M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Pendant cette crise, on a beaucoup demandé aux jeunes, notamment aux étudiants.
Compte tenu de la gravité de la situation, il est effectivement urgent d’apporter des réponses – vous l’avez dit, madame la ministre –, notamment pour renforcer l’accompagnement humain, qu’il aurait peut-être d’ailleurs fallu anticiper.
Ce que les étudiants attendent surtout, c’est de pouvoir se projeter et d’avoir des perspectives. Oui, il est urgent que votre gouvernement adresse enfin un véritable discours à la jeunesse de notre pays, notamment aux étudiants ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
lutte contre la délinquance en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Rojouan. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Nos campagnes sont de moins en moins paisibles. La ruralité n’est pas moins touchée que les zones urbaines par la violence. Lors de l’année écoulée, selon les propres chiffres du ministère de l’intérieur, les violences ont augmenté de 8 % dans les zones rurales et périurbaines quand elles diminuaient de 5 % dans les zones urbaines dans le même temps.
Le constat est sans appel. Coups et blessures : +10 % ; séquestrations : +15 % ; règlements de comptes et homicides : +15 % ; viols : +18 %. On assiste dans les zones rurales ou semi-rurales à une véritable radicalisation des comportements, que l’on voyait auparavant le plus souvent en zone urbaine.
Illustration dramatique de cette dégradation, le 23 décembre dernier, trois gendarmes venus porter secours à une femme victime de violences conjugales ont été abattus dans un petit hameau du Puy-de-Dôme, département voisin du mien. Je tiens ici à rendre hommage à leur courage et à leur dévouement.
Monsieur le ministre, votre majorité ne peut ignorer cette nouvelle géographie de la délinquance, extrêmement inquiétante. Cet échec n’est pas seulement celui de l’ancien monde ; c’est aussi le vôtre ! Vous êtes en responsabilité. Vous avez le devoir d’entendre la détresse de nos concitoyens et des élus des territoires ruraux.
Il y a urgence ! L’heure n’est plus aux discours ou à d’hypothétiques expérimentations. Les Français attendent des actes concrets, et rapidement.
Quelle analyse faites-vous de cette nouvelle délinquance qui gangrène nos territoires ruraux ? Et que comptez-vous faire pour la combattre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je partage évidemment votre émotion à l’évocation des trois gendarmes morts pendant ces fêtes de Noël. J’ai bien entendu exprimé, au nom du Gouvernement et de la Nation, ma tristesse devant un tel drame et devant les grandes difficultés que connaissent les policiers et les gendarmes, qui ont perdu onze des leurs l’année dernière.
Toutefois, votre lecture n’est pas tout à fait celle du ministère de l’intérieur. Tout d’abord, zone de gendarmerie ne veut pas nécessairement dire zone rurale. La gendarmerie protège 51 % de la population française, certes sur 95 % du territoire, mais 70 % des statistiques que vous évoquez relèvent de zones urbaines. Les chiffres du ministère de l’intérieur, qui seront publiés le 20 janvier prochain, le montreront.
La délinquance croît certes de façon très importante, et plus en zone de gendarmerie qu’en zone de police, comme vous l’avez souligné, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle a plus augmenté dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Les violences conjugales et intrafamiliales expliquent pour une large part ces augmentations, quelles que soient les zones, ainsi que les refus d’obtempérer et les délits routiers.
On relève un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes en zone de gendarmerie, un toutes les trente minutes en zone de police. Plus de la moitié des morts en service l’an dernier parmi les forces du ministère de l’intérieur sont dues à des refus d’obtempérer. Quant aux séquestrations que vous avez mentionnées, elles sont souvent liées au premier point que j’ai évoqué.
On relève en revanche, notamment en zone de gendarmerie, de très bons chiffres concernant les cambriolages, qui diminuent de 40 % alors qu’il s’agissait des délits les plus importants il y a encore deux ans. À cet égard, je remercie les gendarmes, qui font un travail courageux. De même, les faits attentatoires au monde agricole diminuent sur une grande partie du territoire national, même si leur nombre reste élevé.
Bien sûr, nous devons continuer de travailler, et vous avez raison de souligner la particularité de l’année 2020, le confinement et le couvre-feu ayant contribué à diluer les statistiques, en zone urbaine comme en zone rurale.
Mais n’ayez aucun doute, monsieur le sénateur : le travail continu de lutte contre la délinquance que nous menons et l’activité de l’autorité judiciaire, sous l’autorité du garde des sceaux, permettront d’apporter des réponses à vos questions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
rave-party en ille-et-vilaine et efficacité du renseignement territorial
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre de l’intérieur, je veux vous parler d’une rave-party lunaire qui s’est tenue à la Saint-Sylvestre à Lieuron, charmant petit village d’Ille-et-Vilaine, mais sans doute de grand renom puisque plus de 2 500 « teufeurs » venus de France, de Belgique, d’Angleterre et d’Espagne s’y sont rassemblés. Cette rave-party interdite était extrêmement bien organisée : non seulement les entrées étaient filtrées et payantes, mais il y avait aussi des stands de vente de stupéfiants, de nourriture et d’alcool.
Cette rave-party lunaire était à haut risque sanitaire – nous en avons parlé, monsieur le ministre, il s’agissait d’une véritable provocation –, mais aussi en termes de sécurité puisqu’un véhicule de gendarmerie a été incendié et trois gendarmes agressés.
La critique est aisée, l’art plus difficile. Aussi je veux très sincèrement vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir sifflé la fin de la partie, en concertation avec les élus.
Comment se fait-il toutefois que 2 500 « teufeurs » aient pu trouver le lieu d’une fête qui semblait extrêmement bien organisée et que la gendarmerie n’ait pu infiltrer aucun réseau pour anticiper l’organisation de l’événement ? Une fois les fêtards sur place, il était impossible de faire sauter les parachutistes…
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de l’incompréhension d’une partie de la population : comment se fait-il que certains Français partis skier en Suisse aient été placés en quarantaine à leur retour, mais que 2 500 « teufeurs » aient pu se disperser en France – certes après avoir été verbalisés – et propager le virus par la même occasion ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Permettez-moi de vous corriger, madame la sénatrice : ce sont non pas des « teufeurs », mais des délinquants qui se sont réunis ce soir-là, le caractère illégal de la manifestation ayant été établi. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que, selon la loi de la République, la réunion non autorisée de plus de 500 personnes est illégale. Une information judiciaire a été ouverte par le procureur de la République, 2 000 personnes ont été verbalisées, 15 arrêtées, 4 mises en examen. Par ailleurs, 2,5 tonnes de matériel ont été saisies, dont 15 murs de son. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’autorité judiciaire. Ces actes n’ont donc pas été impunis.
Il est vrai que, contrairement à quelques boutefeux qui m’encourageaient parfois à le faire sur les réseaux sociaux ou à la télévision, je n’ai pas souhaité envoyer les parachutistes, dans des conditions extrêmement difficiles, sur des jeunes âgés de 15 à 20 ans. J’ai préféré, sous l’autorité du Premier ministre, clôturer le site afin d’éviter des blessures ou des décès. À cet égard, je salue le sang-froid des gendarmes.
L’ordre républicain a été tenu. Parmi les jeunes présents, 225 ont été verbalisés pour avoir consommé des stupéfiants ; les ordonnateurs ont été poursuivis, certains ont même été incarcérés.
Vous vous demandez comment l’organisation d’une telle manifestation a été possible, madame la sénatrice. C’est une question que le Sénat évoquera très certainement dans des projets de loi à venir. Le recours à des réseaux de communication parallèles, autres que le téléphone et le SMS, empêche le ministère de l’intérieur, qui ne fait qu’appliquer la loi de la République, d’intervenir. Comment pouvons-nous, dans l’ordre public, prévoir des manifestations de cette ampleur ? Nous devons nous poser la question. Quand c’est une rave-party, cela peut nous choquer. Quand ce sont des rassemblements de Black Blocs, cela nous choque encore plus.
Je demanderai au Parlement, sous l’autorité du Premier ministre, les moyens de renseignements pour activer les forces de l’ordre dans des conditions acceptables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
article 30 de la proposition de loi relative à la sécurité globale
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
La nuit du 31 décembre, un accident tragique a eu lieu à Boofzheim, en Alsace. Un jeune homme de 25 ans a eu la tête arrachée en manipulant un tir d’artifice. Il habitait ma commune et voulait s’amuser avec un groupe d’amis. Il s’agissait non pas de délinquants qui tirent sur les forces publiques, mais de jeunes gens s’inscrivant dans une tradition festive solidement ancrée en Alsace, même si elle est de plus en plus décriée par les habitants, les autorités et les secours.
J’ai été interpellée par les maires, qui, malgré les interdictions, font face chaque année à des débordements, à des mutilations, et qui ont quelquefois la lourde charge d’annoncer aux parents le drame qui les frappe.
Aujourd’hui, nous devons admettre que les réglementations successives n’ont pas permis d’éviter de graves accidents. Pour être efficaces, les interdictions doivent impérativement être accompagnées de sanctions réellement dissuasives. C’est ce que prévoit l’article 30 de la proposition de relative à la sécurité globale pour les tirs de mortiers sur les forces de l’ordre, qui vise à durcir le régime des sanctions.
Concernant les tirs de divertissement, il faut obliger les organisateurs d’événements et de soirées à inscrire l’interdiction formelle des feux d’artifice dans tous les contrats de location de salles et sur tous les supports de communication, sauf si un professionnel agréé est recruté pour les tirer. Toute transgression de cette règle doit être assimilée à un délit sanctionné d’une amende forfaitaire et d’une inscription au casier judiciaire.
Je déposerai un amendement en ce sens lors de l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale au Sénat. Il faut stopper cette indulgence malsaine et complice.
Monsieur le ministre, dans la mesure où nous n’arrivons pas à contrôler la vente et l’achat de ces articles, pourquoi ne pas réserver l’usage des feux de divertissement aux seuls professionnels, comme c’est déjà le cas pour les mortiers, afin d’éviter que chacun ne puisse les tirer de son jardin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je partage bien entendu votre émotion à l’évocation de cette jeune personne décédée entre Noël et le Nouvel An dans votre circonscription. J’adresse mes condoléances à ses parents et à la commune.
Quand j’entends parler des mortiers et des feux d’artifice, j’ai aussi une pensée pour tous les policiers et les gendarmes qui ont été attaqués, comme ce fut le cas à Champigny-sur-Marne à la fin de l’été. Le travail effectué par les agents de la préfecture de police de Paris, en lien avec l’autorité judiciaire, nous a permis de confondre les responsables de ces attaques, qui ont transformé des mortiers en armes par destination. Il s’agit souvent de mineurs, malheureusement, qui en l’occurrence ont été identifiés grâce à l’important travail effectué pour relever des empreintes.
Comme vous l’avez souligné, la proposition de loi relative à la sécurité globale, sur laquelle j’ai été auditionné hier soir par la commission des lois du Sénat – je salue ici ses rapporteurs –, prévoit dans son article 30 que l’utilisation non professionnelle de feux d’artifice constitue désormais un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. La vente aussi sera pénalisée, y compris sur internet. Nous l’avons fait pour d’autres sujets lorsque j’étais en poste à Bercy. Je sais toutefois que les artificiers accomplissent un travail professionnel, et je suis prêt à examiner des possibilités d’amendements avec les rapporteurs du texte au Sénat.
Nous devons suivre ce problème avec attention, de même que celui du protoxyde d’azote, cher à la sénatrice Valérie Létard, et celui des rodéos urbains – la loi de 2018 a permis des avancées sur les saisies, mais il faut sans doute accorder des moyens supplémentaires à nos policiers et à nos gendarmes.
Au regard de l’importance des questions de sécurité en jeu, j’espère que nous pourrons ensemble coconstruire ce texte. Soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’hésitera pas à émettre un avis favorable sur vos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l’industrie, mes chers collègues, la crise sanitaire a souligné la défaillance de notre appareil productif dans des secteurs cruciaux de notre économie. Je pense en particulier à la pénurie de masques, de gants ou de matériel pour les professionnels de santé au début de la pandémie.
Les chiffres de l’année 2020 sont édifiants : 30 plans de licenciements par semaine en octobre, près de 1 million de suppressions d’emplois, 657 plans de licenciements entre le 1er mars et le 22 novembre. Mais le pire reste à venir ! Nous savons que, avec cette crise, le mouvement de délocalisation va encore s’accentuer et entraîner des suppressions d’emplois massives.
Nous attendons un véritable « bain de sang », pour reprendre une expression de Patrick Artus, auditionné ce matin par la commission des affaires économique. Pourtant, des milliards d’euros ont été versés aux entreprises à travers des plans de soutien, sans aucune contrepartie en termes de maintien de l’emploi, de reconversion ou de formation professionnelle.
Un grand groupe comme Michelin, qui a pourtant la capacité de mieux résister pendant la crise, rationalise sa production et ajoute encore au malheur, en annonçant la suppression en France de 2 300 emplois.
Un autre grand groupe, General Electric, qui s’était engagé à créer un millier d’emplois en France, a annoncé en septembre dernier un plan de restructuration menaçant près de 800 emplois. Comble du cynisme, son PDG s’octroie un bonus de 47 millions de dollars en récompense d’une gestion purement actionnariale et financière, qui a entraîné en plusieurs décennies des dizaines de milliers de suppressions d’emplois.
Face à ce constat, notre pays a besoin d’un État stratège qui se dote de véritables outils de planification pour réduire notre dépendance industrielle.
Madame la ministre, quelle est votre feuille de route nationale et européenne pour assurer notre souveraineté industrielle et retrouver nos emplois ? En particulier, quelle est votre stratégie concernant l’avenir des chantiers de l’Atlantique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Blatrix Contat, vous avez posé de nombreuses questions, et je vais essayer d’y répondre au mieux. Je vous remercie d’éclairer l’enjeu de l’industrie et je me réjouis de voir qu’il est très largement partagé sur ces travées.
Depuis le début du quinquennat, le Président de la République a fait de la reconquête industrielle un de ses marqueurs économiques. Il était temps ! La France a en effet détruit un million d’emplois industriels entre 2000 et 2016.
Je rappelle que nous avons recréé de l’emploi industriel en 2017, 2018 et 2019. Ces créations d’emplois ne sont pas le fruit du hasard. Elles résultent de politiques déterminées et efficaces en matière de fiscalité, de droit du travail, de simplification administrative et d’innovation, pour ne citer que ces quelques chapitres. Ces politiques sont aujourd’hui poursuivies et renforcées au travers du plan de relance. Nous avons voulu, avec le Président de la République, le Premier ministre et Bruno Le Maire, faire de l’industrie l’une des priorités du plan de relance : sur 100 milliards d’euros, 35 milliards d’euros y sont consacrés. Et évidemment, madame la sénatrice, des contreparties sont prévues.
Lorsque nous baissons les impôts de production, nous facilitons l’investissement des entreprises qui produisent, emploient des salariés et investissent en France. Nous n’accompagnons pas les délocalisations, car une entreprise qui délocalise ne paye pas d’impôts de production.
Nous accompagnons également la modernisation des entreprises et la relocalisation de la production. En trois mois, 800 entreprises industrielles ont été accompagnées à hauteur de 800 millions d’euros pour financer des projets concrets, avec l’obligation de rembourser si elles ne les exécutent pas. Nous allons également accompagner 6 500 entreprises dans la numérisation de leur production.
C’est ainsi, en agissant concrètement pour les entreprises industrielles et leurs salariés, que nous défendrons et recréerons les emplois industriels.
stratégie vaccinale (iii)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Dans son désormais habituel point hebdomadaire, le Premier ministre donnait, jeudi dernier, une liste des départements passant à un couvre-feu à dix-huit heures dès dimanche. Le Var semblait alors être le seul département de la région Sud à être épargné dans l’annonce du Premier ministre. Samedi, nouveau rebondissement : le couvre-feu était avancé à dix-huit heures dans le Var et la Drôme. Un à un, les départements français sont soumis à ce couvre-feu avancé, en attendant sans doute, comme chez nombre de nos voisins européens, de nouvelles mesures, peut-être plus contraignantes encore.
Les mauvais chiffres sont là : le nombre de personnes contaminées, bien sûr, mais aussi le faible nombre attendu de vaccinés. Un million tout juste de Français seront vaccinés à la fin du mois, 15 millions de personnes parmi les plus fragiles pour l’été, alors que les Britanniques se sont fixé comme objectif d’atteindre les 15 millions de vaccinés d’ici la mi-février. Dans le Var, seules 2 925 doses avaient été dispensées à la date d’hier, alors que le département compte 1,076 million d’habitants.
Parmi les voix qui s’élèvent, on compte celle des élus locaux : ils s’insurgent à juste titre contre votre politique sanitaire, qui ne tient pas compte de leurs mains tendues pour hâter la vaccination du plus grand nombre. Vous les laissez dans le flou s’agissant des séquences de livraison.
Votre stratégie aura en outre des conséquences économiques graves dans les territoires. Vous le savez, le Var est le second département le plus touristique de France. Mais il s’agit d’une économie particulièrement volatile, les touristes pouvant avoir peur de se rendre dans un département ou un pays où la population serait très largement non vaccinée. Votre stratégie vaccinale particulièrement lente pourrait donc signer l’acte de décès de l’économie touristique varoise et française si, l’été prochain, les chiffres de la vaccination n’étaient pas bons, et si ceux de nos voisins étaient bien meilleurs.
Aussi, monsieur le ministre, avant les traditionnelles annonces du jeudi, pourquoi ne pas vous appuyer sur les élus locaux et l’intelligence des territoires pour optimiser la stratégie vaccinale et prévoir un objectif bien plus ambitieux pour l’été ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.
Si vous veniez avec nous rencontrer les élus locaux, vous constateriez qu’ils sont en effet très contributeurs et qu’ils tiennent des discours souvent assez éloignés de ceux que l’on peut entendre à Paris.
Je suis d’ailleurs en lien étroit avec un certain nombre d’élus varois, y compris de votre bord politique, qui participent aux cellules de coordination départementale pour mettre en place la stratégie vaccinale.
L’un d’eux m’a expliqué qu’il avait recruté des médecins du département pour venir appuyer le centre de vaccination. Un autre m’a demandé s’il pouvait utiliser les véhicules dont il disposait pour déplacer des personnes âgées isolées des territoires du Haut-Var, du côté de la Dracénie, vers le centre de vaccination. Je lui ai répondu que nous n’étions pas jacobins au point qu’il faille me demander une autorisation pour cela ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, je vous invite à venir constater par vous-même ce décalage entre ce que je perçois parfois dans cet hémicycle, ou un autre, et ce que j’entends sur le terrain (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les travées du groupe RDPI), à aller voir sur place ce que nous construisons tous les jours avec les élus locaux. Je vous invite par exemple à participer aux cellules départementales de coordination et d’organisation de la vaccination.
J’entends toutefois vos préoccupations, madame la sénatrice, et je vous répondrai, comme je pourrais le faire aux sénateurs des Alpes-Maritimes, du Gers ou des Hautes-Pyrénées, où nous étions récemment avec le Premier ministre, que la répartition des doses de vaccin dont nous disposons se fera au prorata de la population et non en fonction de l’appel de tel ou tel élu, ou des préoccupations particulières de tel ou tel territoire.
Nous avons fait une seule entorse à cette règle et distribué les 50 000 premières doses du vaccin Moderna aux communes du Grand Est, de Bourgogne-Franche-Comté et des Alpes-Maritimes, qui font face à une très forte recrudescence épidémique. Il me semble que chacun peut l’entendre.
Je serai vendredi à Troyes, avec M. Baroin. J’étais hier avec l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF), l’Association des régions de France (ARF) et France urbaine. J’étais encore tout à l’heure au téléphone avec le président Rottner pour structurer les possibilités d’intervention des régions au service de nos concitoyens, en parfaite harmonie avec l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
avenir de l’usine sud de nickel en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question, que je pose au nom de mon collègue Gérard Poadja, s’adresse à M. le Premier ministre.
En Nouvelle-Calédonie, dans un contexte où l’écart entre indépendantistes et non-indépendantistes s’est considérablement resserré lors du référendum du 4 octobre dernier, Vale a décidé de vendre son usine métallurgique dans le sud du pays.
La Nouvelle-Calédonie s’est alors enflammée et l’on a assisté à des scènes rappelant les heures terribles des « événements » des années 1980.
Conscients de la gravité de la situation, nous étions intervenus afin que l’État pilote désormais au plus haut niveau ce dossier. Nous avions notamment suggéré que le champ du dialogue soit ouvert afin de construire un projet consensuel pour la reprise de l’usine, au-delà de l’offre à l’origine du conflit.
Il nous avait alors été indiqué qu’il n’y avait qu’une seule offre viable sur la table et que le Gouvernement la soutenait.
Depuis lors, il semblerait que la situation ait évolué puisque le ministre des outre-mer a précisé dans ses vœux aux Calédoniens que le Gouvernement ferait une nouvelle proposition très prochainement et que celle-ci prévoirait une implication plus forte de l’État.
Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Notre collègue Gérard Poadja et les députés calédoniens défendaient depuis plusieurs semaines l’idée d’une participation ou d’une prise de contrôle temporaire de l’État au capital de Vale afin que les acteurs disposent du temps nécessaire à la construction d’un consensus politique et industriel sur la poursuite de l’activité.
De la capacité du Gouvernement à donner véritablement corps à cette nouvelle perspective dépend le maintien de 3 000 emplois, le retour à la paix civile, ainsi que la reprise de l’activité. De cette impulsion dépend surtout la reprise du dialogue politique entre indépendantistes et non- indépendantistes, dialogue essentiel dans le cadre de la préparation du troisième référendum d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa.
Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : comment le Gouvernement entend-il organiser l’implication plus forte de l’État dans le dossier de reprise de l’usine du Sud ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les sénateurs Longeot et Poadja, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer sur le dossier extrêmement sensible de la Nouvelle-Calédonie, que je suis très directement, avec le concours actif de Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.
Vous le savez tous, la question du nickel est hautement stratégique pour ce territoire. Une usine Vale est en cours de cession au sud de l’île : 3 000 emplois sont concernés au seul titre des salariés et des sous-traitants et un seul repreneur est en lice.
L’État, qui intervient déjà très massivement dans cette entreprise, a décidé de maintenir son aide au bénéfice de tout repreneur, ce qui correspond à plus de 500 millions d’euros sous forme de prêts, de garanties de prêts et de défiscalisation.
Le projet de reprise a néanmoins fait l’objet d’une opposition violente, qui a conduit à des troubles très graves dans l’île au début du mois de décembre.
La réponse de l’État, par les forces de l’ordre et l’autorité judiciaire, a été très claire et très bien conduite. Je tiens à la saluer devant la Haute Assemblée. Elle n’a malheureusement pas pu empêcher de très nombreuses dégradations commises dans l’usine. J’observe avec vous qu’une partie des opposants au projet de cession, pourtant tout à fait satisfaisant, opposants qui sont plutôt de tendance indépendantiste, ont finalement demandé la nationalisation de l’usine par l’État… (Rires sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Le problème ne s’est malheureusement pas arrêté là puisque d’autres opposants ont fait le choix de bloquer une autre usine, la SLN (Société Le Nickel), dont l’État est actionnaire minoritaire via Eramet, pour « mettre la pression sur l’État dans le dossier de l’usine du Sud ». Ce faisant, ils ont placé cette usine au bord de la faillite, alors que 10 000 emplois sont concernés.
Sur ces dossiers, et dans l’affaire calédonienne plus généralement, le Gouvernement cherche avant tout la voie du dialogue.
Le ministre des outre-mer a passé trois semaines en Nouvelle-Calédonie, en octobre, immédiatement après la consultation référendaire. Après avoir rencontré tous les acteurs, il avait réussi à mettre tout le monde autour de la table. Le sujet du nickel, sans surprise, faisait partie de l’échéancier des concertations appelées à se tenir en novembre et en décembre, évidemment par visioconférence, pour les raisons que vous connaissez, la Nouvelle-Calédonie n’étant pas épargnée par la crise sanitaire. L’État a avancé des propositions pour faire évoluer l’offre de l’entreprise, rassurer les populations locales et apaiser les tensions.
Ces discussions se poursuivent et les autorités politiques locales compétentes y sont associées pour mettre au point définitivement les modalités de reprise du site, son accompagnement par l’État et son acceptabilité sociale, dans l’intérêt commun.
Mais pour pouvoir dialoguer – je le dis très tranquillement devant le Sénat –, encore faut-il réunir les conditions du dialogue, en Nouvelle-Calédonie comme partout. On ne dialogue pas, monsieur le sénateur, sous la menace ! Les blocages en cours, notamment sur le site de l’usine SLN, doivent cesser. La paix civile et l’ordre républicain ne sont pas négociables. Cette affirmation, loin d’affaiblir la volonté de dialogue du Gouvernement, contribue au contraire à la renforcer. On ne peut ni transiger ni tergiverser avec la tentation de la violence.
De même, je veux indiquer au Sénat que les décisions de justice qui ont été rendues ces dernières semaines pour condamner les casseurs doivent être appliquées et respectées. Si l’on condamne les violences, comme je me plais à constater que d’aucuns le font, on accepte que leurs auteurs soient condamnés.
Par ailleurs, pour dialoguer, il faut que tout le monde soit présent autour de la table. Je le redis ici publiquement devant le Sénat : tout en étant ferme sur le respect de certains principes, le Gouvernement continuera inlassablement d’appeler autour de la table l’ensemble des responsables politiques de l’île.
Monsieur le sénateur, vous avez fait le parallèle avec les terribles violences qui ont marqué ce territoire au début des années 1980. Je crois que nous devons résister à la tentation d’enfermer la Nouvelle-Calédonie dans cette référence ; le contexte n’est plus du tout le même. Trente années de rééquilibrage, de partage du pouvoir, de dialogue sont passées par là. Surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, la moitié de la population du Caillou a aujourd’hui moins de 30 ans !
Voilà la responsabilité historique devant laquelle la République et l’ensemble des acteurs politiques calédoniens se trouvent. Nous ne devons pas revenir vers le passé que vous avez évoqué dans votre question, monsieur le sénateur, ni le reproduire. Nous devons au contraire inventer une solution politique nouvelle pour la Calédonie, dans le cadre de la République française. Vous pouvez pour cela compter sur l’engagement de mon gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)