Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, bien que centrée sur la prévention des usages dangereux du protoxyde d’azote, cette proposition de loi s’avère en fait générique et pourra s’appliquer à tout mésusage d’un produit de consommation courante pour la recherche d’effets psychoactifs.
Adoptée à l’unanimité par nos deux assemblées en première lecture, elle marque des avancées certaines quant à la prévention de cette conduite addictive qui a tendance à progresser, quelquefois parallèlement à la consommation d’autres produits, en raison de sa facilité d’accès, de son faible coût et de sa prétendue innocuité.
Ce phénomène inquiète les professionnels de santé, les pouvoirs publics et les élus locaux, d’autant qu’il touche un public de plus en plus jeune.
En 2018, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies nous alertait, car la consommation se banalisait, en parfaite méconnaissance des risques associés en matière de santé : effets immédiats, comme des pertes de connaissance, chutes ou asphyxies, et, en cas de consommation récurrente, des complications neurologiques ou des carences en vitamine B12.
Les élus et les associations observent la banalisation de cet usage récréatif, que révèle notamment la présence de déchets de capsules métalliques après des rencontres festives, des festivals et même des soirées d’étudiants en médecine à Lyon, Bordeaux ou Paris.
Il n’est pas rare de voir des « bars à proto », où les jeunes achètent directement des ballons, à côté de débits de boissons.
En février, le centre d’addictovigilance de Lyon et l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes appelaient à une nouvelle campagne de sensibilisation sur les risques encourus par les jeunes consommateurs, ayant constaté « la [récente] recrudescence, au niveau de la métropole lyonnaise, des signalements d’atteinte neurologique, ainsi que la présence visible de bonbonnes dans l’espace public ». Pour le centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues de Lyon, l’usage, installé depuis longtemps, est aujourd’hui plus fréquent. Originellement festif, il est devenu solitaire ou se fait en petit groupe, et les étudiants pris en charge étaient, pour la plupart, déjà consommateurs au lycée, voire au collège.
Cette situation appelait donc une régulation. Tel est l’objet de ce texte.
En encadrant la vente de ce gaz, y compris pour les publics majeurs, cette proposition de loi apporte une réponse aux élus locaux, démunis face à ce problème de santé publique. Il ne sera ainsi plus nécessaire que des maires prennent des arrêtés d’interdiction qui ne relevaient pas de leur compétence et qui, dès lors, ne pouvaient être efficaces.
Néanmoins, précisons que les interdictions ne font pas tout. Le texte, heureusement, ne s’y limite pas.
L’usage de ce produit n’est pas que ponctuel. Ainsi, chez certains s’est installée une véritable dépendance. D’ailleurs, la progression des signalements sanitaires durant la crise du covid-19 sonne comme une alerte sur une conduite devenue addictive pour une partie des usagers.
Pour ceux-là, il est essentiel de traiter la relation qu’ils entretiennent avec le produit, au-delà du produit lui-même, qui peut être remplacé par un substitut.
Notre action doit s’inscrire dans une politique ambitieuse de prévention et de réduction des risques, qui doit notamment prendre en compte les conséquences sur la santé mentale de la crise sanitaire.
Le Portugal, qui a décriminalisé en 2000 la consommation individuelle de toutes les drogues et privilégié l’accompagnement à la sanction, a obtenu des résultats concluants. Cette politique s’avère être un succès.
Les associations de terrain appellent à multiplier les solutions de prévention et d’accompagnement des consommateurs, avec notamment la mise en place de structures spécialisées et un suivi social renforcé. Aussi, nous saluons l’équilibre de ce texte, qui appuie sur la prévention et l’information, via l’étiquetage, et sur des actions de sensibilisation en milieu scolaire sur les risques de ces consommations. Néanmoins, nous resterons attentifs aux moyens accordés à la politique de prévention et de réduction des risques.
Considérant qu’il s’agit d’une réponse nécessaire et équilibrée à un problème de santé publique, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Valérie Létard et M. Bernard Jomier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’adresse un grand merci à Valérie Létard de s’être emparée de ce sujet essentiel. Beaucoup de choses ont déjà été dites et je risque d’être dans la répétition.
Le protoxyde d’azote est, à l’origine, un gaz à usage médical, utilisé pour ses propriétés analgésiques. Il sert également comme propulseur pour les siphons à chantilly. Ce produit bon marché est en vente libre sur internet et dans le commerce.
Cependant, le protoxyde d’azote, ou N2O, est surtout connu de nos jeunes comme le « proto », un gaz hilarant à effet euphorisant. Son usage détourné consiste à inhaler le gaz par le biais d’un ballon, après avoir « craqué » la cartouche pour l’ouvrir.
Malheureusement, cette consommation n’est pas sans risque : l’inhalation du protoxyde d’azote peut provoquer des brûlures, une asphyxie, voire une perte de connaissance, des intoxications, des effets cliniques, principalement neurologiques, allant jusqu’à des atteintes de la moelle épinière, mais aussi cardiaques et psychiatriques.
L’arrêté du 17 août 2001 l’inscrit sur la liste I des substances vénéneuses ; il est ensuite soumis à une réglementation stricte par l’arrêté du 21 décembre 2001.
Pour lutter contre ce fléau, les pouvoirs publics français pointent la nécessité de conduire des actions de sensibilisation. Actuellement, seul le détournement du protoxyde d’azote à usage médical est encadré par la loi. En revanche, celui à usage domestique n’est soumis à aucune restriction. Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à corriger ce vide juridique.
Depuis 2017, de nombreuses petites cartouches grises contenant ce gaz sont retrouvées dans l’espace public, comme le souligne l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies dans son rapport publié en décembre 2018. Ce phénomène traduit une banalisation de sa consommation, qui, selon une étude de la mutuelle SMEREP, serait le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les jeunes.
Les collectivités locales s’investissent déjà fortement dans la prévention. Par exemple, dans mon département de l’Eure, le maire de Vernon, François Ouzilleau, a pris en 2020 un arrêté municipal interdisant la vente ou le don de cartouche ou de tout autre récipient contenant du protoxyde d’azote à une personne mineure non accompagnée d’un adulte. Une amende de 68 euros est prévue pour la détention, l’utilisation et le dépôt de cartouche dans l’espace public. Cela faisait plusieurs mois que la police municipale de Vernon, les services de la voirie et de la propreté urbaine constataient l’augmentation du nombre de cartouches au sol dans certains endroits de la ville. Au-delà du risque pour la santé publique, elles constituent également une pollution environnementale critique.
Cette proposition de loi issue du Sénat a été votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, qui en a adopté les éléments essentiels, notamment l’interdiction de vente aux mineurs de produits contenant du protoxyde d’azote et la pénalisation de l’incitation d’un mineur à en faire un usage détourné.
L’Assemblée nationale a adopté, en commission des affaires sociales, puis en séance, plusieurs amendements tendant à renforcer les mesures présentes dans le texte initial. Je pense à la vente de crackers, à l’étiquetage « danger » sur le produit et aux précisions apportées pour la mise en œuvre du texte à Wallis-et-Futuna. D’autres amendements adoptés avaient pour objet de mobiliser les agents de police municipale pour les actions de prévention.
Depuis juillet 2019, sous l’impulsion conjointe du ministère de la santé et de celui de l’éducation nationale, l’ensemble des collèges et lycées de France met progressivement en place des partenariats avec des consultations jeunes consommateurs, qui offrent aux jeunes et à leur entourage un service d’écoute et d’orientation totalement gratuit et confidentiel.
Une campagne d’information de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) vise pour sa part à doter les acteurs de terrain – associations et collectivités locales – de supports de sensibilisation clairs et adaptés.
La présente proposition de loi a aussi pour objet de renforcer la prévention et la meilleure information des jeunes fréquentant les établissements scolaires sur les risques de l’usage détourné du N2O.
La Mildeca a lancé en juin 2020 une campagne sur les réseaux sociaux. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures supplémentaires le Gouvernement envisage-t-il de prendre sur internet pour informer les jeunes des risques de l’usage détourné du N2O sur leur santé ?
En conclusion, je souligne que le protoxyde d’azote représente, sous des airs légers, un véritable danger pour nos jeunes. Ce texte englobe l’ensemble des aspects d’une prévention efficiente et d’une dissuasion nécessaire pour protéger les mineurs. L’importance de cette proposition de loi est reconnue de tous ; plusieurs sénateurs de mon groupe et moi-même étions d’ailleurs cosignataires de ce texte.
Compte tenu de ces éléments et du souhait partagé d’une mise en œuvre rapide des dispositifs prévus dans cette proposition de loi, le groupe RDPI votera en faveur du texte issu des travaux de la commission, de manière à en assurer l’adoption définitive. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que, depuis 2017, les mésusages du protoxyde d’azote connaissent une recrudescence dans notre pays, nous voici réunis afin d’examiner en deuxième lecture une proposition de loi plus que jamais nécessaire. Je voudrais avant tout saluer son auteure, Valérie Létard.
Le confinement a accru la prévalence des comportements addictifs dans leur ensemble, y compris l’usage détourné du protoxyde d’azote, comme le relève l’Association française des centres d’addictovigilance dans son bulletin de novembre 2020.
Le déconfinement a quant à lui eu pour effet de rendre cet usage plus visible, dans la mesure où il occasionne divers troubles à l’ordre public, à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité. Ces troubles se manifestent par le bruit et par l’abandon de cartouches et de ballons dans les rues ; on peut encore relever, tout récemment, l’explosion d’une voiture occupée par cinq adolescents qui consommaient du protoxyde d’azote.
De nombreux maires nous alertent régulièrement sur cette situation ; certains d’entre eux ont pris des arrêtés interdisant la consommation ou la vente de protoxyde d’azote sur le territoire de leur commune, sans véritable effet.
L’Assemblée nationale a souscrit à l’économie générale du texte et a décidé de maintenir en grande partie les éléments introduits par le Sénat ; avec le groupe du RDSE, je m’en réjouis.
Elle a toutefois adopté plusieurs modifications à l’article 2, notamment en introduisant un plafonnement de la quantité maximale de protoxyde d’azote pouvant être vendue aux particuliers, plafond qui sera fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l’économie. Cette mesure va certes dans le bon sens.
Il convient toutefois de s’assurer que la restriction posée n’est pas excessive au regard de l’objectif recherché. Comme l’a rappelé notre rapporteure Jocelyne Guidez, cet arrêté ministériel ne pourra être pris qu’après avis de la Commission européenne. Le plafond sera par ailleurs déterminé au terme d’une réflexion conjointe avec les acteurs concernés. Ces éléments nous semblent de nature à garantir que ce plafonnement sera raisonnable.
L’Assemblée nationale a également élargi aux débits de boissons temporaires l’interdiction de vente ou d’offre de protoxyde d’azote aux personnes majeures. Cette extension de l’interdiction au-delà des débits de boissons initialement visés nous semble pertinente et conforme à l’esprit du texte, tout comme l’interdiction de la vente et de la distribution de tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d’en recevoir des effets psychoactifs.
L’article 2 apporte en outre une clarification : c’est bien la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote et non l’usage du gaz en lui-même qui doit faire l’objet d’un étiquetage dédié sur chaque unité de conditionnement. En effet, dans des conditions normales d’utilisation, le gaz est employé à des usages médicaux, culinaires et industriels qu’il convient bien évidemment de préserver.
Ce même article prévoit que la constatation des infractions aux interdictions de vente pourra être aussi réalisée par les agents de police municipale, les gardes champêtres, ainsi que les agents de surveillance de la Ville de Paris. Cette extension va dans le bon sens ; encore faut-il que les forces de l’ordre soient présentes en effectifs suffisants, ce qui n’est pas le cas dans bon nombre de nos territoires.
L’article 2 bis permettait de renforcer les obligations applicables aux intermédiaires numériques d’informer sur les interdictions de vente aux mineurs de certains produits. Il a été supprimé par les députés. Nous le déplorons, car l’information et la responsabilisation des usagers restent, en matière de santé, les premières des priorités.
Enfin, les députés ont modifié l’intitulé du texte : cette proposition de loi tendait auparavant « à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote » ; elle tend désormais « à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote ». En effet, cet intitulé élargi permettra aussi de mieux protéger les jeunes majeurs : nous ne pouvons qu’accueillir favorablement ce progrès.
Cette proposition de loi constitue une belle avancée, que nous saluons sans réserve. Elle contribue à la sensibilisation des jeunes sur les conduites addictives ; elle permet d’informer sur la dangerosité de ce produit détourné de son usage ; elle punit la provocation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ; enfin, elle interdit sa vente et son offre à des mineurs, dans les commerces physiques comme en ligne.
Détourner un produit de consommation de son usage est une pratique qui ne concerne pas seulement le protoxyde d’azote. Malheureusement, l’innovation en la matière est sans limites ! Nous ne pouvons qu’appeler le Gouvernement à aller encore plus loin dans les domaines de la prévention, de l’aide à la parentalité et de la sensibilisation dès le plus jeune âge.
Pour l’heure, au regard de l’équilibre trouvé dans ce texte, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi, avec enthousiasme et sans réserve. (Mme Valérie Létard, M. François Patriat et Mme la rapporteure applaudissent. – M. Jean-Pierre Grand approuve.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’usage détourné du protoxyde d’azote, autrefois limité à certains milieux, notamment les facultés de médecine, est devenu une triste banalité : nombreuses sont les villes à voir des cartouches joncher les trottoirs. Ce phénomène touche particulièrement la région des Hauts-de-France, mais il concerne l’ensemble du territoire national et un public de plus en plus jeune.
La consommation se banalise. Il nous faut donc, plus que jamais, alerter dès le plus jeune âge. Nous savons que l’expérimentation peut, dans un second temps, se transformer chez ces jeunes en une solution à leur mal-être et devenir le moyen de supporter une période difficile. Or nous venons justement de vivre une telle période, propice à de tels phénomènes, et ce dans tous les milieux, à l’évidence. Plus que jamais, il nous faut donc favoriser la prévention.
Aujourd’hui, des sites de commerces en ligne, en proposant des lots de bonbonnes de grande capacité, ne font même plus semblant de destiner ces cartouches à la fabrication de crème chantilly.
Faites comme moi l’expérience d’effectuer une recherche sur internet ; quand j’ai tapé « gaz hilarant », une alerte publicitaire s’est affichée indiquant : « Oubliez les soirées ennuyeuses, essayez le gaz hilarant ! Livraison à domicile en 30 minutes ! Notre épicerie vous garantit une soirée pleine de fou rire ! » Parmi les produits proposés, on trouve des tanks de 4 litres, pour 150 euros !
Alors, que pouvons-nous faire, en tant que parlementaires, face à ce détournement d’un produit de consommation alimentaire ?
Notre collègue Valérie Létard, dont je tiens à saluer l’engagement sur ce sujet, a proposé d’agir en interdisant la vente de protoxyde d’azote aux mineurs et en créant un délit de provocation des mineurs à cet usage.
Nous sommes favorables à ces mesures de répression si un équilibre est maintenu avec des mesures de prévention.
Les mesures restrictives sont nécessaires, mais peuvent se révéler inefficaces si elles ne sont pas accompagnées d’une politique de prévention offensive.
L’outil le plus efficace pour sensibiliser les jeunes sur les effets de cet usage du gaz hilarant demeure un discours de santé publique qui informe sur les risques posés par la consommation de ce gaz. On pourrait faire appel à des jeunes formés sur les risques du protoxyde d’azote, qui iraient à la rencontre d’autres jeunes sur les lieux de consommation connus. Des jeunes qui s’adressent à d’autres jeunes, avec un message d’information sur les risques, sans stigmatisation : ce modèle a fait ses preuves, par exemple, sur le VIH.
C’est la raison pour laquelle nous demandons au Gouvernement de soutenir cette proposition de loi en créant, dès le prochain projet de loi de finances rectificative pour 2021, une ligne budgétaire venant financer une campagne nationale de prévention contre l’usage du protoxyde d’azote.
Si une impulsion nationale n’était pas portée par les ministères de la santé et de l’éducation nationale, le Gouvernement ferait la démonstration du peu d’intérêt qu’il porte pour nos jeunes.
En conclusion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera pour cette proposition de loi, comme nous l’avions fait en première lecture. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion, je commencerai mon intervention en vous annonçant que je souscris aux propos qui ont été tenus par les précédents orateurs. Je veux à mon tour remercier Valérie Létard d’avoir déposé ce texte utile, pour lequel nous avions déjà voté en première lecture. Il n’y a pas de suspense : nous le voterons de nouveau en deuxième lecture !
Oui, le protoxyde d’azote est un problème. J’ai été très marqué par l’étude réalisée à l’université de Bordeaux auprès de plus de 10 000 étudiants : on y apprend que 13 % d’entre eux sont des consommateurs actifs de protoxyde d’azote et que plus de 25 % en ont déjà consommé. Cela dit bien l’ampleur du problème.
Une deuxième donnée, encore plus récente, vient confirmer ce diagnostic : il y a quinze jours, à Rosny-sous-Bois, on a saisi 1 218 bouteilles de protoxyde d’azote. Cela aussi dit l’ampleur du problème. Des réseaux très bien organisés trouvent là une source de revenus bien moins risquée pénalement que le trafic d’autres substances.
Il faut donc commencer à encadrer plus strictement le protoxyde d’azote. Ce n’est pas simple, car ce produit n’est pas illégal ; il est autorisé. Je remercie donc encore une fois Valérie Létard de s’être attelée à cette tâche.
En revanche, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors des travaux de notre commission, tout le monde conviendra qu’une approche par le produit ne peut être satisfaisante à elle seule. Cette proposition de loi est nécessaire et utile, elle ne peut être suffisante.
C’est bien la politique de notre pays sur les addictions qui est mise en question. Écoutons les dernières déclarations gouvernementales en la matière : le dernier ministre que j’ai entendu s’exprimer à ce sujet est le ministre de l’intérieur, qui a déclaré : « La drogue, c’est de la merde. » On le remercie pour sa contribution à la résolution du problème ! (Rires sur plusieurs travées.)
Le ministre de la santé est actuellement très occupé ; il ne s’est donc pas exprimé récemment à ce sujet. En revanche, quand il siégeait à l’Assemblée nationale, il était un député actif sur ces questions, qui a su porter des dispositifs intéressants.
Par ailleurs, nous vivons actuellement le plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022, dont l’application est, dirons-nous, inégale. Je me rappelle que l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa), devenue depuis Addictions France, avait jugé lors de sa publication que c’était un bon plan quant à ses intentions, mais qu’il n’avait malheureusement ni calendrier, ni financement, ni outil d’évaluation. Si ma mémoire est bonne, tels étaient les propos exacts de cette grande association de lutte contre les addictions.
Malheureusement, ce jugement est en train de se confirmer, notamment dans le domaine extrêmement important du lien de la politique des addictions avec la politique de santé mentale. Nous avons plusieurs fois, depuis un an, évoqué ce thème majeur et la nécessité de renforcer la politique de notre pays en la matière : les dispositifs de santé mentale sont largement insuffisants et partiellement inopérants en matière de lutte contre les addictions. C’est une interrogation qui nous est adressée collectivement.
Ainsi, quand je regarde la situation dans mon département de Paris, plus précisément dans le nord-est parisien, grande zone de consommation de crack, force est de constater que le dispositif fonctionne mal. Il a fallu que les riverains excédés tirent à coups de mortier sur les usagers de drogues présents dans la rue pour que le préfet de police décide de réagir et de déplacer les usagers de drogues dans un jardin public un peu plus loin. De fait, tant que nous n’aurons pas ces dispositifs de santé mentale et d’accompagnement social, nous ne résoudrons rien du tout !
Je crains que la situation que connaît ce quartier de Paris ne soit quelque peu à l’image de notre politique nationale en la matière : nous avons une connaissance théorique du problème, nous avons des outils que nous pouvons plus ou moins utiliser, mais, occupés que nous sommes peut-être à autre chose, nous n’y consacrons pas l’énergie nécessaire.
Merci donc pour ce premier pas énergique : nous voterons ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDPI, RDSE et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous faire part du plaisir et de la satisfaction que j’éprouve aujourd’hui à voir aboutir notre travail, qui a été véritablement collectif !
Ce travail aboutit à la mise en place d’un dispositif apte à permettre la lutte contre les effets néfastes de l’usage détourné du protoxyde d’azote, ou « gaz hilarant ».
Un long chemin a été parcouru depuis notre première alerte, le 5 février 2019, à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement à laquelle vous aviez répondu, monsieur le secrétaire d’État. Cette alerte nous venait des maires : de nombreux élus du département du Nord avaient alors attiré mon attention sur cette question, au travers de leur association. En effet, on commençait à trouver ces capsules en tous points du territoire départemental, non seulement dans la métropole de Lille, mais aussi dans de petites communes périurbaines. C’est bien cette réalité concrète de terrain et l’impuissance des élus locaux qui nous ont poussés à débattre de ce problème.
Au début, quelques interrogations se posaient sur la nécessité de légiférer et la portée d’un tel texte, parce qu’il s’agissait alors encore d’un sujet confidentiel et plus territorialisé qu’aujourd’hui. On s’est ensuite rendu compte que la consommation de protoxyde d’azote a flambé, jusqu’à s’étendre sur tout le territoire national. Elle est encore montée en puissance avec l’instauration du confinement, comme en témoignent les récentes enquêtes citées par M. Jomier, effectuées notamment auprès de nombreux étudiants en université. Au-delà, nos remontées de terrain nous apprennent que des collèges, des lycées et d’autres sphères encore sont touchés, ce qui montre bien combien il est maintenant urgent de légiférer.
À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, je me permettrai de rappeler combien nous pourrions, si nous avions un peu plus d’espace d’initiative parlementaire, avancer plus vite sur des sujets comme celui-ci.
Le Sénat a adopté ce texte en première lecture en décembre 2019 ; il aura fallu attendre mars dernier pour que l’Assemblée nationale en fasse de même ; aujourd’hui, on aboutit enfin, grâce à la procédure de législation en commission et au travail mené en commun. Je veux en remercier Valérie Six, rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, et les députés de toutes sensibilités qui se sont mobilisés.
Enfin, nous avons réussi à venir à bout de ce travail parlementaire : il prend un certain temps, mais le résultat est au rendez-vous !
Les orateurs qui m’ont précédée ont déjà rappelé que notre rédaction initiale a formé le socle du texte que nous examinons aujourd’hui. Je veux remercier notre rapporteure, Jocelyne Guidez, qui a introduit dans cette rédaction une notion nouvelle, dont je pense qu’elle servira à l’avenir : un délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante. Comme cela a été rappelé, sa portée n’est pas limitée au protoxyde d’azote, mais peut englober bien d’autres produits qui seront peut-être, un jour, offerts ainsi sur le marché de façon détournée. Nous disposerons alors d’une première série d’outils pour commencer à traiter cette question.
On trouve encore dans ce texte des interdictions de vente et de cession, l’obligation d’étiquetage de la dangerosité, ou encore l’information offerte en milieu scolaire. Comme on l’a rappelé, travailler et sanctionner, c’est bien, mais il faut encore prendre toute une série de dispositions visant à informer, prévenir et accompagner, y compris en ligne – vous y avez contribué, monsieur Grand –, sans quoi tout cela ne constituerait pas un arsenal suffisant pour mener la lutte de manière efficace.
L’Assemblée nationale a nourri ce travail en étendant aux jeunes majeurs la protection apportée, en interdisant la vente de produits facilitant l’extraction du gaz, ou encore en limitant la quantité maximale ouverte à la vente. En effet, on voit bien que, quand on achète un nombre significatif de capsules, ce n’est certainement pas pour en faire de la crème chantilly ! Ce n’est pas non plus l’objectif quand on achète un cracker ou des ballons de baudruche ! Alors, interdire tout cela, c’est du bon sens, c’est indispensable !
Ce travail est ce qui nous permet aujourd’hui de voter un texte qui, dans sa formule aboutie et définitive, offre une base législative adaptée à la prévention des comportements dangereux des mineurs et des jeunes adultes, même si l’on aimerait aller plus loin encore. Comme cela a été dit, les jeunes adultes sont les personnes frappées par les troubles les plus sévères et importants ; c’est pourquoi il était important de les inclure dans le dispositif.
Je ne saurais saluer et remercier tous ceux qui, parmi vous, mes chers collègues, ont contribué à ce travail, mais je veux citer M. Jean-Pierre Grand, Mme Corinne Imbert, ou encore Mme Chantal Deseyne : ils sont venus conforter le travail de notre rapporteure, qui a été d’une efficacité absolue. Je remercie enfin les 94 cosignataires de cette proposition de loi dans notre assemblée, qui ont été autant de porte-voix et de défenseurs de ce texte.
Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes très heureux de vous retrouver et de nous dire que, autour d’une question de santé publique, nous avons pu trouver un consensus. De part et d’autre, avec le sens de l’intérêt général, nous avons trouvé le moyen de faire aboutir cette proposition de loi. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que les quelques dispositions relevant du domaine réglementaire soient rapidement mises en place.
En tout cas, nous pouvons être très heureux d’avoir fait en sorte que nos élus et tous les acteurs de terrain disposent, dès demain, d’un arsenal législatif opérant, qui leur permettra enfin de n’avoir plus recours à des arrêtés municipaux, lesquels n’étaient à vrai dire qu’un cataplasme sur une jambe de bois. Il y a deux jours encore, la presse quotidienne régionale nous informait que quelques communes prenaient de tels arrêtés : ce texte est attendu, il ne reste plus qu’à l’adopter définitivement, puis à l’appliquer.
Encore une fois, mes chers collègues, merci à vous tous pour ce travail collectif, et bravo ! (Applaudissements.)