M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cet article introduit à l’Assemblée nationale vise à interdire les publicités affirmant à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou dépourvu de conséquences négatives sur le climat.
Nous avons jugé opportun d’encadrer l’utilisation de la notion de neutralité carbone, qui n’a aucune légitimité scientifique à une autre échelle que nationale ou supranationale et qui peut par ailleurs induire le consommateur en erreur, comme l’a récemment rappelé un rapport de l’Ademe. C’était le sens des trois amendements identiques que nous avons adoptés en commission.
Toutefois j’ai bien entendu les préoccupations d’un certain nombre de collègues et je proposerai un amendement de clarification qui devrait vous satisfaire, ma chère collègue.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Madame la sénatrice, vous souhaitez supprimer cet article et vous évoquez la nécessité que les entreprises soient encouragées à compenser leurs émissions – j’adhère complètement à cette position.
Il faut encourager les démarches vertueuses des entreprises qui souhaitent financer des projets de réduction ou de séquestration des émissions de gaz à effet de serre. C’est pour cette raison que le ministère de la transition écologique a mis en place et soutient fortement le développement du label Bas-carbone – c’est un exemple. Il faut que les entreprises puissent faire la promotion de leurs actions et de leur contribution positive à l’action climatique.
Néanmoins, appliquer la notion de neutralité carbone à un produit ou service ne trouve pas de justification technique. Comme le mentionnait Mme la rapporteure, une note de l’Ademe parue le 1er avril 2021 indique que la neutralité carbone peut être envisagée à l’échelle nationale ou internationale, mais pas à partir d’un seul produit. Le périmètre d’un produit ou d’un service est trop restreint pour que cette notion ait un sens.
Le Gouvernement est très attaché à lutter contre le greenwashing. La neutralité carbone devient pour de nombreux produits un argument marketing, qui peut tromper le consommateur en lui laissant croire que le produit n’a pas d’impact négatif sur l’environnement.
Toutefois, je considère aussi qu’il faut encourager les entreprises à compenser leurs émissions résiduelles et à le faire en toute transparence. C’est pourquoi le Gouvernement proposera un amendement qui, à défaut d’utiliser l’expression « neutralité carbone », permet de substituer à celle-ci l’expression « intégralement compensé en carbone ». L’utilisation de cette expression est factuellement exacte et nous proposons de l’assortir d’une mise à disposition du public des informations relatives à la manière dont est réalisée la compensation. Cette amélioration de la transparence permettra aux entreprises les plus vertueuses de sortir du lot.
Dans la mesure où il nous paraît essentiel d’empêcher toute tromperie du consommateur, je vous suggère de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement que nous examinerons dans quelques instants.
M. le président. Madame Joseph, l’amendement n° 1096 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Else Joseph. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1096 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 2063, présenté par Mme Havet, M. Marchand, Mme Schillinger, MM. Rambaud, Lévrier et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La section 8 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement est complétée par des articles L. 229-62 à L. 229-64 ainsi rédigés :
« Art. L. 229-62. – Sont interdits, dans une publicité, le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou dépourvu de conséquences négatives sur le climat ou toute autre formulation ayant une finalité et une signification similaires.
« Art. L. 229-63. – I. – Toute publicité relative à la commercialisation ou à la promotion d’un bien ou service pour lequel un affichage environnemental a été rendu obligatoire en application du III de l’article 15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire comporte une information synthétique, visible et facilement compréhensible, sur les impacts environnementaux du bien ou service, faisant notamment ressortir l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre du bien ou service sur l’ensemble de son cycle de vie.
« II. – Les dispositions du I ne sont pas applicables aux publicités radiophoniques.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d’État. Ce décret peut prévoir, afin d’assurer la bonne visibilité de l’information prévue au I en tenant compte des contraintes d’espace dans les publicités, que ces dernières comportent, un renvoi clair et lisible vers un support distinct aisément accessible par les consommateurs pour la mise à disposition d’autres informations ou mentions obligatoires.
« Art. L. 229-64. – I. – Tout manquement aux dispositions de l’article L. 229-63 du présent code est sanctionné, dans les conditions prévues par les dispositions du chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation, par une amende d’un montant de 10 000 euros pour les personnes physique et de 50 000 euros pour les personnes morales.
« Les manquements aux dispositions de l’article L. 229-63 du présent code sont recherchés et constatés par les agents mentionnés à l’article L. 511-3 du code de la consommation dans les conditions fixées au chapitre II du titre Ier du livre V du même code.
« II. – Les dispositions suivantes sont applicables en l’absence d’obligation pour les publicités de comporter l’information synthétique prévue à l’article L. 229-63 du code de l’environnement et jusqu’à la date d’entrée en vigueur de cette obligation. Toute publicité, à l’exception des publicités radiophoniques, relative à la commercialisation ou à la promotion d’un produit comporte de façon visible, le cas échéant :
« 1° La mention de sa classe d’émissions de dioxyde de carbone établie conformément aux dispositions de l’article L. 318-1 du code la route ;
« 2° La mention de sa classe d’efficacité énergétique établie conformément au du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2017 établissant un cadre pour l’étiquetage énergétique.
« Les manquements aux dispositions du présent II sont recherchés, constatés et sanctionnés dans les mêmes conditions, prévues à l’article L. 229-64 du code de l’environnement, que les manquements à l’article L. 229-63 du même code. »
III. – Les articles L. 229-62 et L. 229-63 du code de l’environnement entrent en vigueur un an après la publication de la présente loi.
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2063 est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L’amendement n° 132 rectifié est présenté par MM. Grand et Karoutchi, Mme Garriaud-Maylam, MM. Vogel, Burgoa, Bouchet, Lefèvre, Charon, Milon et Genet et Mmes Lavarde et Berthet.
L’amendement n° 708 rectifié ter est présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mmes Deromedi et Thomas, MM. Cambon, Frassa, Sautarel, Courtial, Bascher, Savin et B. Fournier, Mmes Dumas, Canayer, Richer et M. Mercier, M. Le Gleut, Mme Muller-Bronn, M. Sido, Mme Joseph, M. Cuypers et Mmes Gruny et Schalck.
L’amendement n° 1132 rectifié bis est présenté par M. Chaize, Mme Chauvin, M. Daubresse, Mmes Estrosi Sassone, Jacques et Demas, MM. Bonhomme, H. Leroy et Laménie, Mme Dumont et M. Hugonet.
L’amendement n° 1156 est présenté par Mme Lienemann.
L’amendement n° 1185 rectifié est présenté par MM. Capus, Malhuret, Menonville, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, MM. A. Marc, Wattebled et Guerriau, Mme Saint-Pé et M. Hingray.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 229–65. – Sont interdits, dans une publicité, le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou dépourvu de conséquences négatives sur le climat ou toute formulation ayant une finalité et une signification similaires. Afin d’être autorisée, toute référence à la notion de neutralité carbone doit s’appuyer sur des standards, normes ou certifications reconnus. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 132 rectifié.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, comme Mme la rapporteure et Mme la ministre viennent de nous dire qu’elles ont trouvé des solutions pour éviter les distorsions de concurrence que j’évoquais dans ma prise de parole précédente, peut-être pourrions-nous, pour la clarté de nos débats, leur donner tout de suite la parole pour qu’elles présentent leurs amendements. Nous pourrions alors décider de retirer les nôtres, si ces solutions nous paraissaient aller dans le sens de l’intérêt de nos entreprises. Nous gagnerions du temps !
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. le président. Mon cher collègue, nous devons suivre l’ordre d’examen des amendements prévu par le règlement.
Veuillez poursuivre.
M. Jean-Pierre Grand. Alors, je ne dirai que quelques mots : interdire la notion de neutralité carbone emporterait de graves conséquences pour les entreprises les plus vertueuses et reviendrait à les affaiblir face à des entreprises concurrentes qui n’ont pas fait les mêmes efforts.
Je le répète, le Sénat est très attaché à éviter les distorsions de concurrence qui pénalisent nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour présenter l’amendement n° 708 rectifié ter.
Mme Else Joseph. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 1132 rectifié bis.
M. Patrick Chaize. Je me permets juste de rebondir sur les propos de mon collègue Jean-Pierre Grand. C’est vrai, la rédaction actuelle de l’article est tout à fait contre-productive. En effet, les entreprises vertueuses seraient pénalisées pour leurs actions. S’agissant de La Poste, une entreprise que je connais plus particulièrement, ce sont plusieurs dizaines de millions d’euros qui sont investis pour faire en sorte d’être vertueux. L’opérateur ne serait plus motivé pour investir ces sommes si jamais la loi allait dans ce sens.
M. le président. L’amendement n° 1156 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 1185 rectifié.
Mme Colette Mélot. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 564 rectifié, présenté par M. S. Demilly, Mme Vermeillet, M. Bonnecarrère, Mmes Dumont et Létard, MM. Levi et J.M. Arnaud, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Canévet, Détraigne, Laménie, Klinger et Somon et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
indiquer
insérer les mots :
sans certification
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe les critères et les modalités de certification pouvant justifier de la formulation neutre en carbone, en particulier les normes ou standards à respecter. »
La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Je suis comme mes collègues Jean-Pierre Grand et Else Joseph dans l’attente des bonnes nouvelles qui devraient tomber dans quelques minutes.
Je ne comprends pas cet article, qui introduit l’interdiction générale pour les opérateurs de mentionner la neutralité carbone des produits ou des services sur les emballages ou dans les publicités. C’est une interdiction qui apparaît trop restrictive, car, aujourd’hui, de nombreux acteurs du secteur sont fortement engagés dans une démarche de neutralité carbone certifiée par des tiers extérieurs indépendants, sur la base de référentiels reconnus au niveau européen ou international. Je pense notamment aux certifications ISO.
Pour les opérateurs qui s’engagent, cette démarche de neutralité carbone signifie non pas uniquement la compensation des émissions de gaz à effet de serre et l’achat de crédits carbone, mais également l’évitement et la réduction des émissions sur l’ensemble du cycle de vie du produit. Cet engagement est vérifiable d’une manière indépendante et ne peut pas être considéré comme du greenwashing, me semble-t-il.
Une interdiction trop générale constituerait un empêchement pour les entreprises qui se mobilisent et investissent de façon conforme aux engagements pris par la France, l’Union européenne et d’autres pays dans le monde.
Cet amendement vise donc à permettre aux opérateurs certifiés de pouvoir continuer à informer le consommateur sur leur engagement pour la neutralité carbone, lorsque celui-ci est prouvé, dans un cadre reconnu, respecté et transparent. On demande aux entreprises d’être vertueuses, mais surtout de ne pas le dire. Ce n’est pas cohérent !
M. Gérard Longuet. Exact !
M. le président. L’amendement n° 2206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
le produit, le service ou l’activité du fabricant
par les mots :
le produit ou le service
II. – Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 229-65-1. – Lorsqu’il est allégué qu’un produit ou service est intégralement compensé en carbone ou lorsqu’il est fait mention d’une formulation d’effet équivalent, l’annonceur est tenu de rendre aisément disponible au public le bilan des émissions de gaz à effet de serre correspondantes et les modalités de compensation mises en œuvre, en précisant notamment leurs standards d’évaluation.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Je vais expliquer pourquoi j’ai déposé cet amendement et pourquoi je préfère cette rédaction à celles proposées par un certain nombre de sénatrices et de sénateurs, et notamment par Mme la rapporteure. Les raisons sont très précises.
Avec les autres amendements, il est en fait proposé d’encadrer l’utilisation de la notion de neutralité carbone pour un produit ou un service au lieu de l’interdire, afin que les entreprises puissent communiquer sur leurs actions de compensation. Je rappelle la note de l’Ademe, qui spécifie bien que la neutralité carbone peut être envisagée à l’échelle nationale ou internationale, mais pas à partir d’un seul produit précisément. Attachée à un produit ou un service, cette notion est donc trompeuse pour le consommateur.
On comprend bien la logique des amendements et la référence qui est faite aux travaux en cours pour l’élaboration d’une norme ISO sur les allégations de neutralité carbone. D’ailleurs, les services de mon ministère y sont associés, mais cela ne nous paraît pas garantir à ce stade une pleine transparence pour le consommateur. En effet, alléguer la neutralité carbone d’un produit ou d’un service revient à mettre en avant une démarche de compensation, étant précisé que c’est la dernière étape de la séquence « éviter, réduire, compenser ». « Compenser » ne peut évidemment en aucun cas se substituer à « éviter et réduire ».
La compensation peut être réalisée de manière plus ou moins vertueuse, à des coûts très différents. Par exemple, 1,5 euro la tonne de CO2 pour des projets d’énergies renouvelables dans les pays en développement, pour lesquels l’additionnalité est assez questionnable, et jusqu’à 10 à 15 euros la tonne de CO2 pour des projets de reforestation qui sont vraiment vertueux. Dans les deux cas, on parle de compensation, et vous voyez bien que l’on n’est pas du tout sur les mêmes niveaux.
En l’état actuel des travaux sur la norme ISO 14068, les projets les moins vertueux de compensation carbone seraient toujours éligibles pour démontrer la neutralité carbone d’un produit ou d’un service. Dans ces conditions, les garanties de transparence pour les consommateurs ne sont pas réunies.
Toutefois, il ne s’agit pas de décourager les entreprises qui s’engagent sur la neutralité carbone de leurs activités, ni celles qui souhaitent développer plus de compensation carbone pour leurs émissions résiduelles. C’est pourquoi le Gouvernement propose cet amendement, qui permet de dissocier une communication sur la neutralité carbone d’un produit ou d’un service d’une communication sur un engagement à la neutralité carbone d’une entreprise.
Nous suggérons de communiquer sur des produits intégralement compensés en carbone, tout en rendant publique la manière dont la compensation est réalisée, ce qui permet précisément d’identifier les pratiques plus ou moins vertueuses au profit des entreprises les plus ambitieuses.
Ma présentation valant avis sur les autres amendements, monsieur le président, je propose à leurs auteurs de les retirer au profit de celui du Gouvernement. Mon but est d’éviter que, sous couvert de bonnes intentions, on permette à des démarches très peu vertueuses d’être mises en avant.
M. le président. L’amendement n° 2050 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 2221, présenté par Mme de Cidrac, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des formulations s’appuyant sur des certifications fondées sur des normes et standards reconnus au niveau français, européen et international
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Après avoir entendu toutes les observations et les remarques qui ont été faites sur ce sujet, la commission a décidé de proposer un amendement de précision afin d’autoriser la formulation neutre en carbone, s’appuyant sur des certifications fondées sur des normes et standards reconnus aux niveaux français, européen et international.
Cet amendement devrait pouvoir satisfaire les souhaits formulés par les uns et les autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Il semble indispensable de mieux encadrer l’utilisation de la notion de neutralité carbone, trop souvent source de confusion pour le consommateur, et ne correspondant pas, parfois, à la réalité de l’impact environnemental du bien ou du service.
J’accueille donc favorablement les propositions qui apportent une précision utile, complétant ce qui a été fait en commission. Je vous propose ainsi de retenir l’amendement n° 2221, que je viens de vous présenter, et émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 132 rectifié, 708 rectifié ter, 1132 rectifié bis et 1185 rectifié, ainsi que sur les amendements nos 564 rectifié et 2206.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. J’ai déjà donné mon avis tout à l’heure, monsieur le président : avis défavorable sur l’ensemble des amendements sauf, évidemment, sur celui que je défends.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Après avoir pris connaissance de l’amendement de Mme la ministre et de celui de Mme la rapporteure, je dois avouer que j’ai une préférence pour le second, parce qu’il donne des garanties. C’est un bon compromis, qui prend en compte ce que nous avons demandé. Je pense que celui du Gouvernement place sur un pied d’égalité ceux qui compensent sans baisser leurs émissions et les autres. C’est, à mon sens, sa faiblesse.
Ce qu’a dit Mme la rapporteure, avec la prise en compte des standards, nous semble être une très bonne solution.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 132 rectifié est retiré.
La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voudrais très modestement appeler l’attention de mes collègues et de Mme la ministre sur la relativité des questions sur lesquelles nous sommes en train de discuter.
Je vous donne un exemple très précis. J’ai été, à l’époque, rapporteur des Grenelle de l’environnement I et II. Cela a duré longtemps, beaucoup plus longtemps que ce texte va nous occuper. En particulier, j’avais proposé que les bouteilles en verre soient consignées. C’était il y a dix ans ! J’étais peut-être en avance, mais on m’a expliqué, avec force chiffres, que c’était contre-productif, que cette démarche n’était pas écoresponsable, donc on ne m’a pas suivi. J’ai cru comprendre que, dix ans après, on remet cela sur le tapis. Vous connaissez la fable : que l’on soit puissant ou misérable…
Par ailleurs, toutes les notions que nous avons évoquées, notamment l’écoblanchiment, ou greenwashing, sont tout à fait relatives. Qui définit la neutralité carbone ? C’est une bonne question, sur laquelle l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) devrait, je pense, se pencher. C’est un très grand pouvoir de décréter que telle ou telle chose est positive, négative ou neutre, car les conséquences peuvent être graves.
Je pense qu’il faut y réfléchir et dire qui définit la neutralité carbone. C’est une vraie question. Au fond, on est en train de discuter d’une loi d’orientation, comme le Grenelle de l’environnement l’était. À l’époque, on a voté beaucoup de mesures que l’on a dû revoter par la suite, tout simplement parce que c’était une loi d’orientation trop imprécise, sans aucune portée juridique.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Je voulais dire quelques mots au sujet de cet article 4 bis C, avec les amendements qui ont déjà été votés en commission sur l’affichage, à tort, de cette neutralité carbone article par article, produit par produit. Je trouve que cela revient quand même un peu à prendre les consommateurs pour des imbéciles.
Une entreprise peut avoir une stratégie globale de compensation, de neutralité carbone, avec un certain nombre d’actions qui viennent réduire les émissions ou en compenser parfois, mais chaque consommateur est en mesure de comprendre que, produit par produit, la neutralité carbone n’existe pas. On a des produits qui ont nécessité des émissions carbone ; d’autres en captent au contraire ; donc on est bien sur une stratégie globale.
Je comprends mal la confusion évoquée par un certain nombre de collègues, qui regrettent que l’on décourage les initiatives et les démarches entrepreneuriales. Pas du tout ! Au contraire ! Il faut dire aux acteurs économiques : ayez une démarche globale sur une stratégie d’entreprise, mais, en revanche, arrêtez de prendre les consommateurs pour des idiots en affichant qu’un produit est neutre en carbone.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis en accord parfait avec l’orateur précédent sur le fait qu’aucun produit n’est neutre en carbone. Aussi, lorsque le Gouvernement écrit dans son amendement qu’on ne peut pas afficher une neutralité carbone du produit, il vise juste.
Ce qui me semble poser problème dans l’amendement proposé par Mme la rapporteure, c’est la formule « à l’exception des formulations ». Non, on confond deux choses.
Aucun produit n’est neutre en carbone, et on ne peut pas afficher une neutralité carbone de produit. C’est bien que la loi le dise.
Après, on tombe sur des discussions importantes au sujet de questions émergentes, à savoir la compensation. Nous devons effectivement avoir un débat sur ce point.
Madame la ministre, j’aimerais bien vous entendre sur la stratégie du Gouvernement, peut-être en lien avec l’Union européenne, au sujet de la compensation. Où veut-on en venir ? On émet de 30 à 40 milliards de tonnes de CO2 dans le monde. Si l’on a une compensation, demain, à 5 euros ou 10 euros, ce sera un des flux financiers principaux de développement dans le monde, au-delà, par exemple, des fameux 100 milliards d’euros que les pays en développement avaient demandé à Copenhague, sans les obtenir, ce qui a été l’une des raisons de l’échec de ce sommet.
En revanche, vous l’avez dit, on trouve sur le marché de la tonne de CO2 à 1 euro, ce qui n’a aucun impact en matière de développement, de biodiversité, et même, globalement, en matière d’émissions de carbone.
À l’inverse, on aura certainement, demain, des standards intéressants, avec du développement et des flux financiers dont nous avons besoin, y compris à l’échelle mondiale, pour la reconquête de la biodiversité et la restauration des puits de carbone. Mais tout va se jouer sur les standards. Or votre libellé, madame la ministre, me semble, à ce stade, extrêmement vague, puisqu’il n’est pas précisé qui va décider des standards d’évaluation, et l’on pourrait se retrouver dans de l’étiquetage assez fantaisiste.
Je suis assez d’accord avec ce que disait notre collègue Sido : c’est peut-être un sujet pour l’Opecst, mais c’est en tout cas un sujet pour le Gouvernement.
Madame la ministre, on a besoin de vous entendre sur la stratégie de compensation pour éviter de fausses compensations. Il y en a déjà sur le marché. Cela va être notamment au cœur du sujet avec Corsia (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation – programme de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale) sur l’aviation.
Pour autant, votre amendement est plus intéressant, car il ne peut en aucun cas y avoir d’exception à l’interdiction d’afficher la neutralité carbone.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Ce débat est absolument passionnant, parce qu’il pose la question de la priorité. S’agit-il d’évoquer et de revendiquer une neutralité, qui est discutable et difficile à établir, ou s’agit-il, au contraire, d’encourager les entreprises qui ont la volonté de décarboner des process, qui, aujourd’hui, ne le sont pas du tout ?
Je considère que nous devrions nous rallier à l’amendement de Mme la rapporteure, car il est plus ouvert. Je souhaite profondément que les industriels, confrontés pour des raisons de technologie à l’obligation d’émettre du CO2, puissent valoriser leurs efforts de décarbonation des process, même s’ils sont tant s’en faut neutres.
Nos collègues ont bien voulu citer l’Opecst. Nous venons de travailler sur la production d’hydrogène : 40 milliards de tonnes au niveau mondial ; en France, l’hydrogène, c’est 5 millions de tonnes pour 8 millions de tonnes de CO2. Il me paraît donc beaucoup plus important d’encourager les grandes entreprises qui produisent de l’hydrogène à en produire du décarboné, même si l’on sait qu’atteindre cet objectif prendra sans doute une dizaine d’années, sans aucune perspective de neutralité à très court terme.
Cependant, il vaut mieux réduire quelque chose d’important et de gênant que de sanctifier des situations très particulières, où le créateur d’un service ou d’un produit aura le privilège, pour des raisons techniques, de ne pas émettre de CO2. Laissons aux entreprises qui investissent le droit de valoriser leur effort, dès lors qu’il est significatif, pour réduire les émissions de CO2.