Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Cet article nous paraît bel et bien ubuesque !
Les lois de la République s’appliquent à toutes et tous, qu’il s’agisse des personnes ou, évidemment, des associations. Cela a été rappelé : notre pays dénombre un peu plus de 1,5 million d’associations. C’est le fruit de la loi de 1901 : il est extrêmement facile de fonder une association en déposant des statuts en préfecture. Chacun le reconnaîtra, ce foisonnement d’associations est un bien commun que nous devons protéger.
Cela étant, je rejoins la préoccupation des défenseurs des droits. En vertu de l’article 6, on ne demanderait plus simplement aux associations de ne pas commettre d’infraction : elles devraient s’engager positivement et explicitement, dans leur finalité comme dans leur organisation, en faveur de principes déterminés par la puissance publique. Avec de telles dispositions, on risque de dénaturer en partie le statut des associations, qui sont des tiers essentiels entre le citoyen et la puissance publique.
Nous sommes donc face à une véritable question : nous devons avoir conscience que l’on risque d’attenter à la loi de 1901.
Enfin, madame la ministre, je vous livre mon sentiment : celles et ceux qui n’ont pas l’intention de respecter les lois de la République signeront votre contrat d’engagement républicain sans problème ! Leur but sera, d’abord, de toucher la subvention.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Fabien Gay. C’est cela, la réalité !
Un certain nombre d’orateurs vous ont posé la question : comment donner aux élus les moyens de faire respecter cet engagement ?
À mon sens, il faut faire confiance aux élus : ils donnent les subventions en connaissance de cause, car ils connaissent leur territoire et son tissu associatif.
Demain, en tant que conseiller municipal, je devrai me prononcer sur le budget de ma ville. Je suis dans l’opposition. Évidemment, le maire nous proposera de voter des subventions à de nombreuses associations ; au sein du conseil municipal, nous les connaissons toutes.
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Madame la ministre, une association subventionnée qui aide des migrants, des demandeurs d’asile, contrevient-elle à ce contrat ? Qu’en est-il d’une association qui s’opposerait à la construction d’un barrage ou, plus largement, d’une association critique, se battant contre telle ou telle décision du Gouvernement ?
Faute de savoir ce qu’il y aura dans ce contrat, on peut fantasmer et imaginer que toutes les associations pourraient être sanctionnées et privées de subventions. Pourriez-vous nous fournir quelques explications, afin que l’on comprenne quels seront les droits et devoirs des associations lorsqu’elles signeront ce contrat ?
Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Nous sommes tous d’accord pour considérer la loi de 1901 comme l’une des plus belles lois nées dans notre République. Nous sommes tous conscients de l’importance des associations, qu’elle a créées : elles sont un véritable ciment social.
Aujourd’hui, les associations sont l’un des derniers endroits où l’on conserve un peu de mixité sociale – ainsi, un club de football réunit des personnes venant de tous les univers. Évidemment, on a plus que besoin de ces associations. Il faut les protéger. Il faut les aider.
La République a donné naissance aux associations ; la République a donné naissance à la citoyenneté. J’ai entendu Esther Benbassa prononcer les mots « droits » et « devoirs ». La citoyenneté offre l’exercice de certains droits, mais elle impose aussi certains devoirs.
Ce contrat d’engagement républicain impliquera bien des devoirs pour certaines associations – pas toutes : seules celles qui sollicitent l’octroi d’une subvention sont concernées. Un certain nombre d’associations sont donc exclues d’emblée de cette problématique.
Ensuite, notre collègue centriste l’a souligné avec raison : dès lors que de l’argent public est donné, il n’est pas illogique d’assurer un minimum de contrôle. Il n’est surtout pas illogique que l’association qui en est bénéficiaire ait une attitude compatible avec les principes de la République, puisque c’est la République qui accorde cette aide. C’est la raison pour laquelle l’article 6 me paraît le bienvenu.
Enfin, j’insisterai sur le rôle citoyen et pédagogique des associations. Avant, dans le monde associatif, les adultes qui s’occupaient des jeunes étaient appelés entraîneurs ; maintenant, on parle plus souvent d’éducateurs. Ils éduquent ; ils transmettent des valeurs, parmi lesquelles il peut y avoir la fraternité, la liberté et l’égalité. Ils sont très bien placés pour faire passer ces valeurs.
Je relis l’alinéa 7 cet article : l’association « qui s’engage à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain…
Mme le président. Merci, mon cher collègue !
M. Olivier Paccaud. … […] en informe ses membres par tout moyen »…
Mme le président. Merci, mon cher collègue ! Je pense que nous sommes tous éclairés.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, on a mentionné ATD Quart Monde. Je le dis et je le répète, il s’agit d’une association agréée. Nous en parlerons lors de l’examen de l’article 7 – peut-être pas ce soir, mais en tout cas prochainement. (Sourires.) En tout cas, il semble établi que les associations agréées sont réputées signataires du contrat d’engagement républicain. Nous ne leur demanderons donc pas d’y souscrire explicitement.
Monsieur Sueur, selon vous, j’irai, avec mon petit papier, voir les personnalités dirigeant les grandes associations. Non, il ne s’agit pas de cela ! Il s’agit de ce que demande la République, tout simplement.
Nous aiderons les représentants de l’État et les élus à mettre en œuvre ces contrats. Ce n’est pas une action personnelle, ad hominem !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est la Constitution !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je vous remercie de m’expliquer la Constitution après m’avoir expliqué la manière dont je devais m’adresser aux associations ! Il se trouve qu’en tant que ministre de la République je suis fondée à proposer un contrat d’engagement républicain et à soumettre aux assemblées des textes. Vous les voterez ou vous ne les voterez pas : c’est la souveraineté du Parlement.
Quoi qu’il en soit, la République, que je représente et que nous représentons tous à notre manière ici, est tout à fait en droit de demander aux associations à qui elle accorde de l’argent public de s’engager sur l’usage qu’elles en font.
Le discours qui vise à opposer le politique à l’associatif, avec, d’un côté, des associations par essence pures, si bien que l’on n’aurait absolument aucun compte à leur demander, et, de l’autre, des responsables politiques nécessairement mal intentionnés, qui voudraient contraindre les associations, les faire taire et leur forcer la main, est à mon sens délétère. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Fabien Gay. Personne n’a dit cela !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous êtes nombreux ici à avoir exercé des responsabilités associatives. Moi-même, j’ai fondé des associations. J’ai présidé une association pendant dix ans ; c’est d’ailleurs ce qui m’a conduite à la vie politique. Je n’ai jamais demandé un seul euro d’argent public. En revanche, j’ai toujours rendu des comptes sur le budget de cette structure et je n’en tire ni gloire ni honte !
Je vous fais part d’un simple constat : monter le monde politique contre le monde associatif me semble délétère ! Certains d’entre vous se sont faits les porte-parole du monde associatif. Contrairement à ce que certains orateurs ont avancé, nous avons consulté ses représentants. Cette consultation a été menée en toute transparence, avec mes collègues Jacqueline Gourault et Sarah El Haïry, mais aussi avec les élus !
Certains ont répété qu’il y aurait, d’un côté, les associations et, de l’autre, les élus, en ajoutant que les élus ne seraient pas d’accord : c’est faux ! Des consultations ont été menées avec Jacqueline Gourault, ministre chargée des relations avec les collectivités territoriales, et l’Association des maires de France (AMF).
Or l’AMF, qui, comme son nom l’indique, représente les maires de France, nous a fait savoir qu’elle plébiscitait ce contrat d’engagement républicain. Selon elle, ce document sera utile pour aider les maires.
Si c’était si facile que cela, si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, tous les élus des différents bords politiques que j’ai mentionnés auraient réussi à imposer leur propre contrat d’engagement républicain. On ne serait pas en peine aujourd’hui, par exemple pour récupérer l’argent public versé au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) !
Monsieur Benarroche, la charte des engagements réciproques est peut-être un acte solennel, mais elle n’a pas pour autant valeur de loi. Bien sûr, c’est une très belle charte : elle doit continuer de vivre, car elle énonce un certain nombre de principes et d’engagements réciproques. Pour autant, la solennité d’un acte ne suffit pas à garantir sa valeur juridique : sinon, autant cesser tout de suite de débattre, rentrons dormir et arrêtons de faire des lois ! (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
Croire qu’il suffirait de dire que c’est un acte solennel pour qu’il ait une valeur contraignante, cela s’appelle de la pensée magique ! Or la pensée magique n’aide pas à lutter contre l’islamisme.
Quant au contrat d’engagement républicain, il ne va pas de substituer à la charte : il s’agit d’un outil supplémentaire. À cet égard, les consultations ont permis des avancées – par exemple, le fait que les associations agréées soient réputées signataires. Il s’agit d’une demande du mouvement associatif lui-même à laquelle nous avons accédé.
L’Assemblée nationale a apporté des améliorations, ainsi que la commission des lois du Sénat. Je ne doute pas que, dans cet hémicycle, les sénatrices et les sénateurs continueront, sur toutes les travées, à améliorer le contrat d’engagement républicain pour qu’il recueille in fine du consensus le plus large.
Madame Benbassa, les associations qui aident les migrants et les réfugiés ne contreviennent évidemment pas aux principes de la République : certaines d’entre elles sont d’ailleurs subventionnées. C’est tout à fait normal et nous continuerons à le faire, car c’est l’honneur de la France. Je pense au Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), à France Fraternité et à de nombreuses autres associations encore.
Vous évoquez également les associations qui critiquent le Gouvernement : il ne vous aura pas échappé que les exemples sont légion… (Rires sur les travées du groupe CRCE.) Ces associations critiquent le Gouvernement tout en conservant leurs subventions ! J’apporte cette modeste contribution au débat.
Bien entendu, critiquer le Gouvernement, ce n’est pas être antirépublicain : c’est simplement exercer sa liberté d’expression. Il n’a donc jamais été question de couper les subventions sur ce motif.
Enfin, monsieur Ouzoulias, vous me demandez comment nous contrôlerons l’efficacité et l’efficience du contrat d’engagement républicain. Les préfets d’aujourd’hui pourront vous éclairer en vous détaillant leur action dans le cadre des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR), que nous avons mises en place voilà plus d’un an et demi. Dans ce cadre, les préfets sont souvent accompagnés des procureurs de la République.
Dans tous les départements, les CLIR passent au peigne fin les dossiers qui ont donné lieu à des alertes : c’est grâce au travail de ces cellules que nous avons fait fermer, depuis 2018, 533 établissements qui s’étaient révélés être des foyers de séparatisme, qu’il s’agisse de commerces, de débits de boisson ou – je le déplore –, parfois, d’associations, dont certaines étaient subventionnées !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié, 305 et 561 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 74 amendements au cours de la journée ; il en reste 501.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 1er avril 2021 :
À dix heures trente :
Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (texte de la commission n° 481, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (texte de la commission n° 442, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte de la commission n° 424, 2020-2021).
À quinze heures :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre ;
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (texte n° 461, 2020-2021) ;
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 1er avril 2021, à une heure cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER