Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Milon. Sinon, rapidement, nous aurons affaire à une nouvelle vague de décès de personnes âgées, cette fois due à l’isolement et au syndrome de glissement.
Ce qui a été dit lors des auditions qui ont été réalisées par la commission des affaires sociales, c’est que ce vaccin protégerait contre les formes malignes et bénignes de la maladie, mais qu’il existe une incertitude sur la transmission, d’où la non-vaccination des jeunes en priorité. Il est donc important, en attendant des études plus poussées sur ces vaccins ARN et les autres vaccins plus conventionnels – leurs retards sont probablement un peu le reflet de la façon dont, en France, on traite les innovations… – de communiquer sur la nécessité de vacciner les personnes les plus fragiles.
Il faut, de surcroît, que cette vaccination se fasse sur ordonnance. Autrement dit, il s’agit de mettre le médecin traitant comme pivot de cette campagne de vaccination.
J’aimerais en venir maintenant à un point qui me tient à cœur, monsieur le ministre. Si j’ai bien compris, les laboratoires français ont négligé la recherche sur les vaccins à ARN messager, biotechnologie pourtant utilisée dans d’autres domaines de la santé, en particulier en cancérologie, avec succès et sans intolérance pour les patients soignés de cette façon.
Si je cherche à savoir pourquoi, je n’ai pas de réponse idéale, sauf que, me semble-t-il, la France, comme on le voit sur d’autres types de recherche, en particulier en bioéthique, est frileuse dès qu’il s’agit de financer des travaux, qui, pour la plupart d’entre eux, n’aboutiront pas. Les chercheurs ou les projets partent donc vers des cieux plus cléments, avec des chances de succès beaucoup plus grandes…
Il est tout de même dommage de constater que notre pays est absent sur la technologie de l’ARN messager. Il faudra, à la lumière de cette aventure supplémentaire, revoir notre système de pensée sur le financement de la recherche. Pour ma part, je n’aurais pas honte de mettre en place des cofinancements public et privé.
Enfin, je souhaite aborder le problème constaté au sud de l’Angleterre, où des variants du covid-19 sont apparus en quelques jours. Nous ne sommes pas à l’abri de ce genre de mésaventure, même si, pour l’instant, celle-ci ne semble pas mettre en péril la vaccination mise en place sur un virus qui, je le rappelle, date du début de l’année 2020, mais il faudra en tenir compte dans la stratégie future de vaccination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, après avoir souhaité, à mon tour, au Premier ministre de rester en bonne santé, je vais commencer par les bonnes nouvelles. Par les temps qui courent, cela ne peut pas faire de mal.
Le Premier ministre a déclaré jeudi dernier que « c’est en France que la situation est aujourd’hui la mieux maîtrisée par rapport à nos voisins ». La semaine dernière, le taux d’incidence de la covid y était de 107 pour 100 000, contre 143 en Belgique, 150 en Allemagne et 250 en Suisse. Il y a 10 000 cas quotidiens en France, contre 30 000 en Allemagne. Il faut se pincer pour y croire !
Cependant, ces chiffres sont précaires, et après avoir fait pendant huit mois un complexe d’infériorité vis-à-vis des Allemands, ne faisons surtout pas aujourd’hui un complexe de supériorité. (M. le ministre approuve.) Ce virus continue d’être méconnu, déroutant et traître.
Sauf, bien sûr, pour ceux qui ont une boule de cristal. Lors du déconfinement, en mai dernier, j’avais taclé le professeur Mélenchon, de la faculté de médecine de La Havane (Sourires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.), qui avait annoncé, à l’Assemblée nationale, l’arrivée inéluctable d’un deuxième pic de l’épidémie.
Au même moment, son collègue, le professeur Raoult, de la faculté de médecine de Marseille, annonçait avec la même certitude qu’il n’y aurait pas de deuxième vague. Bingo ! C’est Mélenchon qui a décroché le pompon et qui s’est immédiatement auto-décerné sur Twitter le prix Nobel de médecine prophétique (Rires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.), comme tant d’autres, d’ailleurs, sur les plateaux de télévision.
Je n’ai rien à changer à ce que j’ai dit à l’époque : on a parfois une chance de tomber juste en jouant à Paul le poulpe. Après tout, même les horloges arrêtées donnent l’heure exacte deux fois par jour. (Rires sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc du Gouvernement. – M. Emmanuel Capus applaudit.)
La deuxième bonne nouvelle, c’est que les complotistes ont tort. Tous les anti-science sont en train de recevoir le meilleur des démentis, et les scientifiques la meilleure des confirmations : 7 jours en janvier dernier pour séquencer le génome du virus ; 303 jours entre le premier patient et la sortie d’un vaccin, là où il fallait dix ans auparavant. D’ici à quelques mois, la pandémie sera vaincue par une extraordinaire performance scientifique, technologique, industrielle et logistique mondiale – j’allais dire mondialisée, mais je ne voudrais choquer personne…
Bien sûr les anti-science ne vont pas lâcher le morceau. Ils essaient maintenant de discréditer les vaccins, avec un certain succès si l’on en croit les sondages, qui affirment que 60 % de la population serait réticente. Les sondages disaient aussi qu’Hillary Clinton serait élue contre Trump et que les Anglais voteraient contre le Brexit…
Si l’on faisait le travail correctement, en demandant à ceux qui hésitent s’ils font parce qu’ils sont contre les vaccins ou parce qu’il y a encore des incertitudes, on découvrirait que les Français, loin d’être des obscurantistes, sont, au contraire, des gens très rationnels. Ils comptent une petite minorité d’anti-vaccins et une grande majorité qui se dit : « Avant que ma grand-mère ne se fasse vacciner, je veux être sûr qu’elle ne risque rien. »
Je vais vous proposer le sondage de l’Institut Malhuret. (Sourires.) Depuis plus d’un mois, nous sommes en rupture de stock de vaccins antigrippe. Pourtant, les laboratoires en ont produit une fois et demie plus que l’an dernier. Les pharmacies ont été dévalisées.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Claude Malhuret. Conclusion : quand on propose aux Français un vaccin connu et sûr, ils se précipitent dessus, surtout quand on risque, le même hiver, d’attraper la grippe et la covid.
Mon pronostic est le suivant : quand nous commencerons la vaccination, après que les Anglais et les Américains l’auront expérimentée depuis un mois, ce qu’il faut craindre, c’est non pas que les doses restent dans les congélateurs, mais que nous peinions à répondre à la demande.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Claude Malhuret. Il y a beaucoup d’autres bonnes nouvelles en ces temps de morosité où, en plus, les jours raccourcissent : les progrès impressionnants des équipes médicales, qui ont divisé par deux les décès en réanimation ; le financement européen commun d’un plan de relance de 750 milliards d’euros ; la résistance de nos sociétés, notamment de la nôtre, qui a été confrontée à une triple crise, sanitaire, économique et terroriste, mais qui ne craque pas. Toutefois, ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui.
J’en viens aux nouvelles plus préoccupantes, la première étant que nous sommes loin d’en avoir fini avec l’épidémie. Lors du premier discours du Premier ministre, ici, en juin, je lui avais dit qu’il s’était vu confier « un job à 10 000 aspirines ». C’était peut-être en dessous de la réalité.
La course de vitesse a commencé, entre la probabilité d’une troisième vague, qu’il faudra réussir à maîtriser, et l’arrivée de l’immunité collective, avec l’aide du vaccin, qu’il faudra réussir à assurer.
Les mois qui viennent seront le véritable crash test de l’épidémie pour le Gouvernement, qui sera jugé sur son issue, et pour tous les Français, qui sauront à la fin s’ils font encore partie des nations qui résistent et réussissent ou des nations déclassées et reléguées en deuxième division.
Le premier acte de la pandémie fut, mondialement, une immense surprise, une immense incompréhension et une immense pagaille, sauf pour les pays asiatiques déjà confrontés au problème dans le passé. Cet acte s’est terminé par la solution la plus drastique, mais la plus coûteuse à tous points de vue, à savoir le confinement strict.
Le deuxième acte a commencé par le déconfinement de l’été. Nous avions fait beaucoup de progrès – nous avions les gestes barrières, les masques, les tests et la stratégie « tester, tracer, isoler » –, mais nous n’avons pas réussi à la contenir sur le terrain. La conséquence en fut le deuxième confinement.
Le troisième acte commence aujourd’hui. Si nous voulons le réussir, il faut identifier nos points faibles, et j’en vois deux principaux.
L’isolement, tout d’abord, qui divise la France en deux camps : obligatoire ou non. Posée en ces termes, la question n’a pas de solution. Entre l’isolement laissé au gré de chacun, qui aboutira au même résultat qu’en octobre dernier, et l’isolement obligatoire, qui conduira nombre de nos concitoyens à refuser les tests, la solution est un isolement réellement accompagné, avec des équipes allant à domicile et de réelles possibilités d’accueil pour ceux qui ne peuvent rester chez eux. Votre déclaration et l’annonce de moyens humains accrus montrent que vous l’avez compris.
C’est sur l’action que portent mes craintes. La coordination nécessaire entre tant d’acteurs, à savoir hôpitaux publics, privés, soignants libéraux, laboratoires et collectivités territoriales, n’a jamais pu être réellement assurée jusqu’à ce jour par une administration de la santé effondrée sous son propre poids et multipliant les injonctions contradictoires.
« Un mauvais général vaut mieux que deux bons ! » disait Napoléon. Il y a beaucoup de choses que les Français croient que le monde nous envie, mais que le monde ne nous envie pas du tout. Vous avez là un énorme défi à relever.
Le second défi est la logistique, pour acheminer les vaccins jusqu’à leurs destinataires. Je disais tout à l’heure que nous sommes en rupture de stock de vaccins antigrippe. Si l’État ne peut éviter qu’un vaccin bien connu, annuel, facile à conserver, soit absent des pharmacies depuis un mois, vous comprendrez mes inquiétudes sur sa capacité à assurer la logistique d’un vaccin produit à flux tendu, conservé à –80 degrés Celsius et commandé au même moment par le monde entier.
Ma crainte n’est pas que les Français ne veuillent pas se faire vacciner ; elle est qu’ils ne puissent pas le faire. Voilà votre second défi, monsieur le ministre, et je vous souhaite de tout cœur d’arriver à le relever, et il va vous falloir encore bien des boîtes d’aspirine.
Cette année se termine sur une note amère, entre le deuil de ceux qui nous ont quittés, le désespoir de ceux qui ont perdu leur travail ou qui vont le perdre, l’angoisse des acteurs du monde de la culture, de la restauration, du tourisme et de bien d’autres qui n’ont qu’une envie, reprendre leur activité, mais qui ne peuvent le faire.
La France déprime, et c’est bien compréhensible, mais nous serions mal avisés d’en rester à ce constat, et surtout de le noircir encore. Le Time, premier magazine d’information américain, titre cette semaine : « La pire année de l’histoire ». C’est faux ! Pensons à ceux qui étaient dans les tranchées de Verdun à 18 ans, à ceux qui ont eu 20 ans en 1940.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
M. Claude Malhuret. Rien n’explique mieux le bon vieux temps qu’une mauvaise mémoire. L’année 2020 est une épreuve, mais ce n’est qu’une épreuve, et l’humanité en a surmonté de bien plus graves.
Après 2020, année de la tristesse, viendra 2021. Et grâce aux vaccins, grâce à notre respect des règles, grâce à notre solidarité, ce sera l’année de l’espoir, l’année où nous surmonterons à notre tour l’épreuve qui nous est assignée. C’est le vœu que je forme aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
M. le président. Monsieur le président Malhuret, nous nous associons à vos vœux !
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an que le SARS-CoV-2 est apparu en Chine. La diminution des espaces naturels et le rapprochement des habitations humaines des populations d’animaux sauvages sont vraisemblablement responsables de cette pandémie, qui a mis sens dessus dessous les sociétés mondiales.
Voilà un an que nos vies ont été profondément bouleversées par ce virus, sur lequel on a tant écrit et sur le lequel on sait encore si peu de choses. Il est encore tôt pour tirer les conséquences de cette pandémie, qui est toujours notre quotidien, mais aussi notre horizon.
Cet horizon, depuis le premier confinement, seul un hypothétique vaccin semblait en mesure de nous permettre de le dépasser. Il y a un mois, alors que le Président de la République envisageait encore un vaccin à l’été, deux laboratoires annonçaient assez soudainement des résultats très encourageants, reposant sur une méthode révolutionnaire : des vaccins génétiques s’appuyant sur l’ARN messager.
Alors que la Haute Autorité de santé, la HAS, et l’Agence européenne des médicaments n’ont pas encore validé les résultats des laboratoires, des milliards de doses ont déjà été commandées par les pays européens, partout dans le monde. Vous préparez déjà la vaccination massive des Français au 1er semestre 2021. Nos voisins outre-Manche n’ont même pas attendu l’avis de l’Agence européenne et ont déjà commencé leur campagne de vaccination…
Il faut dire que l’impatience est grande. Le vaccin est une lumière au bout du tunnel, l’espoir du retour à la normale, de la sortie du confinement, de la réouverture de tous les lieux de convivialité, de tous les lieux culturels et sportifs, du retour au lien social. Un troisième confinement est une perspective épouvantable d’un point de vue humain, d’un point de vue psychologique, d’un point de vue économique et social, d’un point de vue financier, d’un point de vue global…
Monsieur le ministre, vous jonglez avec les injonctions contradictoires, cherchant le bon chemin pour sortir du maquis ; nous le savons.
Il n’en demeure pas moins que tout ceci est vertigineux. On s’apprête à inoculer à des milliards d’êtres humains un vaccin révolutionnaire, produit dans un temps record, avec des essais cliniques largement raccourcis, le tout pour prévenir une maladie que nous connaissons encore mal.
Même si le ratio bénéfices-risques des vaccins sur le marché justifie largement la stratégie de vaccination rapide que vous nous proposez, les raisons de l’inquiétude sont légitimes, et il ne faut surtout pas les balayer du revers de la main.
Ainsi, 60 % de nos compatriotes n’envisagent pas de se faire vacciner. Au pays de Pasteur, une telle enquête fait frémir, et il faut absolument en envisager toute la portée, car aucune des stratégies de vaccination que vous pourrez imaginer ne fonctionnera sans l’assentiment des Françaises et des Français.
Vous tentez de répondre aux inquiétudes en instaurant ce conseil citoyen, présidé par l’incontestable Alain Fischer. Le Sénat s’est ému, à juste titre, de la multiplication des structures ad hoc pour organiser les solutions face à la crise, mais, pour le coup, la défiance étant telle, à votre endroit comme au nôtre, qu’une instance citoyenne semble indispensable pour reconstruire un tant soit peu de confiance – à condition de ne pas la substituer à la représentation nationale, bien sûr.
Tel ne semble pas être le cas, puisque vous sollicitez le Parlement en amont, et nous saluons cette évolution, comme nous saluons la multiplication des réunions d’information et de concertation. Il faut poursuivre dans cette voie.
En matière de confiance, la transparence est le maitre mot, et je fais miennes les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : publier sur une plateforme unique en version complète, comme en version synthétique, l’intégralité des informations disponibles sur tous les vaccins proposés ; prévenir tout conflit d’intérêts, en rendant obligatoire la publication de la déclaration d’intérêts de toutes celles et tous ceux qui officient à l’élaboration et au déploiement de la stratégie vaccinale.
J’en ajouterai une troisième, indispensable : la publication des contrats signés par l’Union européenne avec les laboratoires pharmaceutiques.
Cependant, reconstruire la confiance dans un temps si court ne passera, hélas, certainement pas uniquement par les pouvoirs publics. Tout au plus, en agissant ainsi, vous pouvez éviter d’aggraver la défiance.
Reconstruire la confiance passera par les liens humains, par les médecins généralistes et, demain, on l’espère, par les pharmaciens. Tant que le vaccin, celui de Pfizer pour ne pas le nommer, nécessitera une telle logistique et une telle chaîne du froid, malheureusement, il sera difficile de s’appuyer sur ces relais de proximité en lesquels nos concitoyennes et nos concitoyens ont confiance, mais il est indispensable, et vous avez bien cet élément en tête, de les associer au plus tôt.
Reconstruire la confiance, c’est également assurer le respect absolu du consentement en manière vaccinale. À cet égard, les efforts que vous prévoyez, notamment pour les pensionnaires des Ehpad, nous semblent aller dans le bon sens.
Globalement, la stratégie que vous nous proposez, notamment son phasage, nous apparaît bien calibrée. Nous vous invitons à ne pas précipiter les choses, si d’aventure les conclusions de l’Agence européenne et de la HAS étaient mitigées, ou si vous rencontriez des difficultés logistiques à même de perturber le lancement de la première phase.
Cette stratégie de phasage permettra de cibler les publics et de se prémunir d’une pénurie, comme nous en connaissons actuellement avec le vaccin de la grippe.
Par ailleurs, sur recommandation, notamment de l’épidémiologiste Alfred Spira, nous vous demandons de bien vouloir permettre, dès la première phase, la vaccination de certains publics particulièrement fragiles et exposés : les personnes vivant en foyer de travailleurs migrants. Il s’agit de personnes souvent âgées, présentant une forte fragilité sanitaire et de fréquents problèmes de vulnérabilité psychique. En situation de séjour régulier, elles connaissent pourtant d’importantes difficultés financières, vivent en collectivité et dans une grande promiscuité.
Il faut évoquer également les personnes porteuses d’affections psychiatriques chroniques vivant en institution de moyen et long séjour, particulièrement fragiles et fortement touchées matériellement et socialement par la crise.
Nous vous demandons en outre d’envisager la vaccination, dès la deuxième phase, des personnes précaires, fragiles sanitairement et socialement, cibles et vecteurs importants du virus, dont la vaccination est actuellement prévue en troisième phase. Il paraît cohérent de les vacciner, s’ils le souhaitent, dès la deuxième phase, à la même période que les professionnels des secteurs de la santé et du médico-social qui les suivent.
Enfin, nous saluons votre décision de prendre en charge intégralement le coût des vaccins. Nous vous demandons en complément de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes les plus précaires n’aient pas de frais à avancer.
Nous n’avons encore que très peu de recul sur ces vaccins, mais ils semblent protéger efficacement les personnes les plus exposées à la violence du virus, sans présenter de risques ou d’effets secondaires handicapants. La transparence doit bien sûr toujours rester de mise.
Cependant, ce vaccin n’est pas le bout du tunnel que je décrivais tout à l’heure. Nous n’avons encore aucune certitude sur le fait qu’il bloque totalement la transmission du virus. Aussi, s’il permet, comme nous le souhaitons, aux secteurs les plus touchés par les mesures de confinement de reprendre progressivement leur activité, il ne doit surtout pas apparaître comme un « totem d’immunité », pour reprendre vos mots, monsieur le ministre.
Le chemin est encore long pour sortir de cette épreuve et, pourtant, nous avons terriblement besoin de retrouver un peu de nos vies en dehors de l’activité économique. C’est votre défi, dans la période qui s’ouvre : reconstruire cette confiance ; rééquilibrer les mesures coercitives qui perdureront ; contraindre davantage le travail pour permettre la reprise des autres activités humaines.
Dans cette période incertaine, notre population est épuisée et a besoin de perspectives rapides, d’oxygénation mentale, que le vaccin n’apportera pas dans un futur proche. Il faut permettre de supporter l’incertitude. Comme le dit Edgar Morin, « l’incertitude contient en elle le danger, et aussi l’espoir. » (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. René-Paul Savary. Pas d’applaudissements ?…
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu d’adresser des messages de prompt rétablissement au Président de la République et au Premier ministre.
Dix mois après le début de cette pandémie sans précédent, à l’heure où des campagnes de vaccination se mettent en place aux quatre coins du monde, le Gouvernement présente les principaux volets de la stratégie vaccinale française et sa place dans le dispositif de lutte contre l’épidémie de covid-19. Il est heureux que nous ayons ce débat. En effet, avec un calendrier si rapide qu’il impressionne autant qu’il interroge, nous nous devons de proposer aux Français une discussion constructive sur les axes qui le guident.
La méfiance et le scepticisme peuvent être compréhensibles. Aussi, il nous faut continuer à restaurer la confiance et construire l’adhésion au vaccin autour de quatre principes.
Le premier principe est le libre choix : le Président de la République l’a dit, la vaccination ne sera pas obligatoire. Pour autant, nous espérons que la défiance à l’égard de celle-ci sera la moins grande possible. Pour qu’il en soit ainsi, le Gouvernement doit opposer rapidement une communication transparente, continue et proactive, en associant les professionnels de santé de proximité, mais aussi les jeunes générations.
Cet effort de communication sur les effets secondaires et sur l’absence de collusion économique entre les laboratoires pharmaceutiques et le pouvoir, par exemple, permettra de convaincre. Il n’y aura pas de vaccination sans consentement ; c’est un prérequis non négociable : que les fervents opposants soient rassurés !
Nous regrettons cependant certaines postures politiciennes, qui, en mettant en scène sur la place publique des discussions au sein de la communauté scientifique, contribuent à l’affaiblissement de leurs institutions et donnent du crédit à ce phénomène de défiance.
Le deuxième principe est la gratuité : le vaccin est un bien commun, garanti à tous. Aucun Français ne doit y renoncer pour des raisons financières ou territoriales. Ainsi, rappelons que le Gouvernement a budgété 1,5 milliard d’euros dans le PLFSS et que le Sénat a voté un amendement, porté par notre groupe, avec le soutien du Gouvernement, visant à fixer la TVA à 0 % sur les vaccins contre la covid-19.
Oui, nous devons sécuriser la vaccination des plus précaires. Nous savons malheureusement qu’ils seront difficiles à retrouver au moment de la seconde injection. Aussi, la mise en œuvre d’une véritable initiative « d’aller vers » est indispensable. (M. le ministre acquiesce.)
Le troisième principe, c’est la démocratie sanitaire. Les Français doivent être écoutés et associés à la stratégie vaccinale.
À cet effet, deux instances ont été saisies : le Conseil d’orientation, présidé par Alain Fischer et composé de représentants des différentes parties prenantes, tels que des experts scientifiques, des professionnels de santé, des représentants des collectivités territoriales, des associations de patients, etc., ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Elles auront pour mission de mettre en œuvre « l’association des citoyens à la conception et au suivi de la stratégie vaccinale » et d’émettre des observations et des recommandations au Gouvernement.
De plus, je remercie le Gouvernement d’avoir accepté que les parlementaires participent à cet effort de transparence, grâce à la création de la commission conduite par Cédric Villani.
Le quatrième et dernier principe est la sécurité : la vaccination se fera dans le strict respect de toutes les règles qui encadrent l’utilisation des produits de santé dans notre pays. Si un vaccin est autorisé, c’est au terme d’une procédure rigoureuse et stricte d’essais aux échelles européenne et nationale.
Mes chers collègues, l’objectif de la vaccination est clair : protéger les Français et protéger notre système de santé. Les résultats des études cliniques convergent pour démontrer que la vaccination permet de réduire massivement la mortalité due au virus et ses formes graves. Or réduire les formes graves, c’est diminuer non seulement la mortalité, mais également le risque de saturation de notre système de santé.
Pour réussir, nous devons, avant toute chose, garantir aux Français le nombre de vaccins nécessaires le moment venu.
Le 21 décembre, l’Agence européenne des médicaments se prononcera sur l’autorisation de mise en circulation sur le marché des vaccins. La décision d’autoriser un vaccin dépend bien d’une autorité indépendante européenne et d’autorités nationales, également indépendantes, comme la HAS, chargée de définir les publics prioritaires à vacciner.
La responsabilité du Gouvernement est que tout vaccin mis sur le marché ait bien reçu toutes les autorisations nécessaires pour assurer une vaccination des Français en toute sécurité et garantir que lesdits vaccins soient acheminés rapidement.
À ce jour, 200 millions de doses sont fléchées vers la France. Pour une campagne vaccinale optimisée, nous devons construire une logistique adaptée, afin de stocker et de déployer sur le territoire ces vaccins, qui présentent des caractéristiques particulières et différenciées. Bien évidemment, nous devons aussi vacciner en priorité les personnes pour lesquelles le virus est le plus dangereux, parmi lesquelles il ne faut pas oublier – vous l’avez dit, monsieur le ministre – les populations précaires, que l’on trouve souvent dans des milieux urbains considérés comme des déserts médicaux.
C’est le rôle de la HAS que d’établir un ordre très précis des personnes à vacciner. Cette priorisation fait consensus et je ne pense pas qu’il faille revenir dessus. N’oublions pas que cette stratégie par phases et par ordre de priorité répond à une double volonté : d’une part, réduire les hospitalisations et les décès ; d’autre part, maintenir les activités essentielles du pays, particulièrement celles du système de santé.
Bien évidemment, la stratégie vaccinale vient compléter les dispositifs mis en place depuis le début de la pandémie. Parce que beaucoup ne sont pas considérés comme prioritaires et ne seront pas vaccinés avant des mois, les gestes barrières, le télétravail, le couvre-feu et toutes les mesures qui ont prouvé leur efficacité devront être maintenus ou adaptés dans le temps, avec beaucoup d’humilité, pour optimiser la protection de chacun.
Une fois les vaccins mis sur le marché, nous entrerons dans la campagne de vaccination avec une seconde étape, celle de la vaccinovigilance, qui est indispensable pour suivre la distribution des doses vaccinales, afin que nous soyons capables d’en mobiliser de nouveau si besoin pour des personnes prioritaires. Il s’agit enfin de collecter des données en temps réel, et cela dès la première piqûre.
C’est un arsenal complet qui va être déployé. Tous les échelons sont mobilisés pour garantir la plus grande transparence.
Une cellule régionale de vaccination est mise en place au niveau de chaque ARS. Une collecte de donnée se fera à l’échelle régionale, avec les 31 centres régionaux de pharmacovigilance installés dans les hôpitaux. Ils recueilleront en temps réel les potentiels effets inattendus liés aux vaccins ou les cas dits « marquants », par exemple les problèmes cardiaques.
À l’échelle nationale, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, sera chargée, grâce aux remontées de terrain, de rendre public un rapport hebdomadaire sur les effets indésirables. Ces documents permettront de diffuser une information claire et accessible aux publics à toutes les phases de la campagne.
Bien évidemment, tout cela ne se réalisera qu’avec la pleine mobilisation des professionnels de santé, des patients et des associations de patients. Nous aurons tous la possibilité de faire remonter ces informations grâce à un portail de signalement, qui, d’ici au lancement de la campagne, sera renforcé et promu auprès du grand public.
Nous savons pouvoir compter sur la mobilisation des professionnels de santé. Pour autant, celle-ci ne sera possible que grâce à une nécessaire information du corps médical, claire et transparente, sur les types de vaccin, leurs modes de conservation et les populations destinataires. Il faudra surtout prévoir un statut juridique et assurantiel qui protège les médecins.
Mes chers collègues, nous vivons une pandémie terrible, mais aussi une révolution scientifique extraordinaire. L’arrivée du vaccin marquera un tournant dans la lutte contre la covid-19.
Pasteur, pour surmonter la défiance de tous, a dû s’administrer lui-même son propre vaccin. Aujourd’hui, en faisant confiance à la science et au monde médical, nous serons à la hauteur de la mission que notre mandat nous assigne, nous obligeant, quelle que soit notre orientation politique, à participer à la mise en œuvre de toute la chaîne humaine et logistique, au sein d’une Europe dont la volonté est d’agir de façon concertée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)