M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Madame la ministre, j’attire votre attention sur le fait qu’il faut absolument répondre à toutes les demandes qui vous seront faites. C’est légitime, c’est juste, et nous le devons aux soignants qui se sont engagés très fortement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
revalorisation des salaires des personnels des secteurs médicaux et médico-sociaux
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
« On a beaucoup parlé du Ségur de la santé, mais nous en sommes les grands oubliés. » Ces propos, madame la ministre, ne sont pas les miens, mais ceux de Virginie, employée de la maison d’accueil spécialisée à Arrens-Marsous, dans les Hautes-Pyrénées. Ils font écho à une situation qu’on pensait suffisamment mise en lumière lors de cette crise du covid, mais qui hélas perdure ! Je parle, bien entendu, de la non-prise en compte de la revalorisation des salaires des soignants qui ne relèvent ni de la fonction publique hospitalière ni du secteur public.
Il reste encore des oubliés du Ségur, malgré les récentes avancées, et vous connaissez leurs revendications, madame la ministre.
Elles portent tout d’abord sur la prime covid et l’incompréhension que créent les différences de situation : selon les établissements, on peut avoir droit à 183 euros supplémentaires ou ne rien recevoir, notamment lorsqu’on exerce dans des maisons d’accueil spécialisées ou dans des établissements d’accueil médicalisé associatifs et privés.
Elles portent aussi sur la question de la revalorisation salariale d’une profession souvent précaire, où l’on travaille à temps partiel et où l’on est rarement rémunéré au-dessus de 900 euros.
Plus qu’une hausse de la rémunération, c’est un statut qui est attendu. La demande de formation des personnels est également forte, dans un domaine où les crises de vocations dues aux conditions de travail ou à la concurrence des hôpitaux viennent peu à peu vider les établissements de leurs soignants.
M. le ministre de la santé, le 27 janvier dernier, répondait en ces termes à ma collègue Guylène Pantel : « Nous garantirons une hausse des revenus à toute cette catégorie de personnes qui, de façon un peu aberrante effectivement, comme vous l’avez dit, n’ont pas bénéficié des revalorisations décidées dans le cadre du Ségur de la santé, mais qui travaillent aujourd’hui aux côtés des soignants qui en ont, eux, profité. Ce n’est qu’une question de temps, et ce temps sera très court, madame la sénatrice, je peux vous l’assurer. » Tels étaient ses propos.
Même si des efforts ont été accomplis pour le secteur médico-social public, il reste encore des personnes qui exercent les mêmes métiers, dans les mêmes conditions difficiles, et qui restent sur le bord du chemin. Aussi, ma question est simple : quelle réponse pouvez-vous leur apporter ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Maryse Carrère, durement éprouvés durant cette crise, nos soignants ainsi que les salariés du « prendre soin » dans le secteur médico-social – pour adopter une dénomination plus large – ont bénéficié d’une reconnaissance forte après des années d’invisibilité.
Tout d’abord, les accords du Ségur de la santé, signés le 13 juillet 2020, ont acté, comme vous l’avez rappelé, une hausse de la rémunération des personnels des établissements hospitaliers et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cette augmentation de salaire est de 183 euros par mois au sein des Ehpad publics et privés associatifs, et de 160 euros par mois pour le secteur privé commercial. Elle est intégralement prise en charge, financièrement, par les pouvoirs publics.
Le Premier ministre a demandé à Michel Laforcade, l’ancien directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, d’ouvrir des discussions pour étudier dans quelles conditions étendre le Ségur aux autres salariés du secteur médico-social que vous évoquez. Celles-ci sont en bonne voie.
Par ailleurs, j’ai moi-même ouvert la porte pour que les aides à domicile intervenant chez les personnes âgées et handicapées de la branche d’aide à domicile bénéficient, à partir du 1er octobre 2021, d’une augmentation salariale de 13 % à 15 %.
Ces hausses représentent un montant de 300 millions d’euros par an supporté par les départements – l’État prendra à sa charge 50 % du budget annuel, 70 % sur les trois derniers mois de 2021. Elles ont été permises par les enveloppes budgétaires établies dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, voté par vos soins.
Je précise aussi, la question m’ayant été posée, que les primes dont il est question ici seront exonérées de charges sociales et non imposables.
Enfin, les salariés du secteur médico-social ont tous pu bénéficier d’une prime covid, y compris dans les cas où le département est financeur, grâce à une aide exceptionnelle de l’État décidée cet été par le Premier ministre, sur ma proposition, pour un montant de 80 millions d’euros.
Au-delà de l’attractivité salariale, le Gouvernement souhaite également modifier l’image de ces métiers et lancera, pour cela, une campagne de communication.
Attractivité, mobilité… : nous entendons donc travailler à la revalorisation et la reconnaissance réelle de ces métiers.
financement du second accompagnant d’un enfant corse hospitalisé sur le continent
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
En mai 2019, son prédécesseur, Agnès Buzyn, promettait la prise en charge du deuxième accompagnant de tout enfant malade devant se déplacer sur le continent comme prestation légale.
En novembre 2019, Josiane Chevalier, alors préfète de la Corse, confirmait cette intention, en annonçant la signature d’un décret au 1er janvier 2020.
Consacrant cet engagement suprême, c’est en septembre de la même année que le Président de la République confirmait à son tour qu’une mesure entrerait en vigueur avant la fin du mois pour sanctuariser ce financement hors fonds d’action sociale.
Voilà deux ans que votre Gouvernement a fait naître dans le cœur des enfants malades l’espoir de pouvoir bénéficier du droit à être accompagnés par leurs deux parents dans le difficile et courageux combat qu’ils mènent pour la vie.
Deux ans de promesses faites aux associations, qui vaillamment portent la voix et la détresse de ces familles, pour mettre fin à une injustice connue et reconnue par votre Gouvernement.
Deux ans au cours desquels vous allez de promesses en reculades, sans qu’une solution de financement pérenne soit aujourd’hui apportée.
En attendant la parution de ce décret, promis maintes fois, mais toujours reporté, les frais de déplacement sont aujourd’hui pris en charge par un dispositif d’action sociale extra-légal temporaire des caisses primaires d’assurance maladie et de la Mutualité sociale agricole, obligeant les parents à avancer les frais de déplacement. Pour ceux qui relèvent d’autres caisses, c’est la collectivité de Corse qui assure la prise en charge. Ce palliatif est fragile et nous ne pouvons nous en satisfaire à long terme.
Plus récemment, la surprise et l’indignation sont venues mettre un terme à l’attente patiente, témoignant de la confiance qu’elles avaient placée en vous, des familles insulaires. Celles-ci ont effectivement appris, par la voix du cabinet de la ministre Jacqueline Gourault, qu’aucun décret n’avait été promis, trahissant par là même la parole de l’État.
Ma question sera donc simple, et la réponse que le Gouvernement apportera n’ira pas au parlementaire que je suis, mais s’adressera aux enfants malades et hospitalisés qui attendent que l’État honore sa parole et tienne ses promesses. Peut-il nous confirmer, comme le ministre des solidarités et de la santé l’a déjà fait le 6 octobre 2020 devant l’Assemblée nationale, que ce décret sera prochainement publié ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, puisqu’il semble que, désormais, les ministres se distribuent la parole. (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je vous en remercie, monsieur le président.
M. le président. Vous savez que nous avons toutes les tendresses pour vous, madame la ministre ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Christian Cambon. Quel séducteur !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur Paul Toussaint Parigi, connaissant très bien ce dossier, je vais me permettre d’apporter certaines précisions.
Alors que j’étais ministre auprès du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, j’ai moi-même fait en sorte que l’association que vous évoquez soit déclarée d’utilité publique.
Par ailleurs, quand un enfant malade en Corse a besoin de se faire hospitaliser sur le continent, au motif que la réponse médicale est trop spécialisée et n’existe pas sur place, l’accompagnement prévu jusqu’à présent était limité à une personne. Nous l’avons fait passer à deux personnes – en règle générale, il s’agit du couple, le père et la mère. Aujourd’hui, cet accompagnement par une deuxième personne est possible.
Je n’ai pas les chiffres exacts en tête, mais je pourrai vous les envoyer, monsieur le sénateur. Il me semble que 253 enfants et leur famille, environ, ont à ce jour bénéficié du dispositif, qui relève de l’agence régionale de la santé et qui est opérationnel. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour le pérenniser. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
place de la défense dans les plans de relance français et européen
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
M. Daniel Chasseing. Comme nous le voyons, la pandémie de covid-19 a des conséquences économiques très graves. L’Union européenne met actuellement en œuvre des plans de relance pour y faire face. Nous devons nous en féliciter, d’abord parce que c’est la première fois que l’Union s’endette au profit de ses membres, ensuite parce que le montant de 750 milliards d’euros mis en jeu n’est pas négligeable.
Toutefois, nous pouvons regretter que ce plan n’apporte aucun soutien à l’industrie européenne de défense. Il s’agit pourtant de l’un des secteurs essentiels à l’Union européenne.
De nombreuses menaces pèsent sur notre continent. Sans industrie forte, l’autonomie stratégique est en péril, tout comme la sécurité de l’Union.
Non seulement le plan de relance européen ne prévoit rien pour cette industrie, mais il a en plus été obtenu au prix d’une diminution du Fonds européen de défense, lequel passe de 13 milliards à 7 milliards d’euros pour les sept prochaines années, alors que de nombreux États dans le monde augmentent leur budget de défense.
La crise de la covid-19 a ainsi souligné la nécessité de mettre en place une autre souveraineté : les Européens doivent prévoir d’assurer eux-mêmes leur défense.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles sont les actions que l’Union européenne envisage au sujet de la défense européenne ?
Par ailleurs, dans le cadre de son budget, la France doit travailler sans attendre à développer ses capacités stratégiques. Des mesures de soutien en faveur de l’industrie de la défense et de l’armement sont-elles prévues dans le plan de relance français ? Si un deuxième plan de relance devait se mettre en place, quelle en serait l’étendue et quelles mesures seraient envisagées au bénéfice de cette industrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Votre question est importante, monsieur le sénateur Chasseing, puisqu’elle concerne les investissements à venir dans le secteur de la défense au regard de notre souveraineté, nationale comme européenne.
La loi de programmation militaire française, d’abord, est un plan de relance à elle seule ! Et, dans notre pays, cette loi est respectée. Ne serait-ce qu’en 2021, un peu plus de 22 milliards d’euros de crédits – soit une croissance de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2020 – seront consacrés aux équipements, notamment aux industries de défense.
Je rappelle que les crédits non consommés en 2020, en raison de la crise du covid-19, ont tous été réinjectés dans un plan de rebond pour soutenir la base industrielle et technologique de défense (BITD) et les PME et PMI fragilisées.
Je rappelle aussi que certaines anticipations de commandes ont été réalisées dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique, à hauteur de 600 millions d’euros pour le ministère des armées.
Le plan de relance français est donc important en matière de défense, et l’on ne peut pas dire qu’il n’y a rien, non plus, au niveau européen.
Le 29 avril, pour la première fois, un Fonds de défense européen a été voté pour un montant de 8 milliards d’euros. C’est une première ! Entre 2021 et 2027, ce fonds profitera, pour un tiers, à la recherche et, pour deux tiers, au développement des capacités. Il viendra, bien sûr, renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne et contribuera à la souveraineté de l’Union européenne, que nous appelons tous de nos vœux.
C’est un premier pas important que ce vote du 29 avril dernier – nous pouvons le saluer – et c’est bien évidemment une décision qui profitera aux entreprises françaises du secteur. (M. François Patriat et M. Ludovic Haye applaudissent.)
violences conjugales
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le 4 mai dernier, une femme est morte sous les coups de son conjoint. Il a tiré dans ses jambes avant de l’immoler par le feu alors qu’elle était encore en vie. Cette femme s’appelait Chahinez Boutaa et elle avait trois enfants.
Monsieur le Premier ministre, rien n’a été fait pour protéger cette femme, alors que tous les voyants étaient au rouge. Son mari avait été condamné à plusieurs reprises. Il possédait une arme. Alors qu’il était sorti de prison en décembre 2020, sa femme avait de nouveau porté plainte en mars dernier. Malgré cela, Mme Boutaa n’avait pas de téléphone grave danger, son conjoint n’avait pas de bracelet anti-rapprochement et personne n’avait saisi son arme.
En résumé, monsieur le Premier ministre, aucune des mesures que vous avez prises à la suite du Grenelle des violences conjugales n’a été mise en place pour cette femme.
La mission d’inspection a rendu ses premières conclusions ce matin. Elle évoque une série de défaillances et de dysfonctionnements. On croirait entendre l’annonce en gare d’un retard de train !
M. Michel Savin. Scandaleux !
Mme Laurence Garnier. Monsieur le Premier ministre, tous les meurtres de femme ne peuvent pas être évités ; celui-là aurait dû l’être, si vous vous étiez donné les moyens d’appliquer des lois que vous avez vous-même votées. Ma question est donc simple : n’avez-vous pas honte d’une telle inefficacité de votre politique ? (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, SER, GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Plusieurs sénateurs Les Républicains. Le candidat !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Ce qui parfois me fait honte, c’est l’exploitation… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est l’exploitation cynique et obscène d’une situation que nous avons tous à déplorer avec beaucoup d’émotion ! (Les sénateurs des groupes Les Républicains, SER et CRCE protestent et martèlent leur pupitre.) Nous avons fait bien plus que vous depuis des années ! (Le brouhaha persistant couvre la voix de l’orateur.)
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, j’ai appelé tout le monde au respect en début de séance ; merci de bien vouloir répondre de manière respectueuse à l’auteur de la question ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs Les Républicains. Merci, monsieur le président !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne sais pas si demander au Premier ministre s’il a honte était particulièrement respectueux, et j’entends répondre sur ce même registre.
C’est nous qui, après le Grenelle des violences conjugales, avons mis en place le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger et l’ordonnance d’éloignement. Certains résultats positifs sont déjà à noter, même si, je répète ici ce que j’ai déjà dit, il n’y a bien sûr pas matière à faire du triomphalisme en ce domaine. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Un crime, en particulier perpétré dans ces conditions, est un crime de trop !
Oui, il y a eu des dysfonctionnements ! Vous savez parfaitement quels sont les effectifs de policiers et de magistrats. J’ai été le premier à dire que les bracelets anti-rapprochement ne devaient pas rester dans les tiroirs ; le ministère de la justice – M. le Premier ministre n’a aucune raison d’endosser cela – en a fait circuler en nombre suffisant, mais ils ne sont pas distribués, et ce n’est pas de son fait ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Responsable, mais pas coupable !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le ministre de l’intérieur, Marlène Schiappa et moi-même avons diligenté une inspection sur le cas que vous évoquez, inspection dont le premier rapport d’étape vient d’être rendu. Nous avons dit, les uns et les autres, que nous n’aurons pas la main qui tremble si les dysfonctionnements sont avérés.
Nous n’avons pas à avoir honte d’avoir fait ce que vous n’avez jamais fait ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michel Dagbert. Les départements sont les chevilles ouvrières des solidarités : solidarités territoriales, mais aussi solidarités humaines.
Si elles revendiquent régulièrement une meilleure prise en compte du reste à charge des AIS (allocations individuelles de solidarité), pour lesquelles l’Assemblée des départements de France (ADF) a engagé des négociations avec le Gouvernement, ces collectivités territoriales assurent et assument pleinement leurs missions.
Comme le rappellent à juste titre nombre de leurs présidents et comme l’a démontré la crise sanitaire, les départements ne font pas de bruit, mais ils font le boulot !
C’est le cas pour la mise à l’abri et la protection des mineurs non accompagnés (MNA), puisque la compensation par l’État reste conditionnée à la signature d’une convention pour l’appui à l’évaluation de la minorité (AEM).
Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer ces situations, dont la presse se fait l’écho, de jeunes ayant vu leur accompagnement cesser brutalement à l’âge de 18 ans révolus. Il est regrettable que la régularisation de ces jeunes, qui ont brillamment réussi leur parcours d’insertion et d’intégration, ne se fasse souvent qu’à la faveur d’une forte mobilisation de nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle une proposition de loi tendant à sécuriser l’intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) a été déposée par Jérôme Durain et plusieurs de nos collègues.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer votre position quant à la prise en charge effective par l’État de l’accueil d’urgence de ces jeunes, ainsi que sur les mesures qui pourraient être retenues, à destination des préfectures, afin d’assouplir la régularisation lorsque l’employeur atteste de la qualité professionnelle et de la parfaite intégration de ces jeunes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Comme vous le soulignez très justement, monsieur le sénateur Dagbert, la situation des mineurs non accompagnés est complexe, et leur nombre en augmentation. Cela est dû, notamment, à l’activité de filières de passeurs de « faux MNA », que le ministère de l’intérieur travaille à démanteler. Nous entendons ainsi permettre à l’État d’assurer la protection des mineurs qui ont besoin d’obtenir cette protection de la France et qui en ont le droit.
L’État a d’ores et déjà décidé de soutenir davantage les départements. Un accord a été conclu le 17 mai 2018 entre le Gouvernement et l’Assemblée des départements de France, avec un volet financier opérationnel.
Un financement exceptionnel à destination des départements a été prévu entre 2018 et 2019, et reconduit en 2020. Un nouveau traitement national de collecte des données à caractère personnel – le fichier AEM, que vous connaissez – a été mis en place pour contribuer à l’identification des étrangers qui se déclarent MNA. Enfin, plusieurs actions ont été engagées pour limiter les ruptures de droits au passage de la majorité.
Nous sécurisons donc la phase d’évaluation de la minorité pour que les vrais mineurs puissent faire l’objet d’un placement à l’ASE et nous proposons à ceux d’entre eux qui, placés à l’ASE, sont engagés dans un parcours d’insertion d’anticiper l’examen de leur droit au séjour à la majorité. Il s’agit, conformément à l’instruction du 21 septembre 2020, de permettre un engagement anticipé des démarches liées aux actes d’état civil.
À l’occasion de son déplacement dans le Pas-de-Calais en janvier 2018, le Président de la République a voulu renforcer ce dispositif par la mise en place additionnelle d’une prestation d’aide alimentaire, qui représente 1 800 repas distribués quotidiennement.
En 2021, l’État consacre 14,7 millions d’euros de crédits à la prise en charge humanitaire, soit 60 millions d’euros depuis 2017.
Enfin, s’agissant de l’accès à la nationalité lié au travail, j’ai demandé, par circulaire, que les travailleurs de la première ligne lors de la crise sanitaire du covid, qui ont manifesté leur engagement vis-à-vis de la République pendant cette période de pandémie, bénéficient de mesures plus rapides de naturalisation, indépendamment de leur âge et de la nature de leur travail. (M. François Patriat applaudit.)
réforme du corps préfectoral
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. « Ne soyez jamais les hommes de la Révolution mais les hommes du gouvernement […] et faites que la France date son bonheur de l’établissement des préfectures. » Ces mots sont ceux qu’adressa aux nouveaux préfets Napoléon Bonaparte, futur Napoléon Ier, dont le Président de la République commémorait, le 5 mai dernier, le bicentenaire de la mort. Deux cents ans plus tard, nous saluons toujours la création des préfectures, premier pas vers la déconcentration.
Pourtant, monsieur le Premier ministre, dès le lendemain de cette commémoration, vous annonciez devant l’ensemble des préfets et sous-préfets la fin de ce corps d’État.
Cette fonctionnalisation des préfets est incompréhensible.
Elle est incompréhensible, car elle déconstruit l’État et son autorité, une autorité plus que jamais essentielle en ces temps troublés par l’insécurité, la violence et les différentes crises que nous subissons.
Elle est incompréhensible, car elle rompt le lien de proximité entre l’État et les territoires, une proximité qui est la clé de voûte de l’action de l’État déconcentré – le couple préfet-maire a démontré toute son efficacité depuis le début de la crise sanitaire.
Représentants de l’État dans les territoires, les préfets ne sont pas de simples administrateurs. Ils sont le lien entre l’État et les élus locaux. Préfet est un métier ; on le devient grâce au corps préfectoral !
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Agnès Canayer. La loi 4D, tardive et timide, devra s’appuyer sur ce corps bicentenaire pour construire une nouvelle étape de la décentralisation. Car, sans déconcentration, il n’y aura ni différenciation, ni décomplexification, et encore moins de décentralisation !
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous affirmer, ici, au Sénat, que le corps préfectoral ne disparaîtra pas ? Pouvez-vous nous assurer que cette réforme n’ouvre pas la porte à l’arbitraire dans la fonction publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Je voudrais d’emblée vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a d’ailleurs rappelé Mme la sénatrice Canayer, que vous avez devant vous le Premier ministre qui a promu le couple maire-préfet à la faveur du premier déconfinement.
Vous avez devant vous un Premier ministre qui a eu l’immense honneur d’être secrétaire général de préfecture et sous-préfet d’arrondissement chef-lieu dans sa vie professionnelle – un vrai bonheur ! Je voudrais d’ailleurs dire au Sénat combien je m’associe à l’hommage rendu à l’occasion de cette question à l’administration préfectorale, sous-préfets et préfets, pour son action partout en France, depuis Napoléon sans doute, mais dans les temps actuels particulièrement, au service de la République face à la crise que nous connaissons, matin, midi, soir et nuit, sept jours sur sept et dans des conditions parfois extrêmement difficiles.
Dois-je rappeler à la Haute Assemblée que j’ai remis les préfets au cœur de la gestion de la crise sanitaire, avec les directeurs généraux des agences régionales de santé, comme vous l’avez constaté dans vos départements ?
Dois-je vous rappeler que mon Gouvernement a placé les préfets aux avant-postes d’un des axes essentiels de la politique de l’État pour le pays, à savoir la relance ? J’ai même créé, avec le soutien de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, de nouveaux postes de sous-préfets à la relance…
Je voudrais donc rappeler très solennellement devant vous, comme je l’ai d’ailleurs fait voilà quelques jours devant l’ensemble des préfets et sous-préfets – mais par visioconférence, crise sanitaire oblige –, que la réforme indispensable de la haute fonction publique que nous conduisons, loin de porter atteinte à ces éminentes et indispensables fonctions, vise au contraire, non seulement à les conforter, mais à en accroître l’attractivité.
D’une certaine manière, vous l’avez dit dans votre question, madame la sénatrice Canayer : ce que nous cherchons à valoriser au maximum, c’est la filière préfectorale. C’est le métier qu’il nous faut à tout prix conforter ! Si cela passait par des corps ou des statuts, voilà longtemps que cela se saurait ! (M. Pierre Laurent proteste.) Ce n’est pas là la marque d’une gestion des ressources humaines moderne et dynamique. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Nous allons donc revaloriser ce beau métier, cet indispensable métier, en relançant la déconcentration – je vous renvoie à la réponse que Mme Gourault vient de faire.
J’ai déjà pris une circulaire extrêmement importante pour renforcer les prérogatives des préfets et sous-préfets en matière de ressources humaines et de gestion budgétaire, tout en déconcentrant des crédits depuis Paris.
Dans la loi de finances pour 2021, texte examiné dans cette assemblée, l’essentiel des effectifs nets de l’État, hors éducation nationale, a été créé dans les échelons déconcentrés.
Nous allons évidemment instaurer une filière de la préfectorale, car celle-ci suppose expérience, parangonnage, compétences spécifiques. Ce n’est pas parce que, fidèles à l’ordonnance de 1945, nous allons redonner toute sa place à l’interministérialité de la haute fonction publique que nous allons nier la spécificité du métier préfectoral – ce sera même le contraire ! Nous allons renforcer ce métier.
Dans cette réforme, un objectif me tient particulièrement à cœur, au-delà de l’administration préfectorale. L’État déconcentré est trop éclaté, trop dilué… (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Nous devons le rassembler autour de l’autorité préfectorale.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’à l’heure actuelle, hors éducation nationale, 85 % des fonctionnaires de la République exercent leur activité dans les territoires et 92 % des hauts fonctionnaires à Paris. On ne peut pas fonctionner comme cela durablement !
Tous les élèves sortant du futur Institut du service public, successeur de l’École nationale d’administration (ENA), seront donc affectés dans leur premier poste sur des fonctions opérationnelles. Aucun ne rejoindra plus les fonctions de contrôle des grands corps de l’État ou des fonctions juridictionnelles. Priorité au terrain !
L’administration préfectorale, je vous le dis, sera restaurée dans son prestige – il est déjà immense – et renforcée dans ses attributions et dans le beau métier qu’elle représente. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)