Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, dans laquelle je sens poindre néanmoins un certain fatalisme concernant la persistance d’une disparité entre agents territoriaux. En la matière, il n’est certes pas facile de lutter, mais il faut y réfléchir.
Cette période aura au moins permis de souligner l’importance des services publics, ces derniers constituant une force en tout temps, a fortiori en période de crise. Il est fondamental de conserver, je dirais même de fortifier, la vigueur de notre service public, bien commun s’il en est, à rebours des politiques actuelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. La réalité financière doit être observée avec pragmatisme. Nos mandats de parlementaires nous le rappellent : les collectivités locales ont fourni des efforts colossaux, de même que l’État et que les Français. Mais – cela a déjà été dit – le coût de la crise est particulièrement élevé pour les collectivités territoriales de notre pays, et il l’est d’autant plus pour les collectivités situées en montagne.
En tant qu’élu du département de l’Isère, j’ai à cœur l’avenir de la montagne, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, qui venez des Hautes-Alpes. L’économie en montagne a été particulièrement affectée, avec une année blanche pour la saison hivernale. Pourtant, la montagne est un secteur clé de la relance économique française. Souvenons-nous que le tourisme en montagne représente 20 milliards d’euros de retombées économiques, dont 10,5 milliards d’euros pour nos 350 stations de ski !
En pleine urgence, le Gouvernement a agi pour soutenir les acteurs locaux. Plus de 5 milliards d’euros ont été déployés durant la crise. Mais les collectivités locales de montagne ont plus que jamais besoin du soutien de l’État.
La semaine dernière, en Savoie, le Premier ministre a annoncé le lancement du plan Avenir montagnes. Avec ce plan concret et prometteur, le Gouvernement entend répondre aux attentes de ces territoires.
Dotations d’investissements, contrats de plan interrégionaux État-région de massif, soutien à l’ingénierie : autant de dispositifs concernés par les mesures de relance, qui s’élèvent à plus de 480 millions d’euros, destinées à soutenir nos singuliers territoires de montagne.
Comme de nombreux élus de ces collectivités, je suis convaincu que nous devons agir pour redonner une impulsion à celles-ci. Je suis également convaincu que les acteurs locaux sauront tirer profit de ce plan Avenir montagnes.
Cela dit, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser deux questions : comment ces 480 millions d’euros seront-ils répartis entre les six régions concernées ? Quel est le calendrier envisagé pour leur versement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Didier Rambaud, votre question me donne l’occasion de parler du plan Avenir montagnes, que je veux saluer non seulement parce qu’il répond véritablement aux enjeux qu’affrontent aujourd’hui les montagnards, mais aussi parce qu’il s’agit du premier plan d’investissement pour la montagne depuis le plan Neige des années 1960. Je tenais à le préciser, au nom de notre attachement commun à la montagne.
Le Premier ministre a rappelé, la semaine dernière, que 5,4 milliards d’euros avaient été déployés en faveur des territoires de montagne, soit pour gérer l’urgence, soit pour mettre en œuvre la relance. Sur ce total, 480 millions d’euros étaient dédiés au soutien aux collectivités locales de montagne.
Pour connaître plusieurs pays étrangers où l’on pratique le ski, je puis vous assurer que ce plan est sans commune mesure avec ce qui a pu être mis en place dans ces États. On nous a souvent reproché la fermeture des remontées mécaniques en France, alors qu’elles étaient ouvertes ailleurs. Certes, mais il convient de préciser que, dans de nombreux pays d’Europe, le chômage partiel n’existe pas. Ainsi les systèmes d’indemnisation font-ils défaut en Suisse, en Italie, en Autriche. Il faut donc raison garder…
Sur ces 480 millions d’euros dédiés au soutien aux collectivités locales, 36 millions d’euros correspondent à la garantie apportée par l’État aux communes et intercommunalités pour les pertes de recettes fiscales et domaniales, 201 millions d’euros représentent la dotation d’investissement dans le cadre du déploiement de France Relance, 242 millions d’euros sont consacrés à l’abondement des contrats de plan interrégionaux État-région de massif. Il faut y ajouter la compensation, à hauteur de 38,5 millions d’euros, qui sera versée directement aux régies de remontées mécaniques. Sur cette question importante, nous avons dû batailler avec Bruxelles pour obtenir ce résultat.
Sur les nouveaux crédits qui ont été annoncés par le Premier ministre, 300 millions d’euros sont dédiés à l’investissement, à parité avec les régions, que je salue pour cet effort considérable, et 31 millions d’euros sont consacrés à l’ingénierie dont les plus petits territoires ont besoin pour que la montagne, demain, puisse être résiliente.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Les collectivités territoriales ont pris leurs responsabilités pendant cette crise sanitaire. Face à la pénurie de masques, elles n’ont pas ménagé leurs efforts pour approvisionner la population. Aujourd’hui, elles contribuent aussi, en partenariat avec l’État, à l’organisation du dépistage et à la vaccination à grande échelle. Enfin, elles continuent d’assurer les services courants, moyennant une adaptation rapide mais coûteuse aux contraintes imposées par les restrictions sanitaires.
Toutes ces actions ont un coût, et les collectivités locales ont fait face à des pertes inédites de recettes, alors même qu’est entrée en vigueur la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Selon l’Association des maires de France, les communes et intercommunalités subiraient 6 milliards d’euros de pertes sur trois ans, liées à la crise sanitaire. Pour l’ensemble des collectivités territoriales, le coût devrait dépasser les 10 milliards d’euros.
Ces pertes ont été, il est vrai, en partie compensées dans le cadre des lois de finances. Nombre d’attentes reposent désormais sur la territorialisation du plan de relance.
Si l’on en croit le ministre délégué Olivier Dussopt – vous l’avez vous-même souligné, monsieur le secrétaire d’État –, les collectivités locales auraient été les acteurs publics les plus résistants budgétairement face à la crise, par comparaison avec l’État et la sécurité sociale. Dans ces conditions, le risque existe que les collectivités soient, une fois de plus, sollicitées lorsque viendra le moment de rembourser la dette covid.
Dans son rapport, Jean Arthuis a proposé de pérenniser et d’étendre le pacte de Cahors, en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ce serait, me semble-t-il, un retour en arrière de quarante ans et un abandon des grands principes des lois Defferre de 1982. Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d’État, de suivre les préconisations de M. Arthuis ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bilhac, la lutte contre les conséquences de la crise sanitaire a imposé une augmentation massive des dépenses publiques, tandis qu’en parallèle les recettes publiques diminuaient. Cet effort était indispensable pour maintenir les emplois et le tissu économique du pays.
Le besoin de financement qui en résulte a été couvert par une augmentation de la dette, dont le montant a progressé de 270 milliards d’euros aujourd’hui. Cependant, la progression de cette dette est très inégalement répartie entre les différentes catégories d’administrations : 65 % de la dette supplémentaire a été acquise par l’État, 28 % par la sécurité sociale et 7 % par les collectivités locales – plus de la moitié de ces 7 % résulte de l’endettement de la Société du Grand Paris. Autrement dit, les collectivités elles-mêmes n’ont contracté que 8,5 milliards d’euros de dette supplémentaire.
Vous avez raison, il conviendra malgré tout de rembourser cette dette covid, tout comme les autres dettes préexistantes. Or, en la matière, il n’existe pas de solution miracle – ce n’est pas à un radical que je vais l’apprendre. (Sourires.) Cela a d’ailleurs été rappelé par la commission des finances il y a une dizaine de jours.
Nous l’avons dit, nous n’augmenterons pas les prélèvements obligatoires. Nous avons donc deux solutions non exclusives pour faire en sorte que les dépenses augmentent moins vite que les recettes : d’une part, stimuler notre croissance, et donc nos recettes, et, d’autre part, maîtriser notre dépense, ce que préconise le rapport Arthuis en présentant les voies à emprunter pour stabiliser notre endettement.
La règle proposée par Jean Arthuis a le mérite de la simplicité. Elle consiste à poser le principe que les dépenses augmentent tendanciellement moins vite que les recettes, avec un objectif pluriannuel de dépenses pour cinq ans, en veillant à ne pas dépasser ce plafond sur le quinquennat. Je constate que plusieurs parlementaires ont déposé des propositions de loi organique prévoyant des règles qui ressemblent beaucoup à celle-ci.
Une telle règle est compatible avec notre souhait d’isoler une fraction de la dette de l’État, afin de lui appliquer un schéma d’amortissement spécifique. En l’occurrence, le Gouvernement a proposé, dans le programme de stabilité présenté à la Commission européenne, d’amortir 140 milliards d’euros de dette covid au rythme de la croissance.
C’est donc une stratégie qui peut tout à fait être appliquée par les collectivités sur leur dette : elles peuvent piloter leur stratégie de désendettement en identifiant une fraction de la dette covid. Cette identification est facilitée par la mise à disposition par les collectivités d’annexes budgétaires dédiées aux comptes administratifs pour 2020, 2021 et 2022.
La commission Arthuis préconise de maîtriser la dépense locale en s’inspirant des contrats de Cahors. Il faut avoir ce débat, car il est sain. En effet, qu’elle relève des collectivités locales ou de l’État, notre dette ne saurait dépasser les capacités de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Il ne faudrait pas demander aux collectivités locales, qui gèrent comme des fourmis, de rembourser la dette de la cigale qu’est l’État ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Un constat ressort des travaux des associations d’élus, du Sénat, de la mission Cazeneuve : les collectivités subissent de plein fouet la crise sanitaire. L’impact sur leurs budgets s’évalue à plusieurs milliards d’euros sur plusieurs années, avec des pertes de recettes et des hausses de dépenses alimentant un effet ciseau.
Les départements assument une hausse de 7,3 % de dépenses sociales liées au RSA, jusqu’à 13 % dans le département du Val-de-Marne ! Face aux baisses de recettes, leur capacité d’autofinancement chute de 14 % par rapport à 2019.
Lors des lois de finances rectificatives, nous avons tenté de sauver ce qu’il leur restait d’autonomie : dans notre proposition de loi de soutien aux collectivités, puis dans la loi de finances pour 2021, avec un véritable appui faisant d’elles les actrices de la relance. Le Gouvernement a préféré apporter des solutions tardives, laissant les collectivités dans une position précaire. Les départements sont exclus du « filet de sécurité », déjà très limité, du bloc communal. Le dispositif d’avances remboursables pour compenser les pertes de droits de mutation à titre onéreux est passé de 2,7 milliards à 119 millions d’euros ! Pourquoi ne pas avoir réorienté cet argent vers les collectivités ?
Dans le même temps, les prêts garantis par l’État atteignent 135 milliards d’euros. Le coût pour les dépenses publiques serait au moins de 6 milliards d’euros. Cet argent bénéficie à des entreprises telles que Renault, qui a reçu un prêt de 5 milliards d’euros mais a décidé, sans concertation avec les élus, de fermer son usine de Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne.
Monsieur le secrétaire d’État, comment justifier une gabegie d’une telle ampleur, quand le Gouvernement ne compense pas correctement les 4 milliards d’euros de surcoût accusés par les collectivités pour 2021 ? Allez-vous corriger le tir dans le projet de loi de finances rectificative présenté demain en conseil des ministres ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Savoldelli, les départements n’ont pas été oubliés par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, puisqu’ils ont également bénéficié de mesures spécifiques dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2020, la LFR 3, et dans la loi de finances pour 2021.
La loi a d’abord permis à chaque département qui en faisait la demande de bénéficier d’une avance de l’État remboursable sur trois ans, si le montant des droits de mutation à titre onéreux était en 2020 inférieur à celui perçu en moyenne entre 2017 et 2019. Ce sont huit départements qui pourront in fine être bénéficiaires de cette avance, pour un montant de 119 millions d’euros. Bien entendu, nous avions provisionné davantage, mais c’était à l’époque où nous pensions que les DMTO diminueraient de 25 % ; or, au final, ils se sont repliés de 1,6 % et ont même augmenté dans deux tiers des départements.
Pour faire face à la progression des allocations individuelles de solidarité, les lois de finances pour 2020 et 2021 ont maintenu ou amplifié plusieurs dispositifs de soutien exceptionnel. D’une part, la loi de finances pour 2021 a maintenu le fonds de stabilisation versé aux départements en 2021 et l’augmente même à hauteur de 200 millions d’euros. D’autre part, la loi de finances pour 2020 octroie aux départements chaque année, à compter de 2021, une fraction dynamique de la TVA de 250 millions d’euros, qui s’ajoutera à celle qui vient en compensation de leurs pertes de taxe foncière sur les propriétés bâties. En outre, la loi de finances pour 2021 institue une enveloppe de 300 millions d’euros pour soutenir les investissements des départements en faveur de la rénovation thermique de leurs bâtiments.
L’ensemble de ces mesures traduit en tout état de cause l’ampleur du soutien et de l’attention apportés par le Gouvernement aux départements.
Nous continuerons, bien sûr, à travailler avec les départements sur les questions financières ; Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt ont d’ailleurs tenu une réunion avec l’ADF voilà deux semaines. Il a été convenu d’étudier des améliorations possibles des mécanismes de clause de sauvegarde : je veux parler des règles qui permettraient de lisser les recettes départementales afin d’en provisionner une partie les bonnes années pour les réinjecter lors des années plus difficiles budgétairement.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes depuis quatre ans à l’écoute des départements, et nous continuerons de l’être, particulièrement en cette période de sortie de crise.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai entendu égrener les dispositions que vous avez prises en faveur des départements. Mais, ici, chacun a sorti sa calculette… Vous avez beau additionner quelques centaines de millions d’euros, de deux choses l’une : soit je suis un menteur, et cela ne me vexe pas qu’on me le dise à condition que l’on avance des arguments, soit j’ai donné les bons chiffres.
Le dispositif d’avances remboursables permettant de compenser les pertes sur le produit des DMTO est-il bien passé de 2,7 milliards à 119 millions d’euros ? Je réponds oui, et c’est aussi ce que vous venez de reconnaître.
M. Pascal Savoldelli. Comment les départements peuvent-ils se projeter ? La question est d’importance.
Alors que nous sommes à quelques semaines d’un scrutin, vous nous faites siéger ici pour faire passer des lois et des réformes : le projet de loi 4D, puis le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en conseil des ministres… Il ne faut pas s’étonner que nos concitoyennes et nos concitoyens s’éloignent du politique quand on les traite ainsi ! Car, ce qu’on leur dit, c’est : « Vous avez le droit de voter, mais on décidera avant, et on décidera aussi après ! »
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. J’ai trouvé votre réponse très évasive, monsieur le secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Dès le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a pris les mesures qui étaient nécessaires pour maintenir le pays debout sur les plans économique et social. Dans un second temps, à partir du PLFR de juillet dernier, une série de dispositions ont été adoptées en faveur des collectivités locales. Mais il demeure des angles morts, des zones non couvertes. Je voudrais revenir sur la question des régies, déjà évoquée.
Les mesures prises en 2020 ont créé une disparité entre les collectivités qui ont choisi de gérer leurs services au travers d’une DSP, auquel cas le délégataire a pu bénéficier de toutes les aides en faveur du secteur privé mises en place par le Gouvernement, et celles qui ont fait le choix, tout à fait respectable, des régies et qui n’ont bénéficié d’aucune aide. Cette situation devrait trouver une réponse dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement. J’ai moi-même participé au groupe de travail mis en place par le ministère de la cohésion des territoires et par celui chargé des comptes publics.
Ma question porte sur les critères qui pourraient être retenus pour accompagner les collectivités. En effet, la fragilité d’une commune ou d’une intercommunalité ne se mesure pas au montant de la perte subie, mais à la part que représente cette perte dans les recettes de fonctionnement de la collectivité, et donc à sa capacité à l’assumer. Par exemple, une perte de seulement 20 000 ou 30 000 euros consécutive à la fermeture d’un gîte d’étape dans une petite commune, disons de montagne, dont la recette fiscale totale est inférieure à 100 000 euros, peut mettre cette collectivité en situation difficile et justifie qu’elle soit aidée.
Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous prêt à retenir comme l’un des critères de compensation de la fermeture des services gérés en régie la perte de recettes de la collectivité rapportée à ses recettes de fonctionnement, autrement dit la perte de recettes relative de cette collectivité ?
M. Jean-Paul Prince. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Bernard Delcros, je vous l’ai annoncé, un fonds de soutien de 200 millions d’euros est prévu dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres. Ce travail était considérable, car nous devions trouver des solutions pour l’ensemble des modes de gestion des collectivités.
Dans le plan Avenir montagnes, nous avons trouvé une solution qui a fait l’objet d’une notification à la Commission européenne : il s’agit des régies relatives aux remontées mécaniques, un dispositif très spécifique et très massif.
Pour autant, il fallait aussi trouver des solutions pour l’ensemble des points auxquels vous avez fait allusion. Par exemple, si un gîte communal subit une perte de recettes significative au regard du budget de la commune, nous appliquerons une logique de compensation. Cette logique s’appliquera, à la fois, aux services publics industriels et commerciaux et aux services publics administratifs, sachant que les nomenclatures comptables ne sont pas forcément homogènes d’un département à l’autre. Ce travail est donc particulièrement complexe.
Je veux vous rassurer sur un point. Pour ce qui concerne les problèmes de pertes tarifaires, lorsque j’étais encore parlementaire, j’avais avec plusieurs collègues attiré l’attention du Gouvernement sur les risques appelés à perdurer si la crise se prolongeait. Nous ne savions pas, à l’époque, ce qui allait se passer en matière de reconfinement, de nouvelles fermetures d’établissements, de maintien prolongé de ces fermetures. Aujourd’hui, nous disposons de chiffres – à cela près qu’il faut les examiner de très près, car ils ne sont pas toujours comparables d’un point de vue comptable.
Vous avez eu raison de souligner que ce sont souvent les collectivités les plus fragiles qui ont fait le choix de la mise en régie. En effet, la gestion de ces services n’intéresse pas les opérateurs privés.
Encore une fois, tous ces éléments sont pris en compte au travers du fonds de 200 millions d’euros prévu dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse qui va dans le sens que nous souhaitons.
Vous l’avez rappelé, les petites communes ont globalement plutôt bien résisté à la crise. Pour autant, les disparités sont très fortes, y compris à l’intérieur d’une même strate de collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cette séance est pour moi l’occasion d’évoquer l’un des échelons les plus touchés par l’impact de la crise : la région.
En tant qu’élu de Bourgogne-Franche-Comté, je reviendrai sur les pertes de ressources constatées par notre région et je m’interrogerai sur les compensations apportées par l’État.
La crise, c’est avant tout des dépenses en plus.
La région Bourgogne-Franche-Comté, comme d’autres, a joué son rôle pour accompagner nos concitoyens sur notre territoire. Nous avons parfois été trop efficaces d’ailleurs, puisqu’il est arrivé que l’État réquisitionne nos commandes de masques sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
Notre action ne s’est pas limitée à cette urgence ; nous avons aussi déployé des dispositifs de soutien économique d’envergure : 38,8 millions d’euros pour les commerçants, artisans et TPE ; 12,6 millions d’euros pour les structures de l’événementiel, de la culture et des acteurs du tourisme ; 10 millions d’euros pour les équipements dans les hôpitaux et une aide financière aux indemnités de stages pour les élèves aides-soignants et infirmiers ; 5,6 millions d’euros pour les associations ; 4 millions d’euros pour les étudiants. Il s’agit de choix politiques, qui ont été différents selon les régions, mais aussi de nécessités pour répondre à la crise.
Au total, ce sont des aides à hauteur de 540 millions d’euros que nous avons votées, parfois en complément des aides d’État, pour soutenir la reprise économique et les emplois.
Mais la crise, c’est surtout des recettes en moins.
Mes chers collègues, dans vos régions aussi, l’exploitation ferroviaire a été, logiquement, bouleversée par la crise, avec une fréquentation réduite de moitié. Les recettes sont ainsi passées dans notre région de 83 millions à 40 millions d’euros. Même en réduisant le trafic de 25 %, nous n’avons pu réduire nos dépenses que de 5 % ou 6 %, notamment en raison de la stabilité des charges d’amortissement du matériel et des frais de personnel. La situation est même plus grave en 2021 qu’en 2020, année lors de laquelle le plan de transport avait été réduit de 90 %.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : quelle sera la compensation de l’État sur ce volet ? Les agglomérations qui touchaient le versement transport ont pu bénéficier de compensations par l’État ; qu’en est-il des collectivités régionales ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vais tenter de répondre à votre question et de vous donner un éclairage d’ensemble sur la région Bourgogne-Franche-Comté.
Pour ce qui concerne les régions, un certain nombre de garanties ont été mises en place. Par exemple, le switch TVA-CVAE, que j’ai évoqué dans mon propos liminaire, a permis de compenser les pertes des collectivités régionales à hauteur de 215 millions d’euros. Une garantie relative aux pertes de recettes de TVA et de TICPE a également été prévue.
Par ailleurs, nous avons la dotation régionale d’investissement, à hauteur de 600 millions d’euros, dont 25 millions d’euros sont fléchés vers votre région.
Ces mesures prises par le Gouvernement en faveur des régions sont importantes.
En Bourgogne-Franche-Comté, 541 communes ont reçu une aide à hauteur de 5,1 millions d’euros pour compenser leurs pertes de recettes fiscales et domaniales. Cette aide vient combler la totalité de l’écart entre les recettes fiscales et domaniales entre 2020 et la moyenne de référence. Les communes de Chalon-sur-Saône ou de Bourbon-Lancy ont ainsi reçu 160 000 euros ; ce montant me semble significatif.
S’agissant des AOM, l’une d’entre elles a reçu une compensation fiscale au vu de la baisse importante de son versement mobilité et cinq ont reçu des avances remboursables à hauteur de 21 millions d’euros.
Par ailleurs, les collectivités de la région vont recevoir, ou ont déjà reçu, notification d’une dotation de relance de 117 millions d’euros, qui vient s’ajouter aux moyens ordinaires comme la DSIL. Pour votre région, cette dotation s’élève à 25 millions d’euros par an.
L’histoire ne s’arrête pas là. Des aides complémentaires vont permettre de soutenir certaines régies en difficulté financière.
Toujours sur les AOM, nous avons confié une mission à Philippe Duron ; son rapport, qui sera rendu au mois de juin, nous permettra de faire des ajustements.
Au-delà de la collectivité régionale, qui a bénéficié d’un certain nombre de compensations, c’est l’ensemble du territoire de la Bourgogne-Franche-Comté qui a bénéficié d’un système particulièrement résilient en termes de compensations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Il est acquis que cette crise sanitaire a enfanté une crise économique n’épargnant ni les finances locales ni les finances publiques. Ce débat essentiel pour nos élus locaux, et proposé par Les Républicains, montre bien l’intérêt irréductible porté par notre groupe aux enjeux en lien avec nos territoires.
Les collectivités ont affronté, vous le savez, cette crise avec dynamisme, ne lésinant pas sur les dépenses afin de satisfaire les besoins nécessaires exprimés par leurs administrés, et pas uniquement leurs habitants. Soignants, enseignants, commerçants : tous ont bénéficié et bénéficient encore de leur aide, et ce depuis le début de la crise. Les dépenses sont estimées par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité à environ 6 milliards d’euros.
L’État avait pourtant annoncé un soutien financier aux collectivités locales, un plan d’accompagnement qui devait être massif, extrêmement ambitieux, et toucher entre 12 000 et 14 000 communes et intercommunalités. Au final, 2 300 à 2 500 communes et une centaine d’EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) sont concernés, avec un plafond nettement diminué.
Les collectivités, monsieur le secrétaire d’État, ressortent exténuées, et le budget de la plupart d’entre elles est épuisé.
L’AMF redoute que la baisse de recettes tarifaires soit compensée par une hausse de la taxe foncière, car c’est l’un des seuls leviers, finalement, dont les collectivités territoriales disposent pour compenser cette situation.
Une fois de plus, l’État fait porter la responsabilité de l’augmentation de la pression fiscale aux collectivités, en n’assumant pas jusqu’au bout les missions qui lui incombent. Ce n’est pas aux contribuables de payer cette facture.
Le Gouvernement ne cesse de se retrancher derrière un argument consistant à répondre aux élus que des économies ont été faites en raison du ralentissement de certaines activités. C’est vrai, par exemple, dans ma commune d’Antibes Juan-les-Pins, où ces économies représentent 1,5 million d’euros. Mais faisons preuve de rigueur et, surtout, de sincérité : les pertes de recettes de la ville sont estimées à 9,5 millions d’euros, et des dépenses supplémentaires à hauteur de 2 millions d’euros se sont imposées. Vous en conviendrez, malgré ces économies, ma ville déplore près de 10 millions d’euros de pertes nettes, soit 5 % du budget de la commune pour lesquels il n’y a pas de compensation.
Ma question est simple : pourquoi refusez-vous de compenser les dépenses des collectivités territoriales, afin qu’elles puissent continuer de s’investir pour faire face à cette crise sanitaire et économique que le pays traverse ?