Mme le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir ». Alors que nous fêtions hier les quarante ans de l’accession au pouvoir de François Mitterrand, cette phrase que je lui emprunte nous rappelle l’impérieuse nécessité de penser le futur afin de nous garantir un avenir.
La pandémie nous montre cruellement que, dans ce monde globalisé, personne ne sera en sécurité tant que tout le monde ne le sera pas collectivement.
En matière d’aide publique au développement, la maxime de notre action doit être l’intérêt commun. Nous déplorons le manque d’ambition de la trajectoire financière proposée dans ce texte.
Refuser de respecter l’engagement pris en 1970 de consacrer à l’aide publique au développement 0,7 % du revenu national brut nous paraît complètement anachronique, voire hors sol. Nous libérons 300 milliards d’euros dans un plan de relance sur un an et nous serions incapables de libérer 524 millions d’euros supplémentaires sur cinq ans ? Ce refus est inaudible et inacceptable au regard des politiques monétaires actuellement menées en Europe.
Depuis le début de l’année 2021, le montant total des interventions de la Banque centrale européenne, la BCE, s’élève à 7 000 milliards d’euros. Force est de constater que les robinets sont grands ouverts, mais coulent dans le même évier.
En commençant en 2020 et en s’arrêtant en 2022, cette loi de programmation n’a de programmatique que le nom. Quand on pense des politiques d’aide au développement, il est impérieux de les inscrire dans la durée, car ce sont des projets non pas de court terme, mais de long terme, et les pays avec lesquels nous travaillons doivent pouvoir les anticiper.
Le FMI estime que les épidémies ont un effet pacificateur à court terme, car elles renforcent la cohésion sociale et la solidarité, qui sont des éléments propres à tout événement catastrophique.
En ce sens, la politisation extrême de la pandémie est un élément incontournable des relations internationales depuis un an, bien alimentée par la rivalité sino-américaine qui n’est même plus voilée. Dans ce contexte, chaque pays tient à répondre présent, la Chine par le biais des masques, l’Allemagne par celui des respirateurs. Chaque superpuissance tente d’asseoir son « messinat » – cette alliance du messie et du mécénat.
Diplomatie transactionnelle ou intéressée, chacun appréciera. Il n’en demeure pas moins que la France doit pouvoir répondre présente dans les grands défis qui attendent notre monde.
Prenons un exemple concret d’une solidarité qui se veut réellement ambitieuse. Le programme Covax prévoit la livraison de plus de 2 milliards de doses de vaccins, d’ici à la fin de l’année, à destination de l’Afrique. Ce programme constitue à lui seul le meilleur antidote au nationalisme vaccinal. Cette mondialisation-là a du sens ; on n’a pas tous les jours l’occasion de s’en réjouir.
Aristote disait : « Réfléchis avec lenteur, mais exécute rapidement tes décisions ». Monsieur le ministre, je crois que nous avons assez réfléchi : le monde nous regarde, il est temps désormais d’agir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, annoncé par le Président de la République en 2017, ce projet de loi a été plusieurs fois reporté. Même s’il intervient très tard, nous avons de bonnes raisons d’y être attentifs.
Premièrement, l’article 15 de la loi de 2014 prévoyait une révision cinq ans après sa promulgation. Nous saluons le respect de cette loi, d’autant que cela ne va pas de soi pour d’autres textes de programmation.
Deuxièmement, les volumes financiers consacrés à l’APD augmentent. On ne saurait imaginer qu’une hausse de 36 % sur cinq ans ne s’accompagne pas d’une véritable politique d’évaluation et de contrôle, alors même que la France et ses citoyens doivent supporter les graves conséquences économiques de la crise sanitaire.
Troisièmement, le domaine de l’APD connaît une révolution sur le fond et sur la forme. Aussi, la France, en tant qu’acteur traditionnel, doit s’adapter à un contexte évolutif pour se maintenir dans les premiers rangs des pays pourvoyeurs d’aide publique au développement. Il serait dommageable que ce projet de loi devienne un catalogue de bonnes intentions, une transposition de normes idéologiques inadaptées à la réalité du terrain et aux besoins des bénéficiaires de l’APD française.
Cette politique ne saurait être la projection de préoccupations propres à la société française et occidentale sur d’autres populations, dont les besoins sociétaux et les modes d’organisation divergent des nôtres.
L’aide publique au développement est autant un vecteur de sécurité globale qu’un outil d’influence internationale et diplomatique. Même s’il s’agit de soft power, c’est un nouvel espace de compétition entre les puissances. Rappelons que l’attractivité de l’APD tient autant à son universalisme qu’a son pragmatisme.
J’en arrive aux objectifs de notre politique d’APD. Les rapporteurs, que je remercie de leurs travaux, ont souhaité, à juste titre, les clarifier et les hiérarchiser autour de trois thématiques : tout d’abord, l’éradication de la pauvreté et l’accès aux services essentiels ; ensuite, la protection des biens publics mondiaux dont celle de la planète ; enfin, la promotion des droits humains et le renforcement de l’État de droit et de la démocratie.
Ce dernier principe a toute son importance, car il s’inscrit en cohérence avec l’approche des 3D, à savoir « diplomatie, défense et développement ». Comme le rappelait à l’instant le président Cambon, cela vient en complémentarité des missions de nos militaires en OPEX, notamment au Sahel. Pallier les difficultés des États et renforcer les structures de gouvernances sont des priorités. Nous avons, ici même, débattu des limites de l’opération Barkhane.
L’autre point clé du projet de loi qui mérite notre attention est la trajectoire financière. Monsieur le ministre, nous saluons votre démarche, mais nous regrettons, comme d’autres, que votre horizon s’arrête à 2022. Ce choix est surprenant, parce que, pour d’autres domaines, comme celui de la recherche, le Gouvernement propose une loi de programmation qui s’étend jusqu’à 2030.
Nous partageons l’approche de la commission des affaires étrangères, qui ne se contente pas d’une vision quantitative fondée sur le volume de crédits, mais qui prône une approche qualitative reposant sur un rééquilibrage entre dons et prêts et entre multilatéral et bilatéral. Ainsi, fixer un seuil minimum pour les dons à 65 % et un maintien de la part d’aide bilatérale à 70 % nous paraît tout à fait juste.
Par ailleurs, cette proposition de ventilation en faveur des dons permettra une meilleure visibilité, une meilleure traçabilité, voire une plus grande sécurisation de l’aide française, me semble-t-il.
Les prises de participations de l’AFD au sein de banques étrangères de développement ne sauraient incarner la politique française d’aide au développement.
En ce qui concerne le fonctionnement à venir de l’Agence française de développement, dorénavant autorisée à détenir tout ou partie du capital d’Expertise France, notre groupe souhaite rappeler que, si les objectifs de cette réforme structurelle sont d’achever la création d’une véritable holding de développement et de créer des synergies entre les deux opérateurs, la priorité des priorités reste le renforcement du pilotage stratégique.
Dans cette perspective, nous approuvons pleinement l’article 9 mettant en place la commission de contrôle et d’évaluation indépendante.
Nous espérons que le premier axe de travail de la future commission sera d’examiner attentivement le projet immobilier baptisé « Réconciliation », dont le montant avoisine les 836 millions d’euros. En outre, il sera primordial de veiller à la préservation de l’identité et des missions d’Expertise France au sein du groupe.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera ce projet de loi, afin d’amorcer une réforme de l’APD, laquelle ne doit être qu’une première étape vers une tradition de transparence.
C’est un effort important, une générosité qui fait honneur à notre pays, mais qui impose de mettre en place, sans plus attendre, un meilleur contrôle et une plus grande transparence des politiques d’aide au développement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS MONDIALES ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
Article 1er A
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectifs, en cohérence avec les autres politiques publiques de la France :
1° L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition, l’action en matière d’éducation et de santé ;
2° La promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie ;
3° La protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète.
Dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, cette politique a pour objectif transversal la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons. La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est un pilier de la politique étrangère de la France et contribue à construire et à assurer la paix et la sécurité, en complément de son action diplomatique et militaire.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales est fondée sur un dialogue politique global et régulièrement évalué avec les pays partenaires, auxquels sont associés les représentants des sociétés civiles dans toute leur diversité, dont les jeunesses. Elle veille à s’aligner sur les stratégies de développement des pays partenaires et à répondre aux besoins des populations. Elle veille également à intervenir de manière complémentaire, et non concurrente, avec les autres bailleurs internationaux.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales veille à assurer, lorsque cela est possible, la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. Elle s’engage à ce que les actions menées sur financement de son aide publique au développement puissent être mises en œuvre dans le respect du principe de non-discrimination de l’attribution de l’aide aux populations. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, et la préservation de l’espace humanitaire, qui constitue l’une des conditions majeures de cette action, s’inscrivent pleinement dans la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, selon des principes et modes d’action conformes au droit international humanitaire.
La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits humains et de droit international humanitaire. Elle s’inscrit dans le cadre multilatéral que s’est fixé la communauté internationale avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies, l’accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, le cadre stratégique mondial pour la biodiversité 2011-2020 et ses objectifs dits « d’Aichi », et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement approuvé le 27 juillet 2015, ainsi que dans le cadre européen en participant aux objectifs de la politique européenne de développement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 184, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
, en cohérence avec les autres politiques publiques de la France
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’État assure la cohérence entre les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans la réalisation des Objectifs de Développement Durable dans les pays partenaires, en particulier les politiques sociale, éducative et culturelle, agricole et alimentaire, commerciale, fiscale, migratoire, de sécurité et de défense, de recherche et d’innovation et d’appui aux investissements à l’étranger.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. L’objectif de cet amendement est d’inscrire dans le corps de la loi la nécessité d’une mise en cohérence de toutes les politiques publiques avec les objectifs de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, afin qu’elles contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable, les ODD.
Ce principe de cohérence était un acquis important de la loi du 7 juillet 2014, qui disposait qu’« une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement ».
Nous regrettons que la version actuelle de l’article 1er A ne fasse qu’une allusion à ce principe de cohérence, sans spécifier ni le rôle de l’État quant à cette cohérence, ni les politiques ciblées par cette dernière, ni son lien avec les objectifs du développement durable. La formulation que nous proposons, fondée sur celle du centre pluridisciplinaire de gestion, permet donc de rappeler deux éléments.
Tout d’abord, il ne s’agit pas, comme pourrait le laisser penser la rédaction de la commission, d’aligner la politique de développement de la France sur ses autres politiques publiques, mais bien de faire en sorte que toutes ces dernières, notamment les politiques agricole, alimentaire, commerciale, fiscale, de sécurité et de défense et d’appui aux investissements étrangers concourent à la réalisation des objectifs de développement durable.
En outre, cette formulation permet de rappeler que cette cohérence est, à ce jour, un objectif que la France doit atteindre, et non une composante automatique de sa politique d’aide publique, comme l’implique l’actuelle version du texte.
Cette nécessité de cohérence doit faire l’objet d’un engagement clair de la France, alors que les manquements de la politique française de développement ont, en 2018, été pointés du doigt par l’OCDE lors de sa revue par les pairs.
L’OCDE constatait qu’aucun dispositif ne permet de garantir la cohérence des politiques françaises au service du développement durable. Elle en concluait que « La France doit se doter d’un dispositif de gouvernance pour promouvoir la cohérence de ces politiques. Elle doit s’assurer que ses efforts soutiennent le développement durable de ses pays partenaires, notamment les pays prioritaires, au lieu de le freiner ».
Mme le président. L’amendement n° 123, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France veille à maintenir une cohérence entre sa politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales et ses autres politiques de coopération internationale. À cette fin, elle s’abstient de promouvoir des actes de coopération impliquant, notamment, l’abandon important de recettes fiscales pour les pays partenaires récipiendaires de l’aide publique au développement.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Comme le précédent, cet amendement vise un problème central de cohérence dans notre politique internationale.
D’un côté, ce projet de loi défend l’idée de favoriser le développement des pays, au premier rang desquels les moins avancés, notamment leurs services fiscaux et leurs entreprises.
Cet objectif est nécessaire pour assurer, à terme, l’autosuffisance de ces États, qui ne demandent que cela. À ce titre, l’alinéa 147 du cadre de partenariat global résume assez bien la situation : l’Afrique dispose d’une population en croissante augmentation et jeune et, si les conditions étaient réunies, elle pourrait s’affranchir des dépendances qu’elle subit aujourd’hui.
D’un autre côté, dans le cadre de sa stratégie commerciale internationale, la France vise l’objectif de favoriser la signature d’accords conduisant à la création de zones franches. Ces dernières, surtout développées en Asie au début des années 1980, avaient vocation à favoriser l’implantation de multinationales occidentales dans les pays dits « émergents ». Ces dernières y bénéficiaient de conditions avantageuses en matière de fiscalité et de rapatriement des profits, mais aussi d’une main-d’œuvre nombreuse.
Les habitants des pays en question devaient bénéficier, quant à eux, d’un travail rémunéré. Or, dès le départ, trois problèmes se posent avec cette orientation stratégique.
Premièrement, comme le notent les chercheurs Marta Menéndez, Jean-Marc Siroën et Aude Sztulman, ces implantations n’ont jamais servi à faire monter en compétences et qualifications les travailleurs et travailleuses de ces zones. Elles n’ont servi qu’à ajouter un échelon de division du travail par l’externalisation.
Deuxièmement, la multiplication des zones franches a freiné le développement des entreprises locales. En effet, ces dernières ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux et tarifaires, ce qui conduit à un simple transfert de la production.
Troisièmement, ces exemptions de taxes et de douanes, voire de changes, grèvent massivement la fiscalité des pays concernés, donc leur capacité d’investissement interne. Il y a clairement un manque de cohérence dans nos politiques extérieures, qu’il conviendra, un jour, de régler.
Les dispositions de cet amendement participent de cette volonté de clarification et d’harmonisation, allant dans le sens du narratif de ce projet de loi, à savoir renforcer les capacités de financement internes et de développement de l’activité économique des pays concernés.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Saury, rapporteur. Permettez-moi, tout d’abord, de dire un mot sur cet article 1er A, voulu par l’Assemblée nationale.
C’est un article important, qui permet d’ajouter les grandes orientations, de tracer les grandes lignes et d’introduire le texte. Par définition, il doit aller à l’essentiel et être succinct.
Aussi, durant la discussion de l’article 1er A, Rachid Temal et moi-même serons amenés à prendre, au nom de la commission, une position défavorable à la plupart des amendements déposés sur cet article.
En l’occurrence, s’agissant de l’amendement n° 184, le texte comprend déjà des références précises au principe de cohérence des politiques publiques, dans l’article 1er A lui-même, ainsi qu’à l’article 2 et, de manière très détaillée, à partir de l’alinéa 30 du rapport annexé. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier ce dispositif déjà très complet.
Quant à l’amendement n° 123, le principe de cohérence des politiques publiques qu’il vise à défendre fait déjà l’objet de nombreuses dispositions au présent article, ainsi qu’à l’article 2 et au rapport annexé.
La commission a donc émis un avis défavorable sur chacun de ces deux amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je rejoins les propos du rapporteur concernant le sens de l’article 1er A, voulu par les députés, à juste titre, afin de définir les grands objectifs de la politique de développement en matière d’éradication de la pauvreté, de lutte contre les inégalités, de promotion des droits humains et de protection des biens publiquement mondiaux.
Je pense donc qu’il ne faut pas surcharger cet article par des principes fixant de grandes normes. En le surchargeant, on le rendrait d’autant plus illisible qu’un rapport annuel suivi d’un débat est prévu par l’article 2.
Dans ce rapport, le Gouvernement s’engage sur la cohérence des politiques publiques liées à la politique de développement. La demande formulée par M. Gontard trouve donc là sa réponse.
Concernant la demande de Mme Gréaume, dans le cadre du partenariat global, l’alinéa 27 répond à sa question. Dans le cas contraire, on ferait de cet article 1er A un texte absolument illisible, dans la lignée de toutes les propositions qui sont formulées dans le cadre du partenariat global ou dans les différents articles. Il me semble nécessaire que l’article 1er A comprenne seulement l’essentiel de la politique de développement.
Je ne reprendrai pas la parole sur les autres amendements visant les mêmes dispositifs et les mêmes interrogations. On ne peut pas, dans cet article 1er A, reprendre toutes les conventions internationales que nous avons signées, car, dans ce cas, nous ferions un dictionnaire, ce qui n’est pas le but de l’opération, même si je conçois que les uns et les autres veuillent s’exprimer sur le sujet.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un besoin de nous exprimer ni d’une volonté de surcharger l’article 1er A. Nous souhaitons simplement le réécrire plus directement et insister sur la mise en cohérence de toutes ces politiques de développement.
En somme, le but est d’apporter plus de lisibilité et de cohérence au texte.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. En ce qui concerne ces amendements, en particulier celui que nous avons déposé, j’entends l’argument consistant à dire qu’il ne faut pas surcharger l’article 1er A.
Toutefois, d’une certaine manière, puisqu’il est question de l’essentiel des objectifs, il s’agit manifestement d’un débat sur les priorités. Nous considérons en effet qu’éviter les projets qui encouragent l’abandon de recettes fiscales pour les pays concernés fait partie des questions centrales de la réorientation de notre aide publique au développement.
Je le redis, s’agissant des recettes fiscales, nous proposons, tout au long du texte, une série d’amendements que, malheureusement, la commission n’a pas acceptés dans leur ensemble. Le débat ne porte pas sur le fait de surcharger ou non l’article 1er A ; il traduit plutôt une difficulté à affirmer avec plus de force cet objectif dans le texte.
J’espère donc que les autres amendements que nous avons déposés sur ce thème se verront réserver un autre sort.
Mme le président. Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° L’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions et la lutte contre les inégalités ;
2° La protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète, le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation ;
3° La promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vient d’être évoqué par le rapporteur. Nous avons essayé de recentrer les objectifs développés à l’article 1er A en trois alinéas très courts. D’une ligne chacun, ils visent à remplacer, à mon avis de façon utile, deux alinéas assez lourds et généraux.
L’objet de cet amendement est d’intervertir les alinéas 2 et 3 du triptyque des objectifs globaux de la politique de développement solidaire. On partirait du plus général, à savoir l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions et la lutte contre les inégalités, pour faire figurer ensuite la protection des biens publics mondiaux et, enfin, la protection des droits des droits humains.
Cela correspond, d’ailleurs, à la définition que donne l’ONU des biens publics mondiaux. Cette disposition correspond donc à l’approche des rapporteurs, me semble-t-il.
Mme le président. L’amendement n° 202, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
inégalités
insérer les mots :
, la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent, la lutte contre le travail forcé et en particulier celui des enfants
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, parler du développement sans aborder la dimension sociale nous paraît tout de même problématique.
Les rapporteurs ont choisi de recentrer le préambule autour des objectifs clés de la politique de développement, mais il reste silencieux sur le respect et la promotion des engagements internationaux de la France en matière de protection sociale, alors que la précédente loi de 2014 consacrée au développement et à la solidarité internationale en faisait mention.
Ne pas évoquer ce sujet nous semble marquer un recul important, ne serait-ce qu’en matière de développement durable.
Mme le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, l’action en matière d’éducation et de santé
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est en partie rédactionnel. Il vise à suivre la définition de l’ONU des biens publics mondiaux et, ainsi, à citer « le climat, la biodiversité, la santé et l’éducation », qui sont retenus par les Nations unies.