M. Marc-Philippe Daubresse. Voilà une question importante ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Parigi, je commencerai par la conclusion : je vais vous donner satisfaction ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Aussi, je voudrais que ce soit bien enregistré, parce que je constate trop souvent dans de telles matières que, même quand satisfaction est donnée, on fait semblant de croire que tel n’est pas le cas ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Je vous le dis donc tout de suite : je vais vous donner satisfaction. En effet, du point de vue des principes, j’ai reconnu à maintes reprises devant la Haute Assemblée ce que dit tout simplement la Constitution : les langues régionales font partie du patrimoine de la France.
Oui, nous encourageons l’apprentissage des langues régionales ; personne ne peut chercher à faire croire le contraire. Nous le faisons dans un cadre national évidemment bien précis, qui évolue en permanence pour encourager l’enseignement de ces langues.
Je veux à ce propos fournir quelques chiffres : 514 professeurs sont titulaires du Capes d’une langue régionale et 170 000 élèves en apprennent une aujourd’hui ; nous nous attachons sans relâche à faire progresser ce chiffre.
Vous avez affirmé, monsieur le sénateur, que la réforme du baccalauréat nuisait aux langues régionales. Je vous répondrai que, grâce à cette réforme, une langue régionale peut être choisie comme enseignement de spécialité, ce qui implique quatre heures hebdomadaires en première et six en terminale. Évidemment, cela n’existait pas auparavant.
Bien sûr, on doit aussi stimuler la demande des élèves. C’est le cas en Corse. Comme vous le savez, jusqu’à 95 % des élèves y étudient le corse en sixième.
Je voudrais disposer de plus de temps pour développer ce propos, mais il me faut répondre directement à votre question : oui, nous faisons évoluer le Capes de corse pour aller dans le sens que vous souhaitez. Il est normal que le coefficient de l’épreuve de langue corse augmente ; il était réglé à partir des règles valables pour l’ensemble des Capes, mais nous allons l’adapter à la situation des langues régionales.
Je confirme donc complètement les propos qu’a tenus Mme la rectrice ce matin : nous allons faire en sorte qu’un coefficient de 8, sur 12, aille aux matières passées en langue corse, soit davantage que dans la précédente version de ce concours, ce qui représente incontestablement une avancée dans le sens que vous souhaitez. (M. François Patriat applaudit.)
guichet unique du spectacle occasionnel
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre de la culture, je souhaite appeler votre attention sur une situation paradoxale, qui est digne de figurer dans l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Franz Kafka, où l’absurdité de certaines règles administratives se fait la meilleure ennemie de la liberté d’entreprendre.
Nous sommes en pleine crise sanitaire, les salles de concerts sont fermées et les artistes assignés à résidence.
La vie culturelle pourrait perdurer de façon dématérialisée, mais les collectivités territoriales et les associations qui organisent des concerts de façon occasionnelle ne peuvent plus passer par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel, le GUSO. Ce dispositif permet, en temps normal, de simplifier leurs démarches administratives, mais il ne s’applique qu’aux représentations retransmises en direct.
À titre d’exemple, l’Orchestre symphonique de l’Aube, produit et financé par le département, ne peut plus recevoir son public du fait de la crise sanitaire. Dans l’attente d’une réouverture des salles, un accord a été passé avec une chaîne de télévision locale pour enregistrer, puis rediffuser ses concerts auprès du public, et permettre ainsi aux artistes de continuer à travailler.
Le problème, c’est qu’aucune de ces prestations ne peut être rémunérée par la collectivité via le GUSO, en raison d’un périmètre d’application datant de l’avant-crise, légèrement remanié, certes, mais toujours inadapté aux concerts rediffusés.
En conséquence, le département est contraint de conclure en direct près de soixante contrats différents – un par musicien – pour rémunérer ces artistes.
Madame la ministre, je vous sais à l’écoute. Pour sortir de ce cauchemar bureaucratique, accepteriez-vous d’étendre l’éligibilité au GUSO à l’ensemble des concerts et spectacles vivants, avec ou sans public, qui sont diffusés en direct ou en différé, sur des chaînes télévisées, via internet ou à la radio ?
Cette question est d’une grande importance, à la fois pour les musiciens qui sont plongés en apnée dans une année sabbatique forcée et qui se prolonge, et pour l’ensemble de nos compatriotes, qui voient leur accès à la culture entravé. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, votre question me permet de signaler l’importance que les captations ont prise en cette période de crise, ainsi que l’action de l’État pour les appuyer.
L’affectation de crédits massifs, récemment abondés par le Premier ministre à hauteur de 15 millions d’euros, a permis que des captations soient réalisées. En outre, l’extension aux captations du crédit d’impôt audiovisuel a été votée, tandis que la création de la chaîne Culturebox a contribué à la diffusion de captations.
Il y a un certain nombre d’années – le secrétaire d’État Laurent Pietraszewski pourrait compléter mon propos –, le GUSO a été créé.
Ce dispositif ne s’entend pas comme une prestation supplémentaire pour les artistes, lesquels sont rémunérés et protégés socialement par les cotisations et les rémunérations de leur employeur. Ce guichet unique, qui relève non pas du ministère de la culture, mais directement de Pôle emploi, permet de simplifier les démarches des employeurs.
Les captations ne faisaient pas partie des prestations entrant dans le cadre du GUSO, mais celles qui sont effectuées et retransmises en direct peuvent maintenant bénéficier de cette simplification destinée aux employeurs, qui ne vient en aucun cas affecter la rémunération et la protection sociale due aux artistes salariés employées dans le cadre de ces captations.
Pour ma part, je suis favorable à ce que l’on étende aux captations différées les prestations offertes par le GUSO. Élisabeth Borne, Laurent Pietraszewski et moi-même travaillons d’ailleurs dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
situation politique
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, comme l’a très bien indiqué tout à l’heure le président du Sénat, Gérard Larcher, cet anniversaire du premier confinement marque aussi symboliquement le surgissement de la pandémie dans notre vie collective.
Aujourd’hui, je ne veux pas dresser l’inventaire de ce qui n’a pas marché. Je veux vous parler d’une question majeure, parce que cette épidémie, plus qu’aucune autre crise, a été pour notre pays une épreuve de vérité. Elle a révélé nos faiblesses et dévoilé un énorme paradoxe.
Du côté lumineux, tant d’abnégation et tant de dévouement se sont manifestés ! La crise a donné à voir une vraie réserve d’humanité.
Du côté obscur, nous avons commis des manquements graves à nos devoirs d’humanité. Nous avons enfermé dans leur solitude nos aînés.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Nous avons parfois, dans le huis clos des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, ou des hôpitaux, derrière les portes closes, laissé mourir seuls, loin de leurs proches, des femmes et des hommes.
Coupé de toute affection, ce virus nous a arraché des vies. Il nous a peut-être aussi volé une victoire. Sa victoire, c’est notre défaite – une terrible défaite ! –, contre la civilisation, contre toutes ces Antigone qui réclament que soient appliquées les lois non écrites, pour la dignité humaine.
Monsieur le Premier ministre, je n’accuse personne. Seulement, je veux savoir quelles sont les leçons que vous en tirez pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, vous avez fait une description, que je peux partager, des dégâts massifs que cet ennemi invisible a causés non seulement dans nos chairs, mais aussi dans nos valeurs.
Ce virus est arrivé sur notre territoire il y a une année déjà, et, avec des mutations et des évolutions, hélas, il ne l’a pas encore quitté. Depuis le début de l’épidémie, le virus a fait 91 196 morts ; hier encore, 320 personnes ont succombé.
Je pense bien sûr, comme vous, à leurs familles, mais aussi à tous ces malades qui ont développé des formes graves, quand ils ont survécu, et qui continuent à porter des stigmates de longue durée, qui affecteront durablement leur vie.
Les dégâts psychologiques et les conséquences économiques et sociales, comme toujours, ont affecté les plus fragiles et les plus précaires de nos concitoyens.
Vous avez fait allusion aux résidents des Ehpad, qui ont payé un tribut particulièrement lourd durant cette pandémie : alors qu’ils représentent seulement 1 % de la population française, ils comptent pour un tiers des décès constatés.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de commencer à les protéger. Déjà 89 % des résidents des Ehpad ont été vaccinés à ce jour, ce qui nous permet de répondre à d’autres difficultés mises en exergue par la crise : le droit de les accompagner, le droit de leur famille à leur rendre visite, le droit de leur donner la vie décente qu’ils méritent dans des circonstances dramatiques.
Le Gouvernement n’a jamais hésité à déployer, pour tous les secteurs en souffrance de notre société et de notre économie, des moyens – c’est le fameux « quoi qu’il en coûte » –, pour atténuer les souffrances matérielles et psychiques de nos concitoyens.
Il me faudrait l’après-midi tout entier pour répondre à votre question, monsieur le président, tant elle est vaste, mais je veux vous dire, pour conclure, que nous continuerons dans cette voie tant que nous n’aurons pas vaincu ce virus.
La vie sera la plus forte : tous ensemble, nous vaincrons ce virus et mettrons un terme à cette tragédie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Il est bien évident, monsieur le Premier ministre, que nous devons mener ce combat pour la vie.
J’ai voulu simplement plaider la cause des résidents des Ehpad et des patients des hôpitaux, qui sont morts seuls ; j’ai plaidé pour leurs familles, qui ont été privées du rite de l’adieu et pour qui le deuil a été très difficile.
On a voulu, sans doute de bonne foi, protéger la vie, mais on a réduit l’existence à sa seule dimension matérielle. En privant ces personnes âgées et ces malades du lien affectif avec leur famille, on les a aussi coupés de leur raison de vivre. En effet, pour eux, l’affection et l’amour sont ce qui leur rappelle qu’ils ne sont pas simplement des corps épuisés par le grand âge.
Une civilisation peut mourir de la guerre ou de la dénatalité, mais aussi, et plus sûrement encore, de l’oubli de ce principe même qui la constitue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
remise du rapport sur la dette publique
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste.
M. Vincent Delahaye. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Demain, la commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par notre ancien et estimé collègue Jean Arthuis, va remettre ses conclusions au Premier ministre. Sa mission était de plancher sur le remboursement de la dette covid. Comment en effet traiter celle-ci ?
Connaissant le sérieux et l’expertise de Jean Arthuis, nous devinons qu’il ne sera pas question d’annulation de la dette. Cette idée saugrenue et dangereuse, en effrayant les investisseurs, aliénerait immédiatement notre capacité d’emprunts futurs et nous exposerait à une forte remontée des taux d’intérêt.
Comme il n’y a pas d’argent magique, il nous faudra bien rembourser la dette. Cela soulève de multiples questions. Quelle est la facture de la gestion de la crise sanitaire ? Quel est le montant qu’il faudra rembourser ? Le Gouvernement envisage-t-il de cantonner la dette covid, ce qui serait, selon moi, tout sauf une bonne idée ?
Enfin, envisagez-vous de sortir, dès 2021, du « quoi qu’il en coûte », comme vous l’avez annoncé, ou comptez-vous attendre 2022, une fois les élections présidentielles passées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président Delahaye, vous m’interrogez sur le rapport que la commission présidée par Jean Arthuis va remettre demain au Premier ministre.
Vous le comprendrez, je ne saurais préjuger du contenu du rapport. Je puis seulement saluer la qualité et la méthode du travail de la commission, qui a procédé à de nombreuses auditions. J’ai toute confiance à la fois dans son indépendance de plume et dans la qualité de ses propositions, que nous examinerons avec la plus grande attention.
Votre intervention contient plusieurs questions. La première porte sur le coût de la crise.
Compte tenu des dépenses de l’État et de la sécurité sociale et des pertes de recettes liées à la baisse de l’activité, nous estimons que le coût de la crise, en 2020, est de l’ordre de 160 à 170 milliards d’euros. Ce chiffre n’est pas définitif, puisque nous sommes encore plongés dans l’épidémie. Nous ne pouvons donc vous répondre précisément s’agissant de la date à laquelle le « quoi qu’il en coûte » prendra fin.
Nous espérons tous que cette épidémie est une parenthèse, qui, par définition, devra se fermer. Ainsi en ira-t-il du « quoi qu’il en coûte », si nous voulons revenir à un niveau soutenable de dépense publique.
C’est d’autant plus important que nous sommes entrés dans la crise avec une dette plus importante que nombre de nos partenaires européens. Nous avons donc besoin de rétablir progressivement nos comptes publics pour résorber la dette.
Cette sortie de crise et la volonté de relancer l’économie devront être évoquées avec les partenaires sociaux. Le Premier ministre a déjà eu l’occasion, lors de la Conférence du dialogue social, d’inscrire la sortie de crise à l’ordre du jour.
Je terminerai mon propos en soulignant que nous rejoignons les conclusions de la commission Arthuis sur la question de la gestion de la dette.
Le cantonnement peut être une solution, mais il n’efface pas la dette. Et l’annulation de la dette, en tout cas, n’est pas une solution.
La seule solution possible est celle de la crédibilité de la France, qui n’a jamais fait défaut depuis plus de deux cents ans. C’est en tenant l’intégralité de nos engagements que nous pourrons faire face à la crise et que nous serons en capacité de nous appuyer sur les marchés pour financer les mesures d’urgence et de relance.
Nous aurons l’occasion de revenir devant vous très rapidement. Nous croiserons les travaux de la commission Arthuis avec ceux des parlementaires ; je pense notamment à la proposition de loi organique déposée par Laurent Saint-Martin et Éric Woerth.
C’est ensemble que nous pourrons construire une trajectoire de redressement progressif de nos finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses précises.
La crise n’étant pas terminée, elle aura un coût certainement supérieur à 170 milliards d’euros. Notre crainte est de voir des contributions qui ont été annoncées à l’origine comme provisoires, telles que la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, devenir définitives. Elles ont déjà été prorogées, et il serait dommageable pour nos concitoyens de les faire durer encore.
Nous suivrons avec attention les décisions du Gouvernement s’agissant de l’éventuel cantonnement de la dette.
lutte contre les violences urbaines
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes rendu à Beauvais, le vendredi 5 mars, à la suite de plusieurs soirées de violences urbaines. Vous y avez été accueilli par Mme le maire, Caroline Cayeux, et par le député Olivier Dassault, dont ce fut l’une des dernières sorties.
Quelques voyous ont défié les autorités, parce que celles-ci s’étaient attaquées à leur trafic. Des guets-apens ont été organisés pour piéger les policiers, avec les techniques traditionnelles : tirs de mortier, feux de poubelles et barricades.
Face à cette délinquance, des renforts policiers ont été annoncés – tant mieux ! Mais dans la garde-robe de Marianne, monsieur le Premier ministre, on ne trouve pas que l’uniforme du policier. Il y a aussi la toge du magistrat !
À Beauvais, vous avez, de façon martiale, annoncé que « rien ne restera impuni ». Lundi 8 mars, les premières sanctions sont tombées. Le parquet avait requis dix-huit à trente-six mois de prison ferme pour quatre prévenus : aucun d’entre eux n’est encore placé derrière les barreaux !
Deux prévenus ont été condamnés à huit et six mois de prison ferme, l’un d’eux faisant là l’objet de sa dix-neuvième condamnation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. C’est honteux !
M. Olivier Paccaud. Le procureur a fait appel.
Aussi, ne pensez-vous pas que, pour assurer l’effectivité de la sanction pénale, le rétablissement des peines planchers serait la bonne solution ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Les peines planchers, monsieur le sénateur, vous les avez votées, mais elles n’ont eu strictement aucun effet.
M. Olivier Paccaud. Je n’étais pas sénateur à l’époque !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cette question du laxisme revient comme une antienne dans votre bouche, mais la réalité est que les peines n’ont jamais été aussi dures ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce que vous évoquez, c’est l’exécution des peines. Et sur ce point, je dirai quelque chose de très simple : vous semblez l’oublier lorsque cela vous arrange, mais le garde des sceaux en réalité ne peut pas intervenir sur les peines elles-mêmes, parce que les juges, dans notre pays, sont indépendants ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Dans toutes les grandes démocraties, il n’est pas possible au pouvoir exécutif d’intervenir sur le quantum d’une peine.
Ce sur quoi le garde des sceaux peut intervenir, c’est sur la célérité de la justice,…
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la question !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … et nous avons fait et ferons encore bien des choses en la matière.
Ce sur quoi le garde des sceaux peut intervenir, c’est sur la systématisation de la réponse pénale, qui atteint aujourd’hui 92 %, tandis que le taux d’exécution des peines, contrairement à ce que certains racontent à des fins électoralistes, est supérieur à ce taux ! (Applaudissements sur les travées du RDPI. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Même pour Sarkozy ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie de votre réponse enflammée, monsieur le garde des sceaux !
« Rien ne restera impuni », a affirmé le Premier ministre. Mea culpa : les quatre prévenus ont écopé de 135 euros d’amende pour violation du couvre-feu ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est vous qui avez parlé de laxisme, monsieur le garde des sceaux. Pour ma part, je m’en remettrai à la sagesse de Sénèque,…
M. Olivier Paccaud. … qui disait : « On doit punir, non pour punir, mais pour prévenir » ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)
droits des femmes
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la loi prévoit que le conseil des ministres peut révoquer par décret un maire ou ses adjoints.
Chaque fois que cette prérogative a été utilisée par le passé – de façon assez rare, fort heureusement –, il a été noté que les faits reprochés privaient l’élu de l’autorité morale nécessaire à l’exercice de ses fonctions.
Le 17 février dernier, le maire de Draveil, ancien ministre, a été condamné à cinq ans de prison, dont trois ans de prison ferme, pour viol et agressions sexuelles en réunion ; il a été écroué à l’issue même de l’audience et il est actuellement en prison.
Estimant qu’il peut continuer à exercer son mandat, il a refusé de démissionner, et voilà qu’il joue la montre grâce à un pourvoi en cassation !
Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu’un viol et des agressions sexuelles en réunion pourraient être qualifiés de « faits privant l’élu de l’autorité morale nécessaire à l’exercice de ses fonctions » ?… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Il ne faut pas se substituer à la justice !
Mme Laurence Rossignol. En vertu de l’article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales, vous avez le pouvoir, en conseil des ministres, de démettre ce maire.
Qu’attendez-vous pour le faire ? C’est la loi ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Décidément, les oppositions demandent beaucoup à l’exécutif ! Elles réclament son intervention dans le cadre de décisions juridictionnelles, alors que celles-ci relèvent exclusivement des magistrats, qui sont indépendants dans notre pays, je le rappelle !
Lorsque l’exécutif dirige les magistrats, ce n’est plus la démocratie. Quant au reste, madame la sénatrice, je suppose que vous êtes respectueuse de la présomption d’innocence, qui a été mise en avant par Mme Élisabeth Guigou dans une loi merveilleuse, que vous connaissez forcément.
Il me semble que le justiciable dont vous parlez a formé un pourvoi en cassation, que la décision, dès lors, n’est pas définitive, et qu’il se débrouille avec sa conscience.
Vous demandez à l’exécutif d’intervenir ? Quelle hérésie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations indignées sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Deuxièmement, je n’aurais jamais cru que le Gouvernement enverrait, pour répondre à ma question, l’avocat de Georges Tron, celui qui, pendant tout le procès, a traité de menteuses les victimes et qui continue de le faire aujourd’hui, arguant de la présomption d’innocence alors qu’une condamnation a été prononcée ! (Vifs applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’on ne prend pas à question pour des faits personnels ! C’est un principe qu’il convient de respecter. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
étiquetage alimentaire
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Il y a un peu plus de vingt ans, la maladie de la vache folle frappait notre territoire, traumatisait nos éleveurs et inquiétait fortement nos consommateurs. De là ont découlé un certain nombre de mesures, d’initiatives et de contraintes supplémentaires d’affichage.
En 2017, des sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l’agriculture française. À l’occasion de son examen, j’avais, en ma qualité de rapporteur, défendu un amendement, adopté par l’ensemble des groupes, tendant à assurer la transparence et à afficher l’étiquetage.
Ce texte a été repris par la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II. En parallèle, le Sénat a voté deux résolutions européennes pour accompagner le Gouvernement dans cette démarche. L’Union européenne nous a accordé le pouvoir de mener des expérimentations sur deux ans.
La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine durable et accessible à tous, ou loi Égalim, et le texte issu de la Convention citoyenne pour le climat apportent des charges et des contraintes supplémentaires.
Dernièrement, le Conseil d’État a annulé plusieurs décrets portant diverses obligations en matière d’étiquetage des produits laitiers.
Quelle est la réponse du Gouvernement pour ne pas trahir les éleveurs et apporter la transparence aux consommateurs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Gremillet, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Julien Denormandie, qui, isolé pour quelques jours en application des règles sanitaires, m’a demandé de bien vouloir vous répondre.
Vous évoquez l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 10 mars 2021 prononçant l’annulation des décrets du 19 août 2016, du 24 décembre 2018 et du 27 mars 2020, qui obligeaient à mentionner l’origine du lait, utilisé comme ingrédient, sur l’ensemble des emballages.
Je ne reviens pas sur l’utilité et la pertinence de l’étiquetage. Le Parlement, au fil du temps, a renforcé ses obligations d’étiquetage, afin de garantir la sécurité des consommateurs et d’assurer une traçabilité, pour une meilleure prévention possible.
En conséquence de l’arrêt du Conseil d’État, l’absence de mentions sur les étiquettes attestant de l’origine des produits laitiers ne pourra plus être sanctionnée. Néanmoins, la mention de l’origine peut toujours continuer à être indiquée, mais de façon volontaire, par les producteurs.
Cet arrêt est la suite logique de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 1er octobre 2020, à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise Lactalis contre lesdits décrets.
Vous vous en doutez, monsieur le sénateur, le Gouvernement ne peut pas commenter un arrêt du Conseil d’État ; il doit se contenter d’en prendre acte.
Si la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas jugé le décret de 2016 illégal, elle a énoncé que l’origine du produit ne peut être rendue obligatoire que sous certaines conditions, à savoir la nécessité de justifier un lien entre l’origine ou la provenance du lait.
Vous demandez, monsieur le sénateur, quelle sera la réponse du Gouvernement pour ne pas trahir les engagements de la loi Égalim.
Mon collègue Julien Denormandie aura l’occasion de formuler très rapidement des propositions, tout particulièrement dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, de façon à garantir cette possibilité d’étiquetage, et de trouver, avec l’ensemble des parlementaires, les voies et les moyens permettant d’avoir un étiquetage de qualité, qui soit protecteur des consommateurs.
Je le précise, l’arrêt du Conseil d’État ne fait pas tomber l’obligation d’étiquetage sur les viandes en tant qu’ingrédients dans les denrées préemballées. Nous veillerons, bien évidemment, à ce que cet acquis soit préservé.
Julien Denormandie travaillera, avec vous et l’ensemble des parlementaires, à rétablir un certain nombre de dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)