compte rendu intégral
Présidence de Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Victoire Jasmin,
Mme Marie Mercier.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 4 février 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidatures à une commission et à un office parlementaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires européennes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
violences intrafamiliales dans le cambrésis
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 1498, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Lherbier. Mnsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, les médias se font l’écho de la recrudescence des violences intrafamiliales. Le Cambrésis est l’un des arrondissements les plus touchés de la région des Hauts-de-France.
À la fin de leur première année d’activité, les acteurs de la commission d’arrondissement de lutte contre les violences intrafamiliales ont dressé un bilan inquiétant. Ils ont en effet observé une hausse du phénomène de 7 % à 8 % en un an. Ces violences, qui touchent les femmes, se répercutent presque systématiquement sur les enfants. Si le taux d’enfants protégés est de 2 % sur l’ensemble du territoire, il s’élève à 3 % dans le département du Nord, à 4 % dans le Cambrésis, et peut atteindre des proportions très inquiétantes dans certaines villes, comme Le Cateau-Cambrésis, où le taux bondit à 9 %, ou Caudry, qui est à 8 %.
Les acteurs de terrain constatent presque systématiquement que ces violences sur les enfants sont liées à l’alcoolisme de l’auteur. Ce problème s’est accru lors des confinements et les représentants des associations, les forces de l’ordre et les magistrats alertent régulièrement les pouvoirs publics sur la nécessité de prendre des mesures.
Des dispositifs existent pour prévenir la récidive. Le juge peut prononcer des injonctions de soins et soumettre l’individu à une cure de désintoxication pour lui permettre de rester libre. Sur le terrain, on constate que les structures existantes sont sous-dotées en agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si des recrutements supplémentaires sont envisagés pour suivre, surveiller ces individus violents, et les contraindre à s’éloigner de leurs familles tant qu’ils ne sont pas guéris et désintoxiqués ? Si l’on ne brise pas ce cycle de violence maintenant, l’avenir de ces enfants sera compromis.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser M. le garde des sceaux, qui a toute compétence sur cette question, et Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, qui sont retenus par ailleurs. Tous les deux me chargent de vous faire savoir que la lutte contre les violences intrafamiliales, dont les femmes et les enfants sont, en très grande majorité, les victimes, constitue une priorité absolue pour le Gouvernement.
Des actions fortes ont été entreprises à l’issue du Grenelle des violences conjugales, mais aussi face aux risques d’accroissement de ce phénomène, que vous avez soulignés, dans la période que nous vivons, avec les confinements qui se succèdent. Je veux parler notamment du dispositif d’alerte en pharmacie et du bracelet anti-rapprochement.
La prise en charge des auteurs de ces violences fait l’objet d’une attention particulière, aussi bien individuellement, dans le cas d’une mesure de soins imposée par le juge, que collectivement par les SPIP, dont je veux saluer l’action. En 2019, 34 % des SPIP ont mis en place au moins un stage de responsabilisation à destination des auteurs de violences conjugales. Ils développent aussi d’autres dispositifs, comme les stages de responsabilité parentale, ou le partenariat « Femmes, enfants, victimes de violences » au sein du SPIP de Cambrai, que vous avez mentionné.
À Cambrai est mise en œuvre une politique pénale dynamique en faveur de l’éviction des conjoints violents, avec des places d’hébergement réservées aux auteurs sans solution de relogement.
S’agissant des effectifs des SPIP, qui font l’objet de votre question, sachez que le département du Nord a bénéficié du renforcement de 6 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) et de 9 agents non titulaires médico-sociaux l’an dernier. Sur le plan national, le concours pour 2021 prévoit 364 recrutements, dont 212 créations d’emploi, pour être très précis.
Par ailleurs, Adrien Taquet a annoncé à la fin de 2019, à l’occasion des trente ans de la convention internationale des droits de l’enfant, vingt-deux mesures d’un plan de lutte ambitieux contre les violences faites aux enfants, mobilisant chaque ministère.
Soyez vraiment assurée, madame la sénatrice, de notre très forte implication sur ce sujet. Je salue également la vôtre, que je connais bien.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. J’ai choisi d’insister sur la question, monsieur le ministre, car l’an dernier, en zone gendarmerie, plus de 1 330 interventions liées aux violences intrafamiliales ont été recensées, ce qui représente une augmentation de 30 % par rapport à l’année 2019. Nous devons tous être solidaires pour enrayer cette montée en puissance.
gestion des maisons d’assistants maternels sur le territoire national
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, auteur de la question n° 1153, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le ministre, depuis leur institution par la loi n° 2010-625 du 9 juin 2010, les maisons d’assistants maternels (MAM) regroupent des assistants maternels agréés qui travaillent ensemble en dehors de leur domicile pour accueillir des enfants dans un local qui garantit leur sécurité et leur santé.
Ce projet collectif constitue une véritable solution de rechange pour plusieurs familles, offrant un accueil dans un territoire où il en manque.
L’article L. 424-1 du code de l’action sociale et des familles limite à quatre le nombre des assistants maternels pouvant accueillir des enfants au sein d’une MAM.
En fonction de leur agrément et de la capacité d’accueil du local, chacun peut prétendre à l’accueil de quatre enfants au maximum, soit seize mineurs, mais le texte ne précise pas si ce nombre doit être apprécié simultanément ou non.
Plus de quatre assistants maternels peuvent donc être agréés pour exercer au sein d’un même établissement, soit pour remplacer ponctuellement un collègue, soit de manière pérenne, pour permettre le travail à temps partiel.
Le texte rappelle que seuls les parents ont la capacité, en tant qu’employeurs, de procéder à un recrutement.
Cette délégation d’accueil, qui permet à l’un ou à plusieurs des membres de la MAM de prendre le relais de leur collègue absent, ne s’applique que dans la limite des places d’accueil mentionnée par leur agrément. Dans les faits, les capacités d’accueil sont généralement atteintes et l’intégration d’un nouvel assistant maternel en vue d’assurer les remplacements est très difficile.
Cette simultanéité ne permet donc pas, dans la plupart des cas, et pour la majorité des départements de France, d’attribuer un agrément à un cinquième assistant, même si sa présence ne devait être que ponctuelle, en l’absence d’un des quatre autres.
Ces différences d’application du texte suivant les départements soulèvent la question de la cohérence nationale et créent pour les publics concernés une insécurité juridique, ainsi que, pour les parents, une grande difficulté lorsqu’ils doivent pallier une absence parfois non programmée en raison, par exemple, d’un arrêt maladie.
Monsieur le ministre, en période de crise « covid », quelles pistes peuvent-elles être envisagées pour améliorer les possibilités de remplacement des assistants maternels dans le cadre des maisons d’assistants maternels ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser les absences d’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, et de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie.
La question que vous posez est très importante. Les complexités que vous soulevez sont réelles. Nous en avons bien conscience. Elles découlent des difficultés d’application et d’interprétation de la législation relative aux assistants maternels, sources de trop nombreuses disparités locales, pour ainsi dire, mais vous connaissez bien le sujet.
C’est pourquoi le Gouvernement a engagé, depuis deux ans, une réforme du cadre normatif des modes d’accueil du jeune enfant et des services aux familles, dont les mesures vont répondre à ce type de difficultés par la simplification, la mise en cohérence, la recherche d’une plus grande sécurité juridique pour les professionnels comme pour les collectivités, qui sont très impliquées.
La première étape de cette réforme passera par une ordonnance prise en application de l’article 99 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui sera publiée très prochainement et qui, notamment, modernisera, simplifiera et clarifiera le cadre législatif du métier d’assistant maternel.
Répondant à votre question, ce texte précisera ainsi le nombre d’assistants maternels agréés pour travailler dans une MAM. Ce nombre sera au maximum de six, dont quatre seulement pourront travailler simultanément, afin de maintenir un collectif professionnel de taille restreinte, tout en permettant des remplacements ou une meilleure amplitude d’ouverture.
Dans le sillage de la récente jurisprudence administrative, l’ordonnance tend à réviser les règles fixant le nombre maximal d’enfants qu’un assistant maternel peut accueillir en sa qualité professionnelle. Elle confirme que ce nombre est de quatre enfants, quel que soit le lieu d’exercice. Enfin, elle autorisera les assistants maternels à pouvoir accueillir un enfant en plus du nombre d’enfants fixé dans l’agrément, dans la limite de 50 heures par mois et dans le respect d’un plafond de quatre enfants de moins de 3 ans, pour parer aux situations exceptionnelles.
Il sera, par conséquent, proposé de porter à vingt enfants la capacité maximale d’une MAM pour remédier aux situations où les quatre assistants maternels qui y travaillent utiliseraient simultanément leur « place en plus », dans le cadre que je viens d’évoquer, afin de faciliter les remplacements, les départs en formation et les accueils en urgence.
Cette mesure contribuera ainsi à limiter les situations que vous décrivez, et qui nous préoccupent pleinement. Soyez assurée de notre mobilisation, et notamment de celle de notre secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous sommes au cœur d’une crise inédite, qui nécessite un assouplissement des législations en vigueur, surtout dans ce type de situations.
recrutement de médecins hors pays de l’union européenne
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 1425, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, l’accès aux soins ne cesse de se dégrader dans notre pays. Ainsi, en 2019, près de 5,5 millions de nos concitoyens n’avaient pas accès à un médecin traitant.
Cette pénurie, encore aggravée par les départs en retraite massifs, est particulièrement ressentie dans les territoires ruraux ou périurbains, notamment dans le département de l’Ardèche, où je suis élu.
Face au désarroi des habitants privés d’accès aux soins, les élus locaux se mobilisent pour imaginer des solutions innovantes.
L’une d’entre elles consiste en l’ouverture de centres de santé municipaux agréés par l’agence régionale de santé (ARS). Malheureusement, les médecins français faisant défaut, leur fonctionnement nécessite le recrutement de praticiens étrangers répondant, bien entendu, aux qualifications prévues par le code de la santé publique. C’est le cas, notamment, dans la commune de Saint-Julien-en-Saint-Alban.
C’est d’ailleurs ainsi que les hôpitaux règlent leurs propres problèmes de recrutement, en conférant le droit à un médecin titulaire français d’accepter qu’un confrère étranger pratique en son nom, sous son numéro au répertoire partagé des professionnels de santé. Ce système permet ainsi aux médecins concernés de passer l’examen d’équivalence, augmentant à terme le nombre de praticiens en France.
Hélas, ce qui est possible à l’hôpital ne l’est plus, monsieur le ministre, dans un centre de santé pourtant agréé par l’ARS, je le rappelle. En effet, un médecin étranger ne peut y exercer en tant que généraliste, et ce à cause des dispositions du décret du 7 août 2020.
Ma question est donc simple : allez-vous aligner les mesures d’exercice des médecins étrangers en centre de santé sur le régime en vigueur à l’hôpital, levant ainsi un obstacle incompréhensible ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence d’Olivier Véran, qui m’a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Vous interrogez le Gouvernement sur les mesures d’exercice, en centre de santé, des médecins internationaux ou titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger.
Le recrutement de praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen – ceux que l’on appelle les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), comme vous le savez –, pour exercer en centre de santé, pourra toujours s’effectuer dès lors que, d’une part, le praticien aura satisfait à l’une des deux procédures d’autorisation d’exercice, à savoir le concours annuel de la liste A ou le dispositif dit « stock », et, d’autre part, qu’il aura obtenu le plein exercice par son inscription au tableau de l’ordre des médecins.
C’est pour sécuriser et faciliter ces recrutements que la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a réformé le mode de recrutement de ces professionnels, par le concours de la liste A ou par le dispositif dérogatoire et transitoire d’examen des compétences, tel qu’il est prévu par le décret dit « stock » d’août 2020, que vous avez cité.
Ces deux voies d’accès au plein exercice prévoient que les Padhue effectuent au préalable des fonctions probatoires, soit au sein de services agréés pour la formation des étudiants en troisième cycle des études de médecine, soit sur un poste répondant à des conditions strictes d’encadrement par un praticien senior titulaire de la spécialité dont ils relèvent.
Un centre de santé agréé par l’ARS pourrait répondre à ces critères et accueillir un professionnel, y compris en période probatoire. Ces lieux de stage dédiés sont destinés à apporter les garanties indispensables en matière de sécurité de notre offre de soins et de prise en charge des patients. Ils visent aussi à préserver le caractère formateur de ces fonctions probatoires devant conduire au plein exercice, dans la logique du compagnonnage qui demeure essentielle dans la transmission et la vérification des compétences de soins.
En tout état de cause, à l’issue de son parcours, ces professionnels, dotés du plein exercice et inscrits au tableau de l’ordre, pourront être recrutés par un centre de santé. J’espère ainsi avoir répondu à votre question, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. J’y insiste, le décret d’août 2020 est encore, selon nous, trop rigide, et ne permet pas le parallélisme des formes. Nous voudrions que le Gouvernement travaille sur cette question pour y répondre véritablement et apporter des solutions très concrètes, pragmatiques, à ceux de nos territoires, notamment ruraux, qui font face à une problématique ayant, malheureusement, de lourdes conséquences sur la population, singulièrement dans la période de crise sanitaire que nous vivons.
revalorisation du statut du personnel des services de soins à domicile
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 1405, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, ma question concerne les problèmes de recrutement que rencontrent les Ssiad, services de soins infirmiers à domicile, en Isère et au-delà.
Les professionnels de santé qu’ils réunissent assurent à domicile des prestations qui contribuent à prévenir la perte d’autonomie, à limiter les incapacités et à lutter contre l’isolement, ainsi qu’à retarder l’admission dans des établissements sociaux et médico-sociaux.
Comme vous le savez, leur action est essentielle à la vie quotidienne des personnes âgées et handicapées.
Malheureusement, du fait du manque d’attractivité de la profession, certains Ssiad, depuis quelques années, ne peuvent plus répondre au manque criant de personnel et voient, de fait, leur taux d’activité baisser.
Ma question vise donc à souligner la nécessité de valoriser le statut du personnel des Ssiad en procédant à une revalorisation salariale, qui est un des paramètres de cet enjeu.
La création de la cinquième branche est porteuse de promesses, notamment pour la vie et le parcours auxquels peuvent aspirer les personnes en perte d’autonomie et les personnes handicapées. Nous avions néanmoins souligné au Sénat la faiblesse des financements de cette branche.
Monsieur le ministre, le nombre de personnes dépendantes à domicile en France ne cessant de croître, merci de m’indiquer, sept mois après la création de la cinquième branche, comment les actions se sont déclinées sur le terrain. Comment envisagez-vous de rendre plus attractive cette profession et de soutenir effectivement et activement les Ssiad, qui sont de plus en plus fragilisés ?
Je vous remercie de bien vouloir aussi nous indiquer où en est le travail que M. Laforcade doit effectuer sur le sujet, comme l’avait annoncé Mme la ministre Brigitte Bourguignon le 2 décembre dernier.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, mais vous savez pourquoi elle est retenue.
Vous avez rappelé l’importance du travail des infirmiers et aides-soignants exerçant au sein des services de soins infirmiers à domicile, les Ssiad, et je vous en remercie au nom du Gouvernement. Ces professionnels constituent un maillon essentiel des soins dits ambulatoires et du soutien à l’autonomie de nos concitoyens.
Comme vous le savez, l’accord que le Gouvernement a signé avec les partenaires sociaux, le 13 juillet dernier, vise explicitement les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics. Il a également vocation à s’appliquer dans les mêmes types d’établissements relevant du secteur privé. C’est pour ces professionnels de santé qu’une action immédiate était requise, selon l’accord prévu avec les organisations. Cela s’est traduit par une revalorisation « socle » des rémunérations de 183 euros nets par mois.
Si les partenaires du Ségur de la santé ont souhaité une mise en œuvre prioritaire pour les Ehpad, la question des établissements sociaux et médico-sociaux a bien été abordée, et, avec elle, la situation des personnels des Ssiad. Le Gouvernement souhaite en effet éviter que des écarts de rémunération trop importants ne se creusent entre professionnels à la suite de cette revalorisation ambitieuse, tout en gardant à l’esprit la nécessité d’y consacrer un temps d’expertise complémentaire au regard du champ à couvrir.
L’accord du 13 juillet mentionne qu’« un travail spécifique devra être conduit sur la situation particulière des agents et des salariés des établissements et services médico-sociaux ». Dans cette optique, M. le Premier ministre a confié, le 16 novembre dernier, à M. Michel Laforcade, une mission sur l’attractivité des métiers de l’autonomie, afin de réaliser, d’ici à la fin mars, l’expertise nécessaire à une prise de décision éclairée, avec une mise en œuvre pluriannuelle à compter de 2021.
Au-delà de ces éléments, il est nécessaire de préciser que les salariés et agents des établissements et services concernés bénéficieront, quel que soit l’établissement employeur, des revalorisations consécutives à la refonte des grilles de rémunération des personnels paramédicaux, comme les infirmiers, les aides-soignants, et des filières rééducation et médicotechnique, qui a été engagée pour mieux prendre en compte les spécificités et les contraintes de ces métiers. Cette refonte interviendra dès cette année.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, c’est vrai, sous le quinquennat du président Macron, il y a déjà eu deux rapports, dont un de Mme El Khomri, sur la création de la cinquième branche. J’écoutais ce matin l’ancien ministre Nicolas Hulot, qui mettait en garde contre l’écart observé entre les intentions, les déclarations, et les réalités du terrain. Celles-ci sont ce qu’elles sont aujourd’hui : les agents des Ssiad sont extrêmement impliqués, et il serait dommage de ne pas les écouter. Soyons donc au rendez-vous qu’ils appellent de leurs vœux. Le « quoi qu’il en coûte » ne vaut pas forcément que pour la crise sanitaire.
lutte contre la multiplication des « ruchers usines »
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1272, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, ma question porte sur une pratique tendant à se généraliser sur le territoire national, à savoir la construction de ruchers industriels, dits « ruchers usines ».
Cela consiste à implanter dans nos campagnes des ruchers pouvant atteindre 300 colonies d’abeilles, sélectionnées génétiquement et destinées à produire de la gelée royale. Or les effets de ces « ruchers usines » sur l’environnement pourraient s’avérer désastreux.
En effet, le nombre impressionnant d’individus, estimé à plus de 20 millions, la densité de ruches au kilomètre carré et la prépondérance de l’espèce hybride dans le milieu monopolisent l’intégralité des ressources en pollen et nectar dans un rayon de 3 kilomètres, soit 2 800 hectares.
Les espèces sauvages, les ruchers amateurs, ainsi que les professionnels du miel sont directement menacés par la disparition inéluctable des pollinisateurs.
Les abeilles exploitées industriellement ont été obtenues par croisement entre des souches exotiques chinoises et libyennes. Elles ont été ainsi optimisées afin de produire un maximum de gelée royale. Cependant, elles ne produisent pas suffisamment de miel à stocker, de sorte qu’elles dépendent entièrement de l’assistance humaine pour leur subsistance. Il faut savoir qu’une ruche est alimentée par 70 kilogrammes de sucre bio.
Ces colonies d’abeilles artificielles produisent de faux bourdons qui vont féconder et transmettre leurs caractéristiques génétiques aux colonies sauvages et domestiques dans un rayon de 15 kilomètres. Les espèces endémiques, et notamment l’abeille noire, pourraient ainsi disparaître et surtout s’avérer moins autonomes, car devenues, après croisement, incapables à leur tour de s’alimenter par elles-mêmes. Ce rayon de 15 kilomètres concerne seulement la première fécondation de reines et a vocation à s’étendre d’année en année, prenant appui sur la dissémination dans la nature des espèces hybrides.
Diminuer la capacité de survie des abeilles, directement ou indirectement, contribue à diminuer la pollinisation, qui est vitale pour les productions agricoles comme pour l’ensemble de la biodiversité. Monsieur le ministre, quelle est votre position et quelles sont les actions que vous souhaitez engager pour interdire l’exploitation de ces « ruchers usines » ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Pascal Martin, le sujet que vous mettez en avant est très important. Il faut en effet savoir concilier les modes d’élevage ou de culture sans qu’ils viennent se nuire les uns les autres ou impacter la biodiversité dans son ensemble.
Toutefois, je ne suis pas sûr que la solution soit d’interdire les « ruchers usines ». En fait, ils existent depuis la fin des années 1960 et ils sont majoritairement gérés par des apiculteurs de très bon niveau, performants dans la conduite apicole et connaissant très bien leur métier.
On compte aujourd’hui à peu près 125 apiculteurs exerçant cette activité, répartis sur le territoire national, 80 % de ces exploitations étant organisées au sein du groupement des producteurs de gelée royale (GPGR) pour promouvoir la filière, notamment face aux importations, puisqu’elle est très largement déficitaire. En effet, nous produisons à peu près 1 % de notre consommation nationale. À noter que 69 % de cette production est certifiée « Agriculture biologique » et que le nourrissement des colonies en production avec des sirops sucrés n’est pas autorisé, selon le cahier des charges du GPGR et la réglementation relative à l’agriculture biologique.
La taille du cheptel en production est aussi très variable, puisqu’elle peut aller de 1 à 120 colonies sédentaires, cet effectif variant en fonction du niveau d’investissement.
L’enjeu consiste effectivement à garantir le bon état de santé des colonies, la qualité et la quantité des productions, ainsi que le respect de l’écosystème tout autour.
Les professionnels du secteur, aujourd’hui, sont totalement animés par cette exigence de protection environnementale. Ils proposent des environnements adaptés, des ressources susceptibles de répondre à leurs objectifs et aux besoins de la taille de leurs ruchers. À l’instar des apiculteurs spécialisés en production de miel, qui sélectionnent génétiquement sur plusieurs centaines, voire des milliers de colonies des lignées capables d’atteindre leur but, il est assez normal que les producteurs de gelée royale utilisent eux aussi cette sélection d’espèces. C’est d’ailleurs propre à tout type d’élevage, quelle que soit sa structure.
Aujourd’hui, s’agissant du brassage génétique entre espèces et sous-espèces d’abeilles et de la notion de concurrence pour la ressource alimentaire,…