M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il est évident que nous devons consacrer du temps à cette question, mes chers collègues, car cette discussion montre tout de même, pour moi, un fait politique, un événement politique. Celui-ci tient, non pas seulement au fait que nous discutons de dizaines d’amendements provenant de toutes les travées de l’hémicycle, mais surtout au fait que nous allons tous voter les amendements des uns et des autres.
Dès lors, monsieur le rapporteur, on ne peut se contenter de dire : rentrez dans le rang, et avis défavorable sur tous les amendements !
Cette attitude me pose problème, sauf s’il y a, derrière tout cela, un autre objectif politique – mais, dans ce cas, il faut le dire clairement –, qui serait la nécessité absolue d’avoir une CMP conclusive. Dans ce cas, nous serions vraiment dans des considérations politiques et très loin de la santé ou des problématiques sanitaires. Il faut donc jouer cartes sur table avec tous les élus !
Par ailleurs, je rappelle la teneur de l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul » et « le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». Personne ne le contredira ici, mais qu’est-ce que cela signifie ? J’ai respecté le vote de mes collègues, et ils respectent celui qui a été le mien sur la question de savoir, à l’article 1er, s’il fallait ou non mettre en place un passe sanitaire étendu – question qui n’est pas celle de savoir s’il faut vacciner ou pas.
Nous avons exprimé des votes différents, une majorité s’est dégagée, et je la respecte totalement. Mais je veux que l’on respecte aussi mes collègues qui peuvent avoir émis un vote différent du mien sur la question du passe sanitaire et qui souhaitent maintenant apporter, non pas des dérogations au dispositif, mais des dispositions de bon sens, afin, au moins, d’améliorer cette mesure.
C’est une question de respect du travail parlementaire. Je sais que vous y êtes attaché, monsieur le rapporteur, mais, je vous le dis, vous y avez un peu dérogé. Pour ce qui concerne M. le secrétaire d’État, celui-ci vise probablement d’autres objectifs politiques…
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Il a été dit que voter ces amendements reviendrait à faciliter la transmission du virus, ce qui pourrait nous conduire à reconfiner – ces paroles émanent d’un collègue éminent, que je sais sage et que j’ai donc bien écouté. Mais certains s’interrogent ici sur les incohérences qui seraient entraînées par l’application de ce texte ; c’est dans ce sens que j’ai compris leurs amendements.
Je vis au Royaume-Uni, comme certains ici le savent, et j’ai l’obligation, quand je rentre chez moi, de m’isoler pendant dix jours, et cela même si je suis vacciné ou testé négatif. C’est la règle ! Et c’est le sujet qui anime aujourd’hui les Français souhaitant rentrer chez eux au Royaume-Uni, car nous trouvons cela totalement incohérent.
Or que vois-je lorsque j’arrive ici ? Qu’une personne ayant la covid est tenue de s’isoler, mais qu’elle peut sortir comme elle le souhaite entre dix heures et midi… Voilà une incohérence sur laquelle je m’interroge !
C’est un point qui intéressera certainement mon collègue Loïc Hervé, car, dès lors que l’on a un passe sanitaire, on peut imaginer prochainement une telle application pour celui-ci : dans le cas où une personne aurait la covid, cette information sera-t-elle entrée dans le passe sanitaire ?
Si cette information n’y figure pas, alors une personne malade titulaire du passe pourrait parfaitement se promener où elle le souhaite de dix heures à midi, ce qui facilitera la transmission du virus.
Cette incohérence m’interroge, notamment au regard de possibles applications nouvelles pour le passe sanitaire, et je voudrais connaître la position du Gouvernement sur le sujet.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour explication de vote.
Mme Sylviane Noël. Pour ma part, je voterai en faveur de la plupart de ces amendements, qui vont vers un assouplissement des mesures du passe sanitaire et qui me semblent être de bon sens.
Je souhaiterais particulièrement revenir sur l’exigence du passe pour les jeunes âgés de 12 à 18 ans.
Hasard ou coïncidence, on peut tout de même remarquer que le passe sanitaire est exigé pour la majorité des lieux dont sont friands nos jeunes : les bars, les discothèques, les parcs d’attractions, les cinémas… Je soutiendrai donc les amendements de Loïc Hervé et Henri Leroy, qui tendent à élever la limite d’âge à 18 ans.
Dans notre pays où le principe de précaution est servi à toutes les sauces et sur tous les sujets, la vaccination des mineurs devrait, me semble-t-il, être une question appelant à une prudence extrême, car nous n’avons pas encore assez de recul.
J’ai une très grande confiance en la science, mais, sincèrement, je pense que nous sommes en train de jouer aux apprentis sorciers avec la santé de nos enfants, ceux-ci ayant déjà payé un lourd tribut à cette crise. Je ne souhaite pas être complice de cela ! (M. le secrétaire d’État manifeste son agacement.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. Je ne voudrais pas prolonger le débat, même si la perspective de vous retrouver lundi, monsieur le président, peut effectivement nous conduire à multiplier les interventions. (Sourires.)
Je voudrais néanmoins dire combien je suis sensible au travail réalisé par les commissions et combien l’on peut partager la préoccupation qu’ont leurs membres de prévenir les conséquences possibles de cette quatrième vague. Nous devons tous intervenir avec beaucoup d’humilité, mes chers collègues, car il se peut que, dans quinze jours, lorsque les chiffres ne seront plus les mêmes, nous n’ayons plus les mêmes arguments à offrir !
Néanmoins, les observations d’un certain nombre de collègues sur les incohérences présentes dans ce texte doivent nous interpeller, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. En effet, l’acceptabilité de toutes ces mesures dépend forcément de leur cohérence.
Pendant des mois et des mois, on m’a expliqué, comme à tous nos concitoyens – les contrôleurs de la SNCF étaient les premiers à le faire – qu’il était tout à fait sûr de monter dans un train ou un TGV et que l’on ne risquait rien si nous portions le masque. Et voilà que l’on peut lire, dans ce projet de loi, qu’il faudra désormais un passe sanitaire pour prendre le TGV, alors même que l’on restera masqué !
Il y a là effectivement une incohérence, et l’on pourrait multiplier les exemples de cette nature, comme l’ont fait mes collègues. Il faut donc apporter des réponses sur ces points, monsieur le secrétaire d’État.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j’ai été très sensible à votre argumentation concernant la « promiscuité ». Peut-être ai-je mal lu, ou trop vite, la version de la commission, mais je ne retrouve pas ce terme dans le texte.
À l’alinéa 15 de l’article 1er, est mentionnée la « densité de population observée ou prévue », mais cette précision est apportée, non pour le public ou la clientèle, mais seulement pour les personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou événements. Autrement dit, cela ne concerne pas tous les cas d’application du passe sanitaire.
Peut-être faudra-t-il modifier en CMP la rédaction de cet alinéa, pour que l’argument que vous nous avez exposé figure bien dans le texte de la loi.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Comme la covid, l’incohérence est de toute évidence devenue un virus contagieux ! Nous savions que le Gouvernement en avait été touché sévèrement et, manifestement, il semble que la commission des lois du Sénat est elle aussi atteinte. Peut-être est-ce parce qu’il n’y a plus de distanciation physique que la distanciation politique se réduit…
Notre collègue Philippe Bas a justifié son rejet que les mineurs soient exemptés de passe sanitaire en expliquant que, même si la dangerosité ne les concernait pas ou les concernait peu, ils étaient contaminants, et même plus que les adultes.
Pourtant – « en même temps », devrais-je dire –, il leur accorde les vacances d’été, c’est-à-dire un mois plein, pour faire le nécessaire. Or, pendant un mois, ces mineurs seront sur les plages, en montagne, dans les colonies de vacances, dans les parcs d’attractions. Ils seront avec leur famille, avec des adultes. Ils vont donc côtoyer beaucoup de monde, et leurs postillons pleins de variant vont faire des ravages.
Si la commission était cohérente, elle exigerait donc une vaccination obligatoire et immédiate pour les mineurs – je ne souhaite évidemment rien de tel. L’incohérence est manifeste, et j’ajoute ceci : ce n’est ni au Gouvernement ni à la loi d’imposer ; c’est aux parents de prendre leurs responsabilités.
Je ne connais pas de parents qui ne soient pas soucieux de la santé de leur enfant, qui ne se préoccupent pas de la contamination dont il pourrait être à l’origine. Les parents, l’autorité parentale, cela existe !
Mes chers collègues, ne faites pas de cette question une cause de mobilisation des parents, comme cela s’est déjà passé à Nice, où le maire, qui n’est jamais en retard d’une génuflexion devant l’Élysée (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.), a décidé d’instaurer un passe sanitaire pour les mineurs dans sa ville. Au bout de vingt-quatre heures, il envoyait un représentant retirer ce projet, car les parents s’étaient mobilisés.
Il se passe la même chose à Paris. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de Parisiens sont dans la rue ! Le Gouvernement a réussi ce tour de force de les y jeter. Alors qu’ils devraient être aux terrasses des cafés, alors qu’ils devraient être en train de se promener et de s’aérer, ils défilent dans la rue, massés les uns contre les autres.
Laissons aux parents le soin de prendre leurs responsabilités !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je l’ai déclaré hier soir à la tribune, l’exercice auquel nous sommes confrontés est redoutable.
Nous savons que nous faisons face à une flambée épidémique. Nous savons que nous faisons face à un virus dangereux, qui en outre a muté et contient désormais une charge virale mille fois supérieure à ce qu’elle était. Nous savons que nous avons très peu d’outils à notre disposition.
Nous avançons donc, nous aussi, par tâtonnement et avec prudence. Mais chacun d’entre nous a une certitude : on ne peut pas ne rien faire !
Voilà pourquoi nos commissions ont décidé de nous engager dans cette voie, certes incertaine, mais en disposant sur le chemin un certain nombre de cadres protecteurs de nos libertés, mais aussi, on le verra plus tard, de nos salariés.
Je ne puis et ne veux laisser accuser notre rapporteur d’avoir des objectifs politiques cachés – c’est mal le connaître ! (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.)
C’est un exercice de responsabilité qu’il nous est demandé de faire. Comme l’a indiqué un de nos collègues précédemment, c’est très français de poser une règle et, une fois cela fait, de la « trouer » par une quantité d’exceptions. Dans ce cas, il faut refuser carrément le principe. Ce que je veux simplement dire, c’est que l’on ne doit pas multiplier les exceptions.
Je suis d’autant plus libre de prendre la parole maintenant que j’ai envisagé, à un moment, de déposer au nom de mon groupe un amendement visant à exonérer du passe certains lieux, en particulier les terrasses.
Pourquoi ne l’ai-je pas fait ? Tout simplement parce que, n’étant pas épidémiologiste, je me fais conseiller depuis le début de la crise sanitaire par quelques épidémiologistes, qui, d’ailleurs, ont pris dans leurs avis publics leurs distances avec le Gouvernement.
Or, face à cette idée que je leur soumettais, ils m’ont mis en garde. « Attention, m’ont-ils dit, cette histoire de charge virale change la notion de promiscuité. C’est inquiétant, et il faut y faire très attention, car, sur une terrasse, vous pouvez désormais avoir le même risque de contamination qu’à l’intérieur. »
À force d’entendre systématiquement cette réponse, j’ai décidé de ne pas déposer cet amendement. J’ai estimé, en responsabilité, que cela pouvait être risqué.
Je sais que c’est un choix plus difficile à défendre sur un plan politique. Je sais que c’est une position plus complexe, y compris vis-à-vis de certains mes collègues. Mais nous avons un choix à faire, un choix collectif, alors que s’annonce pour bientôt un nouveau pic épidémique. C’est un passage difficile, incertain, d’application délicate, mais je suis d’avis de le tenter.
Encore une fois, comme les rapporteurs, comme les membres des commissions concernées, nous sommes tous dans un exercice de responsabilité.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Mes chers collègues, depuis ce matin, vous prenez la parole pour donner votre avis et j’écoute avec beaucoup d’attention et de respect chacun des propos exprimés.
Effectivement, la précipitation dans laquelle nous sommes plongés est totalement incohérente avec la nécessité d’avoir le recul nécessaire pour prendre des décisions qui, comme Bruno Retailleau vient de l’indiquer, sont très complexes.
Tout le monde n’a pas eu la même capacité à lire les multiples études qui sortent, presque jour après jour, semaine après semaine. Il devient extrêmement complexe de prendre, en connaissance de cause, des décisions qui sont très importantes pour la population et qui sont souvent incomprises d’elle.
Je voudrais simplement donner quelques chiffres tirés de la dernière étude produite par Santé publique France : le nombre de personnes infectées ou de cas contacts reportant avoir fréquenté un bar est en augmentation de 192 %, ce taux étant de 165 % pour les lieux culturels ou encore de 69 % pour les réunions privées.
Ces chiffres suffisent, à eux seuls, à nous faire prendre certaines décisions par rapport à tous les amendements présentés depuis ce matin.
Pour ma part, je n’ai cosigné aucun amendement, pas même ceux de la commission des affaires sociales. Nous avons souvent eu l’occasion d’auditionner des scientifiques – encore dernièrement, nous recevions le professeur Jean-François Delfraissy – et nous bénéficions aussi de l’éclairage de certains de nos collègues très informés. D’où ma décision de ne pas apporter de restrictions à ce projet de loi.
Néanmoins, je comprends tout à fait que ce soit compliqué… J’ai pris le train ce matin et j’ai parlé longuement avec deux agents de la SNCF. À leur manière, ils m’ont expliqué qu’ils avaient du mal à faire respecter ne serait-ce que les règles de distanciation et de maintien du masque. C’est compliqué, et je sais que, si l’on impose de nouvelles restrictions de liberté, les professionnels et un certain nombre d’agents auront bien du mal à les faire respecter.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je me suis inscrit en explication de vote juste avant que Bruno Retailleau ne parle. Je ne l’aurais pas fait si je l’avais entendu auparavant, car ce que je vais dire rejoint ses propos. (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Voilà quelque temps que nous parlons de contraintes, d’incohérences, etc., mais on ne dit plus rien s’agissant du virus ! Lorsqu’un virus voit sa charge virale multipliée par mille et que l’on s’étonne que le train soit plus dangereux qu’avant, c’est une incohérence.
Oui, voilà encore quelques mois, quand le variant delta n’était pas encore présent, il était bien moins dangereux de prendre l’avion.
Oui, le taux de contagiosité du nouveau variant est tellement supérieur que cela en devient beaucoup plus dangereux.
Ce n’est la faute ni du Gouvernement ni des parlementaires. Le virus a muté, et cela crée de nouvelles difficultés. C’est pourquoi nous devons essayer, ensemble, de trouver un chemin qui permette aux Français de retrouver le sens des gestes barrières, qu’ils ont tous un peu perdus – à commencer par moi, d’ailleurs. C’est la première urgence.
Si nous ne voulons pas d’incohérence, que nous reste-t-il ? Le confinement total. Chacun chez soi, et l’on est à peu près sûr du résultat ! Personne n’a envie de cela.
La seconde possibilité, nous en sommes tous d’accord, serait de vacciner tout le monde en même temps. (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Mais, pour cela, un délai d’un mois à un mois et demi serait nécessaire – il est impossible de vacciner 20 millions de personnes en une journée. Il faut donc du temps, et ce temps, nous ne l’avons pas.
J’entendais M. Stéphane Ravier dire : « Vaccinez les jeunes tout de suite, et c’est réglé ! » Il faut plus d’un mois pour que le protocole de vaccination soit efficace… De nouveau, il faut du temps, et ce temps, nous ne l’avons pas.
Nous devons donc mettre en place des outils puissants et pédagogiques. Je pense que le passe sanitaire peut être l’un de ces outils, si on le prend dans ce sens-là.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous discutons, mais, au fil de cette discussion, nous ne parvenons pas à obtenir de réponse aux questions soulevées par l’ensemble des groupes au travers de ces amendements, qui, en quelque sorte, visent à aménager l’imposition du passe sanitaire.
Il a été question d’incohérences… Première remarque, on va limiter l’accès des adolescents à des zones de plein air, mais ils vont aller au collège, au lycée, voire à la faculté, sans avoir besoin de passe sanitaire.
Par ailleurs, et c’est ma seconde remarque, je trouve que, sur toutes ces travées, on se cache un peu la tête dans le sable !
On nous explique que le virus mute. C’est vrai. Mais, mes chers collègues, nous avons entendu d’éminents professeurs nous expliquer que tout cela était normal, que, face aux vaccins, justement, qui lui sont opposés, le virus s’adapte et mute pour survivre.
Cela signifie qu’il y aura d’autres mutations et d’autres adaptations du virus. Ne faisons pas semblant de croire que l’on va s’en sortir et obtenir une immunité collective avec la seule vaccination de l’ensemble de la population française. C’est hypocrite ! Pour parvenir à l’immunité collective, il faut vacciner l’ensemble de la planète.
Or 2 % de la population africaine seulement est vaccinée, parce que les pays africains ne reçoivent pas les doses de vaccin nécessaires et que, en dépit des déclarations de M. Macron se disant favorable à la levée des brevets sur les vaccins, rien n’est fait en ce sens.
Sans levée de ces brevets, il n’y aura pas d’accès aux vaccins contre la covid partout dans le monde, et nous devrons continuer à faire face à des mutations du virus. Et que fera-t-on demain ? On dira que l’on n’a pas assez anticipé et qu’il va falloir confiner la population !
Pendant ce temps, tout ce que nous proposons aux ministres qui se succèdent au banc du Gouvernement est rejeté. Plus de moyens pour les hôpitaux et des ouvertures de lits ? Ce n’est pas la solution ! Aller au plus près des populations dans les quartiers ou dans les entreprises ? Ce n’est pas la solution !
La solution, c’est le passe sanitaire… Eh bien, nous, nous disons que ce n’est pas une solution !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. À tous ceux d’entre nous qui plaident pour la cohérence, je veux dire que c’est aussi mon combat.
Néanmoins, qu’est-ce que la cohérence ? À partir du moment où nous avons, ce matin, voté le principe du passe sanitaire, la cohérence impose de le rendre efficace, ou de ne pas le rendre inefficace.
S’agissant des amendements que je qualifierai d’« amendements terrasses », je crois réellement que les arguments scientifiques portés à notre connaissance sont absolument imparables.
Manger et boire sont les moments où les risques de contamination sont les plus forts ; manger et boire dehors, dans la promiscuité, dans la proximité, est devenu aussi dangereux que manger et boire à l’intérieur. Et je vous rappelle que c’est bien parce qu’ils sont les principaux lieux d’expansion de l’épidémie que les restaurants, dont celui du Sénat, ont été pendant longtemps fermés.
Par conséquent, mes chers collègues, si vous voulez être cohérents, ne perforez pas le dispositif du passe sanitaire, dont vous venez de voter le principe.
J’en viens à la question des mineurs. Je crois que nous sommes en train de nous prononcer sur un malentendu, et je voudrais vérifier que ce n’est pas le cas.
La règle, mes chers collègues, ce n’est pas que les mineurs vont être empêchés d’accéder, dès le vote de la loi, aux centres de loisirs, aux restaurants, aux cafés, aux théâtres, aux cinémas, aux lieux de culture, aux centres sportifs.
C’est tout le contraire : les jeunes ne seront pas assujettis au passe sanitaire après le vote de la loi, et cela pour deux raisons. Premièrement, les enfants de moins de 12 ans ne seront jamais assujettis à cette obligation. Deuxièmement, les jeunes âgés de 12 à 18 ans n’y seront assujettis qu’à partir du 30 septembre, les vacances, de même que la rentrée scolaire, restant libres.
Il y a là, peut-être, une forme d’incohérence avec le principe du passe sanitaire, puisque, personne ne le conteste sérieusement, nos jeunes peuvent être à l’origine de contaminations pendant ce temps. Nous acceptons donc, par dérogation, qu’ils soient moins perturbés dans leur vie par la création de ce régime de passe sanitaire pour l’accès à certains établissements, services ou activités.
Telle est la réalité, exacte et objective, du texte adopté par la commission.
Si votre motivation à voter certains amendements est liée au souhait que nos jeunes ne soient pas contraints, sachez qu’ils ne le sont pas. C’est clair et net ! Le projet de loi permettant déjà d’atteindre ce résultat, je ne vois pas l’utilité d’adopter des amendements supplémentaires à cet égard.
Toutefois, je dois vous dire, et je dois peut-être le dire également pour la bonne information des parents et des jeunes, ce n’est pas parce que l’on n’est pas assujetti à l’obligation de présenter le passe sanitaire qu’il faut baisser la garde.
Jeunes gens, je vous en supplie, soyez prudents ! Vous êtes exonérés de cette obligation pendant toute la période des vacances. Ne commettez pas d’imprudences !
En effet, comme l’a dit notre collègue Nadia Sollogoub, on peut avoir, quand on est jeune, une certaine tendance à vouloir transgresser certaines règles et s’exposer ainsi à des dangers. N’ayons pas peur de leur dire : « Soyez prudents ! Si le Parlement ne vous oblige pas à présenter le passe sanitaire pendant les vacances, n’en profitez pas trop ! »
Pourquoi, d’ailleurs, n’obligeons-nous pas les jeunes à présenter le passe ? La raison en est simple : les jeunes âgés de 12 à 18 ans n’ont accès à la vaccination que depuis quelques semaines seulement. On ne va tout de même pas exiger d’eux qu’ils présentent un passe sanitaire alors qu’ils ne pouvaient pas être vaccinés. C’est aussi bête que cela !
Je maintiens donc fermement mes positions, mes chers collègues. Mais vous êtes souverains, et c’est vous qui allez décider. Faites-le en votre âme et conscience. Je sais que vous avez tous, comme j’essaie de l’avoir aussi, un esprit de responsabilité et que vous cherchez le bon équilibre entre des mesures de protection sanitaire de la population, qui s’imposent compte tenu de la gravité de l’épidémie, et le respect d’un certain nombre de droits et de libertés fondamentales.
Il faut dire, enfin, que si les règles changent, ce n’est pas par incohérence. C’est parce que le virus lui-même a changé et que la situation à laquelle nous sommes confrontés s’est modifiée elle aussi.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Mon intervention sera rapide, Philippe Bas ayant pratiquement tout dit.
Je voudrais rappeler que ces incohérences, dont Nathalie Goulet, par exemple, nous a parlé, existent depuis le début. Il y a des dérogations depuis le début.
Quand le confinement était en vigueur, avec les attestations dérogatoires, tout le monde n’était pas soumis au même régime. Ceux qui travaillaient pouvaient se déplacer beaucoup plus facilement que d’autres. Ces incohérences, donc, sont présentes depuis le début. Il a fallu trouver des adaptations pour répondre aux différentes situations, notamment professionnelles.
J’entends par ailleurs la difficulté s’agissant des jeunes. Mais, comme nous l’avons bien vu, la question ne les concerne pas pendant les vacances.
Actuellement, ce sont les jeunes qui transmettent le plus le virus. S’ils se le transmettent entre eux, ils ne feront probablement pas de forme grave de la maladie – cela étant, personne n’est à l’abri…
Toutefois, ensuite, ils rentrent dans leur famille, où ils retrouvent des parents ou des grands-parents qui n’auront peut-être pas tous été vaccinés. C’est là, d’après ce que me disent les professeurs et les chefs de service d’hôpitaux parisiens avec qui je suis en contact régulier, que le danger réside. Ce virus mutant et très contaminant met en danger les personnes fragiles qui ne sont pas encore entrées dans le schéma vaccinal.
On peut affirmer qu’il faut vacciner tout le monde de façon obligatoire. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Certes, mais qu’aurait été ce débat et quelles auraient été les réactions des uns et des autres, ainsi que de la population, si le Gouvernement avait proposé la vaccination obligatoire ? On aurait objecté que le président Macron avait dit qu’il ne ferait jamais rien de tel !
C’est pourquoi je suis très prudente quant aux débats qu’on lance comme ça, sans être complètement dans la réalité des choses, et je soutiens la position exprimée par M. le rapporteur Philippe Bas sur ces amendements.
Ce débat est comme il est ; c’est une discussion normale entre parlementaires. Mais, pour avoir des relations dans des pays où les gens attendent le vaccin, je puis vous dire qu’il a de quoi leur sembler surréaliste.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission ont dit des choses très sensées. Je ne veux pas en rajouter, mais, en responsabilité, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté le principe du passe sanitaire. (Protestations sur des travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Pas tous !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut d’ailleurs que s’en féliciter.
La situation actuelle est dramatique ; l’épidémie galope. Pour le coup, vider de sa substance ce que vous avez adopté, au risque de rendre le passe sanitaire inefficace, serait irresponsable. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Les gestes barrières demeurent certes essentiels – je remercie tous ceux qui l’ont rappelé –, mais, à eux seuls, ils ne suffiront pas. Nous devons, face à la situation épidémique, utiliser toutes les armes en notre possession pour nous protéger collectivement : observer les gestes barrières, comme nous avions l’habitude de le faire, et poursuivre la vaccination.
Monsieur le sénateur Genet, l’incohérence, c’est de ne pas comprendre ou de faire semblant de ne pas comprendre que la situation actuelle n’est pas la même que celle que nous avons connue il y a six mois ou un an. Dès lors, nous devons adapter les règles à l’évolution de la situation sanitaire – c’est d’ailleurs ce que nous faisons depuis un an et demi.
La cohérence du dispositif que nous vous soumettons est double.
Premièrement, à l’heure où je vous parle, les activités les plus fondamentales, comme l’accès à l’école et à l’université, ne sont pas soumises au passe sanitaire, car l’éducation doit être préservée. Quant aux transports quotidiens, s’ils ont vocation à être exonérés du passe sanitaire, c’est parce qu’ils sont l’une des conditions de la poursuite de l’activité économique de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)