M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à contexte exceptionnel, budget exceptionnel ! Après l’adoption de quatre lois de finances rectificatives en 2020, le projet de loi de finances pour 2021 a de nouveau battu des records. Le volume d’amendements déposés a doublé en trois ans, avec près de 2 800 amendements déposés cette année, preuve que le Sénat s’est voulu force de proposition. C’est donc un texte particulièrement dense sur lequel nous nous apprêtons à voter, non plus par un scrutin solennel à la tribune, comme c’est l’usage, mais par un scrutin public ordinaire, du fait des restrictions sanitaires.
Il est vrai que la mission « Plan de relance » aura beaucoup contribué à la multiplication des propositions, brouillant même parfois la clarté et la lisibilité de la discussion budgétaire, du fait de la nature transversale des outils de relance économique portés par le Gouvernement. Mais cette mission est naturellement indispensable pour soutenir notre économie, dans un contexte historiquement dégradé.
Bien sûr, la trajectoire budgétaire initialement prévue par le Gouvernement pour le quinquennat n’a plus lieu d’être. Cependant, la baisse progressive des impôts dits « de production » reste la grande mesure fiscale de ce budget. Déjà annoncée avant la pandémie, elle est aujourd’hui devenue l’un des grands axes de la politique économique du Gouvernement, dans le but légitime d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Le Sénat a adopté cette réforme, tout en veillant à en limiter les effets secondaires, en particulier pour les finances des collectivités locales.
Les débats techniques sur les taux de TVA, dans la première partie, ont montré la complexité de cette matière fiscale, qui gagnerait à mieux s’articuler à l’échelle européenne. Le groupe du RDSE avait déjà été à l’initiative d’un débat sur ce sujet l’année dernière, mais notre commission des finances gagnerait à approfondir cette question.
Par ailleurs, sujet désormais récurrent, la contribution exceptionnelle sur les contrats d’assurance adoptée par notre assemblée se comprend comme une mesure de solidarité nationale, alors que l’on a constaté en 2020 une baisse de la sinistralité du fait des mesures de confinement.
Le Sénat a également adopté certaines propositions habituelles de sa majorité, comme le relèvement du plafond du quotient familial. En revanche, il a suspendu l’application du jour de carence pour les agents publics dont l’arrêt maladie est directement lié à l’épidémie de covid-19, comme c’est le cas pour les salariés du secteur privé. Je m’en réjouis.
Le Sénat a réaffirmé des positions qu’il avait déjà prises en adoptant, depuis le début de l’année, des propositions de loi sur plusieurs sujets, parmi lesquels le libre choix des consommateurs dans le cyberespace, ou encore la répartition des rôles entre les assureurs et l’État en cas de crise majeure.
Pour sa part, le RDSE se réjouit de l’adoption de certaines de ses propositions, telles que l’exonération d’impôts pour les organismes de foncier solidaire, l’extension de la déduction pour aléas aux sociétés exerçant une activité agricole dite « prépondérante » et du crédit d’impôt famille aux travailleurs indépendants, la facilitation des fusions de sociétés agricoles, la fiscalité incitative sur les biocarburants, la mobilisation de la contribution climat-énergie en faveur des collectivités engagées dans la transition énergétique, la compensation des effets négatifs pour les collectivités de la réforme de la taxe d’habitation, ou encore la préservation des finances des départements et des ressources affectées aux chambres de métiers et de l’artisanat.
La mission « Plan de relance », dont le détail ressemble surtout à un ensemble de crédits supplémentaires alloués aux différents ministères par le biais de trois grands programmes de portée générale – « Compétitivité », « Écologie » et « Cohésion » –, aura sans surprise incité à demander que s’ouvrent plus grand les cordons de la bourse. Sans trop céder aux sirènes de la dépense publique, notre groupe a préféré se montrer responsable et n’a déposé sur cette mission qu’un nombre limité d’amendements, sur des points précis.
En ce qui concerne la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je salue la suppression quasi unanime de l’article 54 sexies, qui prévoyait la baisse du tarif de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque. Nous espérons que le Gouvernement en tiendra compte dans la navette.
Concernant la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec mes collègues Maryse Carrère et Christian Bilhac, nous avons fait adopter l’inclusion des investissements touristiques dans le périmètre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), ainsi qu’un assouplissement des règles de répartition de la dotation de solidarité communautaire. Nous avons également rétabli les anciennes règles, plus équilibrées, de compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.
Sur la politique du logement, nous avons abondé de 50 millions d’euros le programme d’aide à Action Logement et supprimé une disposition potentiellement préjudiciable aux ressources de cet acteur. Le PTZ serait quant à lui prorogé jusqu’en 2024.
Sur l’initiative de ma collègue Nathalie Delattre, nous avons œuvré en faveur du soutien à l’enseignement technique agricole, qui peut relever de la double tutelle du ministère de l’agriculture et du ministère de l’éducation nationale.
Nous avons apporté notre soutien aux entreprises viticoles qui ont maintenu l’emploi pendant le premier épisode de la crise sanitaire. Il faut savoir que, sur quinze membres de notre groupe, nous comptons trois viticulteurs. (Sourires.)
Nous regrettons néanmoins que le Sénat ait préféré rejeter un certain nombre de crédits de missions pourtant indispensables à notre vie économique et sociale.
M. André Gattolin. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. Je pense notamment à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », malgré la succession de désillusions à la suite de la loi Égalim. Je pense aussi aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ; les débats sur cette mission n’ont sans doute pas été à la hauteur d’une question qui est aujourd’hui au cœur du débat et des politiques publiques, en France comme d’ailleurs dans le reste de l’Europe. Sur ces sujets, mon groupe aurait espéré que le Sénat vote en responsabilité, en adoptant a minima des dispositifs en phase avec la réalité.
Oui, la Haute Assemblée a rejeté moins de crédits que l’an dernier ! Le texte dont nous discutons aujourd’hui reste cependant très artificiel. Le déficit demeure quant à lui impressionnant : il s’élève à 160 milliards d’euros, contre 90 milliards d’euros avant la crise, ce qui nous semblait déjà être un mur. Aujourd’hui, près de la moitié du budget de l’État est donc financée par l’endettement. La suspension des critères européens est justifiée, dans le contexte exceptionnel que nous connaissons, mais le poids de la dette va nous poursuivre pendant de très longues années.
En conclusion, je dirai que, sur l’ensemble de ce projet de loi de finances pour 2021 modifié par la majorité sénatoriale, les membres du groupe du RDSE reconnaissent des avancées, mais ne jugent pas ce texte réaliste. C’est pourquoi, dans la liberté et la diversité de notre groupe, nous nous partagerons entre trois votes pour et une majorité d’abstentions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’abord, nous ne pourrons pas nous adresser au ministre Le Maire, qui est pourtant chargé de l’économie et de la relance. Il est vrai qu’il en a été de même du ministre Véran pour la loi de financement de la sécurité sociale. D’accord, les gestes barrières sont importants, mais quand même ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Il est venu masqué !
M. Pascal Savoldelli. Finalement, on ne propose plus au Parlement de s’exprimer, mais de participer. Merci, monsieur le ministre Dussopt, pour votre participation et votre comportement politique, même si je regrette la présomption d’avis défavorable sur nos amendements !
Ce budget est davantage celui d’un fidèle serviteur de l’accumulation du capital que celui d’un État souverain où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous.
Mes chers collègues, je me permets simplement de vous le rappeler en toute solennité : le bon sens voudrait que nous ne répondions pas à une crise qui accroît drastiquement nos dépenses par d’autres dépenses. Notre groupe n’a eu de cesse de vous proposer de nouvelles ressources fondées sur l’équité fiscale, afin d’entraver l’accroissement des inégalités que la crise sanitaire continue de renforcer. Or, alors que nous avons débuté les débats autour de ce budget il y a maintenant plus d’un mois, nous avons beau chercher, nous ne trouvons pas !
Nous ne trouvons pas vos propositions visant à rétablir l’équité fiscale entre les petites et les grandes entreprises. Nous ne trouvons pas non plus vos mesures garantissant l’égalité entre les commerces de proximité et les géants du commerce en ligne, qui se sont largement enrichis pendant la crise. Nous vous avons bien proposé une meilleure progressivité de l’impôt sur les sociétés, avec à la clé une baisse d’imposition pour les petites entreprises, nous vous avons proposé une contribution des géants du numérique et un accroissement de la taxe sur les marchés financiers et sur les versements de dividendes, mais vous n’en voulez pas. Aucun nouvel impôt sur la richesse !
Il n’y a pas d’argent magique, mais, des décisions magiques, il n’y en a pas non plus ! Non, le véritable problème est moins l’argent que sa redistribution ! Trop souvent, vous pensez aux réductions d’impôts. Crédits d’impôt par-ci, crédits d’impôt par-là ! Mais, alors, allez-y, supprimez tous les impôts sur les entreprises, lâchez-vous ! Mais ça ne marchera pas. Tout le monde le sait, mais on continue ! Arrêtons de vouloir installer le pays dans le cercle infernal de la relance par la dette et de la dette pour la relance !
Entre la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat, il y a certes des différences (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.), mais il y a un point commun : c’est de rester à l’intérieur de l’économie telle qu’elle est, c’est-à-dire du capitalisme, qu’on évoque sous son nom d’emprunt : « économie de marché ».
Que dire des collectivités, ces grandes perdantes ? La réduction des impôts dits « de production » cause pour elles une perte de revenus de 20 milliards d’euros sur deux ans. Cette suite logique des cadeaux faits aux grandes entreprises sur le dos des budgets locaux produira des effets de bord renforçant son injustice. Les collectivités ne sont pas traitées à égalité face aux conséquences de la crise ; surtout, elles ne sont pas assez soutenues.
Nous avions bien fait des propositions qui auraient permis de réellement les soutenir, au regard des milliards de pertes engendrées par la baisse de leurs recettes et la hausse de leurs dépenses. Mais la majorité a préféré les décortiquer, révélant ainsi des contradictions, voire des antagonismes entre les beaux mots et les actes.
Le choix est clair : au levier d’action publique qui a une légitimité démocratique, à l’expérience locale, on préfère les logiques du marché privé, on préfère fabriquer des clients consommateurs plutôt que des usagers citoyens.
Le général de Gaulle, qui est souvent cité, nous rappelle ce qu’est un véritable plan : « Il embrasse l’ensemble, fixe les objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l’esprit public le sens de ce qui est global, ordonné et continu, compense l’inconvénient de la liberté sans en perdre l’avantage. » Eh bien, mes chers collègues, ce n’est pas un plan que vous allez voter ! Où sont les véritables objectifs ? Quelle est la priorité ? On consacre 7 milliards d’euros à l’énergie en voie de nouvelle marchandisation, contre 800 millions pour les plus pauvres. Mais c’est se mettre une balle dans le pied que d’acter que le développement durable soit mieux doté que la lutte contre la pauvreté !
Une aide de 150 euros pour les allocataires des minimas sociaux, une fois, sur un mois, ni plus ni moins ! Nous avions pourtant proposé de baisser la TVA sur les biens de première nécessité pour contrer cette pauvreté galopante, mais vous vous êtes cachés derrière la fatalité de l’« harmonisation européenne », comme si nous ne faisions pas partie de l’Europe…
Mes chers collègues, ce budget manque cruellement de vision, d’espoir et de créativité. Ce gouvernement promettait un nouveau monde ; nous récoltons finalement les mêmes recettes, inlassablement. L’Institut des politiques publiques confirme d’ailleurs que, dans votre budget, « les entreprises qui ont le plus pâti de la crise ne bénéficieront pas particulièrement du plan de relance ».
Pour toutes ces raisons, nous sommes amenés à dire non à ce budget.
Une crise sanitaire ? Vite, baissons les impôts des entreprises de 10 milliards ! Sur les dix prochaines années, 100 milliards d’euros vont échapper à l’État, monsieur le ministre. Ce sont 100 milliards qui vont manquer à la santé, 100 milliards qui vont manquer aux transports en commun, 100 milliards qui vont manquer pour une politique sociale ambitieuse, 100 milliards qui vont manquer pour l’écologie et les projets des collectivités territoriales !
M. André Gattolin. Qui dit mieux ?
M. Pascal Savoldelli. À croire que notre pays est devenu un régime de faveur, où seuls ceux qui participent au capital productif méritent des droits.
Vous refusez de constater que ce plan constitue – je cite encore l’Institut des politiques publiques – une « confiance aveugle dans les politiques structurelles et de l’offre » et qu’il s’agit d’« une sorte de suicide ». La relance n’existera pas, mes chers collègues, tant que la diminution de l’investissement public, qui s’est effondré de 26 % au premier semestre, ne sera pas compensée. Si les finances des collectivités sont en berne, la relance de la croissance le sera aussi.
J’avais abordé, en introduction de l’examen de ce budget, la nécessité d’ouvrir des perspectives, de donner un horizon, du fait de cette situation difficile pour notre économie, mais surtout pour les gens. Pourtant, vous vous entêtez dans une politique de l’offre injuste et inefficace.
Les Françaises et les Français, en contrepartie de la dette, à quoi ont-ils droit maintenant ? Ils ont le droit à un chantage aux réformes dites « structurelles » : réforme des retraites, baisse des dépenses et des services publics, réforme de l’assurance chômage. Ce plan ne relance rien ; il signifie une politique sans partage des pouvoirs et des richesses, autoritaire et régressif.
Nous sommes convaincus que ce budget n’est pas un budget de crise face à la crise. Il vient une fois de plus déléguer la souveraineté de l’État à la technoscience et au marché. Nous nous y opposons donc. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe tient d’abord à saluer le travail effectué par le nouveau rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre et M. Olivier Jacquin applaudissent également.) Il n’a eu qu’un temps extrêmement limité pour prendre en compte l’ensemble des dossiers après sa nomination. Notre groupe tient simplement à ce que, dans les prochains budgets, les propositions que nous formulerons soient encore plus entendues. (Sourires au banc de la commission.)
Il tient également, monsieur le ministre, à saluer votre engagement et votre présence devant le Sénat, ainsi que les réponses que vous avez pu lui apporter. Le président de notre groupe, Hervé Marseille, a eu l’occasion d’exprimer le regret que, pour un certain nombre de missions, nous n’ayons pas eu comme interlocuteurs les ministres qui sont réellement chargés du dossier ; ces ministres n’ont pu écouter les propositions du Sénat. On pense bien entendu en la matière à la mission « Plan de relance ». Vous avez assumé ce rôle ; nous nous en réjouissons, et nous espérons que le dialogue pourra continuer à être fructueux entre le Gouvernement et le Sénat pour améliorer l’action menée au service de nos concitoyens.
Je dirais volontiers, mes chers collègues, que le projet de loi de finances pour 2021 est mitigé. C’est bien l’expression qu’emploierait notre collègue Vincent Delahaye : nous, centristes, ne sommes pas forcément addicts à la dépense publique. Ce n’est pas par des budgets en constante augmentation que l’on juge les résultats d’une politique. Nous considérons au contraire qu’il faut continuer les efforts pour que, structurellement, nous adaptions nos dépenses aux recettes dont nous pouvons bénéficier. Il n’est pas pensable de continuer indéfiniment à dépenser plus que l’on n’encaisse.
Bien entendu, nous ne pouvons faire abstraction du contexte dans lequel nous nous trouvons ni de la nécessité de mettre en œuvre des actions de relance économique. On voit bien que l’économie souffre ; elle va continuer à souffrir. Bien sûr, un grand nombre de mesures ont été prises, mais il en reste encore. Ainsi, j’ai eu une conversation ce matin avec des responsables de centres de classes de mer et de découverte ; ils sont particulièrement inquiets, parce que leur activité est réduite à néant. Il importe que l’on puisse trouver les moyens de les accompagner de manière satisfaisante, comme nous le faisons pour un certain nombre d’entreprises, car il convient de ne laisser personne au bord du chemin.
Les membres du groupe Union Centriste ont cherché, au cours de l’examen de ce projet de loi de finances, à concilier relance économique et maintien des marges des collectivités. Nous regrettons clairement, par exemple, que la clause anti-délocalisations que nous avons proposée hier n’ait pas été adoptée par notre assemblée. Nous voulions envoyer un signe : pour lutter contre les abus, il était nécessaire de le faire.
Nous nous sommes néanmoins attachés à prévoir des mécanismes de garantie pérennes pour les finances des collectivités. Nous partageons la volonté de faire baisser les impôts de production, de manière à rendre nos entreprises plus compétitives, mais nous aurions souhaité que l’effort soit partagé entre l’État et les collectivités. La suppression de la C3S proposée par Sylvie Vermeillet l’aurait permis,…
Mme Valérie Létard. Absolument !
M. Michel Canevet. … mais elle n’a pas été retenue.
En revanche, point positif, notre assemblée a adopté l’amendement de Bernard Delcros et Sylvie Vermeillet tendant à supprimer l’unification des taux des taxes locales sur la consommation finale d’électricité.
Concernant le FCTVA, je veux être clair : nous souhaitons que le dispositif puisse évoluer, car il est inacceptable qu’existent, comme c’est le cas aujourd’hui, trois dispositifs différents selon les collectivités. En ces temps où l’on réaménage un certain nombre de dépenses, il importe de faire évoluer ce dispositif, de manière à permettre aux communes en régime n+2 de revenir au régime n+1, à défaut de pouvoir, au vu du coût que cela représenterait, revenir pour tous au régime n. Pour les membres du groupe Union Centriste, cela représente un enjeu particulièrement important.
Notre autre grand objectif a été de concilier la relance économique, au travers du plan de relance, avec des mesures de justice sociale. Nous avons bien sûr apprécié les efforts du Gouvernement en ce sens, avec des aides pour les familles, à hauteur de 100 euros, ou encore des jeunes, mais il importe de continuer très clairement dans cette voie. Notre groupe a ainsi proposé une augmentation du plafonnement du quotient familial, mesure importante pour encourager les familles. Sur l’initiative de Valérie Létard, nous avons également défendu différentes mesures fiscales visant à encourager le logement. Nous avons aussi voulu éviter un prélèvement, indu à nos yeux, de 1 milliard d’euros sur Action Logement. Il convient de laisser à cet acteur les moyens de sa politique ; on ne peut continuer indéfiniment de puiser dans ses caisses.
Nous avons également apprécié les mesures prises en matière d’enseignement agricole. Celui-ci n’était pas suffisamment accompagné, compte tenu de l’évolution des effectifs. Il importe de soutenir l’enseignement agricole, facteur d’aménagement du territoire et de dynamique des territoires ruraux. Cela dit, la plupart des membres de notre groupe ont regretté que notre assemblée ait rejeté les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui s’élevaient à environ 3 milliards d’euros. Nous avions débattu de ces crédits, nous avions passé toute une après-midi à apporter, par nos amendements, des améliorations à cette mission ; nous ne pouvons donc que regretter qu’elle n’ait pu être validée, ce qui a quelque peu déconsidéré le travail qui avait été mené.
On peut également compter au rang des regrets la politique maritime, qui n’est pas suffisamment identifiée entre les trente missions qui étaient soumises à notre examen. Elle est en effet partagée entre différents ministères. La France est pourtant un grand pays maritime ; nous devons affirmer cette vocation maritime, ce qui ne pourra se faire que par une politique cohérente. Certes, un ministère de la mer a été institué, mais cela ne suffit pas : il faut en trouver la traduction budgétaire dans les missions qui nous sont proposées, ce qui n’est pas le cas dans ce texte.
Je terminerai mon propos par l’outre-mer : les différents amendements qui ont été adoptés pour ces territoires montrent bien le défaut d’action cohérente en la matière. Il importe que la trajectoire puisse être rectifiée et que l’effort requis en direction des outre-mer soit réalisé.
Le groupe Union Centriste votera donc, dans sa grande majorité, en faveur du projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la période que nous traversons est sans précédent, la situation économique ne ressemble à aucune autre depuis des décennies, mais le Gouvernement a choisi de continuer sa route. Certes, il prend des mesures indispensables, mais sans dévier de sa politique.
À l’issue de nos débats, nous ne voterons pas ce budget, car nous avons la conviction que la crise sanitaire, économique et sociale aurait nécessité de profonds changements. Or force est de constater que la majorité sénatoriale a elle-même inscrit ses pas dans ceux du Gouvernement. Manque de soutien aux victimes de la crise, abandon de la jeunesse face à la précarité, absence de volontarisme en matière de transition écologique, fragilisation des collectivités territoriales, refus d’accroître la contribution fiscale des plus riches comme des grandes entreprises et, de ce fait, creusement des déficits : voilà pourquoi nous ne pouvons pas nous reconnaître dans ce projet de loi de finances, ni avant ni après sa modification par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
L’examen de la nouvelle mission « Plan de relance » a été particulièrement révélateur. Si plusieurs de nos amendements ont été adoptés, pour les outre-mer, la culture, le logement, la rénovation urbaine et l’aménagement du territoire, c’est bien parce que le plan de relance du Gouvernement s’avère insuffisant et incomplet. Il se contente d’accentuer la politique de l’offre menée depuis trois ans contre vents et marées. D’autant que ce plan de relance a déjà bien rétréci : 100 milliards d’euros étaient annoncés cet été, mais la mission « Plan de relance » ne comporte que 22 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent 10 milliards d’euros de baisse des impôts de production.
Nous regrettons évidemment, nous aussi, de n’avoir pas pu en débattre avec le ministre de la relance lui-même, Bruno Le Maire, qui aura surtout été, dans cette discussion budgétaire au Sénat, le ministre de l’absence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Rémi Féraud. Disons-le une nouvelle fois, cette action sur la compétitivité à moyen terme restera inefficace faute d’être mieux ciblée et davantage conditionnée, surtout faute d’être accompagnée d’un soutien beaucoup plus fort à la demande sur le court terme. Il manque un vrai plan d’urgence à ce budget. D’ailleurs, celui-ci n’est-il pas déjà caduc ? Le Gouvernement s’apprête en effet à introduire de nouvelles mesures à l’Assemblée nationale, et nous n’attendrons sans doute pas très longtemps en 2021 pour voir arriver un premier projet de loi de finances rectificative.
Aujourd’hui, Gouvernement et majorité sénatoriale se réjouissent de la baisse des impôts de production. Le Premier ministre lui-même a jugé utile de faire une déclaration qui en dit long : « Le plan de relance n’est pas un cadeau fait aux entreprises, c’est un cadeau à la France pour relancer l’économie. » Pour notre part, à l’instar de nombreux économistes, nous nous interrogeons sur l’utilité de ces baisses d’impôts pour les entreprises, sur leur pertinence, leur efficacité, leur coût pour les finances publiques et leurs conséquences pour nos collectivités locales. Ces baisses d’impôts profiteront-elles particulièrement aux entreprises qui ont subi le choc le plus important du fait de la crise sanitaire ? Dynamiseront-elles la reprise économique ? Permettront-elles la réindustrialisation de notre pays ? Sont-elles vraiment l’outil de relance le plus adapté après la crise que nous connaissons ? Permettez-nous d’en douter.
Quant au refus obstiné du Gouvernement de faire contribuer fiscalement les plus fortunés, dont chacun reconnaît que l’épargne s’est pourtant considérablement accrue, il a lui aussi trouvé un écho favorable et assez prévisible auprès de la majorité sénatoriale. D’ailleurs, comme Julien Bargeton le rappelait, vous avez voté ensemble en faveur de la première partie de ce projet de loi de finances.
M. Julien Bargeton. Ils n’y ont rien changé !
M. Rémi Féraud. Pourtant, toutes les études montrent que la crise a exacerbé les inégalités. Ce sont les Français les plus modestes qui sont les plus durement touchés par la dégradation de la situation. Ce sont les associations de solidarité qui voient leurs files d’attente s’allonger. Ce sont les maires qui alertent sur le décrochage des quartiers populaires. Ce sont les jeunes qui risquent de devenir une génération sacrifiée.
L’explosion de la pauvreté est alarmante. Si la mesure que nous avons adoptée pour renforcer le dispositif Coluche et encourager la générosité des Français est bienvenue, elle ne saurait servir d’unique instrument de solidarité. Nous avons proposé, en vain, d’améliorer la prise en charge du chômage partiel, d’augmenter les minima sociaux et de les étendre aux jeunes de 18 à 25 ans.
Mes chers collègues, mon groupe ne revendique pas le monopole du cœur,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal applaudit.)