compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
Mme Martine Filleul.
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Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
financement des travaux de la route nationale 135
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 1443, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Gérard Longuet. Je ne retracerai pas en deux minutes trente vingt ans de bataille administrative pour obtenir l’achèvement de la liaison rapide reliant Bar-le-Duc à la RN 4, dont le maillon essentiel est constitué par la déviation de Velaines. Je me contenterai, madame la secrétaire d’État, d’appeler votre attention sur plusieurs chiffres.
Entre décembre 2017 et décembre 2020, trois ans se sont écoulés. Pendant ces trois années, le devis établi par l’État pour réaliser cette déviation est passé de 48 millions d’euros à 81 millions d’euros, soit une augmentation de 65 %.
Je sais que vous connaissez admirablement le sujet, puisque mon excellent collègue Franck Menonville, sénateur de la Meuse, vous a déjà interrogée sur ce point et la même question vous a été posée par M. Bertrand Pancher, député de la Meuse. Or vos réponses – ou, plutôt, celles de vos services, disons-le – ne sont pas satisfaisantes, car elles font référence à l’actualisation des prix. En dix ans, les prix des travaux publics ont augmenté de 8 %. En trois ans, ils ont peut-être pu augmenter de 2 %, mais certainement pas de 65 % !
Certes, il y a la loi sur l’eau et les milieux aquatiques… Toutefois, le Conseil national de la protection de la nature et toutes les autorités ont accordé leur autorisation à ce nouveau projet en tenant compte de la loi de 2006. Par conséquent, en 2017, la DIR, la direction interdépartementale des routes, avait déjà intégré les exigences de la loi sur l’eau.
Enfin, nous découvrons un surcoût – mais je crois que l’État s’engage à le prendre à sa charge – dû aux fouilles archéologiques, à hauteur de 10 % du budget initial. Je ne pense pas que beaucoup de maîtres d’ouvrage public aient été confrontés à une telle exigence.
Voilà pourquoi les réponses que vous avez déjà données à mes prédécesseurs ne sont pas satisfaisantes, en particulier lorsque vous évoquez l’hypothèse d’une deuxième phase qui commencerait en 2023. En effet, 2023 devait être la date d’achèvement de la déviation selon l’accord de cofinancement de janvier 2018 sur la base du devis de l’État de décembre 2017, qui recueillait toute notre confiance. On nous explique aujourd’hui que les travaux commencent, mais s’ils débutent sans pouvoir être achevés cela n’a simplement aucun sens !
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Longuet, effectivement, nous avons déjà largement évoqué cette question, mais je vous rejoins sur la nécessité de maintenir une saine pression pour la réalisation de ce projet, auquel nous sommes tous attachés.
Le Gouvernement a fait de la réalisation des aménagements prévus sur la route nationale 135 une priorité. La déviation de Velaines et l’échangeur de Ligny-en-Barrois sont inscrits à ce titre dans l’actuel contrat de plan État-région pour un montant de 48 millions d’euros, dont 27,5 millions d’euros sont pris en charge par l’État. Cet engagement a été confirmé dans le cadre du projet de développement de territoire qui accompagne le projet Cigéo.
Depuis, plusieurs étapes ont été engagées. Les acquisitions foncières nécessaires aux travaux ont été réalisées en quasi-totalité. La dérogation espèces protégées, après avis du Conseil national de la protection de la nature, et l’autorisation au titre de la loi sur l’eau ont été obtenues ; elles ont fait l’objet des prolongations nécessaires à la fin de l’année 2020. Les premiers travaux vont donc pouvoir débuter, avec le lancement de la première phase intégrant, notamment, les travaux du giratoire de Tronville. Par ailleurs, 4 millions d’euros supplémentaires seront affectés cette année pour réaliser les fouilles archéologiques préventives.
Vous l’avez mentionné, l’actualisation des études détaillées par le maître d’œuvre chargé de la finalisation du dossier a fait apparaître une augmentation importante du coût de l’opération, à hauteur de 33,5 millions d’euros. Ce surcoût est principalement dû à des actualisations de prix,…
M. Gérard Longuet. Ça, c’est une plaisanterie, permettez-moi de vous le dire !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … ainsi qu’à des réévaluations de l’estimation des terrassements et d’ouvrages d’art découlant d’évolutions de normes géométriques et constructives et de reprise de calcul des fondations. Les fouilles archéologiques très importantes rendues nécessaires par la découverte d’une nécropole ont fortement contribué au renchérissement du coût de ce projet.
Je vous confirme néanmoins que les crédits déjà mis en place permettent un avancement normal des opérations à mener d’ici à la fin de 2022, sans retard de calendrier.
Le ministre des transports a demandé que les estimations des surcoûts soient affinées et complétées par la recherche en parallèle d’optimisations possibles.
La mise en place du financement complémentaire nécessaire à cette seconde phase devra donc être recherchée dans le cadre de la prochaine contractualisation sur les infrastructures, qui prendra effet à compter de 2023.
Je vous confirme que l’État reste particulièrement mobilisé sur ce dossier.
concession bleue lorraine et impacts de la réforme du code minier
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 1475, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Jacques Fernique. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la demande de concession de mines d’hydrocarbures en Lorraine déposée par La Française de l’énergie. Cette société souhaite exploiter du gaz de couche jusqu’en 2040, ce qui pose à mon sens deux problèmes majeurs : cela ne concourt pas à la réussite de notre stratégie bas-carbone et c’est l’illustration d’un droit minier déconnecté du droit environnemental.
Cette concession couvrirait près de 200 kilomètres carrés et toucherait quarante communes. Au total, elle représenterait quarante et une plateformes de forage. Pour un projet aussi impactant, une simple enquête publique a eu lieu en septembre 2020, à laquelle seules quatorze communes ont eu les moyens de répondre.
Des associations et beaucoup d’élus locaux s’opposent à ce projet, qui aurait un impact économique limité et constituerait une menace pour la biodiversité, les sols et la ressource en eau. Surtout, la société n’a pas convaincu qu’elle avait les capacités techniques et financières suffisantes pour exploiter ces hydrocarbures sans recours à la fracturation hydraulique, interdite depuis 2017.
La demande de concession relevant du droit minier, elle échappe totalement au code de l’environnement. Elle n’a donc pas fait l’objet d’une concertation préalable ou d’un débat public, et aucune évaluation environnementale n’a été exigée. Ces anomalies sont difficilement compréhensibles.
L’étude d’impact du projet de loi Climat et résilience a souligné que le droit minier prend mal en compte les enjeux économiques, environnementaux et sociaux et la participation du public. Une commission d’enquête du Sénat a recommandé, dans son rapport de septembre 2020, de mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l’environnement. Pourtant, la société La Française de l’énergie va sans doute profiter du droit de suite.
Ma question est donc la suivante : à l’heure où un début de réforme du code minier apparaît dans le projet de loi Climat et résilience, est-il raisonnable d’autoriser une concession de gaz de couche sans évaluation environnementale ni véritable débat citoyen ? Est-il cohérent d’autoriser pour vingt ans encore l’extraction de ressources fossiles d’hydrocarbures à rebours de nos engagements climatiques ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fernique, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la demande d’octroi de la concession « Bleue Lorraine », déposée fin 2018 par la société La Française de l’énergie.
La décision réservée à cette demande sera prise dans les trois ans suivant son dépôt, comme c’est l’habitude. Cette demande est actuellement en phase d’instruction locale et a été soumise à enquête publique du 10 septembre au 13 octobre 2020.
L’instruction de la demande se poursuivra par une phase d’instruction nationale qui, en application des dispositions du code minier, concernera l’appréciation des capacités techniques et financières du demandeur pour mener à bien les travaux d’exploitation et assumer les obligations pour préserver les intérêts de sécurité du travail, de sécurité des édifices publics ou privés et de protection de l’environnement – je pense en particulier à la préservation de la faune et de la flore à laquelle je suis attachée – et pour réaliser l’arrêt des travaux lors de la cessation de l’exploitation.
Comme vous l’indiquez, la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures a posé le principe du maintien des titres en cours de validité et la possibilité d’octroi de concessions, exclusivement dans le cadre du droit de suite d’un permis exclusif de recherches. Le droit de suite n’implique en aucun cas l’octroi automatique du titre minier demandé.
La ministre de la transition écologique a demandé aux services d’être très vigilants sur les points qui suscitent votre inquiétude et de conduire l’examen des capacités techniques et financières du demandeur, en veillant au strict respect de la réglementation en vigueur.
J’ajoute que, si la concession est octroyée au pétitionnaire, les enjeux environnementaux seront pris en compte avec la plus grande attention lors de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux miniers nécessaires pour réaliser l’exploitation.
Comme vous l’avez rappelé, la réforme du code minier prévue par le projet de loi Climat et résilience ira plus loin, en introduisant notamment l’obligation de réaliser une analyse environnementale, économique et sociale pour l’octroi et l’extension des titres miniers d’exploration et d’exploitation. Les mêmes modalités s’appliqueront à la prolongation des titres exclusifs d’exploitation et des transformations de titres exclusifs de recherches en titres exclusifs d’exploitation.
Dans le cadre du débat démocratique que nous souhaitons voir renforcé, le demandeur d’un titre minier mettra à disposition du public sur un site internet son dossier de demande, ainsi que la réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable et à l’avis économique et social du Conseil général de l’économie avant l’ouverture de l’enquête publique ou la réalisation de la participation du public, toutes deux prévues au code de l’environnement.
Enfin, les collectivités territoriales, communes et éventuellement établissements publics intercommunaux, seront systématiquement consultées tout le long de la vie du titre minier, du dépôt de la demande à la fermeture des installations.
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Je vous remercie de votre vigilance, madame la secrétaire d’État. Votre réponse montre bien la nécessité urgente de réformer le code minier pour renforcer l’évaluation environnementale et le débat démocratique.
La Commission nationale du débat public doit pouvoir être saisie d’un projet de cette envergure. Il n’est plus compréhensible, après les accords de Paris, que la région Lorraine et l’avenir de notre climat soient encore impactés par un projet aussi toxique.
difficultés quant à la mise en œuvre du décret du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 1487, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. André Reichardt. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les dispositions du décret n° 2019-171 du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage destinées aux gens du voyage. En effet, ce décret impose de nouvelles normes aux EPCI chargés de l’aménagement et de la gestion de ces aires, y compris à ceux qui ont déjà rempli leurs obligations en créant une aire de grand passage sur leur territoire.
Ainsi, la mise en place d’une norme de superficie de 4 hectares – excusez du peu ! – est particulièrement problématique dans le contexte de tension foncière de certains départements, dont celui du Bas-Rhin, qui est le mien. Cette superficie, d’ailleurs désapprouvée en son temps par les représentants locaux des gens du voyage siégeant à la commission départementale consultative, est de nature à favoriser la constitution de groupes dont la taille entraînera inévitablement des difficultés de gestion et de cohabitation.
À défaut d’une mise aux normes rapide et naturellement difficile eu égard aux aménagements à réaliser, les collectivités territoriales concernées risquent d’être impactées négativement par des occupations sauvages dans la mesure où elles ne seront plus en conformité avec la réglementation, ce que ne manquerait pas de relever tout tribunal.
Bien entendu, ces exigences nouvelles augmentent à due proportion la charge financière des EPCI, sans compensation. Vous le savez, les aires de grand passage ne bénéficient d’aucune aide en fonctionnement et les seules aides à l’investissement n’interviennent qu’à travers la DETR. En conséquence, quelles aides l’État peut-il apporter aux EPCI pour résoudre ces difficultés ? Est-il envisageable d’apporter une modification au décret concerné ? À défaut, quels accompagnements financiers pourraient-ils être mobilisés pour aider les EPCI à faire face aux charges nouvelles, en termes aussi bien d’investissement que de fonctionnement ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Reichardt, vous avez souhaité appeler l’attention de la ministre du logement sur la portée des normes issues du décret n° 2019-171 du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage.
Ce décret répond à l’objectif général visé par le législateur depuis 2000 de permettre l’accueil temporaire des gens du voyage. Il s’appuie aussi sur des constats partagés lors de plusieurs concertations avec des collectivités territoriales, leurs associations et des représentants des usagers, ainsi que des travaux techniques de la Commission nationale consultative des gens du voyage.
Ce décret fixe des conditions minimales d’accueil, formule des recommandations et laisse aux communes et aux EPCI le soin d’adapter ces dispositions aux réalités locales, par exemple concernant le règlement du droit d’usage et de la tarification des prestations qui peut faire l’objet d’un forfait. Il prévoit également des dérogations pour tenir compte des disponibilités foncières, des spécificités topographiques ou des besoins particuliers définis par le schéma départemental.
L’expérience montre que, lorsque les aires de grand passage prévues par le schéma départemental ont été réalisées, la majorité des installations se déroulent dans des conditions sereines et les stationnements illicites sont moindres. C’est précisément l’un des objectifs prioritaires du schéma départemental du Bas-Rhin 2019-2024. Sur les quatre aires de grand passage initialement prévues, deux seulement sont en service. Le schéma prescrit donc la réalisation de ces deux aires afin d’améliorer l’accueil. Il prévoit également un diagnostic spécifique sur les grands passages dans le cadre d’une concertation avec les EPCI concernés et des propositions d’aménagement.
Des possibilités de financement existent pour les EPCI répondant aux critères d’éligibilité. Dans le Bas-Rhin, une subvention d’aide à l’investissement au titre de la DETR a été octroyée à la communauté de communes du Pays Rhénan à hauteur de 273 735 euros pour un coût prévisionnel de l’opération porté à 475 392 euros, soit un taux d’aide de près de 60 %.
Cet équipement, qui avait été prescrit par le précédent schéma, est par ailleurs cofinancé par la communauté de communes du Pays de Niederbronn-les-Bains. D’autres financements peuvent être accordés tels que la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, ou le Fonds européen de développement régional, le Feder. Un cofinancement de plusieurs collectivités peut également être envisagé pour un équipement en gestion mutualisée.
Nous avons un certain recul sur ce décret, qui comprend des dispositions pragmatiques et s’appuie sur des pratiques mises en œuvre à partir de 2001. Il devrait contribuer à développer les équipements restant à réaliser au regard des prescriptions des schémas départementaux, soit la moitié des aires de grand passage prescrites, et à réduire les stationnements illicites que ce déficit d’accueil peut entretenir.
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Cette réponse ne me satisfait pas, car il n’y a pas eu de concertation en amont sur l’aire de grand passage que je viens d’évoquer, sans quoi je ne poserais pas une telle question aujourd’hui. Au contraire, les représentants des résidents concernés ont émis un avis défavorable.
Il est de l’intérêt de tous, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné, de faire en sorte que ces aires de grand passage soient réalisées et qu’elles fonctionnent pour éviter les occupations illicites et sauvages.
Mme le président. Merci de conclure !
M. André Reichardt. Bref, les moyens n’ont pas été accordés et la décision n’est absolument pas concertée.
indemnisation des propriétaires victimes des épisodes de sécheresse-réhydratation survenus en sarthe
Mme le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 1509, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Jean Pierre Vogel. La Sarthe a connu des épisodes rapprochés de particulière sécheresse suivie d’inondations depuis 2018. Elle fait partie des départements dont les sols dits « argileux » déstabilisent et fissurent les constructions.
Les propriétaires de maisons et bâtiments endommagés se trouvent dans une situation catastrophique, dans l’impossibilité financière de réaliser les réparations des dommages provoqués par les mouvements des sols, de louer un autre logement et encore moins de vendre leur bien déprécié.
Quant aux maires des communes concernées, ils ont été et sont encore dans une grande solitude pour accompagner les propriétaires. Certaines communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, pas toutes, tant s’en faut, sans qu’élus et population comprennent toujours pourquoi. Les services de l’État n’ont pas de réponse précise et concrète à leur apporter.
En 2019, une mission d’information du Sénat a travaillé sur le sujet de la gestion des risques climatiques et de l’évolution des régimes d’indemnisation. Une proposition de loi a été déposée et adoptée à l’unanimité le 15 janvier 2020, mais elle n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !
Depuis, la loi de finances pour 2021 a prévu un dispositif d’aide exceptionnel, actuellement mis en œuvre via les préfectures. Or les conditions posées à l’indemnisation sont très restrictives, imposant des limitations de délai d’achèvement de la construction et de date de dépôt de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Enfin, l’indemnisation ne vise que les propriétaires très modestes au sens des plafonds de ressources de l’ANAH.
Le Gouvernement entend-il ces propriétaires victimes des catastrophes naturelles de ces dernières années et que leur répond-il ? L’aide exceptionnelle ne va toucher qu’un nombre réduit de propriétaires : vers qui la très grande majorité d’entre eux devra-t-elle se tourner ?
Quels outils le Gouvernement prévoit-il pour que les maires se sentent épaulés ? Ils s’inquiètent en effet du coût des études de sols qu’ils ont demandées. Ils craignent également que leur responsabilité ne soit engagée en cas d’effondrement des maisons. Que leur répond le Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jean Pierre Vogel, vous avez souhaité appeler l’attention du Gouvernement sur la question de l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles de type sécheresse-réhydratation des sols. Comme vous le savez, le Gouvernement est très attentif à cette question.
Il convient d’abord de rappeler que, au-delà de ce fonds d’urgence, le Gouvernement, en application de la loi ÉLAN et par arrêté du 22 juillet 2020, a pris des mesures préventives concernant les constructions neuves, en imposant des études géotechniques dans les zones d’aléas pour le retrait-gonflement d’argile. Il s’agit de s’assurer que ce type de dégâts ne se reproduise pas pour les constructions à venir.
Pour remédier à certaines situations d’urgence liées à la sécheresse de 2018, la loi de finances pour 2020 a prévu la mise en place exceptionnelle, à hauteur de 10 millions d’euros, d’un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l’épisode.
Le phénomène de retrait-gonflement des sols survenu en 2018 implique un total de 5 680 communes, qui ont demandé une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; 3 981 d’entre elles ont reçu un avis favorable et ne sont donc pas concernées par ce dispositif exceptionnel d’urgence. Les 1 699 demandes avec un avis défavorable de la commission correspondent à environ 15 000 bâtiments.
Les dommages visés impliquent des travaux lourds et coûteux, portant sur la structure ou les fondations. D’une manière générale, il apparaît que, dans le cas des dossiers pris en charge par le dispositif de catastrophe naturelle, le montant des travaux réalisés à la suite d’un sinistre lié au phénomène de retrait-gonflement des argiles est supérieur à 25 000 euros. Il est donc nécessaire, dans le cas de ce dispositif exceptionnel, de cibler prioritairement les propriétaires aux revenus modestes, qui se trouveraient, sans cette aide, dans l’impossibilité de réaliser de tels travaux.
La typologie des demandes reçues depuis la mise en place de ce fonds conduit à étudier son ouverture à des ménages aux revenus intermédiaires. Ce point fait l’objet d’un travail interministériel.
Plus largement et à plus moyen terme, il apparaît que le régime de catastrophe naturelle est un dispositif ancien dont les critères peinent à s’adapter parfaitement au contexte de multiplication des sécheresses et de leurs conséquences sur le bâti existant. Le Gouvernement est déterminé à traiter les conséquences de ces phénomènes et a missionné l’IGF, l’IGA et le CGEDD pour faire un diagnostic et des propositions. Les conclusions de la mission sont attendues au printemps. Certaines de ces propositions pourraient être intégrées dans la proposition de loi Baudu, portant sur ce sujet, qui doit désormais être examinée au Sénat.
Mme le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour la réplique.
M. Jean Pierre Vogel. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État, mais j’espérais avoir des informations plus satisfaisantes.
Le Gouvernement a commandé de nouvelles études, alors que tout est dans le rapport sénatorial Bonnefoy-Vaspart de 2019. C’est sans doute la volonté politique qui manque, sans doute aussi peut-être les moyens financiers…
Le Gouvernement ne peut ignorer plus longtemps le sujet et rester sourd aux doléances et à la souffrance de ces propriétaires. Il peut encore moins susciter des propositions de loi quand il faudrait reprendre celle de la sénatrice Bonnefoy, qui a été adoptée au Sénat. Il importe d’agir enfin pour les sinistrés d’aujourd’hui et pour ceux de demain !
affectation d’une partie des crédits verts européens à la rénovation des réseaux d’assainissement
Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 1515, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Colette Mélot. Madame la secrétaire d’État, l’eau est une ressource essentielle. Longtemps considérée comme abondante, elle est aujourd’hui perçue comme un bien limité à la qualité menacée. Parmi les nombreux défis de développement durable, l’accès à l’eau est donc fondamental.
La loi NOTRe a modifié les règles de la compétence « eau et assainissement ». Ainsi, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, devront d’ici au 1er janvier 2026 prendre le relais des communes. À cette date, les communes déjà raccordées et celles qui ne le sont pas paieront toutes le même prix : dans certaines communes, ce prix pourrait être multiplié par deux, par trois ou même par quatre.
Dans mon département, la Seine-et-Marne, qui compte 510 communes réunissant plus de 10 400 kilomètres de réseau d’eau potable, l’âge moyen des réseaux est de 70 ans. Le rendement est évalué à 80 %, c’est-à-dire qu’entre l’eau pompée et celle qui est distribuée, 20 % de l’eau est perdue dans le transport, à savoir 17 millions de mètres cubes.
Les remises à niveau nécessaires des réseaux d’eau et d’assainissement au sein des EPCI nécessitent des investissements colossaux. Si les communes ont pu bénéficier des aides de l’Agence de l’eau, du département, de la région, avec des taux de subvention atteignant 80 %, la situation a bien changé, et ces taux sont aujourd’hui divisés par deux.
Certaines communes ont été des modèles en devançant les intercommunalités. Elles ont emprunté pour construire leur réseau d’assainissement communal. Ainsi, dans une intercommunalité, certaines villes ont un réseau d’assainissement, d’autres non. L’idée est donc de trouver un équilibre entre bonne gestion et solidarité, afin de ne pas pénaliser les bons élèves au sein d’une même intercommunalité.
Le renouvellement des conduites d’eau potable et des réseaux d’assainissement ayant un impact très important sur l’économie de la ressource et la préservation des milieux naturels, l’Association des maires ruraux de Seine-et-Marne a émis l’idée qu’une partie des crédits verts européens soit dédiée à la rénovation des réseaux, permettant ainsi d’éviter une forte augmentation des prix à la charge du contribuable. Je me fais donc aujourd’hui la porte-parole des élus ruraux de Seine-et-Marne et vous demande, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement est prêt à soutenir cette proposition.