M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits baisser, comme chaque année. Cela s’explique par la diminution du nombre de bénéficiaires, mais pas uniquement.
En tout cas, certaines personnes attendent toujours de bénéficier de ces crédits. Je pense notamment à la reconnaissance de certains harkis : vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun attendent toujours une aide de seulement 4 150 euros.
Cette problématique se pose chaque année. À l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont déposé des amendements pour corriger cette injustice ; on leur a opposé tout un tas d’arguments contestables : la mesure ne serait pas applicable, car dénuée de base juridique ; elle serait rétroactive, donc impossible ; le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) auraient émis à son endroit des avis défavorables.
Pourtant, ces amendements visaient précisément à fournir une base juridique à cette extension, la jurisprudence du Conseil d’État relative à la désignation explicite ou implicite des bénéficiaires d’une mesure adoptée par le Parlement est en leur faveur et ni le Conseil d’État ni la CEDH n’a rendu de tels jugements.
Nous parlons ici de quelques milliers d’euros seulement, ce n’est rien. Ces hommes souhaitent seulement être reconnus et j’invite l’État français à faire le nécessaire rapidement ; à défaut, ils disparaîtront inexorablement, sans jamais avoir été reconnus par la République.
Ce n’est pas la seule injustice, sur laquelle je souhaite revenir. L’an dernier, le Parlement a adopté une disposition, qui prendra effet au 1er janvier prochain, élargissant aux veuves de 74 ans et plus le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire, à la condition que leur mari, titulaire de la carte du combattant ou d’une retraite du combattant, soit décédé à partir de 65 ans. Mais quid des femmes, dont le mari est parti avant 65 ans ? Cet effet de seuil crée une rupture d’égalité déplacée ; une telle situation requiert non pas des mesures ciblées, comme vous le répétez, mais une mesure globale d’équité.
Après les anciens combattants, je souhaite aborder le lien entre le monde combattant et la Nation. Chaque jeune doit participer à une Journée défense et citoyenneté (JDC) ou plutôt, devrais-je dire, à trois heures trente de défense et citoyenneté… Tel sera, en effet, le format de la JDC en 2021 ; les jeunes Français doivent, en trois heures trente seulement, découvrir les enjeux qui mènent la France à développer un appareil de défense et les caractéristiques de celui-ci, passer des tests de langue française pour repérer les jeunes qui auraient besoin d’être accompagnés, apprendre les gestes de premiers secours et suivre une formation élémentaire de sécurité routière…
Certes, la crise sanitaire y est pour beaucoup, mais je m’interroge sur la pertinence de cette demi-journée de citoyenneté. Sa mission historique est, en premier lieu, de maintenir de lien entre, d’une part, la jeunesse et, par extension, la Nation et, d’autre part, le monde combattant.
Alors que les derniers poilus se sont éteints, que Daniel Cordier vient de nous quitter et qu’il ne reste plus qu’un Compagnon de la Libération, la question de la transmission de la mémoire des guerres mondiales et, plus largement, de la mémoire du XXe siècle devient de plus en plus prégnante. À ce titre, je salue la mission confiée à Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Suivant cet exemple, je crois qu’il est temps d’engager le pays dans une réflexion beaucoup plus large sur sa politique mémorielle. L’État ne remplacera jamais la transmission qui pouvait s’opérer, dans les familles, par les témoins directs du siècle passé ; néanmoins, il faut imaginer des moyens pour améliorer la transmission mémorielle auprès des jeunes générations.
J’en profite pour saluer le travail important des associations de souvenir.
Je conclus en vous indiquant, madame la ministre, que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », parce que ce budget en baisse – je reconnais que c’était prévisible – ne reconnaît toujours pas l’engagement de certains pour la France.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « en fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun. Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore », disait Ernest Renan en 1882. Le devoir de mémoire est donc au centre de ce qui nous permet de faire Nation.
Le projet de budget des trois programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s’élève à 2 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2021, soit une diminution de 3,35 % par rapport à 2020. Néanmoins, cette année encore, cette baisse est essentiellement le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant.
Cela dit, cette mission ne concerne pas que les anciens combattants ; elle intègre aussi les victimes indirectes des grands drames nationaux. Le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », aide à la résilience des victimes de spoliations antisémites et soutient les orphelins. Notre objectif est désormais d’améliorer le délai de paiement des dossiers validés. Les crédits de ce programme s’établissent à 93 millions d’euros, dont un peu moins de 2 millions d’euros de dépenses de fonctionnement.
La crise sanitaire a bien sûr eu un impact énorme sur le déroulement des programmes de la mission.
Tout d’abord, cette pandémie a différé à 2021 et 2022 les chantiers sur les sépultures de guerre, partout sur le territoire national. De plus, alors que des cérémonies majeures ont été affectées en 2020, le même schéma risque de se produire en 2021. Ainsi, les crédits dédiés aux commémorations s’élèvent, comme en 2020, à 4 millions d’euros.
Ensuite, cette année, 336 000 jeunes Français n’ont pas été convoqués à la Journée défense et citoyenneté. Je salue la réponse que vous avez apportée à cette situation, madame la ministre, en adaptant exceptionnellement la durée et le format de la JDC. La session en présentiel sera réduite à trois heures trente au lieu de huit heures et le programme se concentrera sur les modules de défense, tout en conservant les missions traditionnelles d’accompagnement, puisque l’évaluation de la langue française et les entretiens individuels d’orientation sont maintenus – nous nous en félicitons. En effet, cette journée assure la diffusion de l’esprit de défense auprès des jeunes Français ; elle est essentielle à la cohésion nationale.
Le PLF pour 2021 renforce également les crédits du programme 167, avec la réalisation d’une JDC en ligne et d’une journée Défense et mémoire nationales dans le cadre du service national universel. Expérimentée en 2019 et en 2020, cette journée permettra, en 2021, à un plus grand nombre de volontaires d’appréhender les menaces auxquelles nous sommes confrontés et le rôle des armées pour y faire face.
Le PLF pour 2021 conforte également les crédits du programme 169, en consolidant les droits accordés aux combattants, anciens combattants et victimes de guerre. Ce programme retrace la majoration de 360 points de la pension de réversion aux conjoints survivants, dont les bénéficiaires seront plus nombreux. Ce programme intègre également l’extension de l’attribution de la carte du combattant aux forces françaises présentes en Algérie entre 1962 et 1964, dite carte « 62-64 ». Enfin, il s’attache à la modernisation de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) et de l’Institution nationale des Invalides, avec la dématérialisation de l’ensemble des démarches spécifiques au monde combattant.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ces crédits.
Par ailleurs, plusieurs associations attendent la création d’une agrafe pour la médaille de la défense nationale. Cette agrafe serait accessible au personnel civil ou militaire ayant participé aux essais nucléaires entre 1960 et 1996 sur les sites du Sahara et de la Polynésie française. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que la réalisation de ce projet est toujours d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel honneur pour moi d’être orateur, au nom du groupe Union Centriste, pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » !
C’est un honneur, parce que tous les maires ont le cœur qui bat un peu fort, lorsqu’ils se tiennent devant le monument aux morts de leur commune. Les anciens combattants, la mémoire, les liens avec la Nation font partie de leur ADN.
C’est également un honneur que de porter les intérêts des combattants d’hier et des anciens combattants de demain. « Je hais la guerre, mais j’aime ceux qui l’ont faite », écrivit Dorgelès.
Dans le cadre des réunions préparatoires, j’ai participé à plusieurs auditions qui m’ont permis de mesurer l’importance et le poids des associations. Il y eut des temps forts. J’ai noté cette phrase, qui m’a vivement atteinte : « C’est dégradant de toujours réclamer la justice pour nos camarades. » Madame la ministre, je ne souhaite pas que vous preniez cette flèche pour vous, car je sais votre dévouement, votre sincérité et votre disponibilité au service du monde combattant. Ces qualités sont perceptibles pour qui vous a côtoyée dans vos prises de parole, où chaque mot compte ; ces mots, vous savez d’ailleurs très bien les trouver et les dire.
Vous avez obtenu pour cette mission des moyens dignes d’être salués ; je pense tout particulièrement à la sanctuarisation du budget de l’ONAC-VG qui ne sera pas « ponctionné », cette année, au profit d’autres dispositifs.
Les crédits dédiés à la mémoire progresseront de plus de 6 millions d’euros, retrouvant ainsi un niveau proche de celui des années antérieures.
Je suis très sensible également à la progression de 3,5 millions d’euros des crédits destinés à l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire nationale. La restauration des sépultures, y compris dans nos cimetières ruraux, représente un travail colossal. Le recensement, le conventionnement avec les maires et la mise en œuvre, puis la réalisation des travaux, voilà une entreprise jamais achevée, qui demande une énergie folle, mais qui est hautement symbolique.
J’attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que, si le monde associatif est dans les territoires le bras armé de la mémoire, il doit être fortement soutenu.
Quant aux crédits du programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », ma collègue, rapporteure pour avis, Jocelyne Guidez les a parfaitement analysés ; je n’y reviens pas.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces avancées, que le groupe Union Centriste valide et votera sans aucune hésitation.
Toutefois, la « pièce maîtresse » de la mission, le programme 169, présente une trajectoire budgétaire probablement unique, que je trouve personnellement assez troublante. Tablant sur ce que le comptable appelle pudiquement une « baisse naturelle », on accorde au monde combattant, au fil de l’eau et des décès, une enveloppe qui va diminuant. Il arrive que des demandes, parfois très anciennes, mais toujours légitimes – des « marronniers » –, finissent par être satisfaites au détour de cette évolution arithmétique favorable au budget de l’État.
La reconnaissance nationale ne consisterait-elle pas plutôt en l’analyse de ce que l’on doit objectivement à ces hommes et à ces femmes ? Inverser la réflexion, partir du chiffrage des droits, au lieu de donner des ristournes sur les sommes qui se libèrent, voilà qui éviterait cette négociation annuelle effectivement dégradante – il faut le reconnaître –, qui ramène les associations devant le législateur pour une forme de marchandage ; ce ne sont pourtant pas des négociations syndicales !
Les hécatombes humaines de la Grande Guerre ont fait prendre conscience à l’État du besoin de reconnaissance de la population vis-à-vis des victimes. Le droit à reconnaissance et à réparation est devenu la règle pour tous les soldats meurtris dans leur chair au cours de leurs missions au service de la Nation, pour les civils, victimes collatérales de la guerre ou du terrorisme, mais aussi pour les orphelins et les veuves. C’est une règle imprescriptible.
Alors, par respect pour ce principe, le budget du monde combattant pourrait avoir une forme de stabilité, qui serait cohérente. Au lieu d’être une variable d’ajustement, il pourrait intégrer, par exemple, l’ajustement automatique du point de pension, qui accuse toujours un retard chronique ; c’est une grave injustice. On ne peut pas faire aux anciens combattants de vibrants discours d’hommage, sans corriger ces distorsions. Comme le demandent les associations, il faut étendre le droit à reconnaissance aux ascendants, au même titre qu’aux descendants.
Alors que des avancées significatives ont déjà eu lieu grâce à vous, il subsiste des incohérences, que l’évolution budgétaire de cette mission aurait dû permettre de compenser. À ce jour, les veuves de titulaire d’une carte d’ancien combattant sont toujours exclues du bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire, si leur époux est décédé avant de percevoir la retraite d’ancien combattant. Sont également exclues, quel que soit l’âge de décès de leur époux, celles qui ont moins de 74 ans. Pourquoi ?
Madame la ministre, ne nous arrêtons pas au milieu du gué ! Le monde combattant évolue. On ne peut gérer ce dossier comme étant en voie d’extinction. Les opérations extérieures amèneront des besoins nouveaux, des situations nouvelles ; il faut sanctuariser ce budget, arrêter son érosion, qui n’est pas une fatalité.
Quel est l’avenir du droit à reconnaissance et à réparation ? Il se traduit, actuellement, par un certain nombre modalités fiscales, qui doivent simplement être justes, compréhensibles, cohérentes, sans effet de seuil et pérennes. La reconnaissance, c’est aussi une pension ajustée, stable, non négociable.
Quel est l’avenir du budget des anciens combattants ? Devenir, au fil du temps et des décès, un « ancien budget », éteint ou presque, en même temps que les anciens d’Algérie ? Changeons son intitulé : qu’il cesse d’être le budget des anciens quelque chose et devienne simplement le budget de la reconnaissance nationale, si cela permet d’enrayer cette morbide décrue.
« L’homme est une machine à oublier », a écrit Maurice Genevoix ; alors soit, que l’homme oublie les horreurs de la guerre, mais la Nation, elle, n’a pas le droit d’oublier. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur le groupe Union Centriste pour être présent à vos côtés dans cette perspective. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de commencer, je tiens à rendre un hommage appuyé à tous les anciens combattants et aux membres des associations patriotiques, dont nous connaissons le travail, l’engagement et les valeurs, d’autant que, cette année, l’organisation des commémorations a été totalement bouleversée.
D’ailleurs, la façon de commémorer en temps de pandémie est une réflexion qui doit être menée. Une Nation qui rencontre de graves crises a besoin de se retrouver et de souder sa jeunesse au travers d’une mémoire qui puisse être source d’espoir et de courage.
Madame la ministre, nous saluons les efforts réalisés pour moderniser et adapter les outils de communication et les supports permettant une meilleure transmission et une plus grande accessibilité de notre patrimoine mémoriel. Le volet numérique est un levier très utile pour développer le lien armées-Nation ; il représente une vaste ressource pour le monde enseignant et éducatif, pour qui la tâche est difficile face aux communautaristes qui refusent toute appartenance à la Nation et face à ceux pour qui mémoire rime avec repentance et, finalement, avec ignorance.
Toutefois, le numérique ne doit être qu’un outil, un complément ; il ne peut se substituer à la force de la réunion et de la rencontre des citoyens, lors des commémorations et des formations censées forger l’esprit de défense et développer la citoyenneté.
Cela m’amène naturellement à l’organisation de la Journée défense et citoyenneté. Le déploiement d’un dispositif en ligne pose question : va-t-il se substituer définitivement à l’organisation d’une journée en présentiel ? C’est une question importante, car le brassage entre jeunes issus de différents milieux sociaux et culturels fait partie de la citoyenneté. Nous observons bel et bien un rétrécissement des ambitions de cette journée, dont la pertinence tend à disparaître dans le format à venir.
Que penser de cette numérisation, alors que nous entrons dans la deuxième année d’expérimentation du service national universel (SNU), sans que le Parlement ait procédé à une véritable évaluation de l’existant ni même ait été consulté via un véritable travail législatif ? Si le SNU était une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, en 2017, un tel dispositif, s’accompagnant d’un doublement des crédits en 2021, ne peut s’affranchir d’un véritable débat ni d’un vote de la représentation nationale. Le SNU est financé par le programme 163, « Jeunesse et vie associative », de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », mais il est difficilement compréhensible que son périmètre et son pilotage soient autant dissociés de votre ministère.
J’en viens maintenant aux crédits en eux-mêmes. Nous assistons, cette année encore, à la baisse de la dotation, de 3,2 %, attribuable dans sa quasi-totalité au programme 169, « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». La baisse démographique explique cette évolution, mais ne saurait justifier cette tendance qui est baissière depuis 2012. Elle devrait au contraire servir à aider davantage les anciens combattants et à renforcer les actions de sensibilisation auprès des jeunes, dont le lien avec la mémoire tend à s’estomper lorsqu’ils quittent l’école.
Au nom du groupe Les Républicains, je regrette que les anciens combattants n’aient pas été reconnus à leur juste valeur. Je pense bien sûr à la revalorisation de la retraite du combattant et à l’augmentation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Philippe Mouiller tendant à augmenter de deux points l’indice de la retraite du combattant.
Nicolas Sarkozy avait décidé d’augmenter cet indice de deux points chaque année ; il l’a fait pendant tout son quinquennat. Il est vraiment dommage que l’on en ait décidé autrement par la suite ; on pourrait presque parler d’aumône ! Ce soutien est d’autant plus nécessaire que la paupérisation des anciens combattants retraités s’est accrue en 2020 avec la crise sanitaire, alors que leurs sources de revenus sont déjà très limitées.
Avant de conclure, je veux revenir sur l’ONAC-VG et sur le contrat d’objectifs et de performance 2020-2025. Cet office doit pouvoir poursuivre sa mission avec les moyens adaptés et au plus près de ses bénéficiaires. Son ancrage territorial et départemental ne saurait être remis en cause. De même, le service et l’accompagnement des anciens combattants doivent rester des points majeurs de son action. Nous resterons donc vigilants sur la rénovation annoncée de sa gouvernance.
À la lumière de toutes ces observations, nous voterons les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens sur cette mission budgétaire, parce qu’elle est essentielle à mes yeux. Fille et petite-fille d’instituteurs, j’ai toujours participé aux commémorations, avec les enfants de ma classe. C’était l’usage, à l’époque, et c’était bien, parce que nous étions très émus au son de La Marseillaise. J’ai ainsi pris conscience, dès le plus jeune âge, de l’immense sacrifice de nos combattants, qui ont aimé la France au point de lui sacrifier leur vie.
Originaire des collines de l’Artois, dans le Pas-de-Calais, j’habitais à quelques mètres de la gigantesque nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette. Je voyais quotidiennement les stigmates laissés par la Première Guerre mondiale. Ces souvenirs sont ceux d’un enfant qui a trouvé l’ancrage de ses valeurs républicaines au contact des anciens, qui se sont battus pour que nous puissions vivre libres. Aussi, je suis particulièrement soucieuse, en pleine crise sanitaire, de protéger nos libertés fondamentales personnelles.
Mes chers collègues, les années précédentes, je vous avais fait part de mes profondes inquiétudes sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Certes, je constate, cette année, une légère amélioration, mais le sentiment patriotique se dégrade dans une partie de notre jeunesse, la connaissance de l’histoire régresse et la tentation populiste grandit.
À vrai dire, ces symptômes, nous les connaissons tous. Personnellement, ils m’inquiètent au plus haut point, car je les ai constatés sur les bancs de l’université, auprès de mes étudiants. C’est une évidence encore plus grande dans les classes de collège et de lycée. L’amour de la France, ça ne se décrète pas – vous en conviendrez, mes chers collègues –, il faut le susciter. (Marques d’assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.) Si ces valeurs indispensables à la vitalité de la Nation déclinent, c’est en raison d’une transmission qui ne s’opère plus correctement.
Les incivilités constatées dans les classes, lors des cérémonies consacrées au professeur Samuel Paty, ont été dénombrées par le ministère de l’éducation nationale et elles ont été révélées ce matin sur les antennes. Il faut assurer la transmission des valeurs républicaines aux jeunes générations et souligner le sens de la loi égale pour tous. La connaissance du sacrifice consenti par nos anciens combattants doit permettre de comprendre le monde actuel.
Je tiens à rendre hommage aux nombreux bénévoles des associations d’anciens combattants, notamment à ceux du Souvenir français. Chaque année, de façon totalement désintéressée, ils vont dans les classes des écoles, des collèges et des lycées, partout où l’éducation nationale veut bien les accueillir. Leur témoignage est précieux pour nos enfants, souvent émus par ces rencontres. Ces bénévoles sont des passeurs de mémoire.
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Brigitte Lherbier. Les crédits dédiés au programme « Liens entre la Nation et son armée » sont assurément un excellent moyen de faire face à la crise de la citoyenneté.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’amendement de ma collègue Brigitte Micouleau ; nous sommes plusieurs à l’avoir cosigné. Il s’agit d’un amendement de bon sens, visant à réparer une injustice faite aux supplétifs civils de droit commun pendant les conflits d’Afrique du Nord. Ils ne sont plus que vingt-cinq à ce jour ; c’est bien peu… Les supplétifs civils, les harkis, et tous ceux qui ont souffert à un moment de leur vie au nom de la France et pour la France doivent être respectés et reconnus.
Il n’y a pas de fatalité en politique. Notre volonté commune est de résoudre cette crise de la citoyenneté qui traverse notre pays. Nous devons nous donner tous les moyens pour réussir. Sur ces travées, nous voulons tous que les jeunes Français aiment leur pays comme nous l’aimons. Pour cela, la France doit avant tout se réconcilier avec son histoire et être fière de tous ses anciens combattants, en leur donnant la reconnaissance qu’ils méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je souhaite rendre hommage, en tant que ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, au Président Giscard d’Estaing, non seulement au Président de la République, auquel nous devons des évolutions sociétales majeures, une modernisation du pays et un engagement européen remarquable, mais encore au jeune homme de 18 ans qui s’engagea de façon déterminée, à l’été 1944, dans la Première armée française du général de Lattre de Tassigny. Il participa aux combats de la libération du sud-est de la France et poursuivit les combats jusqu’en Autriche. Après huit mois de campagne, il fut décoré de la Croix de guerre 1939-1945.
Nous ne pouvons que saluer sa mémoire et cet engagement fort pour la France, dès ses jeunes années. (M. Yves Bouloux applaudit.)
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous présenter ce budget, celui du lien armée-Nation, du lien armée-jeunesse, du monde combattant et de la mémoire. Je sais que vous y êtes attachés et je vous remercie de la qualité des interventions que je viens d’entendre. Avec raison, vous développez ce lien, sur tout le territoire, avec le monde combattant et ses associations.
Comme chaque année depuis ma nomination, ce budget a été précédé d’une discussion et d’un travail fin avec les associations du monde combattant.
Ce budget, en diminution de 3 %, en raison de l’attrition naturelle du nombre de ressortissants, est doté de 2 milliards d’euros. Néanmoins, il maintient l’ensemble des dispositifs de reconnaissance, tous les droits et dispositifs fiscaux des anciens combattants et de leurs ayants droit, des victimes civiles de guerre et des victimes du terrorisme. Nous y ajoutons des mesures d’amélioration et d’équité, souhaitées par nombre d’associations.
Pour nos anciens combattants, notre projet de budget applique d’abord toutes les évolutions que nous avons décidées ensemble depuis 2017. Je rappelle à ceux qui trouvent que cela ne va pas assez vite, voire ne va pas du tout, que nous avons décidé l’octroi de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie de 1962 à 1964, octroi demandé par les associations du monde combattant depuis de si nombreuses années.
M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Ce mécanisme poursuit sa montée en puissance, puisque près de 40 000 cartes ont été délivrées, ce qui est remarquable.
Autre exemple : le fonds de solidarité dédié aux enfants d’anciens harkis, doté de 7 millions d’euros, continue de monter en puissance. Nous avons élargi ses conditions d’accès et nous avons pu constater, sur le terrain, l’utilité de ce dispositif et les projets très concrets qu’il finance. En 2020, la consommation budgétaire devrait atteindre 6 millions d’euros, en forte progression.
Ce budget comprend la mesure nouvelle, que vous avez soulignée, pour les conjoints survivants de très grands invalides de guerre, souvent des veuves, qui sont en réalité des aidants. Nous abaissons le seuil permettant d’améliorer la pension de réversion.
Autre domaine important : les moyens d’action de nos opérateurs, notamment l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ; vous y tenez tous, de même que les anciens combattants. Pour ma part, je tiens particulièrement à son budget d’action sociale, qui atteindra un niveau important – 25 millions d’euros –, malgré l’attrition du nombre de bénéficiaires. Cette somme correspond à la consommation de 2020.
Je profite de ma présence à cette tribune pour remercier les agents de l’ONAC-VG pour leur travail au cours de la crise sanitaire et durant cette année difficile. Avec sept mille appels passés, chaque semaine, aux ressortissants et la poursuite active de l’instruction des dossiers d’action sociale, cette mobilisation a vraiment permis de soutenir les plus fragiles dans cette période pénible.
Un nouveau contrat d’objectifs et de performance a été signé avec l’ONAC-VG pour la période 2020-2025. Les moyens de cette institution ont été planifiés et assurés. Le présent PLF traduit les engagements de ce contrat, avec une subvention de fonctionnement de 56 millions d’euros. Un certain nombre de chantiers de modernisation et de simplification se poursuivront, comme je m’y étais engagée auprès des parlementaires et des associations. Le maillage départemental est totalement préservé ; c’est pour moi un enjeu de proximité et d’efficacité.
L’Institution nationale des Invalides – une belle institution – bénéficiera d’une subvention de fonctionnement de 12 millions d’euros et d’une dotation d’investissement de 3,7 millions d’euros, afin de pouvoir démarrer, avant la fin de l’année, la construction des infrastructures qui contribueront à la création du nouveau projet médical, indispensable à nos blessés.
Enfin, je veux revenir sur la subvention à l’Ordre de la Libération, maintenue en 2020 à 1,7 million d’euros. Au cours des dernières semaines, trois Compagnons de la Libération nous ont quittés – Edgard Tupët-Thomé, Pierre Simonet et, voilà quelques jours, Daniel Cordier –, laissant le flambeau à Hubert Germain.
Plus que jamais, nous devons maintenir cette mémoire vive, portée par l’Ordre de la Libération et être attentifs à ce que les crédits affectés à cet organisme soient à la hauteur de nos ambitions mémorielles.
Alors que, demain, nous rendrons hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, je suis heureuse de vous proposer un budget très dynamique pour l’action n° 02, Politique de mémoire. Les crédits permettant la réalisation d’actions mémorielles augmentent de 60 % en 2021, passant de 11 à 18 millions d’euros. C’est un signe fort, à l’heure où nous avons devant nous les défis liés à la transmission de la mémoire combattante, pilier de nos valeurs républicaines, de l’identité et de la cohésion nationale.
Ces crédits permettront de faire face aux besoins d’entretien et de rénovation des nécropoles et de nos dix hauts lieux de mémoire et de financer des cérémonies et des actions éducatives.
Nous poursuivrons également notre soutien à la structuration du tourisme de mémoire, enjeu de vitalité sur nos territoires – je sais que vous y êtes sensibles.
L’année 2021 sera, en grande partie, consacrée à la mémoire des premiers résistants, notamment ceux de nos outre-mer, et à celle des opérations extérieures, par exemple les trente ans de l’opération Daguet au Koweït.
J’ai également souhaité que soit lancée une réflexion sur l’évolution de nos modes de transmission, car, si nous avons dû nous adapter à la crise sanitaire et développer et déployer des outils différents, il nous faudra continuer d’y réfléchir.
Les crédits de l’action n° 01, Liens armées-jeunesse, sont en augmentation de 15 %. Je veux réaffirmer l’enjeu de société, de citoyenneté et de cohésion que constitue la relation entre l’armée et la jeunesse. Mais elle est aussi un enjeu d’attractivité pour le maintien de notre modèle d’armée.
La Journée défense et citoyenneté a dû être adaptée aux conditions sanitaires : des séances entièrement numériques ont été mises en œuvre ces dernières semaines. Permettez-moi d’indiquer à ceux qui s’en sont inquiétés que les JDC en présentiel reprendront en février.
L’évolution vers les JDC en numérique a également été mise en œuvre afin de pouvoir les dispenser aux jeunes Français à l’étranger.
Le service militaire volontaire (SMV) a fait la démonstration de son efficacité avec d’excellents résultats d’insertion. Il a été évalué – le taux d’insertions positives est de 75 % – et il accueillera 1 200 jeunes en 2021, soit 200 de plus qu’en 2020. Florence Parly et moi-même avons pour objectif d’arriver à 1 500 jeunes en 2022.
Nous avons engagé une réflexion globale sur les nombreux dispositifs qui existent au sein du ministère en faveur de la jeunesse, afin d’en mesurer l’impact avec pour objectif de les structurer et de les développer.
Enfin, je voudrais répondre à deux sujets qui ont été évoqués.
Premièrement, la demi-part fiscale est liée à la perception de la retraite du combattant. J’ai toujours voulu accentuer mes efforts vers les plus faibles, mais il est vrai que ceux-ci ne paient pas d’impôt sur le revenu.
Deuxièmement, je voudrais répondre à la question précise de Mme Duranton pour vous annoncer qu’une agrafe « essai nucléaire » pour la médaille de la défense nationale sera créée. Cette décoration honorifique, cette reconnaissance, sera accessible à tous les militaires et personnels civils qui ont participé aux essais nucléaires de notre pays entre 1960 et 1996.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget porte sur des sujets éminemment d’actualité : il est celui de la transmission pour l’unité nationale dans les épreuves et de la résilience dans les crises. Je vous remercie de le voter avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Loïc Hervé applaudit également.)