M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Sans préjuger du vote de mes collègues, et au vu de l’argumentation très détaillée que vient de présenter Mme la ministre, mon avis de sagesse sera plutôt défavorable. Il n’est pas question, en effet, de passer outre la volonté des élus locaux.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Dès l’origine, j’ai été réservé, pour ne pas dire hostile, à cette automaticité prévue par la loi ALUR d’un transfert du PLU vers un PLUi.
Je rends hommage aux atténuations apportées à cette automaticité, que vient de nous rappeler exhaustivement Mme la ministre. Pour autant, j’ai le sentiment qu’en milieu rural des problèmes se posent encore.
Le présent projet de loi doit apporter davantage de fluidité et de souplesse ; je me réjouis donc de l’avis de sagesse émis par Mme la rapporteure pour avis. Mais je regrette vivement que les observations et les éléments d’information présentés par Mme la ministre aient mâtiné cette sagesse d’un avis défavorable.
À titre personnel, et parce que j’ai cosigné l’amendement n° 1 rectifié, je soutiens cette volonté d’aller plus loin. Il faut vraiment qu’un maire – nous sommes nombreux ici à l’avoir été, à défaut de l’être encore – puisse disposer de la plénitude de ses pouvoirs en ce qui concerne le PLU, lequel est déjà considérablement encadré par les documents d’ordre supérieur.
J’appelle donc à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il s’agit d’une affaire délicate. En effet, j’ai l’impression que les deux solutions sont bonnes.
La loi est applicable depuis un certain nombre d’années et il y a toujours des difficultés. Néanmoins, je ne suis pas certain que les propositions faites aujourd’hui permettent de les résoudre, dans la mesure où elles sont locales, liées à la territorialité, mais aussi à la gouvernance puisqu’il s’agit d’inciter les maires à prendre position.
Il y a quelques années, j’étais défavorable à ce principe du transfert de PLU vers l’intercommunalité. Par la suite, en discutant avec les uns et les autres sur le terrain, j’ai constaté qu’il existait une vision différente qui commençait à être adaptée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Bien sûr !
M. René-Paul Savary. Les maires ont progressivement compris qu’ils avaient un rôle à jouer, et qu’ils pouvaient perdre une partie de leurs prérogatives tout en gardant une vision d’ensemble tout à fait nécessaire.
Cette vision d’ensemble est nécessaire, j’y insiste, en termes de logement, d’aménagements publics et d’environnement. Je pense, par exemple, aux grandes intercommunalités qui comptent quelques communes forestières, tandis que les autres communes qui les composent ne sont pas concernées par le patrimoine constitué par les forêts.
La concertation et la réflexion sont donc nécessaires ; on ne peut pas changer les règles sans cesse.
Je suivrai donc l’avis de Mme la ministre. Les règles commençant à être assimilées, il convient d’en attendre l’évaluation pour trouver la meilleure solution et répondre aux préoccupations de chacun.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Un personnage historique dont je ne partage pas la philosophie a dit : « La confiance n’exclut pas le contrôle. »
J’ai écouté d’autant plus attentivement votre argumentaire, madame la ministre, que vous avez fait référence à la loi Engagement et proximité que nous avons votée.
Je vous opposerai néanmoins l’objection que j’avais déjà formulée à propos des compétences eau et assainissement. Le texte permet effectivement d’associer un maire pour la modification d’un PLU en PLUi. Or la réalité est tout autre : à la fin des fins, c’est l’intercommunalité qui reste décisionnaire.
Dans la majorité des cas, la voix des élus n’est in fine pas entendue, ce qui est totalement regrettable. Tant que l’on n’aura pas pris cela en compte, on pourra assouplir toutes les dispositions que l’on veut, on n’aura pas associé davantage le maire et l’intercommunalité. Tel est notre problème majeur aujourd’hui.
Nous avions voté avec conviction ces dispositions de la loi Engagement et proximité, considérant qu’elles régleraient à la fois le problème de l’eau et les difficultés de modification du PLU.
Il ne s’agit pas de revoir l’économie. René-Paul Savary l’a dit, il faut une échelle « macro » et une échelle « micro ». Pour cette dernière, la commune doit conserver la capacité de proposer, voire d’imposer, dans la concertation et non ex abrupto, sa modification de tout ou partie d’un PLU.
Votre argumentaire ne m’a pas convaincu, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Mon propos ira dans le sens de ceux de Mme la ministre et de Mme la rapporteure pour avis.
Mes chers collègues, vous êtes tous concernés par ces questions que vous connaissez bien. Vous savez donc que c’est un travail de très longue haleine qui nous fait tendre, depuis quelques années, vers les PLUi. Cela se fait dans la douleur et s’avère compliqué, car on touche là au cœur des préoccupations des maires.
Nous voyons bien, néanmoins, que partout où ce dispositif a été mis en place, les élus se sont adaptés et reconnaissent l’intérêt d’une telle mesure. Mme la ministre l’a rappelé, l’autorité organisatrice de l’habitat dispose de toutes les qualités d’une entité de niveau territorial pour traiter et réfléchir de façon cohérente aux enjeux d’aménagement, de logement et d’habitat, qui sont imbriqués ; d’où la nécessité de les traiter à la même échelle.
Les maires doivent être au cœur du dispositif, c’est certain. Dans mon territoire, la conférence des maires existe, s’avère efficace et prend toute sa place. Quant aux PLUi, ils fonctionnent parce que les maires, totalement partie prenante, sont entendus : la construction de ce document se fait avec eux.
La question essentielle est donc, en pratique, celle des relations entre l’intercommunalité et les élus locaux. Un important travail a donc été effectué pour donner de la cohérence à ce dispositif, en garantissant que les maires n’en soient pas exclus. Nous avançons petit à petit vers un système qui prend corps et nous permettra de travailler de façon beaucoup plus efficace et cohérente, à la même échelle.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je répondrai à Mathieu Darnaud qu’il existe plusieurs conceptions des choses.
Dans la conception uniquement identitaire de la commune, que l’on soit associé au sein d’un syndicat ou d’une intercommunalité, au final, malgré les liens qui se nouent, c’est au niveau communal que l’on exerce la compétence et que l’on agit. On considère donc, par défaut, que la maille communale est la meilleure quel que soit le sujet.
Or ce n’est pas le cas en France et cela ne l’a jamais été ! Les communes françaises se sont toujours inscrites, du fait de leur taille plus petite, dans des logiques de subsidiarité ; c’est pour elles une nécessité absolue.
Pour ce qui concerne les outils permettant de construire les PLUi, c’est-à-dire la minorité de blocage et la sectorisation visant à mieux tenir compte de la réalité particulière de chaque commune, il existe, comme l’a dit Valérie Létard, une dimension territoriale plus large que la maille communale.
Les dynamiques en termes d’espaces agricoles, de forêts ou de connexions sont territoriales et ne se limitent pas à la perspective de la maille communale. Elles nécessitent un travail collectif qui fait exister le territoire au sein de la conférence des maires.
J’entends que cela ne fonctionne pas dans certains endroits. Mais s’il y a un domaine dans lequel de nombreux efforts ont été faits pour intégrer les maires et les équipes municipales, c’est bien l’urbanisme. Il s’agit d’une compétence centrale et absolument nécessaire de nos communes.
Remettre en cause cette possibilité pour en revenir à la maille de taille inférieure et laisser croire qu’une commune pourra faire, au sein d’un territoire, l’inverse de ce que font toutes les autres, cela me semble complètement contre-productif.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ce débat est important, et pas uniquement sur la question des PLUi. Mon cher collègue Kerrouche, permettez-moi de réagir à votre intervention : il ne s’agit ni d’exacerber les particularismes locaux ni de les nier. Je pourrais retourner contre vous l’argument que vous venez de développer : à force de nier les réalités communales, on renforce la volonté de les faire exister. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
La loi NOTRe a permis la constitution d’intercommunalités de taille XXL centrées sur un certain nombre de compétences. La réalité, c’est que pour mieux répondre aux besoins de la population, nous devons nous mettre à plusieurs. Pour autant, l’intercommunalité que nous sommes en train de construire en France ne doit pas empêcher les communes d’intervenir. Les capacités communales doivent être exercées quand c’est possible. Les réalités ne doivent pas être niées !
Bien évidemment, les élus qui souhaitent que cette compétence demeure celle des communes – j’en fais partie – évoquent tous, comme par hasard, des intercommunalités où le transfert ne fonctionne pas, quand les autres citent des exemples d’intercommunalités dans lesquelles tout se passe très bien.
Le véritable enjeu, pour nous, ce sont non pas les intercommunalités dans lesquelles le transfert se passe bien – tant mieux pour elles –, mais celles où il est problématique. La question est la suivante : comment mettre en place des politiques municipales au sein d’une intercommunalité, en prenant en compte les contradictions inhérentes à un territoire composé de communes de taille et de géographie différentes.
En tout cas, pour notre part, nous retirons notre amendement au profit de l’amendement n° 1 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 277 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. J’abonderai dans le sens d’André Reichardt et de Mathieu Darnaud. Quelle est la seule et dernière compétence stratégique dont disposent encore les communes – et encore pas toutes, puisque celles qui font partie d’une métropole ne l’ont plus ? C’est l’urbanisme.
Or la compétence urbanisme nécessite, pour être bien mise en œuvre, une connaissance très fine du territoire. Nous nous accordons tous sur le fait qu’il faut de la cohérence, mais il existe pour cela des outils partagés, qui ne souffrent plus aucune discussion. Tout le monde est d’accord pour que la cohérence soit assurée au travers des SCoT, mais l’urbanisme exige, lui, d’autres connaissances. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable au transfert à un niveau qui, après tout, n’est jamais qu’une construction.
Car l’EPCI n’est qu’une construction ; la collectivité, c’est la commune. N’accordons donc pas à cette construction ce que l’on refuse à la collectivité !
Pour ces raisons, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Ce débat n’aurait pas lieu d’être si tout fonctionnait bien. Si nous avons aujourd’hui cette discussion, c’est parce que les intercommunalités, notamment les plus grandes d’entre elles, sont à l’origine d’un tel éloignement que les communes ne s’y retrouvent pas.
Au fil du temps, on a inversé les choses. Alors que les intercommunalités devraient être au service des communes, ce sont ces dernières qui, in fine, se retrouvent au service – ou presque – des intercommunalités. Les communes, je le répète, ne s’y retrouvent pas !
Certaines intercommunalités comptent des dizaines de communes regroupées dans des agglomérations. Dans mon département, une intercommunalité est constituée de soixante-dix communes, autour de deux villes principales. Dans une telle situation, la voix du maire d’une petite commune de quelques dizaines d’habitants ne pèse pas lourd au sein du conseil d’agglomération.
Dans ce contexte, il est important de rétablir un équilibre afin de permettre aux petites communes de faire entendre leur voix, notamment au titre de l’exercice d’une compétence dont elles ont la prérogative, à savoir l’urbanisme. Si l’on retire cette compétence aux maires, il ne leur restera plus grand-chose.
Je voterai moi aussi cet amendement, car son adoption permettra de rétablir un certain équilibre. Une telle mesure est importante et attendue par nos collectivités.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. René-Paul Savary et Valérie Létard ont dit que les maires s’étaient adaptés aux réalités des PLUi. Pour ma part, je pense qu’ils s’y sont pour beaucoup résignés et qu’ils les subissent plus qu’ils ne les souhaitent.
Or des maires résignés, ce sont des maires qui renoncent. Je pense qu’il faut ici marquer notre hostilité à un dessaisissement qui a dénaturé le fait intercommunal.
Relisons bien l’amendement, mes chers collègues : il vise non pas à remettre en cause les PLUi, mais à empêcher la mise en œuvre de PLUi non acceptés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous y sommes ! Vous ravivez l’opposition entre communes et intercommunalités… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais si ! (Mêmes mouvements.) Permettez-moi de m’exprimer après vous avoir sagement écoutés !
Certaines intercommunalités fonctionnent plus ou moins bien, nous en sommes d’accord. D’ailleurs, la taille de l’intercommunalité n’y est pour rien. Peut-être les grandes intercommunalités ne facilitent-elles pas la proximité, mais je connais des petites intercommunalités qui fonctionnent très mal ; il suffit qu’elles soient dirigées par une personne ayant une conception un peu autoritaire de l’action pour que les choses ne se passent pas bien…
Il ne faut pas opposer, par réflexe, les petites communes aux grandes. Et je ne parle même pas des relations entre les intercommunalités et les communes.
On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide, monsieur Darnaud, je suis d’accord avec vous. Nous sommes tous des républicains, au sens générique du terme (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains), et nous pensons que la loi est faite pour être respectée et appliquée. Si elle ne l’est pas, la ministre que je suis se chargera de la faire appliquer, je le dis très clairement.
Monsieur Brisson – sur ce point, Mathieu Darnaud ne pourra pas me démentir –, vous avez voulu les intercommunalités au Pays basque. Vous en avez été l’un des promoteurs et des défenseurs, sur un fondement identitaire d’ailleurs – n’ayons pas peur des mots ! Dès lors, comment pouvez-vous dire ce que vous avez dit sur l’intercommunalité ?
Lorsque j’étais sénatrice, Mathieu Darnaud et moi sommes allés sur le terrain. Je me souviens que le préfet Durand, qui est aujourd’hui préfet de la région Normandie, était alors chargé de mettre en place l’intercommunalité. Vous avez voulu cette intercommunalité, monsieur Brisson !
M. André Reichardt. C’était autre chose !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Non, ce n’était pas autre chose, mais nous n’allons pas parler de l’Alsace maintenant… (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Ah non !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai pris soin de détailler toutes les possibilités existantes. Je remercie d’ailleurs les sénateurs qui l’ont reconnu. Il est sage, aujourd’hui, de laisser la loi en l’état. La loi Engagement et proximité, qui a introduit les dernières souplesses, n’a pas deux ans. Je vous le redis en toute sincérité, c’est dans l’intérêt de tous !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Ventalon, MM. J.M. Boyer, D. Laurent, Bacci et Bonnus, Mmes Demas, Muller-Bronn et Belrhiti, M. Reichardt, Mmes Chauvin, Thomas, Bellurot et Puissat, M. Joyandet, Mme Deromedi, MM. Pellevat, Courtial et Bouchet, Mme Lassarade, MM. Perrin, Rietmann, Hugonet, Brisson et Bascher, Mmes Drexler, Gruny et Imbert, MM. Anglars, Bonne, Sido, Chaize, Chatillon et Duplomb, Mmes M. Mercier, Gosselin et Lopez, M. de Nicolaÿ, Mme Joseph, M. Pointereau, Mme Dumont, MM. Savin, Rojouan, Babary, Bouloux, Klinger, Saury, Sautarel, Genet et Favreau, Mme Raimond-Pavero et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 153-41 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les 2° et 3° sont applicables après accord du conseil municipal des communes concernées par ces diminutions ou réductions. »
La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Le présent amendement vise à donner aux maires un droit de veto lorsque l’EPCI tente de diminuer leurs droits à construire.
Une telle diminution devra donc passer par une révision du PLU et non plus par une simple modification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Si je peux comprendre l’intention générale des auteurs de cet amendement, j’émets des doutes sur le dispositif tel qu’il nous est proposé. Il faut agir avec prudence, car son adoption pourrait geler toute possibilité d’évolution des PLUi.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Charles Guené, que j’aperçois sur les travées, sait très bien comment un maire peut bloquer financièrement certaines décisions de l’intercommunalité.
Pour ma part, je suis contre la possibilité pour le maire de bloquer un système. Si l’on veut que l’intercommunalité ne fonctionne pas, il suffit de voter des amendements tels que celui-ci ! (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends votre argument, madame la ministre : une personne ne peut pas à elle seule tout bloquer.
Or il n’y a pas de blocage dans les communautés qui se sont choisies et construites ensemble. (Mme la ministre s’exclame.) Vous nous avez dit que nous ravivions l’opposition entre communes et intercommunalités. Si cette opposition perdure, c’est parce que l’intercommunalité a, hélas, été imposée – heureusement, pour certains ! – de façon parfois…
M. Max Brisson. Brutale !
Mme Cécile Cukierman. … conflictuelle, brutale ; je vous laisse le choix du qualificatif.
Je veux bien entendre que nos tentatives de résolution des problèmes – projet de loi après projet de loi, proposition de loi après proposition de loi, amendement après amendement – puissent être exaspérantes.
Sur le fond, vous avez raison, madame la ministre : donner un droit de veto pose problème. On a tous l’exemple d’un élu qui, pour telle ou telle raison, est devenu un empêcheur de tourner en rond en décidant de tout bloquer. Mais si on en arrive à une telle proposition, c’est parce que les choses ne fonctionnent pas aussi bien qu’on le croit dans un certain nombre d’intercommunalités.
Personne ne ravive quelque opposition que ce soit ! Le débat sur cette question est devant nous. Le renouvellement des équipes municipales n’a rien changé à cet état de fait parce qu’on n’impose pas à des bassins de vie différents de construire un projet commun.
M. Patrick Chaize. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Le débat continue parce qu’on ne cesse d’ouvrir la boîte de Pandore, que ce soit sur l’intérêt communautaire ou sur l’urbanisme.
Mettons les choses en perspective : avant la loi NOTRe, 13 % des intercommunalités comptaient moins de cinq communes et 4 % moins de trois communes. Je ne pense pas que ces intercommunalités étaient fonctionnelles… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je le dis très sereinement, on ne met pas en place des politiques publiques structurantes dans des intercommunalités de 2 000 habitants.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Kerrouche. À l’inverse, a-t-on constitué des intercommunalités trop grandes dans le cadre de la loi NOTRe ? Sans doute ! On l’a tous dit. Cela étant, je rappelle que seuls 11 % des 1 251 EPCI en France regroupent plus de cinquante communes, soit une sur dix. Qu’on ne dise donc pas que les problèmes sont dus à la taille…
Je rappelle ainsi que l’EPCI Pays basque, qui, de mémoire, regroupe 158 communes, est le fruit d’une volonté locale. Car, en effet, certains très grands EPCI sont le résultat de volontés locales !
Notre débat aujourd’hui est complètement factice. Je l’ai dit et écrit, de quelque façon qu’on la présente, l’intercommunalité est une entité siamoise, composée d’une commune et d’une communauté de communes intrinsèquement liées. Elle compte deux personnalités, mais un même maître. On ne peut pas les séparer ! Encore une fois, les oppositions sur lesquelles nous raisonnons sont complètement factices et construites, et ne permettent pas d’avancer.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour explication de vote.
M. Mathieu Darnaud. Je tiens à dire à notre collègue Éric Kerrouche qu’il ne peut pas nous opposer cet argumentaire alors que lui-même subordonnait, voilà un peu plus de soixante-douze heures, la délégation d’une compétence à l’accord de l’ensemble des communes de l’intercommunalité. On ne peut pas défendre tout et son contraire !
La collectivité, nous le disons tous ici, c’est la commune et non l’intercommunalité. Nous ne cherchons pas à opposer les communes et les intercommunalités. Nous disons simplement que, parfois – tout le monde l’a rappelé, y compris Mme la ministre à l’instant –, l’histoire, ou la géographie, rend la construction intercommunale plus compliquée qu’ailleurs, où elle tombe sous le sens.
Il suffit de comparer l’histoire de l’intercommunalité dans l’ouest de la France à celle qui se construit dans le sud-est : on obtient des résultats différents parce que l’histoire et la géographie y sont différentes.
On peut, grâce à l’intelligence collective, chercher des solutions et parfois même prendre le temps d’en trouver, comme celles que nous appelons de nos vœux sur l’eau et l’assainissement, sur l’urbanisme.
Nous disons non pas que nous refusons les intercommunalités – bien au contraire ! –, mais que nous en voulons qui fonctionnent dans les meilleures conditions possible.
Il faut que l’intercommunalité fasse l’objet d’une acceptation collective. Les solutions intermédiaires, comme celles qui ont été prévues dans la loi Engagement et proximité en matière d’urbanisme ou d’eau et d’assainissement, sont, je vous le dis ex abrupto, des ersatz de solutions. Elles produisent l’effet inverse à celui qui était recherché, c’est-à-dire l’acceptation du fait intercommunal.
De deux choses l’une, monsieur Kerrouche : soit on dit que l’intercommunalité doit se faire « en rang par deux » et à marche forcée, auquel cas on instaure des règles sur lesquelles on ne reviendra plus jamais – je considère que ce n’est pas la meilleure méthode –, soit on accepte une certaine souplesse, parce qu’elle est justifiée.
La question de l’eau en montagne ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les zones de plaine. De même, les questions d’urbanisme diffèrent selon les territoires. Je ne vais pas évoquer chaque fois le cas particulier de mon département, car je ne suis pas là pour plaider sa cause, mais le fait est que des communes sont passées d’enveloppes à ouvrir à l’urbanisme de 60 ou 70 hectares à 5, 3 ou 2 hectares. C’est un peu rude pour le maire !
Il faut donc donner un peu de souplesse aux maires, c’est là une aspiration collective et commune à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs. Il faut laisser le temps au temps et faire preuve d’intelligence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Ceux qui défendent le fait communal ne sont pas opposés à l’intercommunalité. Simplement, ils considèrent que les intercommunalités sont au service des communes. C’est bien ainsi qu’elles ont été conçues.
La nouvelle carte de l’intercommunalité a été construite de deux manières, madame la ministre. Certaines intercommunalités résultent de la volonté des communes. C’est le cas de l’intercommunalité Pays basque. Je n’étais pas le seul défenseur de cette grande intercommunalité ; ce sont les communes et les maires de ces territoires qui l’ont voulue.
D’autres intercommunalités, y compris dans mon département, ont été décidées par le préfet, qui est passé outre le refus des communes, lesquelles ont été forcées de les rejoindre. Dans ces intercommunalités, des oppositions, des blocages et des séquelles subsistent.
Le droit à construire, la possibilité de développer sa commune et de lui donner un avenir font partie des sujets qui reviennent dans ces intercommunalités nées de cette carte imposée.
Voilà pourquoi je pense que le sujet n’est pas derrière nous. Considérer que tout va bien, c’est faire l’autruche. Le droit à construire représente, pour les maires, l’avenir même de leur commune.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Mon cher collègue Éric Kerrouche, je ne suis pas du tout d’accord avec votre argumentation et avec votre vision des choses.
Stigmatiser, comme vous l’avez fait, les petites intercommunalités et dire que parce qu’elles sont petites, elles ne sont pas fonctionnelles, c’est un non-sens ! C’est contraire à la réalité. Une structure ne fonctionne pas mieux parce qu’elle est plus grande, plus grosse, plus imposante.
Vous dites que ces petites intercommunalités ne permettent pas de répondre aux besoins des populations. Pour ma part, j’ai été président d’une intercommunalité de huit communes et 3 200 habitants située dans une zone de moyenne montagne où la densité de population, il est vrai, était de 15 habitants au kilomètre carré. Cette intercommunalité a réalisé en moins de dix ans de nombreux équipements structurants : un centre d’accueil pour personnes handicapées vieillissantes, une structure d’accueil et d’hébergement d’entreprises recevant des artisans, un musée – le musée du protestantisme. Elle a réhabilité un château pour en faire un pôle culturel et ouvert un parc aquatique pour le tourisme.
Après l’adoption de la loi NOTRe, nous avons été contraints de nous marier avec une intercommunalité dont une partie du territoire est située en zone périurbaine. Notre petite intercommunalité, pauvre peut-être, mais intégrée, avait élaboré le premier PLUi du département. Cette autre intercommunalité, certes plus importante, dont les territoires sont totalement différents des nôtres, œuvre avec des logiques différentes et fait face à des difficultés liées au caractère périurbain d’une partie de son territoire. Or il est difficile de concilier dans un PLUi les problématiques d’un territoire rural de montagne enclavé et celles d’un territoire en partie périurbain.
Nous sommes victimes des choix qui ont été faits et d’une volonté idéologique de massification. Il n’a pas été tenu compte des réalités des territoires et de la liberté des élus et des collectivités de s’organiser à l’échelle la plus pertinente pour eux.