Mme Esther Benbassa. Chaque année, en France, plus de 6 milliards d’euros sont dépensés en matière de sécurité civile, 5,1 milliards d’euros étant à la charge des collectivités territoriales.
L’État ne participe qu’à hauteur de 950 millions d’euros, dont 520 millions issus du programme 161, « Sécurité civile ». Cela représente seulement 7 % de l’intégralité des dépenses en la matière.
Pendant la crise du covid-19, les acteurs de la sécurité civile n’ont, pourtant, pas ménagé leurs efforts : les sapeurs-pompiers des SDIS ont ainsi effectué 122 000 interventions, tandis que les associations agréées, comme la Croix-Rouge ou le Secours catholique, sont intervenues 18 000 fois sur le terrain entre mars et juin, ce qui représente 3 millions d’heures de bénévolat. Ils méritent toute notre gratitude, tout notre soutien et certainement pas un tel désinvestissement financier de l’État.
Alors que les catastrophes sanitaires et environnementales pourraient se multiplier dans les années à venir en raison du réchauffement climatique, il est nécessaire que l’effort financier engendré par les dépenses de sécurité civile soit mieux réparti entre les localités et l’échelon national.
Afin d’accroître le concours fragile de l’État, le présent amendement vise à abonder de 20 millions d’euros le programme 161, « Sécurité civile », en particulier son action n° 13, Soutien aux acteurs de la sécurité civile.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Concernant les amendements n° II-1109 et II-979, je partage totalement le point de vue de leurs auteurs : il y a un problème de formation.
Mais d’où vient-il ? Madame Benbassa, vous avez signalé le changement de politique qui date du quinquennat de Nicolas Sarkozy. À l’époque, la formation était de 12 mois, c’est-à-dire que sa durée était de 50 % supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.
En réalité, le passage à une politique des effectifs s’est traduit par une réduction progressive de la formation de 12 mois à 10 mois, puis de 10 mois à 8 mois. Ce cheminement s’est fait au cours des deux derniers quinquennats.
Ce n’est pas en ajoutant des crédits que l’on va résoudre immédiatement ce problème de formation, parce qu’il faut du temps pour former des instructeurs. Tout comme la formation a été réduite petit à petit, la remontée en puissance ne peut être que progressive.
La commission estime donc que les crédits nécessaires sont, d’ores et déjà, prévus dans le budget et qu’il serait superflu de les augmenter, tant que nous n’avons pas les formateurs et que la décision inverse de celle qui a été prise par le passé n’est pas consacrée. Cela ne devrait pas tarder, car tout le monde s’accorde sur le manque de formation.
Madame de La Gontrie, vos deux amendements visent à transférer des crédits du budget de la gendarmerie vers celui de la police ; madame Benbassa, les crédits que vous mentionnez viennent de l’organisation du permis de conduire. Tout cela me gêne un peu.
En ce qui concerne l’amendement n° II-980, vous avez souligné, madame Benbassa, que l’effort global de l’État était faible. Je vous rappelle pourtant qu’un effort exceptionnel est consenti dans ce budget. Cet amendement qui tend à créditer le budget de la sécurité civile de 20 millions d’euros supplémentaires est d’autant moins justifié qu’un début de fléchage des crédits est engagé par l’État vis-à-vis des collectivités. On aperçoit donc l’ébauche d’un programme. Ce sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces trois amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames les sénatrices, je partage votre opinion quant à l’importance de la formation initiale et continue des effectifs de la police nationale. Le ministre de l’intérieur a d’ailleurs eu, à plusieurs reprises, l’occasion de s’exprimer sur le sujet.
Permettez-moi de rappeler que, pendant de nombreuses années, les dépenses de formation opérationnelle ont été constamment maintenues à 18 millions d’euros. Or le PLF pour 2021 prévoit, pour la première fois, un montant de 21,73 millions d’euros, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année 2020. En outre, ce montant ne tient pas compte de la subvention de 25,7 millions d’euros versée à l’école nationale supérieure de la police en 2020, qui passera à 27,73 millions d’euros en 2021.
Par ailleurs, la création de l’académie de police annoncée par Gérald Darmanin doit améliorer la formation en termes de transversalité et d’organisation, tandis que son préfigurateur sera désigné par le ministre de l’intérieur dans les jours qui viennent. En outre, vous le savez, une réflexion a été engagée et le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de prendre position sur ces sujets. Des orientations et une organisation ont donc été arrêtées et il conviendra de les traduire dans un budget. L’augmentation considérable de cette année permettra d’accompagner cette évolution.
Je voudrais rappeler qu’une formation de gardien de la paix n’est pas une paille, puisqu’elle dure 24 mois : 8 mois en école et 16 mois en stage. Elle est, en outre, constamment améliorée : nous avons encore, l’an dernier, ajouté 120 heures de formation contre les violences sexistes et sexuelles. Ces formations existent donc et les gardiens de la paix qui arrivent sur le terrain sont évidemment déjà formés, même si cette formation est évidemment perfectible. Nous ajoutons d’ailleurs des crédits.
Je partage entièrement les propos de Mme la sénatrice Esther Benbassa à propos des associations agréées de sécurité civile, notamment quant à leur rôle éminemment important.
Votre amendement est toutefois satisfait par les crédits votés, le 1er décembre dernier, dans la quatrième loi de finances rectificative pour 2020. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons droit, ce soir, à un double discours total. Le rapporteur spécial de la commission des finances nous explique qu’il ne faut rien toucher au budget puisque, par définition, l’exercice auquel nous nous livrons nous impose de gager nos amendements. Or je note que le Gouvernement ne lève pas le gage…
Soit nous considérons qu’il ne faut rien changer, et dans ce cas-là, à part le plaisir de partager une séance dans l’hémicycle, je ne sais pas ce que nous faisons là ; soit nous prenons nos responsabilités.
On ne peut pas, à longueur d’interviews, de papiers et de déclarations officielles du ministre de l’intérieur, y compris devant la commission des lois du Sénat, dire que la formation est un problème, qu’il n’y a pas assez d’heures et de mois de formation pour les policiers, et refuser de concrétiser les choses lorsque l’occasion se présente.
J’entends Mme la ministre expliquer la nécessité d’avoir un plan avant les crédits. Je me suis longtemps occupée de finances dans ma collectivité : il fallait aussi des crédits pour pouvoir faire un plan. Dans le cas contraire, cela s’appelle une annonce.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On passe à la télé, on annonce quelque chose, mais on ne le fait pas. Je rappelle que, la loi de finances étant déjà passée à l’Assemblée nationale, il ne se présentera pas d’autre occasion budgétaire pour augmenter les crédits de formation.
Je regrette donc ce qui s’apparente à un double discours. Je vous engage à un peu de cohérence, mes chers collègues, à renoncer à ce double discours et à voter cet amendement. (Mme la ministre déléguée indique qu’elle demande la parole.) Décidément, madame Schiappa, vous avez toujours besoin de parler après moi pour me priver du droit de réponse !
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’aimerais que le rapporteur spécial de la commission des finances fasse un travail de contrôle sur ces importantes questions de formation.
En effet, madame la ministre, vous nous annoncez des heures de formation supplémentaires et des financements dans le plan de relance – qui ne peuvent pas encore figurer dans un document transversal. Je crois que quelques vérifications d’usage, ne serait-ce que pour la bonne tenue des débats, sont nécessaires.
Je propose donc, très modestement, au rapporteur spécial de la commission des finances qu’il contrôle cette question de formation.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Madame la ministre, avec quels deniers allez-vous payer la formation continue des forces de l’ordre annoncée dans les médias par M. Darmanin ? Il faut de l’argent, mais vous refusez nos amendements ! Quelle est votre solution ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice de La Gontrie, je viens ici, humblement, dans le cadre du respect des institutions. Le règlement du Sénat me permet de répondre quand un sénateur a besoin de précisions, me pose une question ou quand je suis invectivée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Invectivée ou interpellée ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je continuerai donc de répondre ce soir à chaque interpellation à mon égard, aussi tard que nous aurons le plaisir d’être ensemble.
Je vous prie donc de ne pas m’interpeller à la suite de chacune des réponses que je vous fais, puisque c’est l’exercice auquel nous sommes soumis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je ne vous pose pas de question !
M. Hussein Bourgi. Elle est creuse !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. En ce qui concerne le budget, il est déjà en augmentation. Je ne peux donc pas vous laisser dire qu’il y aurait des annonces sur le renforcement de la formation, sans que ce soit traduit dans ce budget.
Je rappelle que ce budget de formation de la police augmente de plus de 16 % par rapport à l’année dernière et plus encore par rapport aux années précédentes. Nous n’avons pas évoqué l’investissement immobilier en faveur des écoles de police dont le budget a également augmenté. Ces augmentations existent donc et sont en cohérence avec les annonces du ministre de l’intérieur.
Madame la sénatrice Benbassa, le préfigurateur ou la préfiguratrice de l’académie de police sera nommé dans les jours à venir et présentera un certain nombre d’orientations. Conformément à ses prérogatives, le Parlement pourra contrôler la bonne exécution des crédits. Le Gouvernement est donc à votre disposition pour fournir tout document ou toute information utile à l’exercice de cette mission de contrôle.
Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je souhaite, moi aussi, que les policiers et gendarmes soient de mieux en mieux formés. Toute l’histoire du maintien de l’ordre en France est une histoire de professionnalisation de ces forces de l’ordre.
Madame de La Gontrie a parlé de double discours : j’aimerais pointer celui de Mme Benbassa qui, au lieu des marques de sympathie, de soutien et d’encouragement aux forces de l’ordre auxquelles je m’attendais, a relevé les questions d’effectifs du mandat de Nicolas Sarkozy.
Heureusement que notre rapporteur a rappelé comment les questions de la formation et des effectifs ont évolué pendant le précédent mandat.
J’aurais cependant aimé entendre, de la part Mme Benbassa, des marques de sympathie et de soutien actif (Mme Esther Benbassa proteste.), car elle est de toutes les manifestations contre la police pour dénoncer la violence systémique. On peut donc trouver le double discours sur d’autres travées que les nôtres ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-978, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Généralisation des caméras-piétons et instauration d’un récépissé dans le cadre d’un contrôle d’identité
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Police nationale dont titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
||||
Sécurité et éducation routières |
||||
Sécurité civile dont titre 2 |
||||
Généralisation des caméras-piétons et instauration d’un récépissé dans le cadre d’un contrôle d’identité |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Depuis plusieurs années maintenant, les conflits sociaux s’enchaînent : « bonnets rouges », loi Travail, « gilets jaunes », réforme des retraites. Les heurts se multiplient et la défiance envers nos institutions atteint son paroxysme. Il en découle, aujourd’hui, des tensions indéniables entre les forces de l’ordre et nos concitoyens.
En effet, la police nationale est mise en cause en raison des violences disproportionnées de certains CRS à l’encontre de manifestants lors des récents mouvements sociaux. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Ils ne le feront plus !
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le ministre Darmanin qui l’a reconnu ! (Vives exclamations sur les mêmes travées.) Laissez-moi finir !
Ce dernier aurait également critiqué l’accroissement des contrôles au faciès sur certaines catégories de population, ce qui est une discrimination, selon le Défenseur des droits.
Après les exactions commises, le soir du 23 novembre, par les forces de l’ordre lors de l’évacuation d’un camp de migrants place de la République, il est nécessaire que de nouveaux garde-fous soient mis en place. Il s’agit de limiter les pratiques policières au respect de la stricte légalité et, ainsi, de sanctuariser la sécurité de nos concitoyens.
Il est vital, aujourd’hui, de renouer un dialogue sain entre l’institution policière et notre société. Pour ce faire, de nouvelles pratiques peuvent être expérimentées. Le présent amendement a pour objet de financer, à hauteur de 10 millions d’euros, la généralisation de l’usage des caméras-piétons. À condition, bien entendu, que les difficultés de fonctionnement relevées soient résolues…
M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas la police qui les a inventées ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Laissez-moi finir, vous ! J’ai écouté votre discours et beaucoup de choses ne me plaisent pas ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Un peu de calme, mes chers collègues !
Mme Esther Benbassa. Nous proposons la généralisation de l’usage des caméras-piétons par les forces de l’ordre ainsi que l’instauration d’une expérimentation sur le récépissé lors des contrôles d’identité.
Le groupe écologiste, quand il y en avait un, et le groupe CRCE ont, par le passé, déposé des propositions de loi pour lutter contre le contrôle au faciès. Nous sommes convaincus que de tels dispositifs seraient susceptibles de garantir des pratiques plus vertueuses de nos policiers ainsi qu’une plus grande transparence de leurs actions.
Ces outils peuvent être la clé de la confiance retrouvée entre les Français et leur police républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. L’amendement n° II-1112, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Sécurité et éducation routières |
4 000 000 |
4 000 000 |
||
Sécurité civile dont titre 2 |
||||
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je souhaite faire une présentation distincte de l’amendement II-1169 rectifié ter. Bien que son objet diffère de celui de l’amendement n° II-1112, il se trouve en discussion commune avec celui-ci, or je trouve cela problématique.
Pour en revenir à mon amendement n° II-1112, j’aimerais citer les propos du syndicaliste David Le Bars, que vous connaissez sans doute. Secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, il est toujours très mesuré. Il a déclaré récemment : « Le matériel acheté par le ministère est totalement inefficace. Aujourd’hui, la caméra est tellement bas de gamme qu’il faudrait partir avec quatre batteries pour tenir une vacation entière. Il faut un budget conséquent pour acheter du matériel de bon niveau. »
Selon lui, chaque policier pourrait acheter une caméra-piéton efficace qui lui serait, ensuite, remboursée. Le fait qu’un syndicaliste fasse cette proposition originale traduit le degré de carence de l’équipement de nos policiers !
Je souhaite préciser qu’il nous semble nécessaire que le policier active sa caméra en prenant son service et l’arrête au retour de mission. Car, aujourd’hui, il la met en marche seulement lorsqu’il pense que son intervention peut être problématique, l’amenant à devoir, dans l’urgence de l’intervention, la mettre en marche et entrer son numéro d’identification. Il n’est donc pas, régulièrement, en situation de le faire.
Dès lors que nous voulons exclure tout doute quant à chacune des interventions des forces de l’ordre, ces caméras-piétons ont une utilité.
Les crédits actuels sont donc insuffisants et il est urgent de les renforcer, même si je sais qu’un certain nombre d’éléments sont prévus dans le plan de relance.
Le Président de la République ayant, en outre, annoncé que ces caméras devaient être généralisées au 1er juillet prochain, nous proposons d’augmenter les crédits.
Mme le président. Madame de La Gontrie, vos deux amendements sont en discussion commune avec l’amendement n° II-978 de Mme Benbassa, parce que celui-ci porte sur les caméras-piétons et sur le récépissé.
L’amendement n° II-1169 rectifié ter, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Lepage, M. Vaugrenard, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet et Cardon, Mmes Meunier et Jasmin, MM. Jomier, Pla, Temal et Féraud, Mmes Rossignol, Monier et Préville et M. Tissot, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Récépissé de contrôle d’identité
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Police nationale dont titre 2 |
500 000 |
500 000 |
||
Gendarmerie nationale dont titre 2 |
500 000 |
500 000 |
||
Sécurité et éducation routières |
||||
Sécurité civile dont titre 2 |
||||
Récépissé de contrôle d’identité |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci de ces précisions, madame la présidente.
L’instauration du récépissé de contrôle d’identité est fondée sur les constats faits, il y a maintenant un certain nombre d’années, y compris par le Défenseur des droits, concernant les discriminations que subissent les hommes noirs ou d’apparence arabe.
Ceux-ci sont entre cinq et huit fois plus contrôlés que les hommes blancs. Les femmes sont moins contrôlées, mais subissent, vraisemblablement, le même type de distorsion.
Le récépissé de contrôle d’identité aurait l’utilité de permettre que ces personnes ne soient pas contrôlées de manière répétitive et parfois excessive, voire infondée. Quelle que soit notre approche de la question ou notre analyse des causes, nous savons tous qu’il faut renouer le lien de confiance entre la police et la population.
Nous le savons aussi : une partie de la population considère, souvent à juste titre, qu’elle est discriminée dans la façon dont elle est contrôlée. Je me fie aux chiffres établis par le Défenseur des droits sur le coefficient multiplicateur des contrôles à l’égard d’un certain nombre de populations jeunes et d’apparence étrangère.
Un certain nombre de grandes villes ont indiqué être prêtes à être territoires d’expérimentation. Cet amendement peut être considéré comme un amendement d’appel, la chose n’étant financièrement pas considérable.
Toutefois, il me semble important que ce débat ait lieu dans cet hémicycle pour avancer sur ce sujet. C’est l’objet de cet amendement peu coûteux qui vise à lutter contre les discriminations.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Je partage l’avis de Mme de La Gontrie, il y a effectivement un problème de qualité des caméras-piétons. Il faut, manifestement, faire monter en gamme cet équipement qui n’est pas satisfaisant en termes d’autonomie et d’efficacité. Ouvrir et fermer la caméra en fonction de l’intervention n’est pas toujours opportun.
Le marché public qui a été passé impose des délais. Il faut savoir si on peut le contourner pour monter en gamme. Je demande des précisions sur ce point.
Que les crédits destinés aux caméras-piétons se trouvent dans la mission « Plan de relance » n’est pas du tout satisfaisant. J’espère que ce type de dépenses figurera, l’an prochain, dans la mission « Sécurités », parce qu’elles n’ont pas grand-chose à voir avec le plan de relance.
Néanmoins, compte tenu du montant des crédits prévus dans le budget pour l’équipement de nos forces de l’ordre en caméras-piétons – 11 millions d’euros –, la commission est défavorable aux amendements qui visent à relever leur montant – respectivement de 10 millions d’euros et de 2 millions d’euros.
La priorité est de résoudre la question de la montée en qualité et de savoir comment le ministère va s’y prendre juridiquement.
Nous ne pouvons être favorables à la création d’un nouveau programme pour la généralisation des caméras-piétons ou pour l’instauration d’un récépissé de contrôle d’identité. Il existe un programme pour chaque force, la gendarmerie nationale et la police nationale, un programme pour la sécurité civile et un programme pour la sécurité et l’éducation routières. Il ne semble pas souhaitable de créer un programme spécifique pour des sujets thématiques.
L’avis est donc défavorable sur les trois amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames les sénatrices Esther Benbassa et Marie-Pierre de La Gontrie, sur le sujet de la généralisation des caméras-piétons, je partage les constats que vous avez dressés et qui, me semble-t-il, sont unanimes pour qui a déjà échangé avec les forces de l’ordre sur le sujet. La qualité et la réactivité du matériel utilisé actuellement sont insuffisantes. Il y a également des problèmes de batterie. Je ne reviens pas sur ce qui a été dit. Le ministère de l’intérieur souscrit à ces constats.
Néanmoins, j’indique que le Président de la République s’est engagé à ce que l’utilisation de caméras-piétons de bonne qualité soit généralisée à compter du 1er juillet 2021 pour atteindre les objectifs que vous avez décrits.
Le cadre juridique de l’emploi de cet équipement va être amené à évoluer, notamment dans le cadre de la proposition de loi relative à la sécurité globale, que le Sénat sera amené à examiner très prochainement.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur spécial : il nous est nécessaire de préparer un nouveau marché public définissant de nouveaux critères, afin que les matériels soient davantage en adéquation avec les besoins : autonomie, résolution, captation des sons, activation à distance, etc. Nous allons travailler sur les critères très précis – y compris techniques – de ce marché public et faire tester les caméras par les forces de l’ordre pour qu’elles puissent choisir le matériel qui sera le leur et être sûrs qu’elles se l’approprient.
Dans l’attente des retours de cette phase prospective, des crédits sont prévus au bénéfice des forces de l’ordre au sein du programme 363, « Compétitivité » de la mission « Plan de relance », à hauteur de 9,6 millions d’euros, pour doter les policiers et les gendarmes de 30 000 caméras d’ici à 2022 et de 23 000 dès 2021. Pour la police nationale, ce sont déjà 4,2 millions d’euros qui sont prévus dans ce budget pour doter les policiers, en 2021, de 15 000 caméras-piétons. Cette cible tient compte des 11 000 caméras existantes, qui doivent être, pour partie, renouvelées et, pour partie, améliorées techniquement.
Nous considérons donc que les crédits que nous vous proposons ce soir permettent d’accompagner cette montée en puissance et cette mise à jour technique, dans le cadre, bien évidemment, du marché public.
En ce qui concerne l’instauration d’un récépissé en cas de contrôle de l’identité, je vous rappelle que le Président de la République a fait savoir, il y a quelques jours à peine, qu’il avait missionné le Gouvernement pour lui faire des propositions en matière de lutte contre les discriminations. La réflexion est donc engagée. Je ne voudrais pas qu’on la court-circuite en votant, ce soir, un budget sur ce sujet essentiel, qui mérite un débat de fond.
Je veux également rappeler que l’instauration du récépissé a été proposée à l’Assemblée nationale par voie d’amendement en 2016 et que la majorité socialiste de l’époque l’a rejetée.
D’un point de vue opérationnel, la remise d’un récépissé est de nature à allonger substantiellement la durée des contrôles d’identité et donc à leur faire perdre en efficacité. Au reste, il n’est pas certain que l’obligation de délivrer un récépissé limitera les discriminations.
Enfin, je veux rappeler que toute personne qui s’estime victime d’une discrimination de la part des forces de l’ordre peut saisir la plateforme Stop Discri et, ainsi, faire valoir ses droits.