M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, recensé dès 1538 dans Le Trésor de la langue française, le terme « courtier » recouvre des activités aussi anciennes que diverses, liées par définition à tout type d’activité commerciale. Il désigne un intermédiaire des échanges chargé de la mise en relation, ou encore de l’entremise d’un vendeur et d’un acheteur potentiels.
Le mot « courtier » trouve ses origines dans l’occitan « corratier » ; c’est un coureur ou une personne qui court pour réaliser des opérations commerciales. On le trouve au Moyen Âge sur les marchés ou dans les ports. Outre le fait qu’il doit avoir de bonnes jambes, le courtier doit aussi savoir créer et entretenir d’excellentes relations avec les différentes parties concernées. Parfaitement informé, il sait qui vend et qui souhaite acheter.
À cette époque, chaque courtier avait sa spécialité propre. Dans mon département, le courtier en vin était un personnage particulièrement important.
En finances, le courtier peut être un intermédiaire qui agit soit sur les marchés financiers pour le compte de tiers, soit en mettant en relation deux parties avec pour objectif qu’elles contractent ensemble.
Le courtage est devenu une activité très présente en bourse et dans les activités financières en général, mais il a fortement décliné ou s’est transformé, ces dernières années, avec l’automatisation du trading et la numérisation. Aujourd’hui, il se développe particulièrement dans le domaine des brevets, de la propriété intellectuelle et le commerce des données, sans oublier, de façon plus anecdotique, le courtage matrimonial…
L’objet de cette proposition de loi, repris d’une disposition censurée de la loi Pacte de 2019, est plus restreint, dans la mesure où il porte sur le courtage dans le domaine des assurances et des opérations de banque.
Sur le fond, il y a peu de choses à ajouter à ce qui a été dit. Le texte a déjà été amendé à l’Assemblée nationale et lors de l’examen en commission.
La volonté du Gouvernement de faire avancer ce sujet semble intacte, malgré la situation économique fortement bouleversée depuis un an par la pandémie. Il est vrai que cette réforme devait initialement entrer en vigueur au 1er janvier…
On peut regretter certains « angles morts » de la proposition de loi, comme le courtage en immobilier, secteur différent il est vrai, mais qui intéresse nos concitoyens. Si ce texte n’est pas un texte « fourre-tout », le terme de courtage lui-même reste très large, car il y a autant de métiers et d’intermédiaires que d’activités commerciales.
L’application stricte de l’article 45 de la Constitution réduit l’initiative parlementaire à des ajustements techniques, là où il y aurait matière à mieux encadrer un certain nombre d’activités qui relèvent du courtage. Je salue néanmoins les avancées présentes et remarque que le texte recouvre bien des activités telles que le courtage en crédit immobilier.
Les courtiers en opérations de banque répondent au terme de « IOBSP » – intermédiaires en opérations de banque et services de paiement. Comme les courtiers en assurances, ils apparaissent très nombreux… On peut attendre de l’adoption du présent texte que ces secteurs s’organisent davantage, du fait de la nécessité d’effectuer des démarches supplémentaires d’agrément. Cela devrait avoir un effet bénéfique pour le consommateur, dans le respect des règles de juste concurrence.
L’obligation d’adhésion à des associations professionnelles agréées par l’ACPR permettra, espérons-le, un meilleur contrôle, tout en conservant un système souple et la liberté d’établissement et de services. Son objectif, présenté lors des débats sur la loi Pacte, est avant tout de lutter contre certains abus, comme dans la vente de contrats d’assurance construction ou automobile, où des clients ont pu être abusés par des sociétés frauduleuses parfois domiciliées à l’étranger.
L’examen à l’Assemblée nationale a apporté un certain nombre de modifications ou de précisions. Les refus d’adhésion par les associations devront être motivés, et les professionnels bénéficieront de moyens de recours. À l’inverse, les associations agréées pourront informer les autres associations d’un retrait de la qualité de membre. Surtout, l’entrée en vigueur est décalée au printemps 2022 du fait de la crise sanitaire, in extremis avant la fin du quinquennat !
La commission des finances du Sénat a, quant à elle, introduit une condition d’honorabilité des courtiers, tant salariés que dirigeants. Je m’en réjouis.
Je note, à la suite du rapporteur, les limites intrinsèques du texte, qui doit respecter le cadre défini au niveau européen par la directive sur la distribution d’assurances de 2016, dite « DDA », laquelle interdit une coopération trop poussée entre les pouvoirs publics et les représentants du secteur, au nom de la liberté de service et de la non-interférence avec les autorités étrangères homologues.
Comme pour le texte précédent sur la ratification d’ordonnances, on peut regretter le délai de transmission court entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
En conclusion, après ces différentes remarques, j’indique que le groupe du RDSE votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « il existe des contrats pour vous protéger contre toutes les calamités imaginables, sauf contre les démarcheurs de compagnies d’assurances ». (Mme la secrétaire d’État s’esclaffe.) Ce proverbe populaire pointe le paradoxe que propose de résoudre cette proposition de loi. Malheureusement, il n’en sera sans doute rien, tant son dispositif nous paraît inutile, voire contre-productif, et coûteux pour les acteurs de l’intermédiation en assurance.
Je voudrais revenir sur la principale déviance qui nécessite une intervention législative ferme : le cas des acteurs de l’assurance intervenant en libre prestation de services, ou LPS.
Le grand public avait découvert leur existence au moment du scandale qui avait éclaté dans le secteur de l’assurance construction. Des dizaines de milliers d’assurés, qui avaient souscrit des assurances via des courtiers grossistes auprès d’assureurs exerçant en LPS, se sont retrouvés bien démunis lorsque leurs problèmes ont commencé. Les pratiques frauduleuses des LPS sont désormais bien connues : concurrence déloyale sur les prix et faillite lorsqu’il faut payer les sinistres.
La problématique est malheureusement diffuse. La spécificité des contrats dits « décennaux » fait peser pendant dix ans le risque de s’exposer aux pratiques frauduleuses de certaines compagnies d’assurances parfois établies dans des paradis fiscaux. Le cas de Gibraltar en est un exemple : on compte une entreprise d’assurance pour 700 habitants dans ce paradis fiscal, contre une pour 220 000 en France.
L’auteure et rapporteure du texte à l’Assemblée nationale reconnaît que les assureurs en LPS constituent « un problème très complexe et sensible ». Pourtant, ce texte ne résoudra pas la problématique des acteurs en libre prestation de services en difficultés financières ou même en faillite, dont les contrats demeurent distribués par des courtiers français. Les acteurs en LPS ne souscriront pas à ces associations, non seulement parce que l’adhésion pourrait coûter jusqu’à 500 euros, mais surtout parce qu’ils n’y seront pas contraints. Nous considérons qu’il s’agit d’une rupture d’égalité entre acteurs français et européens.
Cette proposition de loi risque finalement de subir le même sort que la disposition contenue dans la loi Pacte, en s’exposant, non pas à une censure du Conseil constitutionnel cette fois, mais à une contestation au motif de sa non-compatibilité avec le droit européen. En imputant aux associations créées la mission de s’assurer « du respect des exigences professionnelles », le texte s’expose en effet, au-delà du caractère vague de cette notion, à un risque de non-conformité avec la directive européenne sur la distribution des assurances de 2016. Ces associations se trouveraient dans une situation problématique au regard de la nécessité de préserver les prérogatives de contrôle de l’ACPR. La directive européenne est explicite sur les missions de contrôle, qui doivent être exercées par « des autorités publiques » ou « des organismes reconnus par le droit national », et non par « des associations dont les membres comprennent directement ou indirectement des entreprises d’assurance et des intermédiaires d’assurance ».
Plutôt que de risquer d’empiéter sur les attributs du régulateur, il serait sûrement préférable de renforcer les missions de l’ACPR et de l’Orias.
La confusion dans les rôles de chaque institution n’épargne pas les syndicats professionnels, qui se chargent d’ores et déjà de la veille juridique, de faciliter la formation professionnelle et d’assurer des missions de médiation par l’entremise de la « médiation de l’assurance ». Ce sont d’ailleurs ces mêmes syndicats professionnels qui créeront les associations agréées dont il est question dans cette proposition de loi. Il est difficile de ne pas y voir un paradoxe.
Les syndicats vont alors se départir de certaines de leurs missions et activités. Ils en sortiront affaiblis et verront le nombre de leurs membres diminuer autant que les cotisations perçues. En creux se dessine le risque que le dialogue social de la branche professionnelle se délite et que le Gouvernement dispose des coudées franches pour imposer ses vues au secteur.
Les associations agréées ne joueront pas non plus ce rôle de dialogue, car elles seront atomisées. Il pourrait en exister entre quatre et six. Quel est le fondement d’une telle concurrence ?
L’adhésion étant obligatoire, un acteur unique nous paraissait plus adapté, d’autant que les associations seront amenées à délivrer des recommandations. Celles-ci formuleront pour les mêmes acteurs de l’assurance des conseils différents. Leur portée, au-delà d’ajouter de la confusion, sera donc nulle.
Je ne reviens pas sur les risques de conflit d’intérêts de l’auteure de la proposition de loi, qui ont été mis en lumière par Mediapart. Même si elle déclare ne pas s’être posé de questions « sur le coup » à propos de son lien avec le think tank Intermedius, elle a changé d’avis en déclarant après le dépôt du texte un lien d’intérêt bénévole avec la structure.
Enfin, il est tout de même curieux de constater que ce texte, pourtant construit par les acteurs du secteur, ne contente au fond pas grand monde. Pour les sénateurs et les sénatrices du groupe CRCE, nul besoin d’ajouter une strate inutile, qui, contrairement à l’objectif affiché, n’améliorera pas la protection du consommateur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, présentée par notre homologue députée de la Loire Valéria Faure-Muntian, la proposition de loi que nous examinons vise à réguler et à structurer les activités de courtage en assurances et en opérations de banque et services de paiement. Ce texte entend non seulement accompagner les professionnels d’un secteur aujourd’hui largement éclaté, mais également garantir aux consommateurs une meilleure protection, en renforçant un cadre juridique jugé trop évasif. Le dispositif qui nous est proposé dans ce texte reprend pour l’essentiel les dispositions de l’article 207 du projet de loi Pacte, que le Conseil constitutionnel avait censurées au motif qu’il s’agissait de cavaliers législatifs.
Nous nous accorderons tous sur ce constat : le droit en vigueur n’offre pas de cadre suffisant aux métiers de courtier en assurances et d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement. Or l’expansion du marché et, à travers elle, la nécessité d’un meilleur contrôle des exigences professionnelles requises invitaient le législateur à se saisir du sujet à bras-le-corps.
Les marchés d’intermédiation bancaire et assurantielle ont en effet connu une forte croissance ces dix dernières années. Depuis 2010, le nombre de courtiers en assurances a ainsi progressé de 25 %. Celui d’intermédiaires en opérations de banque et de services de paiement a, quant à lui, bondi de 60 % depuis 2016. Cette augmentation exponentielle s’explique de différentes façons. Elle tient tout à la fois aux habitudes nouvelles prises par les consommateurs, à la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne et aux nouveaux produits d’épargne mis en place à la faveur de la loi Pacte.
L’activité de courtage s’est en somme développée plus rapidement qu’elle ne s’est organisée et professionnalisée. Afin d’y remédier, la présente proposition de loi s’inspire directement du modèle de corégulation appliqué aux conseillers en investissements financiers, lequel est fondé sur une obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée par l’Autorité des marchés financiers.
Très concrètement, aussi bien pour les courtiers d’assurance ou de réassurance que leurs mandataires et les intermédiaires en opérations de banque et de services de paiement, le texte prévoit d’instaurer l’autorégulation des secteurs d’intermédiation bancaire et assurantielle, en s’appuyant sur une adhésion obligatoire à des associations professionnelles, agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Ces associations professionnelles auront pour but d’offrir à leurs membres un service de médiation, d’accompagnement et d’observation de leur activité, mais aussi de vérifier le respect des conditions d’accès et d’exercice de leur activité.
Deux raisons principales conduisent le groupe Union Centriste à soutenir l’esprit et le contenu de la proposition de loi qui nous est ici soumise.
Tout d’abord, l’accompagnement des intermédiaires de l’assurance et des services bancaires, qui, pour la grande majorité, sont des TPE, se voit opportunément renforcé. Ces intermédiaires trouveront désormais des interlocuteurs fiables au sein de ces associations pour les conseiller, afin qu’ils se conforment aux évolutions du cadre réglementaire de leur profession. Nous nous en réjouissons.
Ensuite, le choix d’une assurance ou de services bancaires est un moment important dans la vie de nos concitoyens et des consommateurs, qui peuvent à cette occasion s’engager pour de très longues années dans un plan de remboursement. Il est donc de notre devoir de leur garantir une protection nécessaire, ce que prévoit le présent texte. Là aussi, nous nous en félicitons.
Le groupe Union Centriste n’en est pas moins sensible aux lacunes soulevées par le rapporteur, Albéric de Montgolfier, dont nous voulons saluer le travail accompli au nom de la commission des finances. Nous pouvons en effet regretter que le dispositif ne soit pas en parfaite adéquation avec les ambitions affichées par les auteurs de la proposition de loi.
Certes, ce décalage ne leur est pas entièrement imputable, les insuffisances du texte, en particulier quant au contrôle des conditions de commercialisation des produits d’assurance, tenant – cela a été rappelé à plusieurs reprises – aux fortes contraintes du droit européen qui pèsent sur notre législation nationale. Ainsi la réglementation européenne empêche-t-elle de soumettre à une adhésion obligatoire les intermédiaires étrangers exerçant en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement, un écueil qui, hélas, risque de poser de sérieux problèmes d’équité…
De même la réglementation européenne empêche-t-elle rigoureusement de transposer aux courtiers en assurances et aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement le modèle de corégulation qui existe pour les CIF. Là encore, cela constitue un obstacle préjudiciable et une limite au texte que nous examinons.
Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi constitue un premier pas, un premier pas nécessaire, un premier pas utile pour mieux réguler la profession de courtier. C’est d’autant plus vrai que le dispositif issu du texte transmis par l’Assemblée nationale a pu être substantiellement enrichi par la commission des finances du Sénat. Le transfert du contrôle de l’honorabilité des dirigeants et des salariés à l’Orias, de même que la faculté offerte aux associations professionnelles d’émettre des recommandations vis-à-vis de leurs membres en matière de pratiques commerciales et professionnelles vont ainsi dans le bon sens
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a pour objectif d’organiser l’autorégulation des professionnels du courtage en assurances. Elle intervient à la suite de la censure de la loi Pacte par le Conseil constitutionnel, qui avait vu, à l’époque, dans les dispositions reprises par ce texte des cavaliers législatifs. En ce sens, je le note, nous avons affaire à un projet de loi sous forme de proposition de loi. De ce fait, nous ne disposons pas d’une étude d’impact à proprement parler.
Le secteur du courtage compte de très nombreux acteurs et connaît un très fort turnover. Des scandales récents ont révélé la nécessité de le réguler davantage dans le but de remédier aux dysfonctionnements réglementaires constatés et, ainsi, de mieux protéger les consommateurs. Ce texte très technique, ramassé en un seul article, souhaite donc structurer ce secteur autour d’associations professionnelles agréées à adhésion obligatoire.
Cette réforme de la profession du courtage concerne près de 56 000 professionnels, lesquels sont soumis aujourd’hui à un premier autocontrôle du fait de leur enregistrement au registre de l’Orias, cet enregistrement étant nécessaire pour exercer. Un second contrôle peut intervenir de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, chargée de vérifier la véracité des documents transmis à l’Orias et les pratiques des courtiers. À ce titre, l’ACPR a encore récemment sanctionné un courtier pour des manquements en matière de démarchage commercial. Pour mémoire, ces organismes ont été mis en place à la suite de la crise financière de 2008 afin de garantir les services assurantiels.
Les contrôles effectués par l’ACPR sont trop peu nombreux : seulement 70 en 2020. Cette proposition de loi entend donc y remédier.
Pourtant, malgré les bonnes intentions des auteurs, le contenu du texte est décevant et loin des ambitions formulées dans l’exposé des motifs. Alors qu’il nous est présenté comme un renforcement des garanties pour le consommateur, dans les faits, ce texte consiste en la création d’associations de contrôle.
D’une part, ce texte n’apportera pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services, alors même que de nombreuses défaillances ont été relevées dans le secteur du bâtiment et de l’assurance automobile. De même, rien n’est précisé quant au devoir de conseil vis-à-vis des clients.
D’autre part, c’est une manière pour l’autorité de régulation de déléguer sa mission de contrôle à des acteurs privés ayant leurs propres règlements. C’est donc une régulation de marché et en même temps un recul de l’État…
Cette autorégulation par associations professionnelles risque donc de générer des baronnies sur le marché, favorisant de fait les grosses entreprises de courtage. Elle organise donc une dérive oligopolistique sur un marché qui n’en a pas nécessairement besoin, et cela au détriment des consommateurs. Contrairement à l’intention présentée par les auteurs, concentrer de la sorte les acteurs sur le marché mènerait à pousser les prix à la hausse par le mécanisme d’offre et de demande.
Enfin, cette réforme génère une surlégislation en créant un intermédiaire supplémentaire entre les professionnels et les instances nationales de régulation.
Je vous avoue, mes chers collègues, mon scepticisme quand, lors du PLF, on supprime l’obligation d’adhésion à des organismes de gestion agréés, qui jouent un rôle similaire sur un autre marché, avant d’adopter quelques semaines plus tard la logique parfaitement inverse avec ce texte.
Une simple réforme réglementaire aurait pu permettre d’augmenter la fréquence des contrôles de l’ACPR. En effet, avec près de 6 millions d’euros de cotisations récoltées, elle devrait avoir les moyens de se consacrer à ces contrôles. Peut-être aurait-il été opportun d’examiner la situation d’un peu plus près avant de déléguer purement et simplement ses missions à des associations agréées.
De même, afin de protéger davantage les consommateurs, il serait nécessaire que les courtiers aient recours à des services de médiation. Pour les y inciter, un justificatif mentionnant ces services pourrait être exigé lors du renouvellement de l’inscription au registre de l’Orias.
Autre point important : cette réforme souligne également les besoins de formation continue et d’accompagnement. Cette problématique dépasse largement le secteur bancaire et assurantiel et nécessiterait une réflexion plus large. Pour autant, en l’espèce, l’Orias pourrait, là encore, demander aux intermédiaires, au titre de la formation continue, tout document attestant des formations suivies et de la qualité de celles-ci.
Avant de conclure, j’ajouterai deux remarques de méthode sur cette réforme.
En premier lieu, je regrette, comme je l’ai déjà dit, l’absence d’une étude d’impact qui aurait éclairé ce texte très technique. Une telle étude aurait pu démontrer pour quelles raisons nous devrions organiser un marché plus concentré et en quoi cette organisation aurait pu être favorable aux consommateurs. En effet, malgré la volonté affichée de protection des consommateurs, il n’y a rien dans ce texte qui garantisse une augmentation des droits ou la possibilité d’un recours.
En second lieu, au regard de la crise sociale inédite que nous traversons, le groupe socialiste ne comprend pas l’urgence d’une lecture de cette proposition de loi en procédure accélérée et sur le temps gouvernemental. Il y a effectivement de vraies urgences à traiter dans notre pays. Elles sont sanitaires, sociales et environnementales. Par ailleurs, ce texte de loi ne mérite pas d’être travaillé dans l’empressement d’un calendrier contraint par les échéances électorales à venir.
Ces dispositions, qui entendent réguler un secteur d’activité, désarment en fait la puissance publique au lieu de lui donner les moyens d’exercer ses missions et d’effectuer les contrôles qui seraient nécessaires à la réelle protection des consommateurs. Ces derniers sont quand même les laissés-pour-compte de ce texte alors qu’ils en étaient la principale justification.
Cependant, au-delà de la méthode qui n’est pas la bonne et ne permettra pas d’être efficace, ce texte a le mérite d’engager la réflexion sur une problématique réelle. Nous serons à cet égard très attentifs quant à la traduction réglementaire de ce texte de loi une fois son adoption actée.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte, qui n’apporte pas de solutions en matière de protection des consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sous des aspects très techniques, le texte que nous examinons aujourd’hui renvoie à une réalité bien connue de nos concitoyens : quiconque a déjà souhaité comparer différentes offres d’assurance ou de prêt a éprouvé le besoin d’être aidé dans ses démarches.
C’est justement le rôle du courtier que d’apporter cette aide. Le courtage opère comme un intermédiaire entre l’assureur ou la banque, d’une part, et le client, d’autre part. Son rôle consiste à agréger différentes offres de prestation afin de faire jouer la concurrence et d’apporter les solutions les mieux adaptées aux besoins des clients.
Comme pour toute offre d’intermédiation entre le fournisseur d’une prestation et son bénéficiaire, le courtier crée de la valeur quand il génère de la confiance entre l’un et l’autre. Il s’agit de trouver, pour le client, l’offre la mieux adaptée et au meilleur prix.
Aujourd’hui, cette profession regroupe des acteurs très nombreux et très divers. Sont ainsi immatriculés au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance 25 000 courtiers en assurances, 34 000 intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement et près de 7 700 entreprises étrangères intervenant en prestation de services ou en libre établissement sur le sol français.
Il est utile de rappeler ces chiffres, car ils illustrent bien la réalité du marché du courtage en assurances et en opérations de banque. Ainsi, lorsqu’ils cherchent à souscrire une police d’assurance ou s’apprêtent à s’engager dans un crédit, les consommateurs font face à une myriade d’acteurs qui n’ont ni les mêmes statuts ni les mêmes exigences en matière de transparence.
La profusion des acteurs – des TPE et des entreprises individuelles dans l’immense majorité des cas – peut être analysée comme la preuve que ce marché n’a pas encore tout à fait trouvé son point d’équilibre. En tout cas, cette profusion est un terreau propice aux fraudes fiscales et commerciales.
Ce risque de fraude ne peut être le fruit que de quelques-uns, mais ils nuisent à la profession. Comme je l’ai dit, les acteurs de cette profession créent de la valeur, parce qu’ils génèrent de la confiance. Lorsque le doute existe à cause de certains, c’est l’ensemble des acteurs qui en font les frais et, au bout de la chaîne, le consommateur.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants soutient le principe de cette démarche de réforme : il apparaît judicieux de renforcer les contrôles prudentiels réalisés sur les entreprises.
La création d’associations professionnelles à adhésion obligatoire, soumises à l’agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, doit permettre de rendre l’offre de courtage plus lisible et plus transparente pour les consommateurs.
J’ai entendu les arguments selon lesquels l’entrée en vigueur de ce dispositif était précipitée. C’est vrai que la date, fixée par l’Assemblée nationale au 1er avril 2022, ne laisse guère plus d’un an aux acteurs et aux nouvelles associations professionnelles pour s’organiser. Mais cet argument omet le fait que les concertations ont été engagées dès 2018 et que le Parlement avait déjà voté cette réforme dans le cadre du projet de loi Pacte avant que le Conseil constitutionnel ne supprime les articles concernés au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs.
Je pense que nous devons avant tout veiller à ce que cette réorganisation de la profession ne fasse pas peser sur les acteurs économiques, par le biais des cotisations d’adhésion, des surcoûts qui seraient répercutés sur les consommateurs.
Mis à part ce point de vigilance, notre groupe soutient cette réforme, qui nous semble aller dans l’intérêt des consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.