Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Je m’associe à ce qu’ont dit mes deux collègues. Le groupe socialiste avait présenté le même amendement en commission. En effet, nous sommes nous aussi persuadés que la majoration du calcul des PLAI incitera les maires à construire des logements très sociaux. C’est une idée dont nous sommes tous convaincus, quelles que soient les travées où nous siégeons. Cet amendement a été voté à l’unanimité en commission.
Nous touchons là à un manque de la loi SRU, à savoir la recherche de la mixité sociale, même si c’était ce que nous voulions faire. Nous devons nous emparer de tous les outils qui peuvent nous permettre d’atteindre cet objectif de mixité sociale.
Le groupe socialiste reste persuadé que les dispositions de cet article constituent un outil qui nous permettra de favoriser la mixité sociale. Je vous invite, madame la ministre, à mieux considérer cet aspect de la question. Je suis certaine que nous avons raison. Je souhaite donc que vous teniez compte de notre avis.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même si nous approchons de l’heure où il ne faut pas prolonger la discussion, celle-ci a été lancée et je souhaite intervenir sur ce point.
Nous partageons la volonté de faire de la loi SRU un véritable outil de mixité sociale. Cela concerne à la fois la construction de logements sociaux et la politique de leur attribution qui fait d’ailleurs l’objet de plusieurs dispositions du texte. Les deux aspects sont intimement liés.
Cependant, en matière de construction de logements sociaux, ce que vous proposez n’est pas la bonne manière d’atteindre l’objectif souhaité.
En effet, la loi SRU prévoit un volume de construction à atteindre, mais elle fixe aussi des critères qualitatifs que nous faisons progressivement respecter davantage, notamment grâce à l’obligation pour les communes de construire au moins un tiers des logements en PLAI et au maximum un tiers en PLS. Il me semble que c’est en combinant la trajectoire générale du logement social et ces obligations qualitatives que nous atteindrons notre cible.
Vous proposez quant à vous un décompte des logements différent, ce qui est une tout autre approche. Accessoirement, ce changement posera un problème pour déterminer le stock et le flux, car certains logements auront été comptabilisés selon l’ancienne méthode et d’autres selon la nouvelle, avec pour conséquence une différenciation pour le moins bizarre.
Je crois que les outils actuels sont pertinents, notamment l’obligation de respecter des critères qualitatifs qui favorise une répartition harmonieuse.
Nous ne divergeons pas sur l’objectif et nous voulons tous que la construction de logement social permette aussi de construire des logements très sociaux, notamment en PLAI, y compris sous une forme adaptée. Le ministère consacre, en effet, de plus en plus de moyens aux politiques d’« aller vers », et à celles d’accompagnement vers et dans le logement.
Le logement social est une chose ; l’accompagnement des personnes les plus fragiles dans le logement social en est une autre. Cependant, je ne crois pas que la manière de décompter que vous proposez soit adaptée. C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. . J’assiste depuis le début de l’après-midi à ce débat sur le logement. Je vais faire une suggestion pour laquelle je demanderai votre concours, madame la rapporteure.
Nous venons d’examiner de nombreux amendements émanant de la majorité sénatoriale, dont certains ont été votés et d’autres pas. Dans un souci de vérité politique, nous devrions faire le total du nombre de logements sociaux que nous n’aurions pas construits, si nous avions voté les amendements sur les prisons, l’armée, les gens du voyage, les hébergements d’urgence…
Certains amendements concernaient même les foyers de l’enfance. Nombre d’entre nous sont conseillers départementaux ou l’ont été. Ils savent que le financement n’est pas assuré par la commune, mais par le département. Même quand c’est privé, c’est un prix de journée !
Nous avons donc entendu des propos parfois assez étonnants. Cependant, il serait intéressant pour le Sénat de savoir, à la fin – et vous avez les éléments, madame la rapporteure –, combien de dizaines de milliers de logements sociaux, voire plus, n’auraient jamais pu être construits, si nous avions adopté ces amendements, ni sous trois ans ni sous cinq ans.
Ce moment de vérité permettra également de mesurer notre enthousiasme à mettre en œuvre la loi SRU. Il pourra être l’occasion d’un débat sur la pondération du « très social » et du « peu social ». Vous pouvez secouer la tête ; il n’en reste pas moins que ce serait bien de faire le point, politiquement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Nos propositions vont dans votre sens !
M. Pascal Savoldelli. Faisons les comptes et nous verrons ! Si nous avions adopté tous ces amendements, combien de dizaines de milliers de logements sociaux auraient été comptabilisés au titre de la loi SRU, de sorte qu’on ne serait pas dans l’obligation de les construire ? C’est une proposition constructive que je vous soumets.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 369 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 612 rectifié bis, présenté par Mme Lavarde, MM. Babary et Bascher, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Bouchet, Bouloux, J.M. Boyer, Brisson, Burgoa, Cambon, Cardoux et Charon, Mmes L. Darcos, Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Gremillet et Husson, Mme Jacques, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre, H. Leroy, Longuet, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Noël et MM. Pellevat, Perrin, Piednoir, Rapin, Reichardt, Rietmann, Sautarel, Savin, Segouin, Tabarot et C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Sont décomptés avec une majoration de 50 % les logements comptant quatre pièces ou plus et avec une minoration de 25 % les logements de moins de deux pièces. Ces majorations et ces minorations s’appliquent aux dits logements autorisés à compter du 1er janvier qui suit la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Il s’agit de revenir sur un sujet que j’avais déjà exposé au moment des discussions et du vote de la loi ÉLAN.
Aujourd’hui, chaque logement est compté pour une unité, quelle que soit sa taille. Un studio a le même poids dans le quota SRU qu’un appartement de cinq pièces ou de quatre pièces. Par conséquent, les communes qui suivent uniquement un raisonnement mathématique pour atteindre leur quota SRU sont incitées à ne construire que des studios ou des logements pour étudiants qui seront comptabilisés dans le quota SRU. Cette politique du logement ne permet pas d’accueillir toutes les structures familiales, en particulier les ménages qui comptent un plus grand nombre de personnes.
Je ne souhaite pas revenir sur la structure du passé, car certaines villes ont choisi d’avoir une politique du logement pour tous : elles n’atteignent pas leur quota SRU, mais offrent une diversité de logements adaptée à toutes les familles.
Cet amendement vise, en revanche, à ce que l’on prenne davantage en compte, à l’avenir, les grands logements dans la pondération, alors qu’à l’inverse, les logements de petite taille seront sous-pondérés. Le raisonnement se fera donc plutôt par rapport au nombre de mètres carrés.
Madame la ministre, j’avais proposé des amendements similaires lors de l’examen de la loi ÉLAN. Vous m’aviez répondu, certainement à juste titre, qu’ils étaient très compliqués à mettre en place et que les modalités de calcul seraient difficiles. Voilà pourquoi je m’appuie sur le dispositif proposé par Mme le rapporteur pour les logements très sociaux, et j’y introduis le critère du nombre de pièces, afin de favoriser la diversité dans les logements sociaux.
Mme le président. L’amendement n° 104 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 612 rectifié bis ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Ma chère collègue, vous souhaitez pondérer les logements en fonction de leur taille. Jusqu’à présent, la loi SRU n’a effectivement pas établi de pondération entre petits et grands logements, pour ne retenir que leur nombre parmi les résidences principales. Dès lors, vous l’avez dit également, les maires qui souhaitent faire du chiffre et minimiser l’impact sociologique de la loi SRU sur leur commune ont plutôt intérêt à construire des logements de petite surface destinés aux populations les moins défavorisées, en particulier des F1 ou des F2 qui accueillent plutôt des célibataires et des couples sans enfant, de sorte que la municipalité a également moins de services à fournir.
Valérie Létard et moi-même avions mentionné, dans notre rapport, les travaux du sociologue et géographe Grégoire Fauconnier. Celui-ci a montré, dans sa thèse, qu’il y avait effectivement des contournements de la loi SRU, car certaines communes remplissent leurs obligations uniquement par la construction de logements ou de structures pour étudiants ou personnes âgées. De fait, la mixité sociale ne progresse pas.
Nous avons également constaté que les maires hésitent parfois à construire de grands logements familiaux, parce que cela implique de prévoir aussi un certain nombre d’équipements scolaires, sportifs et sociaux, dont la commune doit assumer le coût. Cela est d’autant plus vrai que les maires ne perçoivent plus aujourd’hui ni taxe foncière ni taxe d’habitation pour faire face à ces besoins. Le sujet est donc bien réel.
Par conséquent, chère collègue, votre amendement a le mérite de témoigner d’une réflexion nécessaire. Je sollicite l’avis du Gouvernement, même si j’y suis favorable à titre personnel.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je ne crois pas qu’il faille « critériser », dans la loi, la pondération des logements sociaux en fonction de leur taille. La question se pose à l’échelle communale, et la discussion doit partir d’une programmation qui répond aux besoins du territoire.
Dans certains endroits, il faut des petits logements. On recense deux millions de demandeurs de logement social aujourd’hui. Parmi eux, nombreux sont ceux dont la demande de T1 et de T2 n’a pas pu être satisfaite.
Dans d’autres endroits, où les petits logements sont déjà nombreux, il faut maintenant construire plutôt des grands logements et des logements familiaux.
Je ne crois pas que ce soit au législateur de normer et de pondérer, sous-pondérer ou surpondérer. Cela reviendrait à orienter des décisions, alors même qu’il faut partir du besoin local. L’avis est donc défavorable. C’est aller beaucoup trop loin dans la complexification que de déterminer au niveau national une norme censée répondre à un besoin local.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je suis désolée, madame la ministre, mais l’expérience m’a montré que certains préfets suivaient un raisonnement mathématique, bête et méchant, et rendaient un avis défavorable dès lors que la commune n’avait pas atteint le quota, quelle que soit la taille des logements.
D’autres, plus pragmatiques, considèrent la structure du parc locatif social, et en tirent la conséquence pour moduler l’augmentation de l’amende.
Or les maires ne peuvent pas être tributaires du préfet qu’ils auront en face d’eux dans la discussion. D’où la nécessité d’un texte réglementaire, que ce soit une loi ou une circulaire, pour fixer clairement le fait qu’une commune qui a construit de grands logements ne sera pas pénalisée, même si elle n’a pas atteint son quota de 25 % de logements SRU.
Dans ma commune, on a surtout besoin de logements de grande taille. La ville essaie d’en construire, mais comme elle n’atteint pas son quota de 25 %, elle est pénalisée. En construisant des logements de grande taille, la commune retarde le moment où elle atteindra son quota.
Je ne comprends pas. Vous nous dites qu’il faut répondre à la demande locale, mais les communes qui le font sont pénalisées, parce qu’elles n’atteignent pas leur quota de 25 %. Je ne sais plus quoi faire. En tout cas, les élus sont démunis.
Mme le président. Quel est désormais l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Pascal Savoldelli. Encore des logements sociaux qui ne seront pas construits !
Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 173 amendements au cours de la journée ; il en reste 734.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 juillet 2021 :
À seize heures et le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021 (texte de la commission n° 739, 2020-2021) ;
Suite du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (procédure accélérée ; texte de la commission n° 724, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER