Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. André Guiol, en remplacement de M. Jean-Noël Guérini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite également insister sur la spécificité de la mission des opérateurs de l’audiovisuel public extérieur : d’une part, porter le rayonnement de la France ; d’autre part, promouvoir nos valeurs et notre langue dans le monde. Et c’est dans ce cadre que France Médias Monde intègre dans sa ligne éditoriale la thématique relevant de nos valeurs démocratiques et républicaines.
Ainsi, après l’assassinat de Samuel Paty, l’opérateur a su bouleverser ses programmes et mettre en exergue les actions d’éducation aux médias et à l’information. Comment procède-t-il ? D’abord, par le développement de la diffusion en langues étrangères, notamment les langues africaines et la langue arabe. Ensuite, par le développement de la francophonie, axe politique fort partagé avec TV5 Monde. Et le tout s’accompagne d’une implication dans la lutte contre la désinformation.
Il est dans l’ADN de nos opérateurs de défendre nos valeurs. Cet engagement intransigeant et déterminé les expose à de nombreuses menaces. Ils sont ainsi régulièrement la cible de cyberattaques. Souvenons-nous de celle qui a visé TV5 Monde en 2015. Elles sont désormais un phénomène durable et ancré. FMM a dû affronter jusqu’à 400 000 tentatives d’intrusion entre mai et juillet 2019, et profite depuis d’une certaine « stabilisation », avec seulement 300 000 tentatives par mois.
Sur le terrain, personnels et correspondants sont des cibles privilégiées. Entre 2000 et 2013, quatre journalistes de Radio France internationale (RFI) ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Et chaque année, on recense de multiples cas d’agressions, voire d’emprisonnements, à l’instar de la situation du journaliste algérien Khaled Drareni, correspondant de TV5 Monde, en prison depuis le mois de mars 2020.
Malgré un niveau de dangerosité dans le monde qui ne faiblit pas, nos opérateurs sont déterminés à poursuivre leurs missions avec une ambition à hauteur des moyens qui leur seront alloués.
Mes chers collègues, FMM a besoin d’être soutenue pour réaliser le projet ENTR, développé par la Deutsche Welle, proposant, conformément au traité d’Aix-la-Chapelle, l’idée d’une « plateforme numérique franco-allemande ». La Deutsche Welle peut déjà y contribuer à hauteur de 750 000 euros, grâce au financement sui generis du ministère allemand des affaires étrangères. FMM, quant à elle, souhaiterait, pour être en phase avec son partenaire allemand, y affecter une partie de la dotation exceptionnelle de 500 000 euros allouée par le plan de relance.
Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des garanties à cet égard ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2020 devait être celle de la « grande loi » audiovisuelle. Le temps semblait venu de mettre un terme aux désordres nés de l’absence de pilotage stratégique et de la multiplication des tutelles. Cette réforme de la gouvernance devait s’accompagner d’une réforme du financement, au travers de la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).
Votre prédécesseur, madame la ministre, nous avait assuré voilà deux ans que la réforme de la CAP aurait lieu dans le PLF 2021 au plus tard !
À ce stade, une formule du génial Edgar Faure me vient à l’esprit pour qualifier la situation de l’audiovisuel public français : « Voilà que s’avance l’immobilisme, et nous ne savons comment l’arrêter. » (Sourires.) En revanche, nous savons aujourd’hui que le Gouvernement a renoncé à réformer efficacement le secteur de l’audiovisuel. Ce renoncement constitue d’abord un choix du Gouvernement, et non une conséquence de la crise sanitaire.
Non seulement ces deux réformes auraient pu être engagées plus tôt dans le quinquennat, mais il restait encore suffisamment de temps pour les mettre en œuvre d’ici à 2022.
Le seul horizon de votre majorité semble donc être celui de la trajectoire budgétaire 2018-2022, qui aura pour conséquence de baisser en 2021 de 70 millions d’euros la ressource publique tout en maintenant inchangé le tarif de la CAP.
C’est évidemment insuffisant pour faire face à l’offensive des plateformes américaines, qui engrangent des millions d’abonnés et devraient prochainement accroître l’attractivité de leurs offres en programmes français. Ce sera en effet une conséquence paradoxale de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) que d’accentuer la différence d’attractivité entre les médias historiques et les nouveaux acteurs.
Notre secteur des médias est en danger, et le Gouvernement semble détourner le regard en considérant qu’il n’y a pas d’urgence. Or la crise sanitaire est venue rappeler que la grande dépendance des sociétés de l’audiovisuel public au développement de leurs ressources propres pouvait constituer une véritable faiblesse.
Un service public a besoin de stabilité et de prévisibilité pour développer ses missions ! Depuis 2017, c’est un surcroît de précarité qui leur a été proposé !
Une remise à plat des modèles économiques n’a jamais été aussi nécessaire. Nous étions prêts à ouvrir ce débat au Sénat. Par exemple, la suppression à terme de la publicité sur les antennes publiques pour la réserver aux chaînes privées conserve toute sa pertinence.
Madame la ministre, nous ne partageons pas le manque d’ambition du Gouvernement pour l’audiovisuel public, et nous regrettons le temps perdu jusqu’à la fin du quinquennat.
Ce désaccord stratégique n’est pas contradictoire avec quelques satisfecit.
Nous soutenons ainsi l’enveloppe de 70 millions d’euros issue du plan de relance, ainsi que l’intention du Gouvernement de négocier avec les entreprises de l’audiovisuel public des contrats d’objectifs et de moyens (COM) sur la période 2020-2022 comportant enfin des objectifs communs.
Si notre commission a considéré que le Gouvernement pouvait et devait mieux faire en matière d’audiovisuel, elle a toutefois émis, mais – vous l’aurez compris – sans entrain, un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, compte tenu des trois minutes accordées en séance publique aux rapporteurs pour avis, l’exercice s’apparente plus à une « brève » qu’à un article de fond !
Je ne reviendrai donc pas sur l’analyse des crédits, excellemment réalisée par notre collègue de la commission des finances. Cependant, et je veux le souligner, la presse n’a pas été oubliée par la solidarité nationale, et les professionnels en ont pleinement conscience.
Chaque acteur de la filière a ainsi exprimé, sinon sa pleine satisfaction, du moins sa reconnaissance de l’effort fourni. Je pense aux diffuseurs, aux vendeurs et aux éditeurs.
J’ai choisi de mettre en avant trois points qui me paraissent essentiels pour les années à venir.
Le premier concerne l’avenir de la distribution.
L’année 2020 a vu la cessation d’activité, annoncée de longue date, de Presstalis. À l’heure actuelle, nous sommes encore incapables de chiffrer le coût global pour les finances publiques du soutien apporté ces dernières années à cette entreprise, mais il est probablement gigantesque.
La responsabilité des éditeurs, qui ont géré la société, ne peut pas être écartée. Mais ils en paient aujourd’hui le prix fort avec, pour quasiment tous, des pertes liées aux créances de Presstalis. Preuve est faite, selon moi, des dangers d’un soutien public massif quand il n’est pas associé à une authentique réforme. À la fin, et en l’absence de vision partagée, cela a accru le déficit, pour un résultat médiocre.
Dès lors, je suis encore inquiet sur l’avenir de la nouvelle société. Peut-on raisonnablement avoir sur un marché en attrition constante deux sociétés, France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse (MLP), d’autant plus que de nouveaux acteurs pourront s’y joindre dans les années à venir ? Cette interrogation reste largement ouverte.
Le deuxième point porte sur les droits voisins des éditeurs et des agences de presse.
Sur ce dossier, à l’origine duquel se trouve la proposition de loi de notre collègue David Assouline, les bonnes nouvelles succèdent aux reprises de procès, qui entraînent eux-mêmes une prolongation des négociations. Soyons clairs : il est impératif pour la France et pour l’Europe de faire respecter le droit. Il faut donc que cette législation soit appliquée, faute de quoi le dernier pan de notre souveraineté s’effondrera. Mais soyons aussi honnêtes : les droits voisins ne résoudront pas à eux seuls la crise profonde que traverse la presse, et pas uniquement en France, cette crise étant amplifiée par la pandémie.
Là encore, je compte rester vigilant, en lien avec les professionnels, pour garantir que la volonté des législateurs européen et national ne sera pas étouffée au détour d’un accord trop vite expédié.
Le troisième point est relatif au soutien à la presse en ligne. C’est un sujet qui me tient à cœur et que j’aborde chaque année, toujours pour déplorer que celle-ci ne bénéficie que de trop rares soutiens publics. Si j’étais mauvais esprit, je pourrais faire la comparaison avec ceux dont Presstalis a bénéficié.
Or, cette année, et je le salue, le projet de loi de finances comporte une nouvelle dotation destinée à ce secteur. Elle doit avoir vocation à perdurer et est dotée de 4 millions d’euros.
Voilà, madame la ministre, une bonne façon de préparer un avenir où devront cohabiter une presse papier, que l’on espère stabilisée, et une presse numérique, qui a accéléré son développement à la faveur du confinement, mais qui doit encore travailler à son modèle économique.
Sous bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, au début de l’année 2020, il aurait fallu un scénariste particulièrement inventif pour imaginer le scénario catastrophe de la pandémie avec laquelle nous vivons. Comme tous les secteurs de l’économie, la crise frappe le monde du cinéma dans son ensemble. Elle sape ce plaisir simple de profiter, seul ou entre amis, d’un bon film.
La France a présidé à la naissance du grand écran, entre La Ciotat des frères Lumière et la fondation du groupe Pathé la même année à Vincennes, ville chère au cœur de notre président de commission. Il faut ainsi rappeler le lien très fort qui nous unit à notre cinéma. En Europe, notre pays est de loin celui qui accueille le plus de spectateurs et où la part de la production nationale est la plus importante. C’est dire que la préservation de notre modèle est essentielle, y compris pour des raisons psychologiques : nos compatriotes doivent savoir qu’une fois la crise sanitaire passée, ils pourront continuer à bénéficier d’un des meilleurs réseaux de salles au monde et d’une production nationale riche et diversifiée.
Je tiens à le souligner, les pouvoirs publics ont su entendre cet appel, par un soutien public massif, qui s’est décliné selon trois axes.
D’abord, un fonds a été mis en place pour garantir les tournages, qui auraient cessé faute de possibilité de s’assurer contre l’épidémie. Il a permis à la production française de ne pas s’interrompre totalement.
Ensuite, des mesures ont été prises en faveur des salles de cinéma. Je note cependant que les cinémas municipaux n’ont qu’un accès très réduit, « au cas par cas », à ce fonds de compensation, et ce sans raison valable, alors que le Gouvernement a globalement soutenu le secteur. C’est là un oubli fâcheux qui devrait être réparé.
Enfin, des mesures de relance ont été adoptées, pour un montant de 265 millions d’euros sur deux ans.
Dans l’ensemble, la réponse des pouvoirs publics a donc été à la hauteur du premier – je dis bien « du premier » – confinement ! Pour le moment, le deuxième, qui n’avait pas pu être anticipé – c’est bien normal –, n’est pas accompagné comme il devrait l’être.
Je voudrais enfin évoquer deux sujets.
Le premier est l’importance pour le cinéma des négociations actuellement menées autour de la transposition de la directive SMA, qui doit à tout prix réserver une place au cinéma, peut-être au travers d’une nouvelle chronologie des médias conciliant les intérêts des grands acteurs historiques de notre création et ceux des nouveaux entrants.
Le second est la lutte contre le piratage, thème auquel j’associe mes collègues rapporteurs pour avis Jean-Raymond Hugonet et Julien Bargeton. Nous avons besoin d’un projet de loi nous donnant les armes juridiques pour lutter contre ce fléau, qui représente chaque année l’équivalent de 1,2 milliard d’euros, soit deux ans de fonctionnement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Sous bénéfice de ces observations, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Julien Bargeton, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ». Nous avons examiné trois sujets.
D’abord, la Bibliothèque nationale de France ayant la particularité de disposer de moins de ressources propres que d’autres grands organismes culturels, elle est moins touchée par la perte de recettes liée à la crise sanitaire. Avec 6 millions d’euros, le choc est effectivement de moindre ampleur par rapport à d’autres organismes.
En revanche, elle gère actuellement trois grands projets. Premièrement, le quadrilatère Richelieu doit ouvrir au public en 2022. Deuxièmement, il faut aussi refaire en grande partie le site de Tolbiac, notamment s’agissant de la sécurité des ascenseurs. Troisièmement, et cette question nous tient tous à cœur, le projet de conservatoire national de la presse a reçu plus de quatre-vingts candidatures de sites pour accueillir un lieu de stockage et, au-delà, sauver les collections de la IIIe République ; les journaux de l’époque s’abîmant beaucoup, il faut pouvoir investir pour les préserver.
Ensuite, le secteur du livre a été très touché par la crise. Les librairies ont fermé, et un système de commandes et de réservations a été mis en place. Il faudra en dresser le bilan. Certaines librairies parviennent à récupérer une partie, mais évidemment pas la totalité, de leur chiffre d’affaires. Un effort important pour la filière a été organisé par le Gouvernement : les librairies ont bénéficié à la fois des mesures de droit commun applicables à toutes les entreprises et de mesures spécifiques. Cependant, à l’issue de la réouverture du 28 novembre, il faudra considérer le secteur avec attention. Les professionnels sont à la fois satisfaits des dispositions adoptées et inquiets pour l’avenir, en raison notamment de la baisse du nombre de références vendues, passé de 150 000 à 50 000. En effet, internet accélère la « best-sellerisation ». Quand on commande en ligne, on ne bénéficie pas des mêmes conseils que chez un libraire, et on a donc tendance à se tourner uniquement vers ce que l’on connaît. Il y a donc un risque à cet égard.
Enfin, je voudrais aborder la musique, qui a été largement évoquée par mon collègue Roger Karoutchi. Le baptême du feu pour le Centre national de la musique a été rude – l’établissement a ouvert cette année. Les équipes ont objectivement bien travaillé. Elles ont mis les fonds en place, anticipant même sur les décisions. Puis, l’État a pris le relais et est venu abonder les fonds. Le conseil d’administration est en place, la fusion des fonds est réussie et le déménagement se prépare. Mais les recettes liées à la taxe se réduisent évidemment du fait de l’activité, soulevant une interrogation sur la pérennité du financement. Et l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur les droits dits « irrépartissables » est venu pénaliser les ressources des organismes de gestion collective (OGC). Le CNM sera-t-il, ou non, amené à compenser ? Là aussi, c’est une source d’inquiétudes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de notre discussion, la parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les crédits de tous les programmes liés au ministère de la culture sont en hausse – et je le salue –, seuls ceux du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » sont en baisse ; nous ne les approuverons donc pas.
Comme souvent, il y a les mots, les mots, et puis… Et puis, il y a le budget !
Il y a les éloges pour le service public de l’audiovisuel, pour ses missions essentielles pour la citoyenneté et les valeurs de la République, pour l’exigence et la diversité culturelle, pour son rôle éducatif conforté dans la crise sanitaire inédite que nous traversons, et puis… Et puis, il y a la baisse de son budget, qui continue, en particulier pour France Télévisions et Radio France. En d’autres termes, on assiste à une baisse des moyens permettant, à force d’innovation et grâce à la qualité des personnels, de faire face non seulement à cette crise, qui – nous l’espérons – est conjoncturelle, mais à une concurrence qui est non plus uniquement celle du privé, mais celle de géants du net. À eux seuls, ces derniers ont la puissance financière d’États et de nations riches.
Je le dis franchement, vous avez abandonné toute ambition pour le service public de l’audiovisuel, pas seulement en réduisant son budget, alors que les recettes publicitaires manquent à cause de la pandémie, mais en abandonnant dans le même temps la grande réforme annoncée de l’audiovisuel et celle de la redevance, une redevance que vous continuez en plus à baisser par rapport à l’augmentation du coût de la vie. Vous le faites alors que les États européens qui nous entourent non seulement ont réformé la redevance, devenue ainsi universelle, mais perçoivent un montant nettement supérieur au nôtre : plus 180 euros au Danemark, plus 78 euros en Allemagne, plus 38 euros au Royaume-Uni, quand vous mégotez pour un ou deux euros qui rapporteraient 30 à 60 millions d’euros supplémentaires directement affectés au financement de notre audiovisuel public.
C’est ainsi que vous remerciez les résultats d’audience remarquables et la qualité des programmes de plus en plus remarquée de Radio France et France Télévisions, qui ont réalisé pourtant tant de sacrifices, d’efforts et d’économies depuis plus de cinq ans.
Ces baisses ne sont pas nouvelles. C’est une trajectoire budgétaire que votre gouvernement a imposée depuis plusieurs années et que vous allez poursuivre froidement, y compris dans les circonstances dramatiques d’aujourd’hui. Vous proposez que l’audiovisuel public connaisse une perte de 69 millions pour 2021 alors que sa dotation était déjà en baisse de 3,36 % en 2020.
Avec une telle trajectoire, même le niveau d’investissement dans la création, qui était jusqu’à maintenant préservé, ne pourra plus l’être demain. Déjà, les émissions de flux, d’information et de sport, qui consacrent pourtant plus que jamais la télévision en linéaire, sont rognées.
Après la fermeture de France Ô et celle, programmée, de France 4, vous continuez à affaiblir dans les faits notre audiovisuel public. C’est la réalité ! Avec des amis comme ce gouvernement, l’audiovisuel public n’a pas besoin d’ennemis.
Je veux maintenant aborder l’aide au cinéma, qui continuait à enregistrer de bons résultats avant la crise sanitaire, avec une croissance de 18 % à l’export en un an, et le deuxième plus haut niveau de fréquentation des cinémas depuis cinquante-trois ans en 2019, avec 213,3 millions d’entrées.
Mais, en 2020, sous les effets de la pandémie elle-même et des mesures sanitaires chaotiques qui ont été imposées, le cinéma vit une situation dramatique, avec une baisse de plus de 50 % des fréquentations des salles, le tout entraînant notamment des reports de film.
Félicitons la réactivité du CNC, qui a mis en place de nombreux systèmes d’aide et d’accompagnement dès le début du premier confinement et qui a ensuite prévu des dispositifs englobant plus largement les acteurs susceptibles d’en bénéficier lors du deuxième.
Je salue les aides du plan de relance et la progression non négligeable de 11,6 millions d’euros des crédits liés au programme « Livre et industries culturelles ». Je vous demande tout de même – c’est l’objet de deux amendements que j’ai déposés – de ne pas oublier les radios associatives et locales ni l’aide aux documentaires.
Le système de financement de la création audiovisuelle que tant de pays nous envient est vertueux. Il contribue à faire rayonner l’exception culturelle française ! Continuons à le défendre ensemble. Pour cela, transposons sans perdre de temps les directives SMA et droits d’auteurs, comme le Sénat l’a permis dès le mois de juillet.
La presse est affaiblie depuis plusieurs années par un changement de modèle à marche forcée. Je salue les aides apportées dans le plan de relance et dans le programme « Presse et médias », qui est en augmentation de 8 millions d’euros.
J’espère néanmoins que les pouvoirs publics s’investiront davantage pour peser dans les négociations ouvertes avec Google afin d’appliquer la loi dont je suis l’auteur sur les droits voisins en faveur des éditeurs et – je le rappelle, car elles sont un peu oubliées – des agences de presse. D’ailleurs, j’espère que mon amendement, voté par le Sénat, visant à ramener la TVA des productions d’agences de presse de 10 % à 5,5 % ne sera pas annulé par l’Assemblée nationale.
Mais à quoi bon une telle aide à la presse si c’est pour, parallèlement, tenter de la mettre sous contrôle avec l’article 24 du projet de loi « sécurité globale » ou l’article 25 de la loi dite « contre les séparatismes », et même en rendant possible la censure par une circulaire fortement contestée du ministère de l’intérieur ?
En s’attaquant à la loi de 1881, au-delà de la presse, c’est la liberté d’expression tous les citoyens dans notre pays que l’on touche.
Car comme le déclarait Victor Hugo dès 1848 : « […] Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. […] Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. »
Madame la ministre, oui à l’aide financière à la presse ; non à sa mise en cage, même dorée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, les Français ont été limités dans leurs déplacements pendant plusieurs semaines, un certain nombre de restrictions étant toujours en vigueur.
Ces différents confinements ont mis en lumière une réalité : l’attachement de nos concitoyens à la culture, à tous les types de culture. Ils ont mis à profit ces moments pour lire les derniers succès de librairie, relire les grands classiques, redécouvrir des films cultes, regarder les dernières séries, télécharger – légalement – les films récents et s’informer, beaucoup s’informer même, comme en témoignent les chiffres d’audience des rendez-vous quotidiens d’information.
Finalement, l’industrie culturelle et l’information sont restées présentes dans la vie des Français, mais plus dans les lieux habituels, et selon des modes de consommation différents.
Les librairies, les disquaires, les bibliothèques, les cinémas, les théâtres, ces lieux où nous avons l’habitude de nous retrouver pour partager des moments si particuliers ont disparu de notre quotidien.
Ces adresses, ces commerces, ces salles, nous avons l’obligation de les accompagner financièrement pour qu’ils soient encore en activité après la crise.
Pour certains métiers, la crise est bien antérieure à mars 2020, en raison de modèles économiques qu’il faut revoir.
La situation de la presse était déjà délicate. La consultation de journaux ou d’articles en ligne ou sur des applications s’est évidemment accélérée pendant le confinement, mais cela n’a pas permis de compenser la baisse des ventes papier. Alors qu’une majorité des moins de 35 ans s’informe désormais via les réseaux sociaux, la publicité suit logiquement ses potentiels clients et vient plutôt financer les Facebook et autres Google que la presse classique.
Au-delà du sujet économique, c’est un véritable enjeu de société. Les réseaux sociaux, à coup de fake news et de manipulations plus ou moins organisées, éloignent le citoyen de la réalité des faits. Il faut lutter contre ces dérives engendrées par les réseaux sociaux. Il faut soutenir et accompagner la presse pour qu’elle change ses modes de distribution et prenne le virage du numérique.
Même si tout n’est pas parfait, Les Français continuent de lire et d’acheter des livres. L’enjeu est de sauvegarder le réseau des détaillants, en d’autres termes les libraires. Leur fermeture fut à juste titre incomprise pendant le second confinement. Le click and collect a permis de légèrement limiter l’impact, mais ce sont les géants de la vente en ligne qui ont massivement pris le relai pendant cette période.
Certaines mesures sont proposées en faveur de ce secteur, c’est une bonne nouvelle, mais une grande vigilance s’impose. Nous devons collectivement bâtir les outils qui permettront de contenir la montée en puissance de certains GAFA, qui sont en train de remettre en cause des modèles qui fonctionnaient plutôt bien jusque-là.
Le secteur du cinéma a été violemment impacté par la crise sanitaire. Il y a les salles vides, mais aussi les tournages arrêtés, voire annulés. Ce PLF apporte un soutien financier important au cinéma, qui permet le rayonnement de notre pays dans une grande partie du monde. Ce doit être une priorité.
La réforme de l’audiovisuel public fait figure de grand absent de ce PLF. Au-delà des débats sur le nombre de chaînes ou de radios, une idée revient trop souvent, celle qui consiste à créer une énorme structure qui engloberait à peu près tout ce qui existe, au motif de faire des économies. Les élus des collectivités locales le savent : on pense qu’en se réunissant, on fera des économies, mais, à la fin, on ne rend pas un meilleur service et le fonctionnement coûte souvent plus cher.
Commençons donc par réfléchir aux programmes, puis aux synergies et mutualisations possibles avant d’envisager la création d’une grande structure.
Nos interventions prouvent que les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer dans les médias et l’industrie culturelle. Il nous appartient, avec les acteurs concernés, de regarder les choses en face, de faire preuve d’imagination et de bousculer les schémas établis.