M. Laurent Duplomb. Avec le goulag, c’était mieux !
M. Fabien Gay. Que dire, enfin, de l’attentisme interminable face au fléau des engrais azotés ?
Nous avons discuté des heures sur les repas bio ou végétariens, alors que se multiplient les accords de libre-échange mortifères, responsables de l’augmentation du trafic de marchandises, de la déforestation, du dumping social et écologique. Vous les maintenez sans sourciller et évitez, une fois encore, de vous confronter à cette question.
Ensuite, vous avez évité de prendre en compte les engagements internationaux de la France en fixant un objectif de diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, alors que l’Union européenne s’est récemment engagée à diminuer ces mêmes émissions de 55 % à la même échéance pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Certes, des amendements visant à rehausser l’ambition générale du projet de loi ont été adoptés, portant ainsi l’objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % à 55 % d’ici à 2030. Toutefois, selon le Haut Conseil pour le climat, ce texte n’engage aucun changement structurel nécessaire. En outre, une proportion élevée de ses dispositions voit sa portée réduite par un périmètre d’application limité. Le constat est sans appel : en l’état des mesures prises, la France n’atteindra pas ses objectifs.
De la même manière, nous nous sommes émus des problématiques de partage des usages de l’eau, car nous savons que le stress hydrique est une donnée incontournable. Dans le même temps, le Gouvernement a accepté, voire orchestré, la privatisation de l’eau potable en France avec l’affaire Suez-Véolia.
En ce qui concerne les entreprises et les banques, le Gouvernement et la majorité sénatoriale restent dans le déni. Pourtant, un rapport conjoint des Amis de la Terre France et d’Oxfam souligne l’absence d’engagement des établissements bancaires dans la transition énergétique. Pire, ces derniers soutiennent à hauteur de 100 milliards de dollars les entreprises actives dans les énergies fossiles. Il n’y a rien dans ce texte qui les contraigne à tendre vers la décarbonation de leurs activités.
Enfin, et surtout, vous avez évité un élément fondamental : la justice sociale. Alors que les inégalités explosent, vous ignorez toujours les plus précaires, ceux qui seront les plus touchés par les crises à venir.
Tout le monde attend que nous mêlions justice climatique et justice sociale. Nos concitoyens se soucient de l’état de la planète et aimeraient pouvoir la préserver. La transition doit donc être accessible à toutes et à tous.
L’évitement a été total, du début à la fin, la commission déclarant même nos amendements irrecevables. Conséquence : aucun débat sur le travail et le partage du temps de travail ; rien sur le partage de la valeur ajoutée, en particulier dans l’agroalimentaire ; refus de taxer les transactions financières et de déployer les moyens propres à combattre la déforestation importée. (M. Pascal Martin, rapporteur, proteste.)
En ce qui concerne le logement, seuls des objectifs à très long terme ont été fixés, alors que la rénovation des bâtiments est fondamentale. Rien non plus sur le service public ferroviaire et les trains d’équilibre du territoire (TET). Et la liste est encore longue…
Il faut reconnaître que le Sénat, sur certains points, a amélioré le texte initial : publicité pour les véhicules polluants, intégration des impacts sociaux et du respect des droits humains dans l’affichage environnemental, réduction de la TVA sur les billets de train à 5,5 % et exclusion d’entreprises qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance de certains marchés.
Toutefois, certains reculs sont inacceptables, comme en matière de zones à faibles émissions, alors que les morts prématurées liées à la pollution de l’air ne sont plus contestables. Et que dire de la gestion des installations de fret qui pourront être externalisées, actant un peu plus la casse de SNCF Réseau ?
Il n’est plus possible de croire que, sans remise en cause du dogme de la concurrence libre et non faussée, ainsi que de l’idée d’un monde sans limites, nous puissions répondre aux enjeux climatiques et environnementaux. Oui, un texte qui porte l’ambition d’un changement de société doit mettre au cœur du débat les biens communs et le service public. Nous avons réussi l’exploit de parler d’énergie pendant des heures alors même que vous vous apprêtez à démanteler et privatiser une partie des activités d’EDF.
Pour conclure, il est déjà minuit trente pour la planète. Votre « coup de com’ » visait à vouloir tout changer pour que, finalement, rien ne change. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour leur engagement, en particulier ses rapporteurs, qui n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers mois.
Je remercie également les rapporteurs des commissions saisies pour avis pour le travail collectif et complémentaire réalisé en bonne intelligence.
Madame la ministre, nous voilà à la fin du marathon sénatorial qui a commencé pour vous en juin dernier, avec la présentation des propositions de la Convention citoyenne pour le climat dont ce texte est la traduction législative.
À cet égard, permettez-moi une parenthèse : si la Convention citoyenne a démontré que certaines formes de démocratie directe ou participative pouvaient trouver une place dans la Ve République, elle n’a jamais eu vocation à se substituer au pouvoir législatif. Le Parlement a ainsi démontré qu’il n’abandonnerait pas son pouvoir de proposition et son droit d’amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Le texte qui nous arrivait de l’Assemblée nationale nous semblait manquer d’ambition et de pragmatisme. Nous doutions même de son effet climatique, tant il passait à côté de nos engagements européens rehaussés en décembre dernier. Nous regrettions aussi que ce projet de loi soit paradoxalement bavard sur des points de détail et muet sur des secteurs essentiels pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les travaux de la Convention citoyenne pour le climat montraient les mêmes angles morts, comme l’a souligné le rapport Tirole-Blanchard : « Les recommandations de la CCC ne suffiront certainement pas pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030, notamment parce qu’elles n’abordent pas les questions centrales que sont le mix électrique et la tarification du carbone. » Il est donc logique que le présent projet de loi reflète ces faiblesses originelles.
Nous pourrons dès lors nous pencher autant que nous le souhaitons sur la question des échantillons commerciaux, des avions publicitaires ou demander pléthore de rapports. Pour ma part, je pense qu’il est temps d’agir sur les principaux leviers qui nous permettront de rehausser l’effet climatique du projet de loi et, plus généralement, d’engager notre pays sur la voie de la neutralité carbone.
Dans cette optique, je tiens à saluer les nombreux apports du Sénat, qui s’articulent autour de trois ambitions.
Premièrement, supprimer les angles morts du texte. Je salue l’inscription dans le projet de loi de l’objectif de doublement des parts modales du fret ferroviaire et fluvial et la concrétisation de cette ambition via la diminution de la TVA à 5,5 % sur les billets de train.
Je salue également l’impulsion bienvenue pour nos forêts : il nous fallait optimiser leur rôle de puits de carbone, sachant qu’elles absorbent chaque année en France plus de 11 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, concilier économie, écologie et justice sociale. Je pense à la logique selon laquelle les aides à la rénovation énergétique doivent être davantage attribuées en fonction des revenus et non uniquement de la performance de la rénovation et au rétablissement du taux de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation énergétique dans le logement social.
Selon moi, la rénovation des bâtiments illustre le chemin heureux de la transition écologique et soulève davantage d’opportunités que de menaces en créant des emplois non délocalisables, en réduisant les émissions polluantes et en améliorant la santé des populations.
Troisièmement, défendre une écologie territoriale et pragmatique. Nous avons choisi de confier la prise de décision en priorité aux collectivités territoriales, car nous savons les élus locaux responsables. Nous avons décliné au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, prévu un droit d’option pour les 200 communes littorales concernées par le recul du trait de côte et dynamisé la politique alimentaire territoriale.
Mes chers collègues, le Sénat a démontré son ambition écologique. Il n’est pas une assemblée ringarde qui passe à côté des grands défis de son temps.
Par l’adoption d’un amendement portant article additionnel avant l’article 1er A, nous avons manifesté notre ambition commune et transpartisane d’aller au bout des engagements climatiques de la France. Notre pays, qui ne représente que 1 % de la population mondiale, n’aura qu’une incidence directe faible sur la lutte contre la transition écologique, mais je suis convaincu qu’il peut avoir une influence indirecte considérable.
« Ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris commence, l’Europe le continue », disait Victor Hugo. En amont de la COP26 et de la présidence française de l’Union européenne, notre pays peut donner une impulsion climatique ambitieuse à ses partenaires européens – impulsion qui se retrouverait demain dans les accords commerciaux, par exemple en ce qui concerne la tarification carbone. C’est tout l’enjeu de cet amendement qui tend à réaffirmer les engagements climatiques européens et internationaux de la France, déposé par la plupart des groupes politiques du Sénat, à commencer par le groupe Union Centriste.
Plus globalement, le groupe UC a pris toute sa part dans ce débat. Nous nous réjouissons d’avoir fait adopter en séance des amendements d’importance. Nous avons ainsi fait entrer dans le code minier la notion de « gestion minière durable », acté la création d’un schéma directeur des itinéraires cyclables, inscrit le principe d’une modulation de l’écotaxe pour les poids lourds à faibles émissions ou encore fait adopter un principe de dérogation aux règles de la commande publique pour développer la rénovation énergétique des bâtiments publics.
Fort de ces apports concrets, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce projet de loi, tel qu’il a été amendé par notre Haute Assemblée. Madame la ministre, je vous le dis avec une certaine solennité : nous souhaitons vraiment que la commission mixte paritaire soit conclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au bout de ce marathon législatif qui s’est déroulé à un rythme effréné. Nous avions, en tout et pour tout, quinze jours pour changer la donne et rehausser les ambitions de ce projet de loi.
La voie fut étroite pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, même allié sur bon nombre de sujets aux autres groupes de gauche, entre une majorité présidentielle et un Gouvernement qui persistaient à amoindrir, voire à dénaturer les travaux éclairés de la Convention citoyenne pour le climat et une droite sénatoriale qui tentait vainement de se verdir, arc-boutée sur un savant discours construit autour de l’« écologie punitive » – belle trouvaille rhétorique pour justifier l’immobilisme. (M. Antoine Lefèvre proteste.)
Pourtant, mes chers collègues, le contexte dans lequel se sont déroulés nos débats aurait dû nous convaincre de la responsabilité écologique qui nous incombe : la canicule à Paris, les dérèglements climatiques récurrents, les fuites du nouveau rapport du GIEC anticipant des « retombées climatiques cataclysmiques » ou encore le rapport Tirole-Blanchard qui souligne la « menace existentielle » que fait peser le réchauffement climatique.
Les signes annonciateurs sont là et nous continuons de disserter sur l’autorégulation des agents économiques, de multiplier les expérimentations sans définir de trajectoires claires, de ne pas entendre ce que nous disent les citoyens formés par les meilleurs experts que compte notre pays.
À force de surplace, de communication, d’aveuglement devant les conséquences réelles du changement climatique, devant ce temps que nous laissons filer, nous construisons des usines à gaz et organisons notre propre impuissance, comme avec le démantèlement d’EDF, par exemple, au lieu de nous attaquer vraiment à la réduction des gaz à effet de serre.
Comment voulons-nous revivifier notre démocratie si nous nous condamnons à l’inaction ? Lorsque le Gouvernement abaisse la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), nous n’assumons pas notre leadership écologique, apparu au précédent quinquennat avec l’accord de Paris.
Et pourtant, le ferment du nouvel universalisme français du XXIe siècle consiste bien à lier l’écologie à la justice sociale. Le GIEC nous y invite : « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et Gouvernement […] Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation ».
Ce projet de loi y participe-t-il ? Malheureusement non, ou trop fébrilement.
Mes chers collègues, il ne s’agit d’être non pas alarmistes, mais réalistes. Nous ne pouvons que regretter que le Sénat, dans sa majorité, n’ait pas encore terminé sa mue écologique. Trop de vieux réflexes, trop de certitudes nous confinent encore à l’insécurité écologique. Si bien que toute une jeunesse, touchée par la faiblesse générale de nos débats, appelle aujourd’hui à ce que l’ensemble de la classe politique soit formée aux enjeux climatiques, tout comme le furent les 150 citoyens tirés au sort.
Pour notre part, malgré les nombreux amendements que nous avons déposés et défendus, nous n’avons pas réussi à convaincre la majorité sénatoriale de corriger ce projet de loi d’affichage, parcellaire et insuffisant au regard de nos objectifs pour rester en deçà de 1,5 degré.
Nous pouvons tout de même nous réjouir de l’adoption de quelques-unes des propositions que nous semons depuis bientôt cinq ans – la patience a du bon. Je pense à l’introduction de critères sociaux dans l’affichage environnemental, au renforcement du contrôle des engagements des publicitaires et à l’introduction des objectifs de développement durable (ODD) dans les principes de l’achat public, aux mesures relatives à la pollution des sols, traduction des propositions de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols, dont Gisèle Jourda était rapportrice, et de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, portée par Nicole Bonnefoy.
Nous avons également obtenu quelques avancées au titre III comme la création d’un prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre afin d’alléger le reste à charge des ménages modestes et la réduction du taux de TVA pour le transport ferroviaire de voyageurs.
En outre, comme l’a souligné notre collègue Henri Cabanel, la Haute Assemblée a approuvé la reconnaissance, chère à Franck Montaugé, des externalités positives de l’agriculture et le développement des services environnementaux et d’aménagement des territoires ruraux. Il s’agit d’une avancée très importante, au même titre que l’introduction dans notre politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation de la nécessité de préserver nos agriculteurs de la concurrence déloyale des produits importés ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne.
Toutefois, au regard des avis défavorables émis par le Gouvernement, il est à craindre que ces quelques acquis ne résistent pas à la commission mixte paritaire…
Par ailleurs, nos critiques sur l’absence de justice sociale demeurent fondées après deux semaines de débat. On ne trouve rien dans ce texte sur la résilience sociale. N’oublions pas que le mouvement des gilets jaunes est né d’une augmentation de la taxe carbone et qu’il a conduit au gel de la trajectoire de la contribution carbone en 2019.
Sans évaluation des impacts sociaux des mesures prises en termes de pouvoir d’achat et d’emplois, la transition écologique est condamnée à échouer, faute d’acceptabilité sociale.
Notre proposition de garantie emploi vert, qui a reçu un avis défavorable, aurait permis la conversion écologique de notre modèle économique. Vous avez préféré reculer face au e-commerce et favoriser la casse sociale et environnementale. Nier la dimension solidaire de la transition écologique ne fera que renforcer les inégalités face au réchauffement climatique.
Je terminerai par une illustration très concrète de nos débats, qui démontre nos difficultés, en tant que groupe de l’opposition, à faire valoir le réalisme écologique : d’un côté, le Gouvernement refuse d’élargir l’interdiction, prévue à l’article 36, des vols réguliers de moins de deux heures trente aux vols effectués en jet privé, car cela « remettrait en cause la liberté d’aller et venir » selon Mme Wargon – ne touchons surtout pas aux ultraprivilégiés ! – alors qu’il s’agit de défendre l’intérêt général et nos enfants ;…
Mme Sophie Primas. Quelle caricature !
M. Joël Bigot. … de l’autre, la droite de cet hémicycle, tout en repoussant l’interdiction de location des logements classés F, crée un nouveau congé pour travaux de rénovation énergétique des logements – pour le coup, ce n’est pas une caricature ! –, ce qui permet d’expulser plus facilement un locataire sous motif de rénovation d’un bâtiment.
Voilà l’écueil politique, les paradoxes de la communication et l’inertie auxquels nous sommes confrontés au moment d’enclencher la transition écologique et solidaire. Si le projet de loi contient des petits pas, il constitue un terrible aveu d’impuissance climatique et un véritable échec pour le Gouvernement.
Alors que la Convention citoyenne pour le climat fut une très belle réussite démocratique, nous ne pouvons que regretter la faiblesse de sa traduction législative. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Saint-Exupéry disait que nous empruntions la terre à nos enfants. S’il parlait assurément de la nature, il parlait surtout de la cité tout entière. Face aux intérêts court-termistes de quelques-uns, il nous invite à voir la transmission dans le temps long et à protéger ce qui fait notre bien commun.
Si l’écologie nous concerne tous, la vague notion de climat et résilience en titre de ce projet de loi annonçait déjà un contenu conforme à un prêt-à-penser bien éloigné d’une clairvoyance écologique nouvelle. Confondre écologie et climat, c’est déjà laisser libre cours à l’idéologie qui fait de la taxation l’alpha et l’oméga d’un écologisme aussi punitif qu’inefficace.
Ce projet de loi reflète le « en même temps » progressiste, friand de contradictions. Ce texte se contente de mesures néfastes ou de surface. Je pense en particulier aux éoliennes, véritable totem sacré de l’écolo-boboïsme : elles polluent nos sols avec des milliers de mètres cubes de béton, tuent nos oiseaux et font fuir la faune ; elles ont un bilan carbone déplorable, ruinent des milieux de vie, défigurent les contours poétiques de nos paysages. Dans les Bouches-du-Rhône, le projet d’implantation de ces horreurs au pied de la merveilleuse montagne Sainte-Victoire, si chère à Cézanne et à tous les amoureux de ce que la nature nous a offert de plus beau, est un véritable crime !
Avec les parcs éoliens et solaires terrestres ou offshore, vous industrialisez et défigurez nos paysages, vous généralisez le retour aux centrales à gaz et à charbon pour un bilan écologique négatif.
Il est donc important d’autoriser les maires à refuser l’implantation d’éoliennes sur leur commune. C’est ce qu’a fait le Sénat, dans sa grande sagesse – nous ne pouvons que nous en réjouir.
Notre assemblée a aussi supprimé la notion de crime d’écocide, laquelle aurait pu se retourner contre votre chantier de forage d’éoliennes offshore en baie de Saint-Brieuc, madame la ministre.
Autre totem exubérant : les repas végétariens hebdomadaires dans les cantines, dont la généralisation a été supprimée par le Sénat. Le syndicat Culture Viande nous explique que 70 % du poulet servi dans les cantines sont importés de l’étranger, mais tant pis si nos écoliers sont nourris avec de la viande brésilienne : l’important, c’est qu’ils mangent un menu végétarien par semaine !
Sans nouveauté, on constate surtout à quel point la question cruciale de l’environnement est instrumentalisée par des idéologues, qui parlent de planter des arbres, mais s’acharnent surtout à couper nos racines.
M. Guy Benarroche. Cela suffit !
M. Stéphane Ravier. Pour œuvrer en faveur de l’environnement, nous devons protéger nos producteurs locaux, favoriser les circuits courts, revoir notre place dans la mondialisation.
L’écologie ne s’impose pas selon les codes d’un exercice bureaucratique. Cette responsabilité s’exerce localement, dans le quotidien de chacun.
Je pense d’ailleurs qu’il existe encore un bon sens local, puisque je ne vois toujours aucune éolienne de 150 mètres de haut dans le jardin du Luxembourg ni de panneaux solaires sur le toit du Sénat ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Grand. Vous brassez suffisamment de vent !
M. Guy Benarroche. Ce serait une bonne idée !
M. Stéphane Ravier. Comme alternative à la mondialisation écologiquement désastreuse, nous proposons une écologie de la vie, enracinée et locale, incitative, respectueuse de l’homme et de l’intégrité, notamment visuelle, de la biodiversité.
En vue d’y contribuer, je voterai les modifications positives apportées par les sénateurs, portant la parole des élus locaux sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 14 juin dernier, nous étions réunis ici même pour débuter l’examen de ce projet de loi.
Au nom de mon groupe, j’avais exprimé notre regret face au manque d’ambition de ce texte non seulement au regard de la volonté affichée et des engagements pris par le Président de la République devant la Convention citoyenne pour le climat, mais aussi du décalage avec le projet de loi de révision constitutionnelle, qui vise à placer au plus haut la question environnementale.
Avec d’autres groupes, nous avons rédigé et voté un amendement tendant à imposer à la France de respecter la trajectoire définie par les accords de Paris et la future répartition des efforts négociée au niveau européen en termes d’émissions de CO2.
Il s’agissait tout simplement de rappeler au Gouvernement ses obligations, alors que de nombreux observateurs et acteurs – Haut Conseil pour le climat, organisations non gouvernementales (ONG) et parlementaires – s’inquiètent.
Plusieurs milliers d’amendements et des dizaines d’heures de débat plus tard, force est de constater que les échanges ont été riches. Chacun a pu défendre ses positions, souvent avec conviction, parfois avec sensibilité, mais toujours avec beaucoup de sobriété, sans sombrer dans la caricature ou les clichés habituels en ce genre de circonstances. La raison est simple : individuellement et collectivement, nous partageons désormais une certitude, celle de l’urgence d’agir pour le climat.
Bien sûr, la France ne réglera pas à elle seule cette question essentielle, pour nous-mêmes et nos enfants. Toutefois, en tant que grande puissance et en raison de ce qu’elle représente dans le concert international des nations, elle peut et doit y contribuer.
Ce projet de loi nous permet d’apporter une touche supplémentaire. Sous l’impulsion tant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable que de la commission des affaires économiques – dont je salue les présidents respectifs, Jean-François Longeot et Sophie Primas –, le Sénat a grandement bonifié ce texte.
Avec le sens des responsabilités qui caractérise la Haute Assemblée, nous nous sommes imprégnés de ce texte, nous en avons décortiqué le moindre mot, chaque article, chaque titre. Qu’il me soit permis de saluer le travail fourni par les différents rapporteurs, qui ont su trouver sur de nombreux sujets un équilibre parfois subtil, entre raison, ambition et tentation de suppression. Les multiples auditions et contributions ont exigé des rapporteurs un fort investissement. Je les en remercie au nom de chacun d’entre nous.
Certains considéreront sans doute que nous ne sommes pas allés assez loin ou assez vite ; d’autres penseront le contraire, comme nous l’avons constaté au cours des débats ou encore à l’instant même, à travers les interventions des orateurs qui m’ont précédé.
Cela signifie sans doute que la voie empruntée est la bonne, avec du bon sens et du pragmatisme, sans idéologie ni dogme. J’en veux pour preuve les avancées à tous les titres : affichage environnemental, encadrement de la publicité, certification de la neutralité carbone, impact des livraisons, économie sociale et solidaire, commande publique, cycle de vie, pollution des eaux et continuité écologique, forêt, éolien terrestre et en mer, hydroélectricité, méthanisation, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), verdissement du parc de poids lourds, TVA à 5,5 % sur le transport ferroviaire, compensation carbone pour l’aérien, transport de marchandises, véhicules particuliers et entreprises, vélos, ZFE, recul du trait de côte, aires protégées, qualité de l’air, rénovation performante des bâtiments, pollution des sols, catastrophes naturelles, restauration collective, produits locaux et de qualité, souveraineté alimentaire, déforestation importée…
Cette liste n’est pas exhaustive. Elle illustre incontestablement l’importante contribution des sénatrices et des sénateurs, quel que soit leur groupe politique d’origine – au cours de ces quinze jours de débat, tous les groupes ont d’ailleurs vu certains de leurs amendements être adoptés.
En réalité, nous ne faisons qu’accompagner la prise de conscience et les réalisations de tous les acteurs engagés – associations, entreprises, agriculteurs, collectivités locales, fédérations et syndicats professionnels.
Chaque jour qui passe apporte son lot de nouvelles encourageantes : une économie qui se dirige à grands pas vers la décarbonation, le glissement des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, des investissements vertueux et responsables…
De façon irréversible, les enjeux « climat » sont désormais intégrés à tous les niveaux de la société et par chacun de nos concitoyens – je m’en réjouis. Engagé sur ces sujets depuis toujours, je peux attester de cette évolution rapide et positive.
Restons lucides cependant : beaucoup reste à faire pour modifier la trajectoire. Mais nous sommes confiants en la capacité de l’homme à accélérer le mouvement amorcé depuis plusieurs années. Nous ne souhaitons pas céder au catastrophisme ou au déclinisme de certains, parce que nous avons intimement besoin d’une « Espérance ». Je crois en l’instinct de survie de notre espèce. Nous saurons ensemble protéger le vivant et faire preuve d’altruisme. J’ai foi en notre humanité.
Madame la ministre, avec Bérangère Abba, Jean-Baptiste Djebbari, Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie, qui se sont succédé au banc du Gouvernement, vous avez pu mesurer notre implication et notre volonté, affichée à plusieurs reprises, d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive qui intégrerait l’essentiel de nos apports à ce texte, que notre groupe votera. Il s’agirait d’un signal fort, à quelques encablures de la COP26 de Glasgow et de la présidence française de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC – M. Franck Menonville applaudit également.)