compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à respecter l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.

variant delta et vaccination

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, le variant delta ouvre un nouvel épisode de l’épidémie de covid, qui, une fois de plus, prend le monde entier à contre-pied.

Les pays d’Asie et du Pacifique qui ont adopté la stratégie du « zéro covid » et n’ont pas centré leurs efforts sur le vaccin font face aujourd’hui à de nouvelles flambées. Les pays pourvus de vaccins chinois et russes, distribués pour des raisons de propagande, sans les contrôles nécessaires, s’aperçoivent qu’ils ne protègent pas et sont aujourd’hui massivement touchés.

Quant à l’Europe, moquée au début de l’année pour son retard et sa prudence, on peut se réjouir qu’elle dispose aujourd’hui des vaccins les plus efficaces. Malgré les campagnes des complotistes et des « antivax », ses populations sont désormais les plus vaccinées derrière celles des États-Unis et d’Israël. Enfin, à partir du 1er juillet, elle sera le principal producteur et distributeur de vaccins pour le monde entier.

Cependant, la course de vitesse entre l’immunisation de masse et la dissémination du virus, qui semblait en bonne voie d’être gagnée, est remise en cause par le nouveau variant, plus contagieux, et la vaccination commence à marquer le pas. Le risque est clair : celui d’une quatrième vague à l’automne.

Particulièrement préoccupant est le taux de vaccination des personnels de santé – pour certaines catégories, il n’atteint que 50 % ! –, mettant ainsi en danger ceux qu’ils sont censés soigner.

Beaucoup de scientifiques conseillent la vaccination obligatoire, au moins dans certaines professions et pour les publics à risque, à l’instar d’autres vaccins pour les soignants.

Devant cette nouvelle escalade du risque, ne pensez-vous pas qu’il va falloir envisager des décisions en ce sens avant l’automne ? De même, ne devrions-nous pas imiter les pays qui traitent différemment les tests PCR justifiés, qui sont gratuits, et les tests PCR dits « de confort », pour échapper au vaccin, qui ne sont pas remboursés ?

Nous sommes tous attachés à la liberté individuelle, mais lorsqu’elle est invoquée par ceux qui refusent le vaccin, elle équivaut, en fait, à la liberté de mettre en danger la vie d’autrui. Il s’agit non plus de liberté, mais d’égoïsme ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Claude Malhuret, c’est une question extrêmement importante qui vient de m’être posée. Je vous le dis tout de suite, je vais lui apporter une réponse globalement positive.

Vous m’interrogez sur la prise en compte de ce nouveau variant, dit delta, qui est déjà à l’œuvre dans de très nombreux pays du monde, pas toujours très loin de la France. Vous l’avez rappelé, il est extrêmement contagieux, beaucoup plus que les variants qui l’ont précédé. Point très positif, il est quand même sensible à la vaccination, en tout cas d’après tous les éléments dont nous disposons.

Toujours est-il qu’il vient questionner notre propre situation sanitaire. Apparemment, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux efforts collectifs des Françaises et des Français, ainsi que de toutes les collectivités publiques, notre situation est orientée très favorablement. Vous connaissez toutes et tous la situation du taux d’incidence, les baisses très fortes du nombre de malades hospitalisés, dans les services de réanimation en particulier, le nombre de décès, etc.

Pour autant, vous avez parfaitement raison, il est de notre devoir d’anticiper les évolutions que l’on constate partout en dehors de chez nous. Nous avons très largement commencé de le faire.

D’abord, nous renforçons notre stratégie « tester, alerter, protéger » pour détecter le plus vite possible ce variant au moyen du séquençage et adapter l’isolement à ces situations. Vous le savez, grâce au faible nombre de cas, cette stratégie obtient des résultats partout où nous constatons la présence de ce variant.

Ensuite, nous avons adopté, au niveau national et européen, des mesures de contrôle particulièrement strictes, notamment des arrivées en provenance des pays classés en liste rouge. Il y a certainement encore des possibilités d’amélioration, notamment pour faire face aux flux, qui pourraient s’accroître à la faveur des vacances.

Néanmoins, j’ai la conviction que nous devons aller plus loin, et je compte engager le Gouvernement dans ce sens.

Plus loin, d’abord, sur la question de la vaccination, car, vous le savez toutes et tous, c’est la vaccination qui nous protège du virus. Or, vous avez raison de le dire, elle marque le pas, même si – j’en profite pour en informer le Sénat –, ces derniers jours, les prises de rendez-vous sont reparties à un rythme beaucoup plus satisfaisant. Je parle bien entendu des prises de rendez-vous pour les primo-vaccinations, la seconde injection marchant bien. J’y insiste, il nous faut encore et encore encourager la vaccination.

J’ai été particulièrement choqué, comme toutes les Françaises et tous les Français, mais aussi les sénatrices et les sénateurs, que je sais attentifs à cette question, d’avoir observé, lors de ma visite dans le département des Landes, que l’épidémie s’était réintroduite avec ce nouveau variant dans un Ehpad – on sait le lourd tribut qu’ont payé ces établissements, notamment lors de la première vague –, par l’entremise de celles et ceux dont c’est la vocation de protéger et de soigner les résidents. Je le dis de la façon la plus claire : c’est inadmissible ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour aller à l’essentiel et pour vous répondre, monsieur le sénateur, après avoir consulté MM. les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, je vais, dans les jours qui viennent, consulter l’ensemble des associations d’élus locaux, qui sont à la manœuvre, ainsi que tous les présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat pour savoir quelles sont leurs propositions sur tous ces sujets, y compris ceux qui supposeraient une nouvelle intervention du législateur. Il y a la question de la vaccination obligatoire des soignants, que vous avez évoquée ; on peut aussi parler du recours au pass sanitaire, pour inciter encore plus de personnes à se faire vacciner ; et j’ai moi-même cité les questions de l’isolement au terme de la stratégie « tester, alerter, protéger ».

Bref, nous ne restons pas sans rien faire. Nous anticipons en faisant tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter une quatrième vague, et, surtout, ce qui est capital, pour éviter que les plus vulnérables à la maladie ne contractent le virus, parce que ce sont eux qui ont statistiquement la plus forte probabilité d’aller dans les services hospitaliers et de réanimation, qui sont, comme vous le savez, le goulet d’étranglement de cette épidémie.

Monsieur le président Malhuret, nous restons vigilants et nous nous préparons à toutes les éventualités ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

élections départementales et régionales (i)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gueret. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier Ministre, les résultats sont tombés dimanche soir : votre majorité a subi un échec sans précédent !

Aucun président de région ou de département n’est issu des rangs de la majorité présidentielle ; vos ministres, et donc votre politique, ont été sèchement sanctionnés : le secrétaire d’État chargé des retraites à 9,7 % dans les Hauts-de-France ; le garde des sceaux à 8,67 % dans le Pas-de-Calais ; la ministre de la transformation et de la fonction publiques à 11,21 % en Essonne, etc.

Les déplacements très politiques et très médiatisés du Président de la République n’y ont rien changé : à Saint-Cirq-Lapopie, votre candidat a obtenu 3,7 %.

Jamais le parti d’un Président de la République en exercice n’aura à ce point été rejeté par les électeurs !

Comment expliquez-vous, monsieur le Premier ministre, ces résultats ? Comment expliquez-vous à la fois l’abstention record et la déroute des candidats appartenant à votre majorité ? Quelles conséquences allez-vous tirer de votre échec ? Allez-vous changer de politique ?

Je suis un sénateur gaulliste, et vous êtes Premier ministre. Je respecte hautement votre fonction, mais vous devez incarner l’unité. J’aurais aimé échanger avec vous, voilà trois jours, lors de votre visite en Eure-et-Loir. Or vous avez snobé les sénateurs en oubliant de les convier à un logique accueil républicain. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce jour-là, vous avez préféré la division à l’unité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est inadmissible !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Daniel Gueret, les élections régionales et les élections départementales se sont tenues… (Exclamations amusées.) C’est une bonne introduction. (Sourires.)

S’il est un enseignement national que nous pouvons toutes et tous tirer, et vous y avez fait référence, c’est le niveau abyssal de l’abstention (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) à l’occasion de ces élections. Jamais, à un scrutin, nous n’avions vu aussi peu de participation.

Différentes causes peuvent expliquer ce phénomène.

Il y a d’abord une cause conjoncturelle : l’épidémie, depuis plus d’un an, fait que, probablement, un certain nombre de Français avaient la tête ailleurs. À l’occasion des dernières municipales, on a aussi constaté une baisse de participation de 20 points par rapport aux municipales précédentes, un chiffre que l’on retrouve pour les régionales.

Il y a aussi des raisons plus structurelles, qui tiennent à notre organisation territoriale. En d’autres mots, on peut pointer la difficulté, peut-être, de percevoir quelles sont les compétences et responsabilités des uns et des autres.

On peut citer enfin certaines difficultés logistiques qui ont pu se manifester çà et là.

Sur tous ces sujets, nous devons nous interroger collectivement et réfléchir à des propositions pour l’avenir.

Dans ce contexte de très faible participation, mécaniquement, partout, les présidents sortants ont été reconduits dans leurs fonctions… (Exclamations.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Grâce à leur bilan !

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. J’en profite pour apporter une précision : vous avez dit, monsieur le sénateur, qu’il n’y avait aucun président issu de la majorité présidentielle, or M. Ary Chalus, qui est membre du bureau exécutif du parti présidentiel, a été réélu président de région, comme quasiment tous les présidents sortants.

Les Français qui sont venus voter avaient en tête le bilan de leur président sortant : s’ils considéraient qu’il était bon, ils ont voté pour lui, sinon, ils ont voté pour des formations politiques qui étaient déjà représentées dans le conseil régional, ce qui n’était pas le cas de la majorité présidentielle. Pour autant, ces élections permettent de construire pour l’avenir et de s’implanter progressivement.

En tout cas, nous aurons toutes et tous des réflexions à mener et des conséquences à tirer de cette très faible participation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, pour la réplique.

M. Daniel Gueret. Monsieur le Premier ministre, comme nous, vous voulez faire reculer l’abstention, alors cessez de fustiger les électeurs ! Cessez d’opposer « nouveau monde » et « ancien monde », de prêcher qu’il n’y a ni gauche ni droite ! Mettez fin à l’absence de clarté et de convictions ! Fixez un cap et tenez-le ! Enfin, vous devez arrêter de mépriser les élus issus du suffrage universel en privilégiant les commissions ou comités de citoyens tirés au sort. Ainsi, vous réduirez l’abstention !

Monsieur le Premier ministre, n’ayez pas peur d’écouter et de suivre les recommandations du Sénat, car, ici, il n’y a que des élus qui aiment la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud et Mme Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)

réforme du baccalauréat

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sonia de La Provôté. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et concerne les annonces récentes sur le baccalauréat, lesquelles visent à supprimer les épreuves communes et à les remplacer par le contrôle continu exclusif.

Bien sûr, supprimer ces épreuves chronophages et complexes à organiser va libérer du temps pour les élèves et les enseignants, et répondre mieux aux attentes de travail régulier et continu.

Pour autant, cette mesure est très loin d’être mineure : faire reposer le baccalauréat pour 40 % sur les notes du livret scolaire fait peser un risque non négligeable de rupture d’égalité devant ce diplôme.

Le baccalauréat n’est plus national, mais il devient pour une grande part local, avec son lot de différences dans la façon d’évaluer selon les enseignants d’une même discipline, les lycées ou les académies.

Rappelons que ces fameuses notes sont aussi la base des choix pour Parcoursup.

Rappelons enfin que la crise sanitaire, avec un baccalauréat reposant essentiellement sur le contrôle continu, a montré de très importantes disparités de notation, sources de conflits et de critiques.

Il ne saurait donc être acceptable que cette mesure ajoute de l’inégalité là où, déjà, les déterminants géographiques et sociaux font peser un poids très lourd sur la réussite des élèves. Ce dernier sujet, qui est majeur, n’a d’ailleurs pas trouvé sa réponse dans la réforme mise en œuvre.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : alors que, à peine appliquée, vous faites déjà évoluer la réforme du baccalauréat, quel cadrage allez-vous proposer pour garantir une égalité réelle de notation pour les lycéens, quel que soit l’établissement dans lequel ils sont scolarisés ? Comment, et par qui cela sera-t-il suivi, évalué et contrôlé sur le terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Sonia de la Provôté, votre question est importante, comme l’est le baccalauréat pour notre pays.

D’emblée, je veux préciser que le cadre général ne change pas : 60 % de contrôle général et 40 % de contrôle continu. La philosophie de ce choix, c’est d’avoir justement les vertus de l’un et de l’autre système : le contrôle général pour assurer à la fois une objectivation nationale et la capacité à avoir un moment de contrôle de l’élève, avec le risque de bachotage dont beaucoup se plaignaient auparavant ; 40 % de contrôle continu pour favoriser le travail continu de l’élève en première et en terminale. Je le répète, cela ne change pas : ce qui change, c’est que, à l’intérieur des 40 %, au lieu d’avoir les épreuves communes que nous avions installées voilà deux ans, il y a tout simplement le contrôle continu à l’échelle de l’établissement.

Nous avons proposé ces évolutions, car nous sommes à l’écoute de tous les acteurs et des organisations représentatives, regroupés dans un comité de suivi du baccalauréat. Je veux être clair : c’est dans ce cadre-là que j’ai procédé à tous les ajustements. Je rappelle, d’ailleurs, que cette réforme elle-même a été conçue en consultant énormément.

Je rappelle aussi que les évaluations communes ont été critiquées ici même, parfois par certains, qui, aujourd’hui, critiquent le passage au contrôle continu ; les mêmes, qui, d’ailleurs, ont manifesté voilà un mois ou deux pour que le contrôle continu passe à 100 % pour cette session.

Notre position est une position d’équilibre, c’est-à-dire qu’elle permet de bénéficier des vertus des deux systèmes, tout en instaurant de la simplicité. Elle va surtout nous permettre de faire évoluer des choses qui étaient vues comme des défauts jusqu’à 2018.

En effet, les problèmes que vous évoquez existaient déjà. Les notes pour être admis dans l’enseignement supérieur, même avant Parcoursup, étaient les notes de contrôle continu de tous les établissements de France. Votre reproche porte donc sur les années antérieures. Maintenant, nous pourrons contrôler les moyennes données par un établissement dans le cadre du contrôle continu et celles qu’obtiennent les élèves dans le cadre du contrôle général.

Nous allons progressivement objectiver le contrôle continu, ce qui fera progresser l’objectivité de la notation dans chaque établissement.

Madame la sénatrice, contrairement à ce que vous dites, nous avons la volonté de renforcer le baccalauréat, et on le voit d’ailleurs avec le grand oral, en ce moment même…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cette réforme vise la régénération du baccalauréat. Plus que jamais, il aura de la valeur et un caractère national ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le ministre, vous comprendrez que nous soyons inquiets, et le flou de votre réponse aggrave cette inquiétude.

Où en est la promesse d’égalité républicaine, qui justifiait cette réforme, quand la première mesure d’ajustement est, au contraire, potentiellement source de plus d’inégalité ?

Où en est-on, monsieur le ministre, des mesures visant à ce que les jeunes des quartiers et des territoires ruraux aient les mêmes chances que ceux des centres-villes, alors que l’ascenseur social est en panne ?

Il faudra contrôler cette évaluation, et de très près ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

recul de l’âge du départ à la retraite

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est au lendemain d’une bérézina électorale d’une ampleur inédite pour une majorité présidentielle que la réforme des retraites est de nouveau annoncée. L’âge de départ serait ainsi reporté à 64 ans, et cette mesure pourrait être adoptée en quelques lignes intégrées au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chaque parlementaire ici présent pourra apprécier la démarche pour le moins cavalière s’agissant d’un sujet aussi structurant et fondamental dans notre société. Certains ministres semblent craindre d’importants troubles sociaux, d’où les hésitations perceptibles ces derniers jours.

Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple, très claire : quelles sont exactement les intentions du Gouvernement sur ce projet de réforme des retraites ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, le Président de la République l’a dit, notre priorité absolue, aujourd’hui, c’est la sortie de la crise sanitaire, le rebond de notre économie et la création d’un maximum d’emplois. Pour autant, en sortie de crise, des questions qui se posaient sur notre système de retraite restent toujours d’actualité. Le rapport remis la semaine dernière par les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard conforte ce diagnostic. Il nous faut donc trouver les voies et moyens d’un système plus lisible, plus juste et plus soutenable.

L’éclatement en quarante-deux régimes rend notre système de moins en moins adapté aux parcours professionnels de celles et ceux, toujours plus nombreux, qui changent de métier.

Par ailleurs, on le sait, le système actuel pénalise les carrières hachées et les temps partiels souvent subis, situations vécues en particulier par les femmes.

La question du financement des retraites demeure également fondamentale, comme le montrent les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites. Ainsi, il nous faudra travailler plus longtemps pour assurer le financement pérenne de notre système de retraite et la compétitivité de notre économie. Cela pose les questions du maintien dans l’emploi des seniors et, partant, de la formation tout au long de la vie, des reconversions lorsque c’est nécessaire et de la prévention de l’usure professionnelle. Ces sujets figurent à l’agenda social partagé avec les partenaires sociaux depuis juillet dernier.

Dans ce contexte, le Président de la République a choisi d’entendre les Français, les organisations patronales et syndicales, ainsi que les forces politiques. Je le redis, notre ambition reste la même : assurer l’équité et la pérennité de notre système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, au-delà de la forme et de la méthode envisagées, c’est le fond qui nous amène à porter une autre réforme : 64 ans, ce sont deux années au-delà de l’espérance de vie en bonne santé.

Nous vivons dans une société où les inégalités sont considérables. Nous constatons ainsi dix ans d’écart d’espérance de vie entre un ouvrier de 59 ans et un cadre de 69 ans. Par ailleurs, 8 % des retraités survivent sous le seuil de pauvreté.

Madame la ministre, la véritable question est celle-ci : quelle part de la richesse nationale sommes-nous prêts à consacrer au financement de notre système de retraite par répartition. C’est non pas une contrainte comptable et financière, mais un choix politique, un choix de société.

Pour le financement, il conviendrait de remettre à plat la logique des allégements de cotisations sociales, par exemple. Il vous faudrait également élargir l’assiette des cotisations aux revenus financiers, qui se développent dans des proportions hallucinantes en dépit de la pandémie. Or, depuis l’instauration du prélèvement forfaitaire unique, ceux-ci ne sont plus soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Madame la ministre, vous êtes face à un choix de société : un choix, vous dis-je ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

politique agricole commune

M. le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie Evrard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Ce lundi, les vingt-sept ministres européens de l’agriculture ont trouvé un accord sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027.

Trois années de négociations ont été nécessaires pour aboutir à ce compromis et surmonter les points de divergence persistant entre les institutions européennes et les États membres.

La nouvelle réforme de la PAC entrera en vigueur le 1er janvier 2023, après deux années de transition.

Ce compromis était attendu à Bruxelles, à Paris, mais, surtout, par les premiers concernés sur nos territoires, à savoir nos agriculteurs. En juillet dernier, les chefs d’État européens s’étaient déjà accordés sur un budget renforcé pour la PAC.

La France avait atteint son premier objectif en obtenant 62,4 milliards d’euros sur la période 2021-2027, soit 400 millions d’euros de plus qu’à l’occasion de la précédente programmation.

L’aboutissement de cette réforme a nécessité d’âpres discussions au niveau européen, notamment sur le verdissement de notre agriculture, la simplification, la conditionnalité sociale et la souplesse de sa mise en œuvre. Après cet accord final, tout va se jouer maintenant avec sa déclinaison nationale, par l’intermédiaire du plan stratégique national (PSN).

Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, l’élaboration du PSN constitue un véritable travail d’équilibriste. Ce plan vise deux objectifs principaux : la création de valeur dans les exploitations agricoles sur nos territoires et la reconquête de notre souveraineté alimentaire au niveau national.

Monsieur le ministre, ma question est simple : l’accord trouvé ce lundi conforte-t-il les choix de mise en œuvre du plan stratégique national français, qui ont fait l’objet de votre arbitrage le 21 mai dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Marie Evrard, effectivement, après trois années de négociations, nous sommes arrivés à un accord politique sur cette nouvelle politique agricole commune, voilà quelques heures, à Bruxelles, avec l’ensemble de mes homologues.

Je tiens à le dire devant la Haute Assemblée, c’est un bon accord pour la France et pour l’Europe.

En effet, comme vous l’avez dit, il permettra à la France de bénéficier de plus de 9 milliards d’euros par an de financements européens pour son agriculture. Surtout, il remplit la triple mission ou la triple vision que nous lui avions fixée.

D’abord, il impose une vision économique pour notre agriculture, c’est-à-dire la consolidation du revenu de nos agriculteurs. C’est essentiel ! Ensuite, il comporte un pilier environnemental, qui nous pousse à investir dans les transitions agroécologiques. Enfin, et c’est nouveau, le troisième pilier de cet accord, défendu ardemment par la France, a un objet social. Nous avons toutes et tous en tête que, pendant des années, notre agriculture a été victime de dumping social de la part de certains pays européens, c’est-à-dire d’une amélioration de la compétitivité de certaines agricultures sur le dos des travailleurs du monde agricole. Dorénavant, cet accord impose le respect de conditions sociales, c’est-à-dire d’un socle de droit du travail européen, comme préalable au versement de certaines aides.

Bref, des financements assurés, une vision économique, environnementale et sociale affirmée : tel est le contenu de l’accord que nous avons conclu, et c’est un bon accord pour la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. Bruno Sido applaudit également.)

élections départementales et régionales (ii)