M. le président. Il va falloir conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous prie de me laisser un peu de temps, monsieur le président.
La deuxième option consisterait à créer des élus communs aux échelons départementaux et régionaux et à assurer une rétribution des ressources financières.
Enfin – c’est la troisième option –, on pourrait imaginer réunir les départements au sein d’un syndicat interdépartemental. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Philippe Dallier rit.)
M. le président. Madame la ministre, il faut conclure ! Vous pourrez développer votre propos lors du débat interactif.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je termine, monsieur le président.
La deuxième option privilégie le périmètre de la zone dense, c’est-à-dire, pour l’essentiel, de la petite couronne. Quant à la troisième option, je la développerai plus tard !
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite aborder le sujet par la face financière, si j’ose dire.
La question du financement de la métropole du Grand Paris et des établissements publics territoriaux a été repoussée depuis l’origine. Tout le monde convient que la formule choisie au départ tient davantage de l’usine à gaz que d’un financement clair des compétences exercées par chacun.
Cette formule provisoire devait muter dans un second temps, mais le nouveau pacte financier a été différé. L’attribution de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, demeure un sujet discuté et, si j’ose dire, disputé.
Nous nous trouvons depuis lors, à chaque loi de finances, dans la situation d’arrêter le moins mauvais compromis possible pour parvenir à financer la mise en œuvre des compétences des EPT et de la métropole, le tout en continuant à repousser la remise à plat de ce dispositif provisoire qui ne devait pas durer.
Évidemment, discuter du financement alors que la question des compétences et du périmètre reste pendante n’est pas simple. Toutefois, cette régulation annuelle n’offre pas de perspective claire pour les exécutifs et renforce la fragilité du système, alors même que le rôle de la métropole et des territoires est crucial pour la relance.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : ce mode de régulation du financement de la métropole et des territoires vous paraît-il soutenable, notamment compte tenu du contexte économique issu de la pandémie ?
Quelles garanties pouvez-vous donner pour assurer le financement de ces deux échelons tout en préservant les communes ? Les projections sur l’évolution de la CFE et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, seront bien sûr au centre du dispositif. Disposez-vous sur ce point d’éléments d’éclairage ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, nous sommes d’accord sur le constat, à savoir que le schéma de financement de la MGP n’est pas viable à long terme.
En effet, comme vous l’avez rappelé, l’organisation actuelle, qui devait être transitoire, s’éternise malheureusement. Les règles actuelles sont illisibles, sauf pour quelques initiés, et les mécanismes de solidarité ne sont pas à la hauteur pour résorber les inégalités entre les territoires.
Ce système vaut encore pour deux ans. À court terme, il continue de fonctionner même s’il n’est pas performant. Le mécanisme adopté dans la loi de finances de 2021 maintient les équilibres antérieurs et affecte à la MGP deux tiers de la CFE en 2021, de sorte qu’elle ne porte pas seule la charge de la crise.
À plus long terme, une remise en cause est indispensable. Elle doit se faire en deux temps.
Tout d’abord, il convient d’effectuer une analyse correcte des difficultés existantes. Si la MGP ne produit pas suffisamment de services, c’est aussi parce qu’il a été décidé de ne pas lui transférer autant de compétences qu’à une autre métropole.
Ensuite, les moyens financiers de la MGP sont très inférieurs à ceux d’une intercommunalité classique. Pour l’avenir, il faut donc prendre le débat par le bon bout en partant des objectifs avant de concevoir les bons tuyaux. L’objectif est, à mon sens, de construire un espace de solidarité, donc de partage des ressources financières entre territoires, c’est-à-dire entre collectivités, soit entre Paris et sa banlieue et entre l’est et l’ouest.
On ne répondra pas aux enjeux de la région capitale en laissant chaque territoire replié dans son coin. À défaut d’une telle internalisation de la solidarité au sein d’une structure large, il faudra des transferts financiers plus directifs pour financer les grandes compétences structurantes.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour la réplique.
M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Ma préoccupation est de préserver autant que possible la capacité d’agir des territoires et de la métropole, en n’oubliant pas que le pacte originel a été conclu avec les communes.
Le territoire métropolitain est confronté à de nombreux défis, et ses habitants ressentent le besoin de moyens publics plus importants pour y faire face. Comme vous l’avez indiqué, la métropole du Grand Paris est aussi un instrument de rééquilibrage territorial, qu’il faut préserver.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la coopération entre la métropole, la ville de Paris et les communes qui sont incluses dans le périmètre de l’autoroute A86 a abouti à l’instauration d’une zone à faibles émissions, ou ZFE, métropolitaine au 1er juillet 2019.
Poursuivant cette dynamique, le conseil métropolitain a adopté à l’unanimité la mise en œuvre d’une nouvelle étape de la ZFE au 1er juin prochain, confirmant ainsi des objectifs ambitieux, parmi lesquels la restriction d’accès aux véhicules diesel en 2024.
Néanmoins, pour assurer pleinement l’efficacité de cette ZFE, il faut aussi prévoir son contrôle et, pour cela, le système le plus performant est le contrôle-sanction automatisé.
Or, sur ce point, nous restons en attente des décisions de l’État. Le Gouvernement n’a pas encore annoncé la mise à disposition des outils existants, à savoir le Centre automatisé de constatation des infractions routières et l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, qui permettraient une mise en œuvre rapide et efficace du contrôle-sanction automatisé.
Dans une récente interview au Parisien, le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports a d’abord renvoyé à une étape de transition, prévoyant la mise en place de la vidéo- verbalisation.
Notons que celle-ci est à la seule charge des territoires et qu’elle requiert des investissements importants alors que le dispositif n’est que transitoire. Par ailleurs, son efficacité reste en pratique assez faible, puisqu’elle repose sur des contrôles aléatoires, véhicule par véhicule. Pour ces raisons, la vidéoverbalisation ne nous paraît pas être la bonne solution.
Madame la ministre, ma question est la suivante : ne pensez-vous pas nécessaire et possible d’accélérer la mise en œuvre par l’État des contrôles-sanctions automatisés pour permettre à la métropole d’exercer pleinement et sans attendre sa responsabilité en matière de réduction de la pollution ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, l’État s’est engagé activement dans la promotion des zones à faibles émissions, afin de diminuer la pollution dans les grandes agglomérations, et, ainsi, d’améliorer la qualité de l’air et donc les conditions de vie de nos concitoyens.
La ville de Paris et la MGP se sont volontairement engagées rapidement dans la démarche, en prévoyant dès le 1er juin 2021 que les véhicules particuliers classés Crit’Air 4 et 5 et non classés ne pourront circuler en semaine de huit heures à vingt heures dans la ZFE. Concrètement, il s’agit de véhicules diesel immatriculés avant le 31 décembre 2005 et de véhicules à essence immatriculés avant le 31 décembre 1996.
Cette interdiction sera étendue progressivement, comme prévu, aux autres vignettes. Dès juillet 2021, s’ajouteront les véhicules classés Crit’Air 3, et en janvier 2023, Crit’Air 2, afin d’atteindre l’objectif de 100 % de véhicules propres en circulation.
Le ministère de la transition écologique avait missionné M. le préfet Bartolt en décembre 2018 pour préfigurer un système de contrôle-sanction automatisé, notamment pour les ZFE. Les conclusions de ces travaux ont été remises l’été dernier, et depuis lors, les administrations concernées poursuivent activement leurs travaux d’expertise, pour élaborer ce système de contrôle-sanction automatisé dans les meilleurs délais.
D’ici à la fin de l’année, il devrait être possible de franchir une première étape en matière de contrôle du respect de la ZFE, en mettant en place un système de contrôle assisté par vidéo.
Ce système de contrôle par des officiers de police judiciaire, avec l’assistance d’un système informatique et vidéo, permettra de réaliser effectivement des contrôles en attendant de pouvoir en réaliser un nombre plus important lorsque le système automatisé sera opérationnel.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Toutefois, si vous faites le point sur la situation actuelle et les projets déjà annoncés par le Gouvernement, ma question portait volontairement sur un projet essentiel, à savoir la lutte contre la pollution.
Étant entendu qu’il est peu probable que nous avancions sur les questions institutionnelles dans les mois qui viennent, j’encourage le Gouvernement à faire preuve de volontarisme dans l’accompagnement de ce projet, qui réunit tous les élus de la métropole.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, en 2007 j’étais plein d’espoir lorsque Nicolas Sarkozy, inaugurant une piste à Roissy, avait posé le sujet du Grand Paris sous l’angle des transports – c’est le seul point qui avance –, mais aussi sous l’angle institutionnel, dont il avait chargé le comité Balladur. J’avais d’ailleurs travaillé et rendu un rapport sur ce sujet.
Malheureusement, le temps a passé, et les lois NOTRe et Maptam ont été adoptées. J’étais encore une fois plein d’espoir lorsque ce dernier texte a été déposé, mais, au moment de le voter, j’avais bien conscience qu’il n’allait pas régler le problème, et pis encore, qu’il allait probablement poser des difficultés qui nous rattraperaient très vite.
En 2017, le préfet Cadot a été mandaté, mais ses propositions n’ont pas été rendues publiques. Celles-ci nous intéressent pourtant, madame la ministre, et nous souhaiterions en prendre connaissance. Puis, Sébastien Lecornu a été nommé ministre. Il devait traiter le sujet, mais il s’est concentré sur d’autres dossiers.
Nous allons peut-être examiner le texte 4D prochainement, mais vous avez indiqué que celui-ci ne traiterait pas de la métropole du Grand Paris.
Je souhaite donc vous réinterroger sur l’agenda du Gouvernement, madame la ministre. Il est évidemment trop tard pour proposer une réforme lourde, qui de toute façon ne pourrait entrer en application qu’en 2026 ou en 2027, soit après les prochaines élections municipales, départementales et régionales.
Toutefois, nous pouvons encore modifier ce qui peut l’être pour remédier à un certain nombre de difficultés, notamment celles qui ont été évoquées par Vincent Capo-Canellas, mais aussi pour faire un pas dans la bonne direction et faire en sorte que la métropole du Grand Paris, enfin, soit utile et efficace, et qu’elle contribue à mieux répartir la richesse fiscale, ce que la métropole actuelle ne fait absolument pas.
Madame la ministre, quel est donc l’agenda du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Cher Philippe Dallier, en 2008, vous avez effectivement rédigé un rapport dont les conclusions ont été largement reprises par le rapport Balladur l’année suivante. D’autres rapports ont suivi, notamment celui de Michel Cadot, que vous avez cité, et celui de Roland Castro.
Permettez-moi de revenir sur les trois familles de scénarios que j’évoquai précédemment.
Le premier type de scénario privilégie l’échelle de la région, prenant acte de la présence de nombreux sites essentiels à la vie de la métropole en grande couronne.
Le deuxième privilégie le périmètre de la zone dense, c’est-à-dire pour l’essentiel de la petite couronne.
Il existe enfin une troisième famille de scénarios, qui tous consistent à faire entrer les institutions de la région capitale dans le droit commun, en prévoyant d’octroyer le statut d’EPCI à fiscalité propre aux EPT (M. Philippe Dallier s’exclame.), et non plus à la MGP, qui serait réduite au statut de syndicat mixte de la zone dense réunissant en tant que de besoin Paris, les EPT, les départements de petite couronne et la région Île-de-France.
Ces scénarios et ces variantes sont présentés par leurs auteurs comme des étapes intermédiaires dans l’attente d’une réforme institutionnelle d’ampleur. Par nature, ils ne permettent donc pas d’embrasser l’intégralité des enjeux que je soulignais tout à l’heure.
Je ne puis vous indiquer de calendrier, cher Philippe Dallier. Vous le savez, d’ailleurs, et c’est pour cela que vous me posez la question. Je vous accorde qu’il s’agit d’un sujet important. Pour avoir longtemps siégé dans cette assemblée, je connais votre implication et je reconnais la permanence de votre analyse. (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas un élu de l’Île-de-France ni un spécialiste du sujet.
Néanmoins, dans le cadre des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, j’ai assisté il y a quelques semaines à un débat réunissant Mme la maire de Paris, la présidente de la région Île-de-France et le président de la métropole du Grand Paris. Le dossier est complexe et pas forcément très bien parti… Il semble notamment difficile de déterminer la bonne échelle pour appliquer les compétences ou pour capter des financements. J’en ai tiré la conclusion que des solutions ne pourront être trouvées que si l’État et le Gouvernement s’en mêlent.
Je suis élu non pas de l’Île-de-France ou du Grand Paris, mais plutôt de l’immense Paris, puisque mon département, l’Aisne, se trouve comme d’autres à une distance comprise entre 100 et 150 kilomètres de Paris. Ces territoires sont concernés par l’essor du Grand Paris et par ses conséquences en termes de transport en commun, d’infrastructures et de développement économique.
Il serait donc intéressant d’associer les élus de ces territoires un peu plus éloignés à la définition du Grand Paris. La guerre entre les ruraux et les urbains a fait long feu : l’objectif est de développer les voies de communication, qu’elles soient routières – par exemple, pour l’Aisne, la RN2 – ferrées ou maritimes.
Nul n’est besoin pour cela de créer une nouvelle structure : il suffit d’associer ces territoires à la dynamique du futur Grand Paris.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Vous avez raison, monsieur le sénateur : on ne peut penser les mobilités en Île-de-France sans penser les relations entre l’Île-de-France et les régions voisines.
L’État est ainsi particulièrement vigilant à la bonne articulation entre régions. C’est pourquoi la rénovation de la gare du Nord et les projets de l’axe Seine, par exemple, sont pensés en concertation avec toutes les régions concernées. Les projets autour de l’axe Seine pilotés par le préfet Philizot sont d’ailleurs emblématiques de cette approche intégrée qui a abouti à la création ce mois-ci d’Haropa, qui regroupe les trois anciens ports du Havre, de Rouen et de Paris, afin de promouvoir une logistique fluviale intégrée sur la Seine.
Il en est de même du projet de ligne nouvelle Paris- Normandie, la LNPN, conçue à la fois pour améliorer les liaisons des villes normandes vers Paris, mais aussi pour améliorer et fiabiliser la desserte des Transiliens dans l’ouest de l’Île-de-France.
Ces exemples concrets répondent parfaitement à votre souhait. À mes yeux, une telle démarche ne peut pas ne pas exister.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la métropole du Grand Paris s’est donné comme objectif de contribuer à la réduction des inégalités territoriales, notamment en matière d’accès au logement. Au regard de la situation sociale dans laquelle nous nous trouvons, cet objectif est très loin d’être atteint.
Les politiques publiques en faveur du logement social sont pourtant un levier essentiel dans la bataille contre les inégalités. C’est un enjeu majeur pour la MGP, puisque 72 % des demandes de logement social de la région sont localisées à l’intérieur de la métropole. Or l’accès au logement social dans cette dernière relève encore aujourd’hui du parcours du combattant : les demandes de logement social, lorsqu’elles sont satisfaites, ne le sont qu’au terme d’un délai de neuf à dix ans.
Non seulement les objectifs initiaux ne sont pas atteints, mais les inégalités ont augmenté. Un processus de ségrégation est incontestablement à l’œuvre. Si le partage de la richesse fiscale est certainement un objectif important, celui de la richesse foncière et de la richesse spatiale l’est tout autant.
Vingt ans après son entrée en vigueur, l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, laisse toujours à désirer. Sur les 129 communes de la MGP, 56 n’ont toujours pas atteint le seuil fixé par la loi.
Le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, qui devait permettre de transférer les compétences en matière de politique du logement, d’aide financière et d’action en faveur du logement social à la métropole, tarde à être adopté.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : comment comptez-vous faire en sorte que le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement soit enfin adopté et que la loi SRU puisse être appliquée, non pas en permettant aux élus de provisionner les dépenses liées aux amendes, mais en faisant en sorte que la lutte contre les inégalités spatiales dans notre métropole du Grand Paris soit, enfin, à l’ordre du jour et une vraie priorité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Permettez-moi de rappeler que, l’année 2020 mise à part, les objectifs de la construction en Île-de-France sont atteints. La loi relative au Grand Paris fixe un objectif de 70 000 logements construits par an en Île-de-France. Entre 2017 et 2019, le nombre de logements mis en chantier a été supérieur à 80 000 logements. L’objectif est donc plus qu’atteint.
L’enjeu porte surtout sur le parc social. Il faut toutefois rappeler que la production de logements sociaux relève essentiellement de la responsabilité des collectivités, qui fixent les objectifs dans le cadre de la planification et accompagnent les bailleurs par leur action en matière de foncier, d’urbanisme et de permis de construire.
Il est vrai que les objectifs ne sont pas atteints, mais cela masque des réalités territoriales très différentes. En effet, les communes de la MGP sont plus nombreuses à respecter la loi SRU. Au sein de la métropole, le taux moyen de logements locatifs sociaux est de 30 %. Seulement 40 % des communes de la MGP ont des obligations de rattrapage, alors que 60 % des communes d’Île-de-France soumises à la loi SRU sont concernées. Cette situation est la traduction de disparités territoriales exacerbées.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour appliquer la loi SRU et carencer les communes qui ne tiennent pas leur engagement, soit 40 % des communes de la métropole, et seulement 20 % en Île-de-France.
Toutefois, je suis absolument convaincue que la mixité ne tient pas uniquement au rattrapage, mais aussi à la volonté de cesser de concentrer les populations pauvres au même endroit. C’est pourquoi nous avons pris l’engagement, lors du comité interministériel des villes qui s’est tenu il y a une semaine, d’encadrer davantage les agréments dans les communes qui ont déjà plus de 40 % de logements sociaux.
M. Rachid Temal. Et dans les autres ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il est indispensable de construire des logements locatifs sociaux de qualité, car ceux-ci constituent une solution indispensable dans le parcours de vie de nos concitoyens, mais il faut les construire ailleurs que là où il y en a déjà trop.
M. Rachid Temal. Comment ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, vous avez indiqué que 40 % des communes de la MGP ne remplissent pas leurs obligations : on voit bien où est le problème !
Par ailleurs, la proportion de foyers qui peuvent être accueillis dans le logement social est gigantesque. Pourquoi restreinte la proportion de logements sociaux à 40 % ? Le logement social peut accueillir des populations diverses.
Ce gouvernement, comme tant d’autres acteurs, doit sortir du misérabilisme à l’égard du logement social.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le logement social peut aussi être une forme de logement accueillante et propice à la mixité.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa création, la métropole du Grand Paris soulève de nombreuses questions institutionnelles, juridiques et politiques, mais c’est bien le sens de la métropole du Grand Paris qui doit nous interroger ce soir.
Conçue pour réduire les inégalités entre les habitants et améliorer leur cadre de vie, la métropole du Grand Paris se confrontera dès demain aux défis d’aujourd’hui : la démographie, la transition énergétique, la mobilité durable et l’attractivité économique.
Néanmoins, ces défis ne pourront être relevés que si la population francilienne sait clairement à qui s’adresser pour telle ou telle situation.
Soyons lucides : force est de constater que la métropole du Grand Paris est un objet politique peu identifié et peu connu. À ce jour, 208 conseillers et conseillères siègent au conseil métropolitain, pour y représenter les 131 communes membres. Je doute que les Franciliens concernés connaissent l’identité de leurs élus et le fonctionnement de ce conseil. Au millefeuille administratif français déjà encombrant s’est ajoutée la métropole du Grand Paris, dont les compétences manquent de clarté.
En tant qu’élu provincial, je constate qu’il s’agit d’un nain politique aux compétences limitées et exercées de manière croisée avec les autres collectivités sur cinq couches administratives. Il s’agit aussi d’un nain budgétaire : comme le montre le compte administratif de 2019, la métropole dispose d’un budget qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
Par ailleurs, la frontière entre la métropole et la région est opaque : la première est une intercommunalité, certes débutante, mais souffrant encore de son image de colosse aux pieds d’argile ; la seconde, agile sur le plan des compétences et connue de tous, s’est au contraire imposée progressivement comme un échelon politique essentiel.
Madame la ministre, ne doit-on pas travailler pour simplifier la question des objectifs, des moyens, des compétences et de leur périmètre, afin de dissocier distinctement la métropole du Grand Paris des autres collectivités et, ainsi, donner enfin corps à ce projet territorial, aujourd’hui en hibernation, dont nous attendons qu’il prenne son envol ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je note avec intérêt qu’il y a autant de solutions que d’orateurs ! (Sourires.)
Vous avez raison, il y a deux façons d’envisager la question de la gouvernance en Île-de-France. La première consiste à créer des instances de coordination procédant, selon le modèle des intercommunalités, des collectivités qui doivent se coordonner. C’est le modèle de la MGP. On peut aussi imaginer une sorte d’interdépartementalité.
Quelles que soient les solutions retenues, les intercommunalités procèdent toujours des communes, et c’est à l’échelon de ces dernières que se jouent les scrutins. Chacun a ainsi pu constater que la MGP et les programmes des EPT n’étaient pas au cœur des débats du scrutin municipal de 2020 – c’est le moins que l’on puisse dire !
La légitimité d’une vaste intercommunalité pour trancher de grands enjeux stratégiques est, par nature, plus limitée que s’il s’agissait d’une collectivité à statut particulier. En effet, le conseil communautaire n’a pas été élu sur le fondement d’un programme électoral métropolitain clairement choisi par les électeurs.
La seconde méthode, qui peut être complémentaire de la première, consiste à donner à une institution la possibilité de mettre en œuvre un projet politique métropolitain clairement choisi par les électeurs : c’est le modèle des collectivités à statut particulier, qui peuvent être dotées de compétences accrues par rapport aux collectivités de droit commun, voire issues de la fusion de deux échelons.
Une collectivité est administrée par une assemblée élue au suffrage universel direct. Cette assemblée a sa propre légitimité dans l’hypothèse d’un scrutin de liste dans une circonscription unique. Elle peut se prévaloir de la claire validation par les électeurs du programme qu’elle met en œuvre.
Pour reprendre votre expression, monsieur le sénateur, les différents projets territoriaux portés par les diverses tendances politiques seraient périodiquement soumis aux électeurs qui choisiraient leur destin commun.
Il faut cependant être clair : une telle collectivité ne ressemblerait en aucune manière à une métropole des maires, ou à une métropole à un autre échelon, ni à une communauté de départements. Elle serait, comme vous l’indiquez, dissociée des autres collectivités dans le respect du principe de non-tutelle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Olivier Léonhardt, sénateur de l’Essonne, ne peut malheureusement pas être présent aujourd’hui. Il m’a donc demandé de bien vouloir lire sa question, ce que je vais faire avec un accent plus méridional que celui que l’on entend dans son territoire du Hurepoix. (Rires. – Mme Françoise Gatel, MM. Philippe Pemezec et Jean-Raymond Hugonet applaudissent.)
Je donne donc lecture de sa question :
« À l’époque, la création de la métropole du Grand Paris avait déjà suscité de vifs débats sur la pertinence d’un nouvel échelon administratif et politique dans le millefeuille préexistant en Île-de-France.
« La création de ce nouvel échelon devait d’ailleurs s’inscrire dans une réflexion nécessaire, plus globale, sur la répartition des compétences entre la région, la ville de Paris, les départements de la petite et de la grande couronne avec leurs spécificités, les nouvelles intercommunalités issues de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation, la loi Maptam, et les communes.
« En 2014-2016, de nombreux élus de terrain de tous bords politiques avaient aussi alerté sur le risque d’une relégation des territoires les plus éloignés du centre de Paris à la suite de la création d’une hyperstructure telle que la MGP.
« Malheureusement, ces préoccupations se confirment aujourd’hui, car le rapport de force institutionnel déséquilibré conforte les inégalités territoriales au sein de notre région.
« Cette problématique est particulièrement frappante dans le domaine des transports, quand les collectivités de Paris et de la petite couronne accaparent une part disproportionnée des investissements publics, alors que le réseau RER est au bord de l’implosion.
« Pour rappel, ce sont bien les habitants de la grande couronne qui ont besoin de transports en commun de qualité pour éviter de se déplacer en voiture et répondre à l’urgence environnementale.
« Dans cette même logique, la création d’une zone à faible émission, décidée unilatéralement par la MGP pour limiter progressivement l’accès des véhicules dotés de moteurs diesel et essence à l’intérieur des frontières de l’autoroute A86, révèle un problème de gouvernance. Comment accepter de telles mesures qui pénalisent les habitants de la grande couronne ?
« Madame la ministre, ma question est simple : quelles réformes envisagez-vous pour rééquilibrer la gouvernance de la région Île-de-France et contribuer à réduire les inégalités au bénéfice de tous les Franciliens ? »