusieurs départements, a mis en œuvre ce genre de dispositif.
Sauf que Jupiter a oublié de descendre de son Olympe pour venir constater sur les territoires que ces mesures fonctionnent beaucoup mieux lorsqu’elles sont mises en œuvre localement que lorsqu’elles le sont depuis en haut ! (Sourires. – Mme la ministre proteste.)
Voilà pourquoi, madame la ministre, la chambre des territoires vous demande d’arrêter ce mécanisme, pour vous diriger vers des dispositifs plus proches du terrain. Il serait dommage, en vous entêtant, de nuire à tout ce que vous avez fait pour la culture.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, vous nous dites que tous ces amendements tendent à alimenter d’autres budgets. Je ne puis vous laisser dire cela. Ces amendements visent tous le pass culture, à propos duquel nous sommes nombreux, sur ces travées, à nous interroger.
En effet, le pass est sous-consommé et souffre de problèmes de conception ; l’un de nos collègues a parlé du cahier des charges qui change tous les matins. Même notre collègue Bargeton, pourtant dithyrambique à votre égard,…
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Il a le droit de dire du bien de moi. Ce n’est pas interdit ! (Sourires.)
Mme Catherine Dumas. … a reconnu qu’il fallait l’adapter et le reconnecter.
Je réitère ma demande d’un rapport précis et détaillé sur l’utilisation du pass culture. Les chiffres que vous nous avez donnés, nous les découvrons à l’instant !
Vous avez répété, devant la commission de la culture à l’Assemblée nationale, qu’il fallait diminuer le montant de ce pass, et, aujourd’hui, vous nous donnez des chiffres allant en sens contraire.
Quant à l’expérimentation, je crois que tout a été dit à ce sujet. Malgré vos explications, nous ne sommes, malheureusement, pas convaincus.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de La Provôté. Je crois que nos interventions ont été suffisamment claires à propos du pass culture. Elles traduisent des interrogations qui ne datent pas d’aujourd’hui. À l’époque de la mise en place du pass, nous étions, sinon bienveillants, du moins prêts à travailler et à suivre l’évolution de ce projet, qui, au bout de trois ans, est resté à l’état d’expérimentation.
En effet, ses financements nous paraissent d’autant plus excessifs que le système budgétaire, en ce moment où les choses vont mal, est quelque peu schizophrénique. Madame la ministre, vous distribuez le pass culture précisément au moment où il y a urgence et où tout ce qui, dans le domaine culturel, a été identifié comme ayant fait ses preuves a justement des besoins réels. Vous distribuez les crédits au pass culture au détriment de ce qui va servir vraiment !
En outre, vous proposez sa généralisation au moment où les structures sont fermées, rendant impossible tout déploiement d’une véritable offre culturelle, hormis numérique.
Cette expérimentation nous semble donc devoir durer – je ne sais pas pour combien de temps. Il faut attendre un peu et consolider cette expérimentation, là où elle a été mise en pratique. Compte tenu de la situation actuelle et des immenses besoins du patrimoine, il n’est pas cohérent de persévérer comme vous le faites.
Nous constatons que le patrimoine de l’État et des grands opérateurs doit être accompagné. Bon nombre de chantiers d’entretien ne se font pas ou se font mal, faute de moyens et d’ingénierie ; selon nous, c’est le moment de mettre un coup accélérateur en la matière. L’objectif de relance économique n’en sera que mieux atteint.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je vais tenter de faire baisser la pression, qui est forte. Madame la ministre, c’était une belle soirée : tout le monde, et pas seulement M. Bargeton, saluait vos efforts, la qualité de votre budget et la manière dont vous avez défendu les artistes.
Toutefois, les mêmes, à l’exception de MM. Bargeton et Rambaud, pointent du doigt le pass culture. Nous avons trouvé assez curieuse cette expérimentation, alors qu’il était quasiment impossible de se rendre cette année dans une salle de spectacle, dans une librairie ou dans une bibliothèque. Je ne sais comment vous avez pu expérimenter !
Il me semble, madame la ministre, qu’après tant de satisfecits vous devez écouter la voix du Sénat. Sans exagération aucune, sans vous mettre la pression, celui-ci vous dit simplement : cela ne marche pas, tirez-en les conclusions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, les chiffres que je vous transmets en temps réel sur le pass culture sont, bien sûr, vérifiés et vérifiables, et je m’en porte garante. Je ne vais pas donner à la Haute Assemblée des chiffres faux, qui pourraient être contredits ! Je vous demande donc de me faire confiance sur les chiffres, à défaut du reste.
Une durée de trois ans ne me semble pas avoir délégitimé l’expérimentation menée sur le pass culture. Au contraire, expérimenter durant trois ans une opération aussi complexe, touchant un public a priori peu friand de ce genre de consommation, ne me paraît pas délégitimer le processus !
Ensuite, il est intéressant d’observer que la montée en charge a été continue durant les trois années de sa mise en œuvre. C’est d’autant plus remarquable que la dernière année, 2020, a été marquée par de très grandes difficultés pour l’offre culturelle. Cette montée en charge doit donc être saluée.
Certains pointent des besoins qui ne sont pas satisfaits. Pardon, mais jamais les crédits de la culture et du patrimoine n’ont été aussi élevés – vous l’avez d’ailleurs tous salué. Permettez-moi également de rappeler que, sur plus de 4 milliards d’euros de crédits de la culture, le pass culture représente 59 millions d’euros, soit à peine plus de 1 %.