Mme le président. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 24 voix pour, aucune voix contre – à la reconduction de M. Jean-François Delfraissy à la présidence du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
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Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ?
Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen
Mme le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l’heure de la relance ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le ministre, chaque crise majeure que traverse notre société nous conduit à repenser l’efficacité de l’État. À cet égard, les Lettres sur la réforme gouvernementale de Léon Blum en 1918 sont sans nul doute un exemple des plus significatifs.
La catastrophe sanitaire que nous traversons et la crise économique et sociale que nous devrons surmonter au cours des prochaines années n’échappent pas à la règle. La crise agit en effet comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, supportables par le passé, anachroniques aujourd’hui, mais aussi de solutions qui s’imposent à nous et méritent d’être pérennisées.
Souvenons-nous, mes chers collègues, au mois de mai 2020, au sortir du premier confinement, le Président de la République, comme le Premier ministre, identifiait un couple maire-préfet de département, capable non seulement d’assurer de concert la scolarisation des enfants de soignants, de fournir des masques, d’organiser une aide concrète pour les citoyens isolés, mais aussi de prendre part à des décisions locales de confinement et de couvre-feu.
Ce binôme s’est imposé par temps d’urgence comme un outil plus opérationnel, attestant d’une décentralisation et d’une déconcentration de fait.
Monsieur le ministre, au quotidien, c’est bien au maire et aux conseillers départementaux que les concitoyens s’adressent pour obtenir des réponses concrètes, de même que c’est le préfet que les élus interrogent pour obtenir des réponses et prendre les décisions locales qui s’imposent. À l’instar des élus, le préfet est un interlocuteur naturel, fin connaisseur des territoires, des leviers et des difficultés de proximité.
Plus encore, le couple maire-préfet contribue, par ses réponses à nos concitoyens, à faire accepter, bon an mal an, des mesures de restriction sanitaires.
Aussi, nous pensons qu’il est désormais temps que cette décentralisation de fait puisse être pleinement légitimée et, de ce fait, améliorée, généralisée ou adaptée à l’ensemble de nos territoires. Notre droit est-il à la hauteur de cette décentralisation ?
Chacun ici a en mémoire l’article 72 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
Si, comme le Président de la République l’a déclaré, nous sommes en état de guerre sanitaire, alors les intérêts nationaux commandent bien la mobilisation supplémentaire et élargie des préfets de département. Toutefois, les capitaines, si près du front, sont parfois loin des états-majors.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Jean-Yves Roux. Si, compte tenu de notre organisation territoriale, le préfet de département a partagé ses compétences avec le préfet de région, il a, en corollaire, trop souvent perdu la connaissance de l’ensemble des décisions de l’administration déconcentrée, d’autant que, il faut le dire, de puissantes administrations centrales – je pense à l’éducation nationale – échappent encore à une réelle déconcentration.
Mes chers collègues, avez-vous tenté d’interroger votre préfet sur des décisions de l’agence régionale de santé (ARS) ? Avez-vous fait de même avec vos rectorats, vos directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), afin d’adapter aussi vite vos politiques locales en conséquence ?
Concrètement, l’ARS, pour ne prendre que cet exemple, ne peut pas répondre, au cœur de notre crise sanitaire, à chacun des élus mobilisés aux quatre coins de régions gigantesques et forcément disparates. Le préfet, lui, le peut.
Pour cela, nous disposons également d’un outil réglementaire quelque peu oublié, mais qui porte en germe tout un champ de possibilités, en donnant corps à un trio opérationnel : le maire, le préfet et le conseiller départemental.
Sans préjudice des dispositions du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements, le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration permet en effet au préfet de région de « proposer au Premier ministre une modification des règles d’organisation des services déconcentrés et de répartition des missions entre ces services, pour s’adapter aux spécificités du territoire dont il a la charge ».
Plus encore, la conférence nationale de l’administration territoriale de l’État, qui, je dois le rappeler, œuvre tout à fait séparément des élus de terrain, a pour sa part toute légitimité pour « proposer au Premier ministre tout projet de modification législative ou réglementaire nécessaire à la modernisation et à l’efficacité de l’administration territoriale de l’État. » Faisons-le, nous y sommes prêts !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous allez me répondre que le projet de loi 4D – pour décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification – arrive et que l’on peut attendre que la décentralisation de fait devienne une décentralisation de droit. Nous y veillerons bien sûr, mais nous savons que le temps de la loi est long, celui des décrets aussi. Quant aux changements culturels, ne nous ont-ils pas déjà précédés ?
Aussi, monsieur le ministre, nous pensons utile de proposer une approche inédite, de procéder dès à présent à des expérimentations préalablement au vote du projet de loi 4D, afin que le préfet du département soit, au moins dans les départements les plus ruraux, l’interlocuteur décisionnaire auprès des maires et des conseils départementaux et qu’il puisse, de la même manière, s’appuyer sur le maillage des sous-préfectures. Nul doute que vous trouverez ici des candidats et des partenaires pour y parvenir.
Pour cela, nous souhaitons que chaque préfet puisse connaître des décisions qui relèvent non pas strictement de l’organisation territoriale, mais de sa responsabilité constitutionnelle, et qu’il puisse les transmettre. Comme disait Albert Einstein, « ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir ».
Nous pourrions également avancer sur un autre point : le pouvoir de dérogation des préfets, tel qu’il est prévu lui aussi par la charte de déconcentration. Il pourrait, à notre sens, être généralisé dès à présent. Le 18 février dernier, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a procédé à l’audition d’Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). À cette occasion, Alain Lambert nous a appris que peu de préfets usaient de ce pouvoir de dérogation, mais que, dans 80 % des cas, les dérogations avaient été très positives.
Il y a là aussi sans doute matière à faire vivre une décentralisation de fait sans plus attendre. Les maires comme les conseillers départementaux, avec le concours de leur préfet, pourront, dans la légalité absolue de leurs actes, être ainsi plus efficaces.
En temps de crise, l’appareillage technocratique et le cloisonnement des responsabilités ne sont pas de mise. Nous avons plus que jamais besoin d’une décentralisation ascendante, d’une déconcentration plus complète, intégrant la compétence santé et, j’ose le dire, dans le droit-fil du rapport d’information sur les nouveaux territoires de l’éducation que j’ai rédigé avec Laurent Lafon. C’est le bon moment.
Mes chers collègues, pour conclure, je redirai ici notre fierté de travailler avec les grands serviteurs de l’État que sont nos préfets. Ils savent comme nous que la proximité est non un simple principe, mais bien une condition de l’efficacité de nos actions communes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai beaucoup de plaisir à être parmi vous ce soir pour débattre, à la demande du groupe du RDSE, du rôle des préfets à l’heure de la relance et de la mise en œuvre du plan de relance sur l’ensemble du territoire.
Annoncé le 3 septembre dernier, ce plan est doté de 100 milliards d’euros. Il nous permet d’accélérer la transition écologique, de soutenir l’activité économique, d’améliorer notre compétitivité et de renforcer la cohésion sociale et territoriale. Nos priorités sont claires : accélérer les transformations écologiques, économiques, numériques, territoriales du pays. Nous sommes particulièrement attentifs à une mise en œuvre rapide de ce plan sur l’ensemble du territoire.
À cet égard, je saisis l’occasion de ce débat pour souligner que le plan de relance se déploie vite. Au 31 décembre 2020, 11 milliards d’euros ont été dépensés, à destination notamment de la SNCF et des collectivités territoriales – par le biais des mesures de soutien à l’investissement, de compensations de recettes ou d’avances remboursables aux autorités de transports –, à destination du plan « 1 jeune, 1 solution », 495 000 contrats d’apprentissage ayant été signés, et à destination des ménages, 200 000 demandes ayant été déposées en 2020 dans le cadre de MaPrimeRénov’.
Nous accélérons le processus. Depuis le début du mois de mars, nous avons déployé près de 16 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 10 milliards d’euros de baisse d’impôt de production.
Nous accordons une grande importance à la déclinaison du plan de relance à l’échelon local et à son incarnation dans les territoires, comme le souhaitent beaucoup d’entre vous. Dès l’origine, nous avons voulu que la relance soit orientée vers les territoires en associant particulièrement les services déconcentrés de l’État, coordonnés par les préfets. Toutes les dispositions du plan de relance ne peuvent être mises en œuvre à l’échelon territorial, certaines ayant un caractère purement national. En revanche, dès que nous le pouvons, nous nous appuyons sur cette expertise déconcentrée et sur les collectivités locales.
Le maillage territorial pour la déclinaison du plan de relance est ainsi composé, sous la responsabilité et l’autorité de chaque préfet de département, de l’ensemble des sous-préfets sur leur arrondissement, parmi lesquels est désigné un « référent relance » dans chaque département, qui assure un rôle de pilotage. Dans les départements où cela s’est révélé nécessaire, ce réseau a été complété par trente sous-préfets à la relance recrutés à temps plein, à la suite d’un appel à candidatures ayant permis d’examiner 400 candidatures.
Leur rôle, sous l’autorité du préfet, est d’assurer le bon déploiement de la relance sur le territoire, d’être des interlocuteurs uniques de la relance dans leur département ou leur région pour informer sur le déploiement du plan et lever tous les obstacles qui pourraient se présenter lors de sa mise en œuvre. Il leur revient également de promouvoir et de valoriser les dispositions du plan, de coordonner les différents services et les organismes impliqués. Je pense à la Banque des territoires, à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou encore à Bpifrance.
Enfin, et peut-être surtout, les préfets ont pour rôle d’associer les collectivités territoriales à la mise en œuvre du plan de relance. C’est là une condition sine qua non de sa réussite.
À cet égard, je rappelle tout d’abord le soutien massif que l’État apporte aux collectivités locales en cette période de crise économique et sanitaire. Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, 16 milliards d’euros seront très concrètement fléchés vers les collectivités, dans le cadre d’enveloppes régionalisées.
Au-delà des soutiens à destination des collectivités, nous avons eu à cœur d’associer les élus dès la conception du plan de relance et dans son déploiement. Afin de les accompagner au mieux dans leurs démarches, ma collègue Jacqueline Gourault et moi-même avons mis au point un guide à destination des maires en particulier. Ce guide complet présente les différents dispositifs, les critères éventuels à remplir, ainsi que le calendrier des mesures du plan de relance. Il en précise également les modalités pratiques de mise en œuvre.
C’est aussi le travail commun réalisé par l’État et les collectivités territoriales qui permettra d’atteindre les objectifs du plan de relance. Comme l’a rappelé le Premier ministre dans la circulaire relative à la mise en œuvre territorialisée du plan de relance : « La territorialisation du plan de relance est un gage d’efficacité, d’adaptabilité, d’équité et de cohésion. Elle sera l’un des facteurs de sa réussite, en accompagnant les dynamiques territoriales et en rendant possible la consommation rapide des crédits. »
C’est dans cet esprit que s’inscrit le travail commun entre l’État et les collectivités, lequel se concrétise à travers la contractualisation. En effet, la territorialisation du plan de relance passe tout d’abord par la signature d’accords régionaux de relance, signés entre le préfet et les présidents de région. À ce jour, neuf accords ont été signés, un dixième le sera dans les prochains jours. Les discussions concernant les autres sont bien avancées.
Par ailleurs, ces accords régionaux de relance peuvent être déclinés à l’échelon départemental et intercommunal à travers les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Il est important que cette déclinaison puisse avoir lieu pour accompagner les projets de territoires et cibler les projets prêts à démarrer. Il s’agit d’outils de simplification et de mise en cohérence des soutiens apportés par l’État aux territoires. Si, en matière de calendrier, leur horizon dépasse celui de la relance, c’est parce qu’ils doivent nous permettre d’ancrer dans la durée les transitions rendues possibles par le plan de relance. C’est, en somme, un contenant unique des objectifs de chacune des politiques publiques du territoire et des financements octroyés.
Depuis le 15 janvier dernier, les préfets font part des périmètres de référence qu’ils arrêtent en concertation avec les élus. Le premier contrat de relance et de transition écologique a été signé à Nantes à la fin du mois de février dernier. Un deuxième a été signé avec la métropole de Lyon. Nombre de collectivités – je pense aux départements de la Charente-Maritime, de la Gironde et de l’Ardèche – ont signé des accords régionaux territorialisés de relance.
Notre objectif est que tous les territoires soient couverts par un CRTE d’ici au 30 juin 2021. C’est ambitieux, mais il nous faut faire vite afin de relancer notre économie. Partout, des périmètres se dessinent. Je peux vous dire en cet instant que, à quelques établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) près, la totalité du territoire sera couverte par des contrats de relance et de transition écologique. Pour l’heure, une seule communauté de communes n’est pas intégrée dans un CRTE, sur décision de ses élus.
Cette méthode d’association des élus, nous l’appliquons aussi dans la mise en œuvre concrète du plan de relance. Nous arrêtons le maximum de mesures à l’échelon local.
Par exemple, l’État décide des aides à l’industrie en associant les régions, pour les projets relevant du programme Territoires d’industrie. France Relance offre aux entreprises la possibilité de bénéficier d’une subvention publique pour ouvrir une nouvelle ligne de production. Les projets sont sélectionnés à l’échelon de la préfecture régionale et les présidents de région peuvent apporter un soutien financier supplémentaire. Au regard de la forte demande, le Gouvernement a ajouté hier 150 millions d’euros en partenariat avec les régions, qui ont décidé d’apporter le même montant.
De la même manière, nous travaillons avec les communes et les départements à la rénovation énergétique des collèges et des écoles. La dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) France Relance, c’est 1 milliard d’euros en 2020 au titre du soutien à l’investissement local et 950 millions d’euros en 2021 au titre de l’accompagnement énergétique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous veillons à associer le plus souvent et le mieux possible les collectivités locales. Cette association ne peut se faire sans la mobilisation des préfets et des sous-préfets.
Monsieur le sénateur Roux, dans la perspective notamment du projet de loi 4D, vous avez évoqué plusieurs pistes en matière de déconcentration et de dérogation pour l’application de certaines décisions et dispositions, mais également en matière de pouvoir réglementaire. J’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets en réponse aux questions qui me seront posées. Je ne doute pas que les prochains débats sur le projet de loi 4D seront l’occasion de les approfondir.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’occasion que vous nous donnez de débattre de ce thème aujourd’hui et je me réjouis des questions qui vont maintenant m’être posées.
Débat interactif
Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, lors de leur prise de fonctions aux mois de décembre et janvier derniers, plusieurs sous-préfets à la relance, interrogés notamment par des médias locaux, étaient dans l’incapacité de préciser l’enveloppe dont ils disposaient pour gérer la relance, alors qu’ils ont été nommés pour veiller à la mise en œuvre du plan.
Si les préfets à la relance gèrent les crédits, quelle est alors la place des élus locaux, qui, eux, pourraient garantir une répartition égalitaire dans nos territoires ?
En fonctionnant de la sorte, l’État montre qu’il souhaite garder la main sur une partie des financements locaux. Le résultat est implacable : les élus de terrain n’ont aucune visibilité et, encore une fois, le processus démocratique entrepris reste faible.
Certes, 8 milliards d’euros sont affectés aux régions dans les contrats de plan État-région (CPER) et dans les contrats de relance et de transition écologique, mais, entre les nouveaux crédits des contrats, le recyclage de dotations déjà existantes et les reports de crédits à venir, les moyens engagés sont peu clairs pour les élus.
Cela porte à confusion pour les élus et complique évidemment la participation financière de l’État, tout en privilégiant les plus grandes collectivités. De surcroît, la transparence doit être de mise dans le processus de décision. Dans ce cadre, la publicisation des réponses de l’administration est importante, notamment afin de contrôler les deniers publics et d’évaluer les choix de politique publique.
Monsieur le ministre, quelles sont les consignes du Gouvernement pour garantir l’égalité des territoires, ainsi que la transparence quant au choix des projets retenus ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Cukierman, je répondrai à votre question en trois points.
D’abord, certains crédits relèvent de politiques décidées par l’État et appliquées à un échelon national, je le disais dans mon propos liminaire, sans possibilité ou choix d’associer une collectivité locale ou un échelon déconcentré. MaPrimeRénov’ ou les primes à la conversion du parc automobile sont des politiques nationales qui s’appliquent de manière indistincte sur le territoire en fonction de la demande et des projets des ayants droit.
Ensuite, je suis en désaccord avec un aspect de votre question. Vous évoquez les 100 milliards d’euros du plan de relance en les qualifiant de « financements locaux ». Or il s’agit de financements de l’État, votés à la fin du mois de décembre dernier en loi de finances. Les crédits du plan de relance sont avant tout des financements d’État, qui peuvent être articulés avec les moyens et les politiques mis en œuvre par les collectivités locales – région, département, ou bloc communal, avec les intercommunalités –, sans qu’il y ait nécessairement de confusion.
Enfin, nous veillons chaque fois que nous le pouvons à associer les collectivités locales à la décision. C’est le cas au travers des contrats de plan État-région, que vous avez mentionnés. C’est également le cas, en matière de rénovation énergétique des collèges, au travers de l’enveloppe de 300 millions d’euros déléguée aux préfets, mais mise en œuvre en association avec les élus concernés. Les 300 millions d’euros destinés à la rénovation thermique et énergétique des lycées sont délégués de la même manière aux régions. Je conclus en précisant que les critères d’éligibilité sont connus et que cela vaut publicité pour l’utilisation de ces fonds.
J’insiste sur le fait que nous avons veillé, dans chacune des décisions prises depuis le début de la mise en œuvre du plan de relance, à ce que l’État central, si je puis m’exprimer ainsi, ne remette pas en cause les choix dévolus aux échelons déconcentrés de l’État, préfet ou sous-préfet, considérant qu’il fallait respecter la valeur du travail réalisé localement.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, il est plutôt rassurant que nous ne soyons pas d’accord sur tous les aspects de ma question ! (Sourires.)
Plus sérieusement, une part des financements du plan de relance sert à l’État et à la rénovation énergétique de ses propres bâtiments ! La Gazette des communes en faisait d’ailleurs état cette semaine. Lorsque nous parlons de transparence et du besoin que l’argent débloqué soit réellement destiné à tous les territoires et à toutes les collectivités, ce n’est donc pas simplement une vue de l’esprit. C’est bien une réalité, sur laquelle vous êtes interpellé.
Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le ministre, nous avons compris que l’objectif du plan de relance était d’agir très vite, de façon à relancer l’économie. Pour cela, des sous-préfets à la relance ont été nommés afin d’épauler les préfets et de faciliter la mise en œuvre des projets.
Ma première question est la suivante : des sous-préfets à la relance sont-ils prévus dans tous les départements ou le casting actuel est-il destiné à répondre aux besoins ? En d’autres termes, est-il possible que des sous-préfets à la relance complémentaires soient nommés dans certains secteurs ?
Ma seconde question porte sur les crédits dédiés aux collectivités territoriales. Les élus ont beaucoup apprécié la DSIL supplémentaire d’un milliard d’euros accordée au mois de juillet dernier, qui permet notamment d’engager des opérations de rénovation énergétique d’envergure. La consommation de ces crédits étant assez rapide, des enveloppes complémentaires sont-elles envisagées pour répondre à cet objectif de la transition écologique ? Les besoins sont importants. Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Canevet, trente sous-préfets à la relance ont été nommés et, dans toutes les préfectures, des sous-préfets déjà installés dans des arrondissements ou exerçant des fonctions de secrétaires généraux ont été désignés comme « référents relance ». Si nous constatons un besoin particulier de muscler le dispositif avec un sous-préfet à la relance supplémentaire dans tel ou tel département, nous y sommes évidemment ouverts, l’essentiel pour nous étant que le plan soit déployé.
Sur les crédits d’aide à l’investissement, je tiens à préciser que le Gouvernement a toujours veillé, avec l’approbation du Parlement, à ce que les crédits d’investissement prévus pour le bloc local – DSIL et dotation d’équipement des territoires ruraux, DETR - soient reconduits d’année en année, à hauteur de 2 milliards d’euros environ. Nous avons ajouté, avec le PLFR 3 adopté au mois de juillet dernier, un milliard d’euros de DSIL dite relance.
Ces crédits sont en grande partie consommés et nous avions prévu qu’ils puissent partiellement être dépensés sur l’année 2021 au titre des reports de crédits. Je m’étais engagé ici même à ce que ce soit possible. Dans le cadre de la loi de finances pour 2021 et avec l’adoption du plan de relance à proprement parler, 3,7 milliards d’euros ont été prévus pour la rénovation énergétique des bâtiments, 2,7 milliards d’euros étant destinés aux bâtiments d’État et universitaires. L’État, cela a été dit, met à profit le plan de relance pour rénover ses propres bâtiments et intégrer son patrimoine dans les trajectoires de transition énergétique.
J’ajoute que 950 millions d’euros sont fléchés sur les collectivités locales. Les préfets recevront dans les prochains jours les notifications, département par département, de ce que représente cette DSIL verte – je la nomme ainsi pour la différencier de la DSIL relance du mois de juillet dernier. Nous estimons que ce sera la meilleure façon d’accompagner les collectivités pour la rénovation énergétique.
Même si la gestion est faite sous forme de DSIL, nous avons veillé à ce que les projets éligibles à la DETR soient éligibles tant à la DSIL relance de l’été dernier qu’à la DSIL rénovation énergétique. Par ailleurs, Jacqueline Gourault et moi-même avons exonéré les préfets de la règle de minimis de 20 % pour la collectivité maître d’ouvrage, le temps de la relance et pour les projets exceptionnels portés par des collectivités qui n’auraient pas les moyens d’apporter les 20 % nécessaires.