M. Pascal Martin. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 6, lequel prévoit expressément la possibilité, pour les régions qui en feraient la demande, d’un transfert en pleine propriété de grands ports maritimes.
Je considère que la rédaction de cet article est inopportune et ambiguë. En effet, comme l’a rappelé Didier Mandelli, la question centrale sur laquelle il porte n’entre pas dans le champ de la mission d’information, telle que l’ont voulue son rapporteur Michel Vaspart et sa présidente Martine Filleul.
De plus, le calendrier est mal choisi, à quelques mois des élections régionales, pour lancer une réflexion sur un tel sujet.
Enfin, la rédaction reste ambiguë sur le rôle du représentant de l’État : on ne sait pas s’il doit émettre un avis à la demande d’une région, ou bien si cet avis est facultatif, obligatoire ou conforme. Le texte manque de précision.
Les onze grands ports maritimes de France assurent 80 % du trafic export et import. Ils sont un puissant outil de souveraineté nationale pour l’approvisionnement de notre pays. La stratégie nationale portuaire sera arrêtée par le Gouvernement, comme l’a rappelé M. le ministre, dans quelques semaines, en début d’année 2021.
Laisser les régions devenir propriétaires de grands ports maritimes renforcera les inégalités territoriales, et exacerbera la concurrence entre les ports. Nous souhaitons au contraire développer leur mutualisation et leur complémentarité.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 6.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Martine Filleul. Un transfert de la gestion des grands ports maritimes aux collectivités territoriales ne nous paraît pas opportun, et je développerai quatre arguments pour justifier cette position.
La première raison tient à ce que les places portuaires représentent des enjeux stratégiques, de sorte qu’il apparaît essentiel que les grands ports maritimes demeurent une compétence de l’État. Les ports sont des maillons stratégiques indispensables à la performance et à la résilience des chaînes logistiques. À l’export, ils permettent la promotion de nos filières d’excellence.
Ils sont un outil de souveraineté nationale pour l’approvisionnement en toutes circonstances de notre pays, comme l’a démontré la crise sanitaire. Les infrastructures portuaires ont en effet permis d’assurer la continuité des approvisionnements en produits essentiels à la vie de notre pays, qu’il s’agisse des produits agroalimentaires ou du matériel médical.
Par ailleurs, en admettant que les collectivités soient à même de gérer ces grands ports, qui nous dit qu’elles ne seront pas tentées, voire contraintes, un jour de céder ces actifs, et pourquoi pas à des pays comme la Chine qui mène une politique active d’acquisitions partout et dans de nombreux domaines ? Qu’est-ce qui nous protège de ce type d’éventualité ? C’est alors une part de notre souveraineté nationale que nous abandonnerions !
Deuxième raison, il ne semble pas que ce transfert corresponde à une demande de la part des grands ports maritimes. La majorité des représentants de ces derniers, auditionnés par la mission d’information, ne s’y sont pas intéressés et d’autres y étaient totalement opposés, à l’exception du grand port de Bordeaux et de la région qui pourraient être intéressés.
La décentralisation risque d’être particulièrement pénalisante si les collectivités territoriales ne disposent pas de moyens importants pour assumer cette nouvelle compétence.
Troisième raison, nous redoutons que la régionalisation ne se traduise par un accroissement de la concurrence entre les ports français, comme l’a expliqué Pascal Martin, alors que, a contrario, nous devons accroître leur coopération et la coordination interportuaire.
Quatrième raison, pour des motifs conjoncturels, l’État pourrait être amené, un jour, à transférer aux régions la gestion de certains grands ports maritimes à des fins d’ordre financier et comptable, comme le désendettement de l’État, par cession d’actifs. Dans la conjoncture de crise sanitaire et économique actuelle, cette crainte n’est pas à exclure.
Face à ces interrogations qui demeurent, nous souhaitons la suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
M. Pierre Médevielle. L’article 6 ouvre la possibilité d’une décentralisation de la propriété, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion des grands ports maritimes au profit des régions qui en feraient la demande, sous réserve de l’accord de l’État.
Un tel transfert aux collectivités territoriales de la gestion des grands ports maritimes n’est pas opportun puisque l’importance et le rayon d’action de ces ports dépassent largement les enjeux de la région où ils sont situés.
À titre d’exemple, Dunkerque a vocation à desservir les Hauts-de-France, l’Île-de-France mais aussi le Grand Est. Haropa a une aire d’influence sur toute la moitié nord de la France et une partie de la façade atlantique, potentiellement jusqu’en Nouvelle-Aquitaine. Le port de Marseille-Fos a vocation à rayonner sur la moitié sud de la France, mais avec l’axe Rhône-Saône, son influence remonte jusqu’en Bourgogne-Franche-Comté, Île-de-France et Grand Est.
De manière plus générale, ces grandes plateformes portuaires sont appelées à avoir un rayonnement national, voire international. Si l’on veut qu’elles retrouvent leur lustre d’antan, il faudrait pouvoir résoudre certains problèmes, notamment syndicaux, et faire les investissements nécessaires. Il n’y a pas de raison qu’elles ne développent pas davantage leur activité, alors que nous avons pris énormément de retard sur les autres pays.
De plus, cette initiative institutionnelle qui s’apparente à une décentralisation ne manquerait pas de susciter durant des mois, voire des années, des débats de toutes sortes, détournant les énergies de la conquête de la compétitivité portuaire, qui est pourtant un besoin primordial.
En effet, il est à craindre que ce transfert de compétence portuaire à l’échelle régionale mène non seulement à une situation d’immobilisme et à une absence de formulation de stratégie de développement national, mais aussi à un manque de coordination des investissements entre des entités appartenant à des aires administratives distinctes.
Pour ces raisons, cet amendement vise à supprimer l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Gérard Lahellec. Nous demandons la suppression de l’article 6 parce que nous y voyons une certaine dualité avec l’article 1er.
Sans entrer dans une analyse des textes, je dirai qu’il est très difficile d’affirmer les principes de cet article 1er et, en même temps, d’envisager le transfert de ces ports. Il y a là non pas une dialectique mais, encore une fois, comme une dualité entre les deux articles.
Cependant, notre opposition est d’ordre beaucoup plus pragmatique. Je me suis permis de citer, dans la discussion générale, une petite région maritime qui présente l’avantage d’avoir déjà vécu le transfert de trois ports d’État. La nouvelle autorité concédante de ces ports reçoit une dotation de 1,5 million d’euros par an. Je vous laisse en tirer toutes les conclusions… Quoi qu’il en soit, ce type de décentralisation ne permettra pas de nourrir de grandes ambitions pour le développement de nos ports.
Nous y voyons un autre risque, celui de l’inégalité territoriale dans l’approche portuaire. Les régions ne sont pas toutes les mêmes, elles n’ont pas toutes des ports, et quand elles en ont, ils ne sont pas forcément de même importance et ils n’entretiennent pas le même rapport à la vie de leur hinterland.
Enfin, je ne développerai pas la situation de tension que vivent ces collectivités territoriales. Voilà au moins quatre raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. J’ai déjà donné mon avis sur ces quatre amendements de suppression de l’article 6 lors de la discussion générale.
Je rappelle que les régions n’ont pas demandé expressément ce transfert de compétences. Sur la dizaine de visites que nous avons faites, une seule région a manifesté son souhait de pouvoir reprendre éventuellement « les rênes » du port, en l’occurrence le grand port maritime de Bordeaux.
En tant que rapporteur, j’ai voulu introduire des garde-fous dans cet article, en doublant le temps de réponse prévu de trois à six mois, en renforçant le rôle du préfet de région qui représente l’État, et en prévoyant un avis du conseil de développement ainsi qu’un avis du CNPL. Ces ajouts contribueront à mieux cerner la demande des régions, tout en préservant la possibilité pour l’État de s’y opposer.
Je partage en partie les arguments qui ont été développés par nos collègues. En effet, cette décentralisation ne me paraît pas forcément opportune, dans la mesure où les régions ne la demandent pas.
Je considère aussi, et on l’entend souvent sur ces travées, que les collectivités et les acteurs économiques ont besoin de visibilité et de stabilité, de sorte qu’il faut éviter de lancer un big bang territorial ou économique par secteur d’activité, tous les deux ou trois ans. On cessera ainsi de fragiliser les investissements prévus.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur ces amendements identiques, au travers desquels des sénateurs, issus de toutes les travées de l’hémicycle, ont souhaité exprimer leurs réserves sur l’article 6.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je serai moins sage que M. le rapporteur : le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements de suppression.
En effet, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous proposerons bientôt une stratégie nationale autour d’enjeux centraux, comme l’intermodalité ou la transition énergétique, qui concernent non seulement les projets de territoire mais aussi plus largement les ports, leurs quais et les navires. Nous prendrons en compte, également, la numérisation et l’extension de l’hinterland.
Il nous faut aussi favoriser un contexte de résilience économique et financière, compte tenu de la crise que nous traversons et de la très grande fragilisation d’un certain nombre d’exploitants et gestionnaires d’infrastructures qui ont fait appel à l’État en lui demandant de prendre en considération les volumes économiques engagés.
Enfin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, aucune région n’a spécifiquement demandé le transfert en gestion de telles infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Ma voix risque d’être un peu discordante dans le débat parce que je suis profondément décentralisateur et qu’il me paraît logique d’examiner toutes les opportunités de décentralisation.
Si Michel Vaspart, à l’issue d’un travail d’analyse extrêmement approfondi, a jugé bon d’introduire ce dispositif dans le texte, c’est parce qu’il y voyait le moyen de répondre aux attentes de certains territoires. Il ne s’agit évidemment pas de décentraliser l’ensemble des ports.
Je rappelle que dès novembre 2017, le comité interministériel de la mer (CIMer), alors présidé par celui qui deviendrait le maire d’une très grande ville, avait prévu que trois ports resteraient de facto nationaux, à savoir, Haropa, Dunkerque et Marseille-Fos, alors que tous les autres pourraient éventuellement être décentralisés si une manifestation d’intérêt s’exprimait dans les territoires.
Encore une fois, il ne s’agit pas de décentraliser systématiquement tous les ports, mais dès lors que des synergies s’expriment dans certains territoires, il paraît cohérent de pouvoir y donner suite.
De plus, le fait que des régions sollicitent le transfert de certains ports ne signifie pas que l’État accèdera automatiquement à leur demande.
Il faut analyser la situation et voir où sont les avantages pour nous. La France est un grand pays maritime, mais en matière de commerce maritime, elle reste très en deçà du niveau auquel elle devrait se situer. Cela signifie que nous n’avons pas trouvé les moyens d’atteindre les objectifs que nous aurions pu nous fixer.
Pourquoi est-ce que tous les navires passent devant nos ports et vont débarquer à Hambourg ou à Rotterdam ? Pourquoi le trafic est-il si faible dans nos ports ? Il est temps de poser les problèmes, d’identifier les synergies dans les territoires et de définir, effectivement, monsieur le ministre, une stratégie nationale. Il faut le faire très rapidement pour que l’ensemble des acteurs puissent opérer avec un horizon dégagé. La tâche est immense, car au-delà des ports, il faut améliorer tout l’écosystème.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Le groupe Écologiste – Solidarité et territoires est favorable à l’article 6 et ne votera pas ces amendements.
Cet article n’acte pas la décentralisation des grands ports maritimes, mais il en ouvre la possibilité sous réserve de l’accord de l’État. La gouvernance actuelle des ports est loin d’être satisfaisante. Quel que soit le sort de ces amendements, il faut que les élus locaux et régionaux soient mieux informés et mieux associés à leur gestion.
Dans la discussion générale, j’ai rappelé au nom de Ronan Dantec que la régionalisation de certains grands ports ne devait pas être un tabou.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. J’ai entendu quelques voix discordantes au milieu d’une certaine unanimité. Certains arguments me surprennent.
Je m’adresse à Martine Filleul, qui connaît bien la situation des Hauts-de-France et du Nord-Pas-de-Calais, où l’on a décentralisé les ports de Boulogne et de Calais. La région a transformé ces anciens ports d’État en plateformes rénovées et numérisées, pour reprendre un des points évoqués par M. le ministre. À Boulogne, on a une des plus belles criées d’Europe. À Calais, nous aurons bientôt le plus grand port de transport de passagers d’Europe. Tout cela a été rendu possible grâce à la région, à la tête de laquelle Xavier Bertrand vous a succédé, ma chère collègue.
Les stratégies régionales ne sont peut-être pas plus mauvaises que celle que le Gouvernement nous présentera dans quelque temps. Cette action au plus près du territoire reste un atout.
Michel Canevet a cité les ports belges. Dans les Hauts-de-France, nous défendons aussi une plateforme puissante, qui est celle de Boulogne-Calais-Dunkerque.
Offrir la possibilité aux régions de solliciter le transfert de la gestion des ports, en prévoyant une certaine souplesse dans le dispositif pour que les discussions avec l’État ne se déroulent pas de manière péremptoire, me paraît être une piste intéressante en termes de stratégie et de stratégie de façade.
Je suivrai néanmoins l’avis du rapporteur et me montrerai sage dans mon vote. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. La question n’est pas de savoir si on est pour ou contre la régionalisation des ports, mais l’enjeu est celui du maillage territorial. En effet, la diversité des ports permet d’assurer la complémentarité et donc l’efficacité des outils portuaires français.
Notre territoire compte soixante-six ports de commerce, dont cinquante-quatre sont gérés par des collectivités territoriales. Il ne s’agit donc pas, cher Jean-François Rapin, d’opposer les ports à enjeux nationaux et les ports à enjeux régionaux ou départementaux.
Néanmoins, l’article 6 établit une procédure selon laquelle le transfert devra se faire à la demande de la région, avec l’approbation du conseil de développement et sans obligation que l’État donne son accord.
Un flou, ou une lacune, persiste dans ce mécanisme, de sorte qu’il y a un danger que de très grands ports, comme celui du Havre que je connais bien, puissent être décentralisés par la simple volonté de la région. Pourtant, dans le cas du Havre, l’enjeu dépasse largement le cadre régional.
C’est la raison pour laquelle je voterai pour ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je soutiens les propos de Michel Canevet parce qu’il faut savoir raison garder : cet article est intéressant.
Je suis sénatrice de la Gironde, où se trouve le grand port maritime de Bordeaux, lequel fait effectivement l’objet d’une demande de régionalisation.
Même si nous ne souhaitons pas en faire une règle commune, la régionalisation est peut-être la seule solution pour que le port de Bordeaux survive. Il est dans un tel état que nous envions la gestion régionale du port de Bayonne, et nous souhaitons bénéficier de ce second souffle. Cet article répond donc aux attentes de mon département.
J’entends les arguments d’Agnès Canayer, mais il me semble que le texte respecte l’ensemble des cas de figure qui peuvent se présenter. Il ne remet en cause ni le maillage territorial ni la stratégie portuaire que nous devons définir ensemble, pour que la filière puisse avoir un avenir international et européen, mais aussi national.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Martin, pour explication de vote.
M. Pascal Martin. Il résulte d’une lecture attentive de l’article 6, qui comprend douze alinéas, qu’il n’y est jamais écrit formellement que le représentant de l’État dans la région devra émettre un avis. Le troisième alinéa précise uniquement que la demande est adressée au représentant de l’État dans la région. Par conséquent, nul ne sait ce que serait le rôle du représentant de l’État, à la suite d’une demande de régionalisation.
Permettez-moi de prendre l’exemple d’Haropa, dans le département de la Seine-Maritime qui m’est cher, comme à Agnès Canayer. Au 1er juin prochain, les trois ports du Havre, de Rouen et de Paris formeront le cinquième port de l’Europe du Nord. Ils sont situés sur deux régions administratives, d’une part la Normandie, d’autre part l’Île-de-France.
Si une seule des deux régions se déclarait favorable au transfert, Haropa ne pourrait plus se faire. Dans le cas où la région Normandie émettait cette demande, Rouen et Le Havre deviendraient des ports régionaux et Paris resterait un port sous l’autorité de l’État.
Enfin, quelle collectivité régionale est capable de supporter financièrement le transfert de tels équipements ? Le port du Havre représente 32 000 emplois ; celui de Rouen en représente 18 000, soit 50 000 emplois en tout. Les enjeux sont énormes !
Je suis moi aussi décentralisateur, mais le sujet est trop lourd pour qu’on en discute au milieu d’une proposition de loi ; ce ne serait pas sérieux. Peut-être pourrions-nous prévoir d’en débattre après les élections régionales, en inscrivant le sujet dans le cadre du projet de loi « 3D » qui doit traiter de différenciation ?
M. Loïc Hervé. Très bien ! (Mme Nathalie Delattre acquiesce.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour explication de vote.
Mme Martine Filleul. Je voulais répondre à M. Rapin au sujet des trois ports de la région Hauts-de-France.
Calais et Boulogne ont certes, comme il le disait, bénéficié de financements importants de la région. Cependant, force est de constater que cette régionalisation n’a pas permis aux trois grands ports – car il faut ajouter le grand port maritime de Dunkerque – de jouer collectif et d’avoir un projet d’ensemble grâce auquel ils auraient pu concurrencer les ports d’Anvers et de Rotterdam. Cette différence de statut a donc plutôt handicapé que favorisé le développement de l’activité portuaire dans la région.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je trouve ce débat particulièrement intéressant. Cependant, comme l’a dit Pascal Martin, il ne faut pas que nous précipitions la discussion. Cet article 6 est d’appel, et nous aurons d’autres opportunités pour traiter le sujet. Mieux vaut prendre le temps de la réflexion avant de proposer la décentralisation des ports.
N’oublions pas en effet que si elle offre des avantages, elle n’est pas non plus sans inconvénients. Ne doit-on pas craindre, notamment, que ne se développe une certaine concurrence entre les ports, alors que tel n’est pas l’objectif recherché ?
Le rapporteur vous propose un avis de sagesse positive qui ne revient pas à rejeter le débat, mais qui permet au contraire de le poursuivre dans un autre cadre, qui sera peut-être celui du projet de loi « 3D » ou « 4D ». Je crois qu’il est sage que nous nous donnions le temps de la réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Après avoir écouté tous nos échanges, et alors même que je suis coauteur de cette proposition de loi, je soutiendrai la position du président de la commission.
En effet, le texte de l’article 6 précise que la région peut demander à exercer des compétences, que le représentant de l’État va consulter le conseil de développement du grand port maritime, que le CNPL rend un avis, mais il s’arrête là. Qui prend la décision ? Quand la région a-t-elle le droit, une fois que la procédure est enclenchée et quels que soient les avis, d’obtenir le transfert ? On ne le sait pas, car cela n’est pas écrit !
Cette rédaction semble justifier la qualification que vient de donner le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : il s’agit d’un article d’appel plus que d’un article de droit.
Compte tenu du fait que les ports nationaux relèvent d’une politique nationale, et que celle-ci n’a pas l’ampleur qu’il faudrait lui donner, je me demande si nous ne devrions pas nous orienter plutôt vers l’exigence que le Gouvernement s’implique davantage dans le développement de cette activité portuaire.
Quand j’entends dire que l’activité du port du Havre a diminué de 28 % l’année dernière, je m’inquiète pour l’avenir de nos ports nationaux. Je ne suis pas sûr que le démantèlement d’une politique nationale n’ayant pas produit les effets que l’on en attend soit véritablement la solution pour redonner à notre pays le caractère de puissance maritime qu’il devrait toujours avoir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. De nombreux arguments de qualité ont déjà été échangés au cours de ce débat. Je voudrais y ajouter une réflexion : la difficulté qu’a la France à se doter d’une véritable politique maritime et portuaire s’explique sans doute par la conception un peu étroite que nous avons de nos ports.
Je le dis sans malice, mais plusieurs de nos collègues ont donné des exemples montrant que l’on ne peut pas réduire les ports aux activités portuaires au sens strict, car il faut aussi prendre en compte tous les hinterlands, avec les infrastructures fluviales, ferroviaires, et même routières.
Telle est l’échelle à laquelle il nous faut raisonner pour élaborer une stratégie nationale en matière portuaire. D’autres pays le font, comme ceux du Benelux.
Je comprends que nos collègues considèrent que l’État ne joue pas totalement son rôle, ce qui les conduit à chercher des solutions pour améliorer la situation. Cependant, il ne faut pas évacuer cette vision globale de nos ports qui doit s’inscrire dans une stratégie, indispensable.
Monsieur le ministre, cela vous place face à de grandes responsabilités.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter, 8, 14 rectifié et 15.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 est supprimé, et l’amendement n° 2 rectifié bis n’a plus d’objet
Chapitre II
Renforcer l’attractivité et la compétitivité des grands ports maritimes
Article 7
I. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° L’article L. 5312-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au dernier alinéa du II de l’article L. 163-1 du code de l’environnement, la mise en œuvre de mesures de compensation rendues nécessaires par la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage prend en compte le développement futur des infrastructures portuaires du grand port maritime, précisé dans le cadre de son projet stratégique. » ;
2° Après le même article L. 5312-13, sont insérés des articles L. 5312-13-1 et L. 5312-13-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 5312-13-1. – Le grand port maritime conclut un contrat pluriannuel d’objectifs et de performance avec l’État et, le cas échéant, avec les collectivités territoriales intéressées ou leurs groupements, qui a notamment pour objet de :
« 1° Préciser les modalités de mise en œuvre du projet stratégique dans leurs domaines de compétences respectifs et les programmes d’investissement associés ;
« 2° Préciser les orientations de la politique de dividendes versés à l’État par le grand port maritime, afin d’assurer une visibilité financière pluriannuelle à l’établissement ;
« 3° Déterminer une trajectoire de maîtrise des dépenses non commerciales du grand port maritime, prises en charge par l’État dans les conditions fixées à l’article L. 5312-13-2.
« Ce contrat prend en compte la stratégie nationale portuaire mentionnée à l’article L. 1212-3-3-1.
« Art. L. 5312-13-2. – L’État prend en charge une part substantielle des dépenses non commerciales des grands ports maritimes selon une trajectoire déterminée par le contrat mentionné à l’article L. 5312-13-1 et dans un objectif de maîtrise de leur évolution et d’incitation à la performance.
« Ces dépenses comprennent les dépenses de dragage, d’exploitation et d’entretien des écluses d’accès et des chéneaux d’accès maritimes, la construction, l’extension et le renouvellement des ouvrages de protection contre la mer, les frais de fonctionnement de la capitainerie, la sûreté et la sécurité portuaire, la gestion environnementale du domaine des grands ports maritimes ainsi que l’entretien opérationnel du domaine naturel terrestre.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du conseil national mentionné à l’article L. 1212-1-1, fixe les conditions d’application du présent article et précise la liste des dépenses mentionnées au premier alinéa. » ;
3° Après l’article L. 5312-14, il est inséré un article L. 5312-14-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-14-1 A. – Les grands ports maritimes concluent avec les communes et groupements de collectivités territoriales dont une partie du territoire est située dans leur circonscription administrative une charte formalisant leurs projets communs dans les domaines de l’aménagement, de la recherche, du développement économique et de la transition écologique. »
II. – Les 2° et 3° du I entrent en vigueur à la date prévue par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 17 de la présente loi, et au plus tard le 1er janvier 2022.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 9, présenté par Mme M. Filleul, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Joël Bigot.