compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Daniel Gremillet.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, tant celui du temps de parole que celui de l’orateur.
application de la loi égalim
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Hingray applaudit également.)
M. Bernard Bonne. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui, malheureusement, n’est pas présent.
Trois ans après le discours de Rungis, la situation des agriculteurs, en particulier celle des producteurs de viande bovine, est catastrophique.
Pourtant, ils y croyaient vraiment !
Ils espéraient qu’avec la loi Égalim, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, leur avenir serait meilleur.
Je rappelle que cette loi devait rééquilibrer les relations commerciales, encadrer les promotions et surtout redonner de la valeur aux denrées agricoles.
Il n’en est rien.
L’annulation du salon de l’agriculture pour cause de pandémie nous oblige, nous, parlementaires, à relayer la détresse du monde rural.
Alors que 2020 est une année record en matière de bénéfices pour la grande distribution, alors que les négociations commerciales ont été difficiles et ne se sont conclues que dans la nuit de lundi à mardi, les revenus des agriculteurs sont au plus bas.
Comment se fait-il que l’obligation contractuelle faisant référence aux coûts de production, pourtant prévue par la loi, ne soit pas proposée aux producteurs et que les entreprises de transformation n’obtiennent pas de la grande distribution un accord à cette hauteur ?
Cette situation n’est ni morale, ni acceptable, ni justifiable. Comment comptez-vous y remédier ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de cet accueil chaleureux ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Monsieur le sénateur Bonne, c’est pour une très bonne raison que le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Julien Denormandie, n’est pas présent : il est en ce moment même à l’Assemblée nationale. Il vous prie de l’excuser et c’est en son nom, très directement, que je vous répondrai, en saluant, comme vous l’avez fait, la mobilisation totale de notre chaîne alimentaire.
J’en profite d’ailleurs pour vous annoncer que le Premier ministre se rendra dans les prochains jours auprès de nos éleveurs pour leur témoigner très concrètement la reconnaissance que leur doit notre gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. C’est obscène !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. La loi Égalim de 2018 a mis en place des outils très concrets pour parvenir à l’objectif que nous nous sommes fixé. Il reste du chemin à parcourir ; c’est pourquoi nous continuons à surveiller son application. Cinq réunions de comité de suivi des négociations commerciales ont eu lieu ces derniers mois, menées par Julien Denormandie. Une mission a notamment été confiée à Serge Papin, qui doit proposer des pistes d’amélioration. Vous le savez, la transparence est la clé pour surmonter l’opposition entre distributeurs et industriels.
Nous continuons à mener à bien l’application de la loi Égalim. Bruno Le Maire intensifie et démultiplie les contrôles (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) pour qu’elle soit appliquée de manière effective. Par ailleurs, nous renforçons la médiation, dont nous savons qu’elle est indispensable. Enfin, nous avons lancé une adresse de signalement pour mobiliser les consommateurs et lutter contre des prix trop bas ou des indications trompeuses, notamment sur l’origine. Pour votre information, je précise que plusieurs cas sont déjà traités par les services du ministère de l’agriculture et ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
En un mot, monsieur le sénateur, c’est chaque jour que nous nous mobilisons pour répondre au constat collectif dressé ensemble lors des ateliers Égalim.
Merci encore de votre accueil chaleureux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’espère que cette réponse vous aura convaincus ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.
M. Bernard Bonne. Madame la secrétaire d’État, je regrette beaucoup que vous m’ayez fait ce type de réponse, qui ne correspond en rien à ce que l’on voit sur le terrain.
M. Laurent Duplomb. C’est certain !
M. Bernard Bonne. Un exemple : la semaine dernière, j’ai rencontré un groupe d’agriculteurs dans mon département de la Loire. L’un d’entre eux m’expliquait que sa fille s’étonnait que, sur sa feuille d’imposition, le montant de ses revenus équivalait à « 0 ». Bien qu’installé depuis dix-sept ans, travaillant normalement, n’étant plus endetté, touchant même à peu près 30 000 euros d’aides de la PAC, la politique agricole commune, tout cela, de surcroît, sur 110 hectares,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Bernard Bonne. … il n’était pas capable de répondre à l’étonnement de sa fille.
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé !
M. Bernard Bonne. Il faut arrêter de faire en sorte qu’il n’y ait plus d’agriculteurs en France et que nos assiettes soient pleines de denrées venant d’ailleurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Jean Hingray applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Christine Herzog. Ma question, à laquelle s’associe Jean-Marie Mizzon, mon collègue de Moselle, s’adresse à M. le Premier ministre.
Hier matin, à minuit, pour la seconde fois en moins d’un an, le gouvernement fédéral d’Angela Merkel a mis fin à soixante ans de relations transfrontalières entre le département de la Moselle et ses deux Länder allemands voisins de la Sarre et de Rhénanie-Palatinat. Ces Länder ont manifesté leur mécontentement devant cette rupture brutale des accords et traités relatifs à la libre circulation des personnes et des marchandises.
Ce qui est en cause, c’est un taux d’incidence trop élevé de la circulation du covid-19 et de ses variants en Moselle. Or c’est précisément de ce point de vue que la prise de décision allemande pose problème.
Tout d’abord, il a été constaté et relevé que les Länder allemands dépistaient quatre fois moins de personnes que les départements français. Et pour cause, le test du covid est payant en Allemagne !
Mécaniquement, si l’on ne cherche pas, on ne trouve pas ! C’est pourquoi les chiffres sont faibles – 80 cas pour 100 000 habitants en Sarre –, mais grimpent aussitôt que l’on teste en masse, comme c’est le cas en Moselle : 284 cas pour 100 000 habitants, le 28 février dernier.
Ensuite, les mesures drastiques décidées sont inapplicables, car l’Allemagne ne veut pas fournir les tests des 16 000 travailleurs frontaliers français qu’elle exige pourtant et fera payer tous les deux jours. La France ne dispose pas non plus de tels tests, qui ne sont valables que quarante-huit heures et doivent être obligatoirement négatifs, sous peine de ne pouvoir rejoindre l’Allemagne.
L’Allemagne se moque de nous !
Pour les enfants, la situation est encore plus dramatique. Qui peut exiger qu’un enfant de plus de 6 ans, scolarisé en Allemagne mais vivant en France, fasse tous les deux jours un test antigénique ou un test PCR avec écouvillon ? C’est très douloureux ! On dénombre 1 000 enfants dans ce cas ; c’est inacceptable.
La France est transparente, mais l’Allemagne doit l’être aussi.
Tous nos efforts commencent à payer. En Moselle, nous sommes passés de 471 cas de covid-19 confirmés le 27 février à 124 cas le 1er mars. C’est une bonne nouvelle.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Christine Herzog. Monsieur le Premier ministre, le chef de l’État a-t-il engagé avec l’Allemagne un dialogue visant à ce que nos deux pays s’alignent sur des critères identiques, comme le décompte des cas d’hospitalisation ? (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Christine Herzog. Peut-on n’exiger qu’un test salivaire pour les enfants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur l’importance pour chacun de respecter son temps de parole, afin que tous les orateurs puissent poser leur question dans de bonnes conditions.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice Herzog, comme vous l’avez rappelé, dimanche dernier, l’Allemagne a annoncé le classement du département de la Moselle en zone à risque au titre de la circulation des variants. Nous l’avons dit : nous regrettons, comme vous, cette décision, parce qu’elle ne tient pas compte des nécessités et des exigences inhérentes à ce bassin de vie, qu’il s’agisse de l’école, du travail ou de la vie quotidienne.
Néanmoins, tout au long de la semaine – et nous poursuivons cet effort –, nous avons mené une étroite concertation avec l’Allemagne, à tous les niveaux – élus locaux, exécutifs départemental et régional, Gouvernement, jusqu’au Président de la République lui-même avec la chancelière Merkel –, afin d’éviter les conséquences les plus dures de ce classement.
Je rappelle que ce classement a abouti automatiquement, avec les voisins autrichien et tchèque de l’Allemagne, à une fermeture complète des frontières. C’est cette situation que nous avons voulu éviter pour la Moselle, compte tenu de la réalité que vous avez rappelée, notamment pour les 16 000 travailleurs qui, quotidiennement, ont besoin de franchir la frontière pour exercer leur activité professionnelle.
Nous avons pu contenir l’impact de ce classement en faisant en sorte que seuls soient obligatoires les tests antigéniques, et non PCR, et ce toutes les quarante-huit heures et non toutes les vingt-quatre heures, comme cela était prévu. Nous sommes aussi en train de déployer davantage de tests avec les autorités de la Sarre en particulier, du côté français comme du côté allemand. Nous avons en outre fait en sorte – c’est à la fois symbolique et nécessaire d’un point de vue pratique – que les contrôles ne soient pas effectués systématiquement sur les points de passage aux frontières, afin d’éviter l’excès de ralentissements.
Je reconnais que la situation n’est pas encore satisfaisante et que cette concertation doit se poursuivre. Je la poursuivrai moi-même avec vous, comme je l’ai fait ce week-end, à mesure que nous obtiendrons des informations. C’est pourquoi je serai demain en Moselle pour continuer ce travail en tâchant de prendre en compte au mieux, avec vous et avec les autorités allemandes, la situation pratique des enfants, de leurs parents, des travailleurs frontaliers. Nous l’avons bien en tête et à cœur.
réforme de l’unédic
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, vous avez relancé hier la concertation pour votre réforme de l’assurance chômage. À l’unanimité, les organisations syndicales la rejettent. Pourtant, vous persistez dans votre obstination à aggraver la précarité des plus fragiles dans notre pays.
Vous annoncez ainsi vouloir faire plus de 1,3 milliard d’euros d’économies sur le dos des demandeurs d’emploi. Oserai-je vous rappeler qu’ils ne sont pas responsables de leur situation ? Depuis des mois, en pleine crise sanitaire, les plans de licenciement se multiplient partout dans notre pays.
Face à cette crise sociale qui s’aggrave, votre réponse consiste à repousser d’un an le bonus-malus pour les entreprises, mais à imposer dès le 1er juillet prochain une baisse de 20 % des indemnités journalières à plus de 830 000 demandeurs d’emploi.
On est finalement bien loin du « en même temps » de 2017 !
Depuis plusieurs mois, la pauvreté s’accroît dans notre pays. Les Restos du cœur, le Secours populaire, le Secours catholique nous alertent quotidiennement : les files d’attente s’allongent devant les distributions alimentaires, semaine après semaine.
La crise sanitaire ne saurait justifier cette réforme.
Madame la ministre, quand renoncerez-vous à votre réforme inique de l’assurance chômage ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Cukierman, sans surprise, nous ne sommes pas d’accord sur la réforme de l’assurance chômage, mais je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n’agit pas massivement pour lutter contre la précarité.
Je vous rappelle que nous avons prolongé les droits des demandeurs d’emploi depuis le mois de novembre dernier en mobilisant plus de 1,5 milliard d’euros. Nous avons également mis en place une garantie de revenu de 900 euros par mois pour les travailleurs précaires ; cette aide exceptionnelle est elle aussi en vigueur depuis le mois de novembre dernier et nous avons décidé de la prolonger jusqu’à la fin du mois de mai prochain. Ce sont plus de 460 000 demandeurs d’emploi qui bénéficient de cette aide, pour laquelle nous mobilisons 1,2 milliard d’euros.
Je rappelle en outre que, pour lutter contre la précarité, nous utilisons l’activité partielle,…
M. Pascal Savoldelli. Ce sont des acquis sociaux ! (M. Fabien Gay renchérit.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. … qui a protégé 9 millions de salariés au plus fort de la crise, et encore 2 millions au mois de janvier dernier.
Pour ce qui est de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement a pleinement pris en compte le contexte sanitaire, économique et social.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est une blague ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons fait de très fortes adaptations pour répondre aux observations des organisations syndicales, notamment avec le maintien du seuil d’ouverture des droits à quatre mois tant que la situation sur le marché du travail n’est pas revenue à la normale.
M. Pascal Savoldelli. Et les cadeaux aux entreprises qui licencient ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous avons également mis en place un plancher pour le calcul de l’allocation chômage, afin d’éviter les allocations trop basses.
Vous le voyez, madame la sénatrice : j’ai la conviction que cette réforme assure le meilleur équilibre possible en matière d’assurance chômage dans la période actuelle. (M. François Patriat applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, je vous interroge sur la réforme à venir et vous m’expliquez que la cinquième puissance mondiale n’a pas laissé mourir les gens – encore heureux ! – et a mis en place des mesures d’urgence pendant cette crise sanitaire que personne n’a souhaitée.
Oui, au titre de ces mesures d’urgence, nous avons protégé l’activité économique, les femmes et les hommes qui, au quotidien, continuent de travailler. C’est bien normal et ce n’est pas le moment de se dire merci !
Ce que vous proposez, c’est d’aggraver, dès le 1er juillet prochain, la situation de ces femmes et de ces hommes qui aujourd’hui perdent leur emploi.
Madame la ministre, vous avez déclaré, voilà peu, que vous étiez une femme de gauche, attachée à la justice sociale. La réforme que vous proposez n’est pas une réforme de gauche. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Une réforme de gauche, c’est tirer les droits vers le haut, pas vers le bas !
M. Gérard Longuet. C’est pourtant bien ça, la gauche : l’égoïsme !
Mme Cécile Cukierman. C’est avec ces politiques que vous faites progresser l’extrême droite dans notre pays. La responsabilité n’en incombera pas aux électeurs de gauche ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
situation sanitaire et renforcement des mesures de restrictions
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Julien Bargeton. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Face à l’évolution des variants, contrastée selon les territoires, le Gouvernement a choisi une gestion territorialisée de la pandémie, justifiée par les différences existant entre les zones géographiques.
Ma question vise à vous demander un bilan des premières remontées de la concertation, qui était déjà largement engagée et qui s’approfondit.
Des maires ont fait parvenir des suggestions intéressantes et utiles.
Les derniers jours ont certes plutôt été marqués par la volte-face spectaculaire de la maire de Paris qui, pétrie de certitudes (Protestations sur les travées du groupe SER.),…
M. Gérard Longuet. Ça, c’est vrai !
M. Julien Bargeton. … a demandé un confinement strict de trois semaines pour pouvoir tout rouvrir ensuite, puis a transformé cette affirmation catégorique en simple hypothèse, avant de déclarer qu’il n’en avait jamais été question,…
M. Jacques Grosperrin. Quelle girouette !
M. Julien Bargeton. … tout cela en quatre jours, ajoutant la faute politique à la faute professionnelle. Les élus de tous bords, y compris du sien, partout en France, se sont d’ailleurs réfugiés dans un silence assourdissant, dont je sais qu’il est en réalité réprobateur. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sénateur de Paris, j’ai été très choqué – je le dis – que n’aient été consultés ni les maires d’arrondissement ni les élus franciliens (Oh ! sur les travées des groupes SER et Les Républicains.), comme si Paris était une citadelle et comme si le virus allait s’arrêter à ses portes.
Là où cette épidémie exige d’être solidaire, l’exercice du pouvoir ne saurait être solitaire, surtout quand, par ailleurs, on attaque la verticalité.
Madame la ministre, au moment où il faut être à la hauteur des enjeux, ce qui suppose humilité, responsabilité, unité (Le brouhaha couvre la voix de l’orateur.),…
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Bargeton !
M. Julien Bargeton. … quelles conclusions tirez-vous des premières remontées sérieuses des élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. Écoutons-nous les uns les autres, mes chers collègues, et tâchons de poursuivre cette séance dans le calme.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, je vous remercie de cette question (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), qui me permet de rappeler, s’il en était besoin, que la situation sanitaire dans notre pays, loin d’être amusante, demeure particulièrement préoccupante. Ainsi, en moyenne, près de 22 000 nouveaux cas sont déclarés chaque jour, le nombre de patients augmente en réanimation, où près de 71 % des lits sont occupés par des patients atteints du virus de la covid-19, alors que la circulation des variants progresse.
Mme Laurence Rossignol. Pas grave, on a plein de vaccins !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le taux d’incidence remonte partout, mais la situation est particulièrement préoccupante à Mayotte, à La Réunion, en Île-de-France, dans les Hauts-de-France, en PACA. Nous suivons cela de très près avec Olivier Véran.
Nous déployons à cette fin un arsenal de mesures visant à briser la dynamique épidémique : suivi des cas contacts, respect de l’isolement des patients et des cas contacts. Nous accompagnons les collectivités touchées par des mesures de gestion dédiées. La vaccination s’accélère, avec de très bons résultats en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où près de 80 % des résidents ont reçu la première dose.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pas dans le Pas-de-Calais !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La campagne s’accélère aussi pour nos concitoyens les plus âgés et pour ceux qui, plus jeunes, présentent des facteurs de risques.
Néanmoins, nous devons prendre la mesure du moment et rester collectivement vigilants. Cette vigilance s’exerce au quotidien par le respect des gestes barrières, le port du masque, le lavage des mains, le recours au télétravail quand cela est possible.
Nos concitoyens ont consenti à de nombreux sacrifices qui ne sauraient être balayés sur l’autel d’enjeux partisans. Dans un esprit de concorde, nous tenons à consulter et à associer les collectivités concernées dans l’élaboration des réponses les plus adéquates en phase avec les dynamiques territoriales. Les Français attendent de la clarté dans les décisions prises ; nous agissons donc en responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
condamnation d’un ancien président de la république
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, pour la première fois dans notre histoire récente, un ancien Président de la République a été condamné à trois années d’emprisonnement pour « corruption active » et « trafic d’influence » par le tribunal correctionnel. Quelques heures plus tard, lors d’un déplacement officiel, votre ministre de l’intérieur a indiqué : « Nicolas Sarkozy, en ces moments difficiles, a évidemment tout mon soutien. »
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsque le ministre de l’intérieur s’exprime face caméra en déplacement officiel, le propos qu’il tient n’est pas un propos privé : c’est la position du Gouvernement.
M. Bernard Jomier. Oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : partagez-vous les propos de votre ministre de l’intérieur ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Considérez-vous qu’ils soient compatibles avec sa fonction ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie, vous êtes une spécialiste des questions institutionnelles et des questions judiciaires. Vous savez donc qu’en tant que membre du Gouvernement je n’ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est déjà fait !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Il y a une séparation des pouvoirs et un État de droit.
Vous avez repris les propos de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Je regrette que vous ne les ayez pas cités dans leur intégralité. Gérald Darmanin a commencé par dire : « Je n’ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice. »
M. Bernard Jomier. Il a pourtant commenté !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Il l’a dit on ne peut plus clairement. Qu’il ait ensuite, à titre personnel, des mots amicaux pour une personne qu’il connaît, c’est tout à fait son droit.
M. David Assouline. Si c’est personnel, qu’il envoie un SMS !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Ce qui importe, c’est que, depuis le début de ce quinquennat, en tant que membres du Gouvernement, chaque fois que nous sommes invités à réagir sur une affaire judiciaire – cela est valable pour tout justiciable, mais a fortiori lorsqu’il s’agit d’un ancien Président de la République –, nous nous en tenons tous à une ligne intangible qui est de ne pas commenter une décision de justice.
M. David Assouline. C’est pourtant ce qu’a fait le ministre de l’intérieur !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. C’est ce qu’a rappelé Gérald Darmanin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le Premier ministre, votre silence est éloquent. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez souhaité ne pas répondre et, finalement, nous ne saurons pas si vous partagez ou non les propos du ministre de l’intérieur. Pour ma part, j’ai tendance à penser – je vous fais confiance sur ce point – que vous manifestez ainsi votre réprobation.
Vous avez décidé d’inscrire à l’agenda du Gouvernement un texte, qui sera présenté par le garde des sceaux, visant à « rétablir la confiance dans la justice ».
M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a du boulot !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans la même perspective, dans cet hémicycle, nous débattrons dans quelques jours d’un texte sur le respect des principes de la République.
Lorsque l’on a l’honneur d’être membre d’un gouvernement, on doit chérir la Constitution et on doit chérir les principes de la République, notamment le respect de la loi et l’indépendance de l’autorité judiciaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Comment ne pas voir l’effet dévastateur de l’expression publique d’un soutien amical adressé par le patron des policiers à une personne lourdement condamnée pour des manquements à la probité ? (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Monsieur le Premier ministre, nul ne peut se réjouir de voir un ancien Président de la République condamné pour corruption, mais tous nous devrions nous réjouir d’avoir une justice qui s’applique à tous, puissants ou misérables. Nous devrions, aux termes de notre Constitution, chérir l’indépendance de l’autorité judiciaire, dont le Président de la République est le garant.
Monsieur le Premier ministre, il semble nécessaire aujourd’hui que vous le rappeliez à votre ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
desserte ferroviaire du massif central