Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 mai dernier, le Gouvernement soumettait aux commissions des finances un décret d’avance portant ouverture de 7,2 milliards d’euros afin d’abonder le fonds de solidarité pour les entreprises et de financer l’activité partielle, mais, dès le 2 juin, il est apparu que cette somme n’était pas suffisante au regard des besoins et que la présentation rapide d’un collectif budgétaire s’imposait.
C’est l’objet du présent projet de loi de finances rectificative, qui ouvre des crédits supplémentaires pour les dispositifs déjà cités, mais également pour quelques autres, comme l’hébergement d’urgence, le transport aérien ou le monde agricole. Les recettes sont par ailleurs très légèrement revues à la hausse.
La principale information délivrée par ce texte réside moins dans ces mesures complémentaires que dans la réévaluation drastique du déficit attendu en fin d’année, puisqu’il bondirait de 178,1 milliards à 220 milliards d’euros, soit 9,4 % du PIB.
Cette situation inédite n’est pas liée aux mesures nouvelles, mais principalement au volume de crédits reportés de 2020 sur 2021, presque 30 milliards d’euros. On peut tout aussi bien s’effrayer de ce nouveau déficit attendu que s’interroger sur la sincérité des prévisions d’exécution des crédits budgétaires, lorsque l’on remarque que seulement un cinquième des crédits du plan de relance a été consommé à la mi-juin, hors chômage partiel.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut plus recourir à un décret d’avance, puisque les montants maximaux ont été utilisés par celui du 19 mai. Il propose donc de provisionner une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles pour pouvoir ouvrir des crédits sans nouvel examen parlementaire.
Certes, la crise conduit à devoir réagir rapidement, mais il importe que l’on ne demande pas au Parlement de signer des chèques en blanc pour couvrir toutes les hypothèses… L’an passé, tous les crédits pour faire face à la crise ont été examinés par le Parlement, sous des contraintes finalement bien plus fortes.
Au-delà de l’abondement du fonds de solidarité, le texte présente d’autres points positifs comme le soutien à certaines régies publiques locales ayant subi des pertes tarifaires – nous demandons cette mesure depuis un an ! –, même si la portée de ce dispositif apparaît limitée et que sa mise en œuvre mérite d’être précisée.
Certaines priorités peuvent en revanche surprendre, notamment la majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit des seules associations cultuelles, alors que tant d’autres associations ont besoin d’être soutenues.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative est censé organiser une sortie progressive des dispositifs de soutien, prolongés certes par des mesures de relance, mais cette étape devrait marquer la fin du « quoi qu’il en coûte ». Le programme de stabilité présenté en avril dernier par le Gouvernement visait d’ailleurs une réduction de la dépense publique de 60,4 % du PIB en 2021 à 56 % dès 2022, le taux de prélèvements obligatoires restant inchangé.
Beaucoup dans la majorité sénatoriale appellent à cette réduction générale de la dépense publique, mais plaident pourtant, par leurs amendements, pour prolonger ou amplifier tel ou tel dispositif budgétaire ou dépense fiscale.
Je comprends leurs intentions, tout en notant que, à défaut de réduire la dépense, seules des initiatives sur le volet relatif aux recettes peuvent donner de la cohérence à ces propositions.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’appartiens, plaide ainsi pour des mesures de soutien, mais aussi pour mettre fin au désarmement fiscal de l’État qui, en ôtant à celui-ci toute marge de manœuvre en recettes, le condamne demain soit à des hausses brutales d’imposition soit à sacrifier des politiques publiques dont on pressent, notamment à la lecture de l’audit réalisé par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre, qu’elles concerneraient par priorité le champ social. Pour ma part, je ne m’y résous pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Bernard Fialaire applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comparé aux bouleversements économiques et financiers de l’an dernier, ce projet de loi de finances rectificative pour 2021 apparaît presque comme un retour à la banalité de nos discussions budgétaires pré-estivales.
Il n’en contient pas moins un certain nombre de mesures budgétaires et fiscales qui viennent modifier l’équilibre voté en loi de finances initiale. C’est bien le minimum, alors que le contexte sanitaire continue de peser lourdement sur l’ensemble des agents économiques et affecte notre capacité à faire redémarrer une croissance durable.
Je remarque d’abord la fragilité persistante des hypothèses macroéconomiques. L’année 2020 a été pour cela tout à fait inédite, avec une chute vertigineuse de l’activité économique, puis un rebond limité en deuxième partie d’année avec la levée, puis malheureusement le retour, à l’automne, des restrictions sanitaires.
Les quatre lois de finances rectificatives adoptées l’an dernier ont eu pour conséquence des reports importants de crédits sur 2021, ce qui a contribué à repousser la présentation d’un nouveau texte, d’abord annoncé pour le mois de mars. Notre capacité à construire un budget fiable sur le cycle budgétaire est d’autant plus importante que notre économie a aussi besoin de confiance pour pouvoir se projeter.
Le décret d’avance de plus de 7 milliards d’euros, un record depuis 1958, vient nuancer ce propos. Le Gouvernement s’était gardé d’en faire usage depuis 2017, et c’était tout à son honneur. On peut dire que cette pratique, parfois controversée, est revenue en force avec la publication, le 19 mai dernier, dudit décret.
La réalisation des hypothèses de croissance économique et de solde budgétaire en 2021 dépendra in fine de notre capacité à continuer de maîtriser la pandémie, en particulier une éventuelle quatrième vague dont on voit déjà augmenter le risque de survenue pour l’automne.
Le déficit budgétaire de 9,4 % du PIB, légèrement plus élevé qu’en 2020, peut inquiéter. Il s’explique en partie, comme je l’ai dit, par des reports de crédits votés en lois de finances rectificatives l’an dernier et non consommés. Il est vrai que ces montants restent à un niveau exceptionnel.
En septembre prochain, nous devrions examiner une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Nous devrions aussi mener un débat sur les critères européens, actuellement suspendus. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, s’est récemment montrée favorable à une réforme du pacte de stabilité.
Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative devraient contribuer à atténuer les effets les plus négatifs de la crise sanitaire. Outre la poursuite des dispositifs de soutien existants, les entreprises bénéficieront de davantage de souplesse pour affronter cette période difficile. Les ménages ne sont pas oubliés, avec la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, en particulier pour les salariés de deuxième ligne.
Le groupe du RDSE porte, comme toujours, une attention particulière au secteur agricole et aux territoires ruraux, qui plus est durement touchés par des gelées tardives au printemps. Les dispositions introduites à l’Assemblée nationale sur la dotation pour aléas ou encore le report de la hausse de la taxation du GNR vont dans le bon sens. Nous présenterons des amendements pour aller plus loin dans cette direction.
Enfin, les mesures d’aide aux collectivités et surtout aux établissements publics locaux, prévues à l’article 10 du texte, permettront à ces structures et aux collectivités dont elles dépendent de mieux faire face aux pertes de recettes tarifaires, ce qui permettra de combler une lacune du plan de soutien.
Je salue également des mesures sectorielles telles que l’aide aux gérants de discothèques, établissements qui ont été contraints de rester fermés depuis le début de la crise sanitaire il y a plus d’un an.
La majoration de la réduction fiscale pour les dons aux associations cultuelles contribuera à aider ces dernières. Éric Gold et moi-même avons déposé un amendement visant à soutenir aussi toutes les associations à vocation sportive, culturelle et récréative, qui jouent un rôle essentiel de maintien du lien social – cette mesure est inspirée de la proposition de loi qu’Éric Gold a déposée en début d’année.
Il n’est pas possible de commenter en détail l’ensemble des mesures. Je retiens simplement que ce texte marque la volonté pérenne du Gouvernement de continuer à soutenir l’économie tant que les conséquences des restrictions sanitaires pèseront sur les entreprises – le « quoi qu’il en coûte ». Le coût budgétaire de cet engagement est considérable et il faudra, le moment venu, en tirer les conséquences et faire des propositions.
Regrettant peut-être un manque de lissage entre la résolution de la crise et le retour à un rythme normal, ainsi que des mesures proposées par la majorité sénatoriale qui risquent de dégrader encore davantage les comptes, la majorité des membres du groupe du RDSE devrait s’abstenir sur le vote de ce projet de loi de finances rectificative.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour la saison 5 du PLFR !
M. Bruno Le Maire a commencé de siffler la fin de la partie. Il pose d’ores et déjà l’acte de décès du « quoi qu’il en coûte ». Le plus inquiétant est que le ministre affiche son obsession sur le sujet de la dette publique comme moyen de remettre en cause encore et toujours notre modèle de protection sociale.
Toujours aucune conditionnalité au versement des aides : pourtant, un rapport récent a montré que, sur les vingt-sept groupes du CAC 40 ayant bénéficié de l’activité partielle, seize ont versé des dividendes en 2020 et vingt-deux en 2021. Je cite M. Le Maire : « Ce budget amorce la transition vers un retour à la normale. »
C’est un budget de retour à la normale pour une situation qui ne l’est toujours pas : le variant delta fait courir le risque majeur d’un regain de la propagation et du taux d’incidence. En dépit d’une progression de la vaccination, au ralenti aujourd’hui, à peine la moitié des Français ont reçu une injection et moins d’un tiers ont bénéficié de deux doses. Le variant delta semble résister davantage au sérum – c’est l’échappement immunitaire. La sortie de crise est-elle illusoire ?
En tout état de cause, rien dans ce projet de loi de finances rectificative n’indique que les finances publiques sont mobilisées pour envisager une quatrième vague.
Toute la politique du Gouvernement s’inscrit, comme depuis le début, dans une impréparation inquiétante, alors que notre situation nécessite au contraire une planification en amont. Anticiper, prévoir et encore prévoir, c’est le seul moyen pour garantir la protection de la population et l’efficacité des dépenses au premier euro en matière d’urgence et de relance.
La crise sanitaire a révélé, même s’il n’est pas l’heure d’en faire le bilan tant qu’elle n’est pas derrière nous, la gestion pour le moins approximative de l’exécutif.
On relève notamment près de 10 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ! Des sources gouvernementales indiquaient que le budget de la sécurité sociale présentait « des provisions larges au cas où l’épidémie devrait durer encore longtemps ». Bilan : vous prévoyez 1,5 milliard d’euros pour la campagne de vaccination, soit 3,5 fois moins que son coût actuel chiffré à 5,2 milliards d’euros.
La gestion des crédits destinés à renforcer les participations financières de l’État dans la crise sanitaire est notoirement insuffisante. Vous vous en êtes servis comme d’une réserve de crédits que vous avez détournée de son usage initial, en la dépouillant de 16,2 milliards d’euros.
Et vous voudriez recueillir notre assentiment, comme si cet argent était inutile : détresse parmi le personnel d’Air France, avec plus de 6 500 licenciements en cours d’exécution, ou encore de Renault, avec 4 600 licenciements sur trois ans en France, affectant notamment le site de Maubeuge dans mon département, le Nord ; écrémage de 30 % sur trois ans des effectifs des fonctions générales, qui pourrait advenir pour les salariés de SNCF Réseau. Nous sommes las de chercher les crédits que nous avions soutenus pour répondre à ces enjeux et à ces salariés.
Le choix de l’impuissance publique à laquelle vous vous livrez et à laquelle vous livrez les salariés ne peut plus durer ! Votre tour de passe-passe sur les crédits est clair. L’addition pour l’actionnariat de l’État dans les entreprises françaises est salée ; c’est pourtant l’un des outils indispensables à la préservation de l’emploi qui se trouve finalement amputé de 11,4 milliards d’euros. Tels de véritables prestidigitateurs, vous jonglez avec les crédits, quitte à nous en faire perdre la trace, tout comme aux citoyennes et citoyens de ce pays.
Les mesures fiscales contenues dans ce texte s’inscrivent dans la philosophie du ministre de l’économie qui assène : « Nous le savons tous, le premier problème de l’économie française est un problème d’offre ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce gouvernement s’emploie avec une extrême vigueur à baisser l’impôt des entreprises. Sa dernière trouvaille : rendre illimitée la possibilité pour les grandes entreprises d’imputer un exercice déficitaire jusqu’à trois années en arrière – c’est le fameux carry back. Traduction, si une entreprise structurellement bénéficiaire réalise un seul déficit, elle n’a pas de souci à se faire : l’administration fiscale lui restituera l’impôt sur les sociétés déjà versé, le tout sans contrepartie…
Comme toutes les autres aides publiques versées depuis le début de la crise sanitaire, votre gouvernement qui s’est déjà fait démentir par les grandes multinationales à de nombreuses reprises, notamment sur le non-versement de dividendes, persiste à ne rien exiger en retour des milliards d’euros qu’il verse à ces entreprises.
Voilà la transition qu’entame ce collectif budgétaire du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne » pour les finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021 invite à rechercher un équilibre entre l’ouverture vers la reprise et la continuité d’un soutien appuyé aux entreprises.
Ce collectif budgétaire est en premier lieu l’occasion pour le Gouvernement d’ajuster sa prévision de croissance à un taux de 5 % pour cette année. Cet objectif, jugé réaliste par le Haut Conseil des finances publiques, semble raisonnable, si la main-d’œuvre est suffisante pour répondre à la demande.
Toutefois, c’est un déficit à hauteur de 228 milliards d’euros qui est désormais attendu, alors que la loi de finances initiale votée en décembre l’estimait à 173 milliards. La dette publique se creuse et s’établit dorénavant à 118 % du PIB.
La dégradation du solde public est en partie liée au large soutien de l’État à l’économie, soutien auquel notre assemblée a activement contribué l’an passé, tout en maintenant sa vigilance sur la trajectoire budgétaire.
Parmi les 20 milliards d’euros de ce texte, 9,8 milliards alloués au plan d’urgence permettent de prolonger le dispositif de chômage partiel, le fonds de solidarité pour les entreprises et la compensation des exonérations de charges. Ce sont également 4,9 milliards d’euros qui sont accordés au titre du plan de relance.
Au-delà des importantes « recharges » de crédits, plusieurs mesures doivent retenir notre attention. Je pense en particulier à l’instauration d’un mécanisme de compensation des pertes des régies communales – la présentation de cette mesure montre l’engagement du Sénat, en particulier celui du groupe Union Centriste, qui a longuement œuvré en sa faveur.
Je souhaite saluer l’éligibilité au fonds de solidarité des régies à caractère industriel et commercial, ainsi que la mise en place d’un fonds d’urgence pour les régies à caractère administratif. Cette juste extension du dispositif, à laquelle vous avez ouvert la voie, monsieur le ministre, devant la commission des finances en mai dernier, doit notamment permettre aux régies thermales de supporter le lourd tribut de la crise et de préserver des milliers d’emplois, dont 400, à titre d’exemple, dans mon département, le Jura – je vous en remercie vivement.
Par ailleurs, le groupe Union Centriste proposera de maintenir à 2023 le report de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le gazole non routier afin de tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur la situation des entreprises concernées, déjà confrontées à la hausse des prix de certaines matières premières.
M. Vincent Capo-Canellas. Bravo !
Mme Sylvie Vermeillet. Consciente du soutien qu’il faut apporter aux collectivités en cette période, j’ai déposé, avec plusieurs collègues, un amendement visant à modifier le mécanisme de compensation de la perte de fiscalité sur la taxe d’habitation afin de ne pas pénaliser les structures intercommunales qui, faisant preuve de volontarisme, ont adopté des pactes financiers et fiscaux avant la suppression envisagée de cette taxe.
Notre groupe plaidera également pour un amendement proposant de fiscaliser les aides versées, si le solde du compte de résultat de l’entreprise est supérieur à la moyenne du solde des trois exercices comptables avant la crise, afin de s’assurer de la maîtrise de la dépense publique. Monsieur le ministre, je n’imagine pas que des revenus perçus antérieurement à la crise et soumis à l’impôt puissent être à la fois dopés par les aides de l’État et exonérés de fiscalité.
Favorable à un soutien réel et justement réparti, le groupe Union Centriste votera, dans sa très grande majorité, les dispositions de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 juin, la Commission européenne a officiellement validé le plan français de relance et de résilience. Les 40 premiers milliards d’euros débloqués par la Commission sur l’enveloppe totale des 100 milliards de notre plan de relance vont doper l’économie et, peu à peu, les milliards longtemps promis vont devenir réalité.
Cette annonce marque une étape historique de la construction européenne, mais à plus court terme, elle constitue avant tout une excellente nouvelle pour notre économie. La relance devient effective, parce que son financement le devient aussi.
Le projet de loi de finances rectificative dont nous commençons aujourd’hui l’examen acte le rebond de notre économie. En tablant sur une croissance de 5 %, nous avons confiance dans la résilience de nos entreprises et dans le dynamisme de ceux qui peuvent consommer.
L’autre bonne nouvelle de ce texte, qui en est le corollaire direct, c’est la fin du « quoi qu’il en coûte » ou du moins le début de la fin du « quoi qu’il en coûte »… Le Gouvernement a enfin validé ce changement de paradigme. Nous allons progressivement nous défaire du régime des aides généralisées pour lui substituer un régime d’aides ciblées.
Depuis le début de la crise sanitaire, le groupe Les Indépendants a soutenu les mesures de sauvetage et de relance. La puissance publique, que ce soit l’État ou les collectivités territoriales, a été présente aux côtés des entreprises et des particuliers au moment où il le fallait et là où il le fallait. Notre groupe soutient aujourd’hui la sortie progressive du « quoi qu’il en coûte ». Nous sommes trop attachés à la réduction de l’endettement public pour ne pas nous en féliciter.
Le moment choisi semble le bon : d’une part, notre pays s’est enfin engagé sur la voie d’une relance vigoureuse ; d’autre part, la stratégie vaccinale nous laisse espérer une victoire prochaine contre le virus, sous réserve de son parfait déploiement et de mesures de consolidation pour une protection prolongée.
Mais cet espoir ne doit pas nous bercer d’illusions, car le dynamisme de la croissance ne saurait cacher la dégradation très inquiétante de nos finances publiques : nous contenons à peine le déficit en deçà des 10 % du PIB, les dépenses publiques aspirent plus de 60 % de la richesse créée dans notre pays et la dette a dépassé, au premier trimestre, 118 % du PIB.
Il faut encore rappeler ces chiffres, car ils conditionnent notre action. En matière de politique économique, nos décisions doivent permettre à la fois de réinjecter un maximum de liquidités dans l’économie, afin de stimuler la demande, et de limiter l’impact du soutien sur nos finances publiques.
La plupart des mesures de ce texte vont dans le bon sens. Elles s’inscrivent dans la continuité de mesures consensuelles. Il en est ainsi de la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ou encore de la prolongation des prêts garantis par l’État et du fonds de solidarité. Il en va de même du dispositif de carry back prôné depuis longtemps par le Sénat et enfin retenu par le Gouvernement.
Mais le projet de loi n’apporte aucune réponse au grand défi qui se pose à notre économie : comment mieux mobiliser l’épargne des Français pour préparer l’avenir ? Notre groupe a déjà eu l’occasion de présenter une proposition de loi visant à instaurer un dispositif à cette fin, mais le Gouvernement n’a pas jugé cette mesure opportune. Nous ne remettrons pas l’ouvrage sur le métier, car le débat a déjà eu lieu dans cet hémicycle.
Pourtant, les conditions qui nous ont conduits à porter une telle mesure n’ont pas évolué : d’une part, la situation de nos finances publiques demeure excessivement dégradée ; d’autre part, l’épargne des Français n’a jamais été aussi importante.
Or, puisque nous devons dans un même élan sortir de la crise et investir pour préparer l’avenir, et ce sans dégrader davantage nos finances publiques, mobiliser l’épargne au service de l’économie demeure selon nous une priorité. Nous ferons des propositions dans ce sens, notamment pour renforcer la santé financière de nos petites entreprises et de nos associations.
Non, la relance ne passera pas uniquement par un rebond spectaculaire de la consommation. Il ne s’agit pas, bien sûr, de bouder le retour à la vie normale, mais seulement d’être lucides sur les occasions que nous devons saisir pour que la France tienne son rang.
Il faudra tout à la fois engager une ambitieuse réduction des dépenses publiques, investir dans les infrastructures, l’innovation technologique et la transition écologique et soutenir le tissu économique et social dans nos territoires. C’est cette équation que nous devons résoudre, si nous voulons que la France soit en mesure de relever les défis de son temps.
Ce projet de loi de finances rectificative constitue une bonne première étape en ce sens. La commission des finances a d’ores et déjà fait des propositions très intéressantes pour améliorer les dispositions du texte et surtout mieux territorialiser la relance. Nous les soutiendrons dans leur grande majorité. (Mme Sylvie Vermeillet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les efforts de la France pour lutter contre le réchauffement climatique sont toujours insuffisants pour respecter les objectifs qu’elle s’est fixés – je cite le rapport publié ce matin même par le Haut Conseil pour le climat. Le Haut Conseil ajoute qu’en raison du retard accumulé il va falloir mettre les bouchées doubles.
Il faut donc agir maintenant et tout de suite. Or nous débattons d’un budget rectificatif qui ne répond toujours pas aux enjeux et alors même que le Parlement examine en ce moment un projet de loi relatif au climat qui sonne, lui aussi comme un rendez-vous raté.
Alors, nous pouvons nous interroger : ce projet de loi de finances rectificative est-il un texte de sortie de crise ou bien un texte de sortie de route par rapport aux objectifs que nous nous sommes nous-mêmes assignés après l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique ?
Nous sommes finalement dans la continuité. Rien de nouveau sous le soleil, sous le soleil de plomb, dirais-je, quand on voit la situation au Canada ou en Russie !
Vous nous demandez de voter dans la continuité l’approfondissement d’un budget initial que nous avions déjà dénoncé comme étant très largement déséquilibré : tout pour les entreprises, trop peu pour les gens et pas assez pour préparer l’avenir.
Vous aggravez cette logique, en ajoutant le dispositif du carry back qui viendra abonder directement la trésorerie des entreprises sans aucune contrepartie – c’est une habitude pour vous ! –, qu’elle soit écologique ou sociale, ni étude d’impact.
Pendant ce temps, de grands groupes du CAC 40 qui ont pourtant connu des pertes en 2020 continuent à verser des dividendes financés en partie par les aides publiques.
Des primes défiscalisées ont bien été versées, mais pas à tous les salariés, même pas à tous les salariés les plus fragiles ni à tous ceux qui sont en première ou deuxième ligne. Alors, il aurait peut-être fallu rendre le versement de ces primes obligatoire, mais non : il ne faut surtout rien exiger des entreprises, tout en leur donnant le plus possible !
Bien sûr, dans la situation de crise que nous connaissons, il faut aider les entreprises – nous avons d’ailleurs voté les principales mesures qui ont été adoptées en ce sens –, mais il faut cesser cet arrosage automatique qui ne cible pas suffisamment et ne permet pas de préparer l’avenir.
Le Gouvernement ne propose finalement aucune mesure qui soit à la hauteur pour engager la transition écologique et réduire les inégalités – elles sont pourtant de plus en plus importantes.
Les collectivités locales sont elles aussi en souffrance. Certes, nous apprécions vivement le dispositif destiné à aider les régies – il était réclamé sur de nombreuses travées du Sénat depuis de longs mois déjà –, mais les problèmes demeurent. Ainsi, les crédits du plan de relance sont répartis dans une complète opacité – un modèle du genre ! Les préfets saupoudrent, les élus locaux regardent impuissants… Ce n’est pas de cette manière que nous nous relèverons de la crise !
On nous parle beaucoup du niveau d’endettement de la France, de notre capacité à rembourser, du montant des dépenses publiques, mais la véritable question qui se pose est celle de la baisse des recettes fiscales – tant la Cour des comptes que la commission Arthuis ont évoqué ce problème.
En ce qui nous concerne, nous proposons comme chaque fois de nouvelles recettes. Certes, nous sommes un peu monomaniaques, mais c’est une question qui nous tient vraiment à cœur : pour nous, il n’y a pas d’autre solution, si nous voulons à la fois rétablir un semblant de justice fiscale, ne pas trop endetter notre pays et financer des mesures destinées à aller vers davantage de justice sociale et à préparer l’avenir.
Vous devez entendre nos propositions ! Je doute que ce soit le cas, mais quoi qu’il arrive nous serons toujours là pour les formuler.
Vous refusez d’anticiper la crise environnementale que nous connaissons pourtant déjà. Vous refusez aussi de voir la crise sociale.
Je prends un exemple : vous êtes obligés d’inscrire dans ce texte 150 millions d’euros supplémentaires pour aider les étudiants boursiers, mais ce n’est pas pour augmenter les bourses ; il s’agit en fait de faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants boursiers, mais vous ne semblez pas vous rendre compte que cette augmentation est liée à l’appauvrissement des familles !
Et je ne parle que des familles qui comptent un étudiant en leur sein. Que faites-vous pour les autres familles ? Vous ne les aidez pas suffisamment – combien de fois l’avons-nous dit ? De nombreuses associations viennent en aide au quotidien à ces familles dans le besoin et nous ferons des propositions pour soutenir davantage ces associations. Pendant ce temps, les riches continuent de s’enrichir ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le rapporteur général nous a dit qu’il s’agissait d’un budget de sortie de crise.
La crise sanitaire est-elle derrière nous ? Nous ne le savons pas, même si bien évidemment nous l’espérons tous.
Mais la crise sociale est bien là, malheureusement : nous voyons se mettre en place nombre de plans sociaux, des licenciements se préparent, de nombreuses familles sont paupérisées, etc.
La crise climatique aussi est là, mes chers collègues, et elle s’approfondit ! Alors qu’il faudrait préparer les changements nécessaires et que, toujours selon le Haut Conseil pour le climat, deux tiers de la population sont déjà fortement exposés aux aléas climatiques, vous n’êtes pas à la hauteur des enjeux.
Nous ne pouvons que regretter cette situation et continuer, inlassablement, à vous proposer nos solutions – nous l’avons fait durant l’examen du projet de loi sur le climat. Nous serons toujours présents pour cela et il faudra bien que vous finissiez par nous entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Gisèle Jourda et Michelle Meunier applaudissent également.)