M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Denis Bouad. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Alors que la détresse psychologique est toujours très présente dans nos campagnes, les premières nuits d’avril furent dramatiques pour bon nombre de paysans français. Aujourd’hui, la solidarité nationale s’impose. Les réponses qui seront apportées ne devront laisser aucun agriculteur sur le côté.
Face à ce gel généralisé, répondre à l’urgence sur le terrain doit être notre priorité. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher d’apporter des solutions pérennes pour éviter ces catastrophes économiques et humaines.
Du fait du dérèglement climatique, ces aléas – gel, grêle, sécheresse, excès d’eau… – sont de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses, alors que seuls 30 % de la ferme France sont assurés.
Monsieur le ministre, le temps est venu de repenser l’assurance récolte sur l’ensemble du territoire, et bien entendu de la rendre accessible à tous nos agriculteurs. Pour cela, il nous faut abaisser la franchise à 20 % et relever le niveau de subvention à 70 %, comme le prévoit le règlement européen Omnibus.
D’autres propositions innovantes pourraient être mises sur la table. Je pense, par exemple, au pool de réassurances pratiqué en Espagne, qui permet de mutualiser les risques.
Dans son allocution du 12 mars 2020, le Président de la République déclarait que déléguer notre alimentation à d’autres était une folie. Oui, protéger notre agriculture, c’est protéger notre souveraineté ! C’est bien là le rôle et la place de l’État.
Je suis persuadé que, comme pour les catastrophes naturelles, les Français sont prêts à faire preuve de solidarité pour défendre notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.
En ce sens, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre sur la table la question de l’assurance agricole, notamment les sujets centraux que sont l’assurance obligatoire et la réassurance d’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait prêt à mettre ce sujet sur la table. Pour tout vous dire, cela fait de longs mois que j’y travaille.
Veuillez m’excuser d’évoquer certains aspects techniques, soulevés par votre question. Vous considérez qu’une piste d’amélioration concerne le niveau de la franchise, qui est aujourd’hui fixé à 30 % et qui pourrait être réglementairement fixé à 20 %. Vous évoquez également la part du budget subventionné dans le coût de la police d’assurance : elle est aujourd’hui de 65 % et pourrait passer à 70 %.
Je suis totalement favorable à ces deux dispositions, mais la question n’est pas là. La vraie question est la suivante : qui paye ce surcoût ? S’il est acquitté par la politique agricole commune, cela reviendra à faire payer par le monde agricole une assurance sur des risques qui, en réalité, ne sont pas assurables.
Ayons l’humilité et le courage de dire que ces éléments climatiques ne peuvent être assurés par le monde agricole, qui n’en a pas la capacité.
Ainsi, le coût de l’assurance de votre voiture dépend de votre comportement au cours des cinq dernières années. Quant au coût de l’assurance récolte, il dépend du climat des cinq dernières années. Pourtant, vous n’y êtes pour rien !
La véritable question posée met en jeu des sommes très importantes et relève donc d’un véritable choix démocratique : comment la solidarité nationale doit-elle accompagner nos agriculteurs face à des aléas climatiques dont ils n’ont pas la responsabilité, mais dont ils sont les premières victimes ?
Permettez-moi de rebondir, monsieur le sénateur, sur ce que disait M. Alain Duffourg tout à l’heure. Il affirmait en effet qu’aucune aide n’avait été versée, ce qui est strictement faux. Dans le cas de la grippe aviaire, précisément parce que ce gouvernement a décidé de fournir des acomptes, nous avions déjà versé, au 9 avril dernier, 11,5 millions d’euros. Et 7,5 millions d’euros étaient en cours de versement.
Certes, nous pouvons ne pas être d’accord sur certains points. Mais je trouve scandaleux que l’on véhicule des suspicions, alors que nous agissons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.
M. Denis Bouad. Monsieur le ministre, je partage une partie de vos propos. N’oubliez pas toutefois que l’ensemble des agriculteurs français vit tous les jours dans l’angoisse des aléas climatiques.
Aujourd’hui, le risque climatique n’est plus aléatoire : il est certain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
conséquences du gel pour la viticulture et l’arboriculture
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
L’hiver est violemment revenu. Braseros, bougies, arrosages préventifs : les efforts mis en œuvre par les agriculteurs n’ont pas suffi. La viticulture, mais aussi l’arboriculture, le maraîchage et les grandes cultures ont été dévastés.
Des parcelles épargnées par les plus virulents épisodes de 2017 et de 1991 ont gelé en totalité. Les dégâts sont immenses, et le risque climatique menace dans les jours à venir.
Une telle situation s’inscrit dans un contexte déjà particulièrement compliqué pour la filière viticole, qui se trouve au cœur de multiples crises structurelles et conjoncturelles.
Se dessine le risque d’une disparition de ce qui fait la France : son patrimoine, ses paysages, mais aussi les fondements de son économie.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, ce sont non pas des mesures de relance, mais un véritable plan de sauvetage de la filière vitivinicole française qu’il vous faut mettre en place.
À court terme, à catastrophe exceptionnelle, aides exceptionnelles, pour recréer de la trésorerie, en plus des exonérations de charges et de taxes.
À moyen terme, il convient de différer de deux ans le remboursement des PGE, les prêts garantis par l’État, avec des mensualités sur vingt ans.
À long terme, il nous faut surtout votre appui concernant le domaine assurantiel. L’an dernier, j’avais présenté une proposition de résolution avec mes collègues Yvon Collin et Henri Cabanel. Vous devez nous aider à finaliser ce travail face à l’Europe et face aux assureurs.
Pour rendre ce dispositif incontournable, il faut baisser le seuil de déclenchement des pertes de rendement, augmenter le taux de subvention et, surtout, revoir la méthode de calcul de la base assurable fixée sur une moyenne olympique par l’Europe.
Voilà plus d’un an, l’Association nationale des élus de la vigne et du vin était sur le point d’organiser un Grenelle de la viticulture, pour établir une stratégie globale de filière en réunion interministérielle. Nous souhaitons le relancer et comptons sur votre soutien, monsieur le ministre. L’urgence est réelle ! Rassurez la filière sur le long terme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je veux tout d’abord saluer, madame la sénatrice, votre engagement et celui de vos collègues en faveur de ce beau secteur vitivinicole.
Vous l’avez dit, l’année que nous venons de vivre a été en tous points dramatique pour le secteur viticole.
Cela dit, lorsqu’il a fallu mettre en place un certain nombre d’aides dans le cadre de la crise sanitaire, ce gouvernement a répondu présent. Je me souviens que l’un des premiers déplacements du nouveau Premier ministre Jean Castex s’était déroulé précisément auprès de la filière viticole, pour laquelle nous avions annoncé un renforcement des aides.
Par ailleurs, et c’est peut-être la seule lueur d’espoir qu’il nous a été permis de connaître ces derniers mois, grâce à l’action diplomatique qui a été menée, nous avons obtenu un moratoire des fameuses taxes Trump, qui affectaient la filière.
C’est vrai, pour la filière vitivinicole, nous devons mener des actions fortes de court terme, notamment pour ce qui concerne l’aspect social. Ce que vous avez dit au sujet des PGE est très important. Nous sommes en train d’en discuter avec les représentants de la filière.
Je pense également au long terme. Dans notre pays, pas plus de trois viticulteurs sur dix sont assurés. Non pas que les sept autres soient irresponsables, comme on l’entend parfois ! Simplement, les conditions d’accès à l’assurance ne sont plus réalistes.
Vous avez également évoqué plusieurs autres sujets : les franchises, que j’ai déjà abordées tout à l’heure, le montant d’indemnisation et la fameuse moyenne olympique.
Quel est le drame de nos dispositifs ? C’est que l’on fait aujourd’hui la moyenne des cinq dernières années ; ensuite, on soustrait la meilleure et la moins bonne. Ainsi, les montants indemnisés s’étiolent année après année et perdent l’intérêt qu’ils pouvaient avoir. Tout cela doit être revu.
Toutefois, je le répète, le monde agricole n’est pas à même de régler seul le problème. La solidarité nationale doit également jouer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
soutien de l’état aux agriculteurs (iv)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, vous avez parfaitement décrit la dimension historique de la catastrophe agricole provoquée par le gel.
En Ardèche, où vous vous êtes rendu avec le Premier ministre, la vigne, les arbres fruitiers et, en particulier, les cerisiers et les abricotiers accusent des pertes allant de 90 % à 100 %.
Vous l’avez déclaré : « À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. » Soit ! Le Gouvernement doit donc organiser la solidarité nationale, en s’écartant du schéma classique que nos agriculteurs ne connaissent que trop et qui se caractérise par son cortège de lenteurs, de tracasseries et d’injustices.
La France, qui, en temps de crise, sait sauvegarder ses banques en quelques jours ou nationaliser ses entreprises stratégiques, peut et doit sauver du désastre ceux qui la nourrissent.
C’est pourquoi je souhaite vous interroger sur le caractère exceptionnel de l’action de l’État concernant l’inclusion de toutes les filières frappées, notamment la viticulture, sur la simplicité des démarches que les exploitants devront effectuer et, surtout, sur la rapidité des indemnisations.
Monsieur le ministre, les trésoreries des exploitations ont été très éprouvées par la sécheresse de 2020, les taxes américaines sur le vin et la crise du covid. Allez-vous, pour la survie de nos filières, engager cette course contre leur mort économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, oui, oui et oui ! Je ne cesse de le faire, sous l’autorité du Premier ministre, avec Olivier Dussopt, avec qui je me suis rendu en Ardèche ces derniers jours.
Nous le devons à notre monde paysan ; nous le devons à celles et ceux qui nous nourrissent ; nous le devons à tous ceux qui se sont battus avec force contre cette vague de froid. Et non seulement nous le leur devons, mais nous allons le faire !
Je le répète de manière très précise, nous avons d’ores et déjà enclenché tous les dispositifs de crise, que ce soit sur le volet social, sur le volet assurantiel ou sur le régime de calamité agricole. Je ne puis être plus clair : ces dispositifs de crise ne sont pas gréés et opérationnels pour faire face à des phénomènes d’une telle ampleur.
C’est la raison pour laquelle nous mettons en place un fonds exceptionnel, que nous souhaitons le plus simple possible et fondé sur les dispositifs instaurés dans le cadre de la crise de la covid. Chacun peut s’accorder sur ce point, ces dispositifs ont été d’une simplicité, d’un pragmatisme et d’une effectivité que de nombreux pays européens nous envient.
Oui, nous le devons ; oui, nous sommes à la tâche ; oui, nous avons impliqué l’ensemble des parties prenantes, de l’assureur au banquier, en passant par tous les ministères et toutes les filières. Il convient en effet d’apporter les aides au moment où les agriculteurs en ont besoin.
À très court terme, c’est l’aspect social, avec le chômage partiel, mais aussi les intérêts d’emprunt, qui doit être réglé.
Dans la viticulture, la perte de revenus sera effective en 2022. Dans l’arboriculture, la perte est immédiate. Dans la grande culture, qui a connu également des drames, entre 10 % et 20 % de l’assolement pour les betteraves ont brûlé en l’espace de quelques jours. L’enjeu est d’accompagner les agriculteurs, notamment pour les aider à ressemer.
Nous agissons avec beaucoup de détermination, car, je le répète, nous le devons aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.
Mme Anne Ventalon. Je prends acte de vos propos, monsieur le ministre. J’insiste toutefois sur l’importance de la rapidité des aides. En effet, en Ardèche, certains agriculteurs touchés par la grêle en 2019 n’ont toujours pas été indemnisés.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
Mme Anne Ventalon. Les emplois agricoles – je pense en particulier aux saisonniers – et les exploitations ne survivront pas à une telle inertie. Monsieur le ministre, il est temps de proclamer l’état d’urgence agricole. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des services de pédopsychiatrie
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
De nombreux professionnels nous alertent sur les souffrances psychologiques et psychiques éprouvées par un grand nombre d’enfants et d’adolescents dans notre pays.
Ces jeunes subissent en effet de plein fouet les effets directs et indirects de la crise sanitaire, ceux-ci s’ajoutant parfois à un contexte familial déjà difficile ou qui s’est détérioré à la suite des périodes de confinement.
Face à cette situation préoccupante, nous constatons l’impossibilité actuelle de répondre aux nombreuses situations de détresse, faute des moyens suffisants pour faire face à l’augmentation des demandes : centres médico-psychologiques saturés, pénurie de lits d’hospitalisation à temps complet, manque d’effectifs de pédopsychiatres, la liste des carences s’allonge et inquiète.
L’ensemble de ces insuffisances structurelles entraîne une discontinuité, voire de graves défaillances dans les prises en charge individuelles, laissant les professionnels sociaux et médico-sociaux bien seuls face à des situations qui nécessitent pourtant un accompagnement renforcé et, surtout, pluridisciplinaire.
Madame la ministre, chaque jour, nous voyons de nouvelles formes de souffrances psychiques se développer chez des enfants et adolescents de plus en plus jeunes : violences, addictions, tentatives de suicide…
Le risque de nouveaux passages à l’acte ne cesse de s’amplifier. Quelles mesures concrètes et urgentes le Gouvernement compte-t-il appliquer pour parer à cette détresse grandissante de nos jeunes, en particulier pour les plus fragiles d’entre eux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, la psychiatrie infantile, vous le savez, souffre de difficultés structurelles bien connues depuis de nombreuses années.
Elles ne datent malheureusement ni de cette mandature ni même de la crise sanitaire. (Mme Laurence Rossignol proteste.) Les départs à la retraite des effectifs médicaux spécialisés et l’augmentation sensible de la demande de soins ont suscité des situations de saturation, exacerbées par la crise sanitaire en cours.
C’est un enjeu qui préoccupe pleinement le Gouvernement. Si peu de données consolidées existent, nombre de signes nous alertent : troubles du sommeil, dépressions et tentatives de suicide, que vous évoquiez.
Les pouvoirs publics sont pleinement mobilisés autour de Franck Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et d’Adrien Taquet, secrétaire d’État, qui sont en contact permanent avec les professionnels médico-sociaux pour développer les mesures adaptées.
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à ces personnels, notamment les éducateurs spécialisés. Nous avons réaffirmé, dans la stratégie nationale de santé, au travers de la feuille de route santé mentale et psychiatrie, toute l’attention portée notamment à la pédopsychiatrie, qu’il s’agisse des enfants ou des adolescents.
Le 14 janvier dernier, le Président de la République s’est entretenu de cette dégradation avec les pédopsychiatres.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le constat a été dressé d’une forte pression et d’une hausse moyenne de 40 % des recours aux urgences pour troubles du comportement. Il a conduit à maintenir ouvertes les écoles et les structures de la petite enfance.
Le docteur Angèle Consoli, pédopsychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a été nommée au Conseil scientifique pour assurer la prise en compte de l’impact des mesures sur les enfants.
Cette après-midi, le chef de l’État se rendra à Reims, accompagné du ministre Olivier Véran et du secrétaire d’État Adrien Taquet, au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour échanger avec les familles et les professionnels, afin de recueillir leur retour d’expérience.
Ce déplacement permettra également de revenir sur les chantiers en cours pour répondre à l’urgence, mais aussi, de manière structurelle, aux attentes de ce secteur clé.
Mme Laurence Rossignol. Formidable !
M. Bernard Jomier. Quel discours creux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Malheureusement, madame la ministre, je crains que vous n’ayez pas répondu à ma question. Nous sommes face à un secteur en grande souffrance.
Je sais que le Président de la République visite, cette après-midi, un établissement de pédopsychiatrie. J’espère qu’il prendra conscience de l’urgence à agir, car la souffrance est grande chez nos jeunes, y compris ceux qui rencontrent des difficultés sociales et, parfois, physiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
organisation du conseil des ministres pendant la crise sanitaire
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, je veux vous interpeller sur le fonctionnement actuel du conseil des ministres.
C’est l’organe constitutionnel de la délibération gouvernementale. Or, en ces temps de crise sanitaire, il est non plus réuni à l’Élysée, mais remplacé par une réunion à distance, ce qui pose trois problèmes.
Il s’agit tout d’abord d’un problème institutionnel, la collégialité de la délibération gouvernementale n’étant pas assurée dans les formes constitutionnelles. Cela crée pour l’avenir un précédent préoccupant.
Il s’agit ensuite de respecter le secret des délibérations, qui sont exposées à des défaillances du cryptage ou à la présence de tiers auprès des ministres réunis à distance.
Il s’agit enfin d’un problème juridique. D’une part, le Conseil constitutionnel, qui n’admet pas sans condition la validité des délibérations à distance, s’est prononcé récemment sur ce point à propos du règlement de l’Assemblée nationale. D’autre part, le Conseil constitutionnel censure depuis 2003 la loi qui n’a pas été délibérée correctement en conseil des ministres avant son examen par le Parlement.
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, allez-vous demander au Président de la République de rétablir le fonctionnement normal du conseil des ministres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur Bas, je dois vous avouer que je n’avais pas imaginé, en pleine crise sanitaire, avoir à répondre à ce type de questionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations indignées sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les institutions, ce n’est pas accessoire !
M. Jean Castex, Premier ministre. Néanmoins, je vais tenter de m’y employer.
Dans le respect ou, plutôt, dans la perspective du respect des normes sanitaires, le nombre de membres du Gouvernement assistant « en présentiel », comme on dit, au conseil des ministres a en effet été limité depuis le début de la crise. Il s’agit de mettre en œuvre une exigence qui s’applique à toutes les réunions dans la sphère administrative, et au-delà.
Mme Laurence Rossignol. La preuve dans cet hémicycle, aujourd’hui ! (Marques d’approbation sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Le conseil des ministres, vous le savez, est un organe collégial, dont les modalités d’organisation ne sont pas définies par les textes.
Vous l’avez rappelé, la seule exigence posée par la Constitution vise à assurer que ce conseil est bien en mesure d’exercer les attributions que notre loi fondamentale lui confie, à savoir délibérer sur les projets de loi, conformément à l’article 39, délibérer sur les projets d’ordonnances, conformément à l’article 38, ainsi que sur certains projets de décret, conformément à l’article 13, et, enfin, pourvoir aux plus hauts emplois publics mentionnés à l’article 13.
La notion de délibération renvoie à la possibilité d’un échange de vues et de prises de parole des membres du conseil des ministres.
Pour considérer que le conseil des ministres a été valablement réuni, il convient donc d’examiner non pas s’il a donné lieu à une réunion physique de ses membres, mais si des modalités d’organisation lui ont effectivement permis de délibérer. J’en atteste, c’est bien ce qui se passe.
À cet effet, il est fait recours à un dispositif de visioconférence, porté par un système sécurisé de niveau confidentiel défense, conçu et opéré par l’État, qui permet une parfaite qualité et confidentialité des échanges.
M. Pierre Cuypers. Ce n’est pas possible à 100 % !
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous voilà, je l’espère, monsieur le sénateur, rassuré.
Nous connaissons tous ici vos grandes compétences juridiques, que je salue, et votre grande révérence pour la règle de droit. Néanmoins, voilà plus de vingt siècles, mesdames, messieurs les sénateurs, Cicéron attirait notre attention sur les excès de cette révérence : summum jus, summa injuria. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique, et en français ! (Sourires.)
M. Philippe Bas. J’apprécie, monsieur le Premier ministre, que vous vous soyez donné la peine de me répondre personnellement.
Toutefois, je voudrais vous dire, avec la plus grande solennité, que l’argument sanitaire ne tient pas.
M. Julien Bargeton. Mais si !
M. Philippe Bas. D’ailleurs, vous ne seriez pas ici pour nous répondre si nous appliquions la même règle que celle que vous prétendez voir s’imposer pour le conseil des ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Pourtant, votre sécurité sanitaire, comme celle des membres du Gouvernement, est assurée aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
L’Élysée dispose à l’évidence de salles qui ont la dimension nécessaire pour assurer la sécurité sanitaire des ministres. Vous ne devez plus prendre le risque de dégrader, voire de dénaturer, les conditions de délibération et d’adoption des textes et des nominations en conseil des ministres. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation en birmanie
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
« La liberté des autres étend la mienne à l’infini. » En Birmanie, Aung San Suu Kyi est sous le coup de nouvelles poursuites pénales. Depuis le coup d’État qui l’a chassée du pouvoir le 1er février dernier, la situation ne cesse de se dégrader. Plus de 700 civils ont été tués par une junte mortifère et de plus en plus organisée.
Un culte impressionnant de la personnalité se renforce autour du chef, avec des défilés militaires dignes des plus grands régimes autoritaires, ce qui conforte l’armée dans son action et fait croître la répression sanglante des manifestations.
Désormais, les militaires n’hésitent plus à tuer jeunes ou moins jeunes, pacifistes ou militants. Ces hommes et ces femmes qui luttent héroïquement pour leur liberté sont abattus par des snipers, preuve de plus, s’il en fallait, de cette répression criminelle et intolérable.
Ce week-end encore, 82 personnes ont perdu la vie. L’ambassadrice de l’ONU, venue spécialement, n’a pas été autorisée à entrer dans le pays. La communauté internationale peine une nouvelle fois à s’affirmer, en raison des vétos russes et chinois.
Aung San Suu Kyi est détenue dans un lieu tenu secret. Six chefs d’accusation sont retenus contre elle, dont celui de corruption, qui pourrait l’empêcher d’exercer toute fonction politique.
Monsieur le ministre, face à ce silence total et assourdissant, la France, pays des droits de l’homme, ne peut pas rester sans rien dire. La non-reconnaissance de la junte par l’État français n’est plus suffisante. L’Union européenne doit aussi s’imposer et répondre d’une seule voix.
Les vétos de l’ONU ne sont pas des raisons acceptables pour laisser de tels crimes impunis ; nous devons agir.
Quelles sanctions allez-vous prendre pour enrayer la tragédie endurée par les Birmans, désespérément seuls face à leurs tortionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.