Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Philippe Tabarot. Comment s’apprêter à célébrer en grande pompe le soixantième anniversaire des accords d’Évian, alors que cette date marque une défaite pour la France et le début d’un « permis de tuer » ces mêmes harkis que vous prétendez aujourd’hui mettre à l’honneur de l’histoire de France ?
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous donc prendre l’engagement qu’aucun membre de votre gouvernement ne participera aux cérémonies du 19 mars prochain, pour être enfin cohérent avec vos discours ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Tabarot, vous l’avez dit avec vos mots, le conflit d’Algérie…
Mme Éliane Assassi et M. Patrick Kanner. La guerre !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. … est un conflit complexe, à la mémoire complexe, ou, plutôt, qui a fait apparaître des mémoires multiples et souvent rivales.
L’objectif du Président de la République, et l’objectif que je me suis assigné pendant un peu plus de quatre ans dans ce ministère, est justement de faire en sorte que ces mémoires se parlent, qu’elles soient toutes respectées et qu’elles se respectent entre elles.
C’est un objectif ambitieux, et le chemin est difficile, mais je souhaite véritablement, tout comme le Président de la République, que le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie – je sais que vous allez me dire que ce n’est pas la fin ! – soit l’occasion d’honorer toutes ces mémoires, et je dis bien toutes : la mémoire des anciens combattants, la mémoire des harkis, la mémoire des rapatriés.
À ce sujet, des actions particulièrement intéressantes sont menées par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, avec des anciens qui viennent devant des jeunes : en même temps (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), des anciens harkis, des anciens du FLN, des anciens rapatriés viennent prendre la parole devant ces jeunes générations. C’est à cela qu’il faut que nous arrivions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis fière d’avoir porté de très nombreuses actions dans ce gouvernement pour les anciens combattants, pour les harkis et pour les rapatriés. Nous en ferons le bilan lorsque nous discuterons du projet de loi sur les harkis annoncé par le Président de la République. Ce débat devra être apaisé, respectueux et digne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Valérie Boyer. C’est vous qui n’êtes pas digne avec le « en même temps » !
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Pour nous, chère madame, le devoir de mémoire n’est pas à la carte, au gré des échéances électorales. Voilà tout simplement ce que je voulais vous dire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe RDPI.)
étudiants sans master
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sonia de La Provôté. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, depuis juin, des milliers d’étudiants se retrouvent sans master, alors qu’ils ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire. Cet obstacle à la poursuite de leurs études les plonge dans un profond désarroi.
Depuis 2016, la sélection se fait en effet à l’entrée en master 1, après l’obtention d’une licence, en cohérence avec le système LMD. Or, parallèlement à l’augmentation considérable des effectifs de licence ces dernières années, l’offre de masters n’a pas été calibrée sur l’évolution de la demande dans les filières où l’obtention d’une licence seule est insuffisante pour accéder au marché du travail. Je pense notamment aux études de droit.
Consciente du problème, vous avez annoncé cet été la création de nouvelles places dans les filières en tension. Visiblement en nombre insuffisant, puisque les étudiants sont encore des milliers à se précipiter sur la plateforme gouvernementale « trouvermonmaster.gouv.fr », censée leur obtenir une solution. Or nombreux sont ceux à qui la plateforme ne propose rien de pertinent. Ils sont, de fait, exclus du système.
Cette situation vide de son contenu le droit à la poursuite d’études, qui doit pourtant garantir un parcours cohérent.
Madame la ministre, que pouvez-vous proposer à ces étudiants ? Plus largement, comment entendez-vous concilier droit à la poursuite d’études et sélection sans les opposer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Sonia de La Provôté, vous le savez, je suis toujours très attentive aux travaux du Parlement en général, de la Haute Assemblée en particulier. Aussi, je me souviens parfaitement que, le 9 septembre dernier, nous avons célébré le cinquième anniversaire de la proposition de loi (PPL) de votre prédécesseur, M. Jean-Léonce Dupont, qui a proposé de manière sèche la sélection à l’entrée du master.
Ce texte s’est trouvé prolongé par la loi du 23 décembre 2016, qui a prévu, en même temps que la sélection, le droit à la poursuite d’études. Vous voyez que le « en même temps » a quelques années derrière lui et, probablement, quelques belles années devant lui aussi. (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.)
Alors, que faisons-nous depuis cinq ans ? Nous appliquons la loi.
Ce n’est pas un problème quantitatif qui se pose à nous ; vous vous préoccupez suffisamment de ce sujet pour le savoir. Chaque année, on compte 150 000 diplômés de licence générale et 170 000 places ouvertes en master.
Dès lors, madame la sénatrice, voici la question que je pose aux établissements, tout en me tenant évidemment à leurs côtés pour la résoudre : quelle insertion professionnelle offre-t-on à la sortie du master ?
Je vous rejoins sur un point : nous devons effectivement travailler sur la question de l’insertion professionnelle à la sortie de la licence. C’est bien ce que nous faisons : cette année, pour la première fois, nous créons des licences construites exclusivement sur des blocs de compétences produits par les entreprises qui vont ensuite recruter les jeunes diplômés de ces licences.
Cette année, on enregistre un peu plus de 7 300 demandes sur le portail national « Trouver mon master » ; il y en avait 8 100 l’année dernière. Nous avions créé 3 000 places supplémentaires l’année dernière ; nous en avons créé 4 400 cette année. Comme dans le cas de Parcoursup, nous accompagnons ces jeunes un par un.
M. Patrick Kanner. Tout va très bien, madame la marquise !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Plus de 2 500 jeunes ont déjà trouvé une solution ; quant aux autres, il nous faut là encore les aider à accéder à un master, s’ils le souhaitent, à condition qu’on puisse ensuite les insérer professionnellement. (M. François Patriat applaudit.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Vous l’avez bien souligné, madame la ministre : une vraie question se pose quant au contenu des licences.
Cela dit, quand vous affirmez appliquer la loi depuis cinq ans, il n’empêche qu’on est face à un véritable problème d’anticipation : on est passé de 2,4 millions d’étudiants en 2013 à plus de 2,8 millions lors de cette rentrée-ci. Il y a fort à parier que le nombre de diplômés de licence augmentera encore beaucoup cette année.
La question qui se pose est en réalité celle de l’urgence, faute d’anticipation. En dehors de l’augmentation du nombre de places, qu’allez-vous proposer, de façon rapide et effective, pour que les universités puissent prendre en charge le surcroît de licenciés qui chercheront un master à l’issue de la présente année universitaire et, comme cette année et les années précédentes, ne trouveront pas de solution ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
beauvau de la sécurité
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Henri Leroy. Monsieur le Premier ministre, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, bien qu’il ne soit pas présent devant nous.
Après sept mois de concertation, de déplacements et d’échanges autour du Beauvau de la sécurité, le mardi 14 septembre dernier, à Roubaix, le Président de la République nous livrait ses propositions pour la sécurité des Français. Il était temps !
Il était temps, monsieur le Premier ministre, quatre ans après l’élection présidentielle, que des mesures soient annoncées !
Entre-temps, de 2016 à 2020, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 36 %. On compte presque 800 agressions par jour !
Les violences à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique ont également augmenté de 12 % : il y en a presque 100 par jour !
Dans notre beau pays, une violence gratuite est commise toutes les 44 secondes ; un refus d’obtempérer, toutes les 30 minutes !
Il était donc temps, monsieur le Premier ministre, à quelques mois des élections, que le Président de la République entende l’appel du Sénat et des forces de sécurité.
Simplification des procédures pénales, meilleure prise en charge des victimes, formation et soutien plus performants offerts aux policiers et aux gendarmes : tout cela, nous le proposions déjà en 2018. On le trouve dans le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure.
La création d’une réserve opérationnelle de la police, c’est aussi une proposition du Sénat, faite en début d’année !
Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre : je me réjouis que l’ensemble du travail accompli par notre institution ait été repris. Mais le Président de la République aura du mal à mettre en place ces réformes dans un temps court.
Ma question est donc simple : puisque c’est le ministre de l’intérieur qui en est chargé, peut-il nous donner un calendrier, au mois près, de mise en œuvre des engagements présidentiels ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Henri Leroy, je tiens d’abord à vous remercier, au nom de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, au nom duquel je vous réponds aujourd’hui, tout en m’exprimant en mon nom propre en tant que ministre déléguée auprès de lui ; je vous remercie pour votre participation assidue et constructive aux débats du Beauvau de la sécurité, car vous avez porté avec force, tout au long de ces échanges, la voix de la représentation nationale. Surtout, vous avez su montrer le soutien de celle-ci à nos forces de sécurité intérieure : c’est bien là l’essentiel, je tiens donc à vous en remercier.
Le Beauvau de la sécurité a été un temps d’échange et de travail direct, sans filtre et continu, qui a permis d’écouter la réalité du terrain et de trouver des solutions concrètes : le ministère de l’intérieur y a apporté un engagement sans faille.
À la suite du Beauvau, le Président de la République a entendu les préoccupations des Françaises et des Français, ainsi que celles de nos forces de sécurité intérieure. Il a donc annoncé de nombreuses mesures concrètes, que vous connaissez. Je pense notamment à l’augmentation de 1,5 milliard d’euros du budget du ministère de l’intérieur en 2022, qui va permettre de soutenir encore davantage l’effort engagé depuis 2017 en faveur de la sécurité et de la tranquillité des Français. Vous connaissez cet effort, puisque vous avez voté l’augmentation du budget de ce ministère.
Au-delà de cet engagement budgétaire sans précédent, nous présenterons en début d’année prochaine un projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, texte qui structurera encore davantage notre police, notre gendarmerie et l’ensemble de notre ministère à l’horizon 2030.
Le Président de la République a aussi rappelé avec force que, si l’État fait tout ce qui est en son pouvoir, il ne peut cependant pas tout faire tout seul. Le continuum de sécurité entre l’État et les maires est fondamental dans notre approche commune de la sécurité des Français. Cela passe par l’augmentation, dès 2021, des moyens dédiés à la vidéoprotection.
C’est donc en ce sens, et avec conscience du souci particulier de la Haute Assemblée pour les collectivités locales, que je veux rappeler ici que quatre maires ont participé activement au Beauvau de la sécurité et que l’ensemble des associations d’élus ont transmis des contributions. Je tiens à les remercier pour cet engagement fondamental et à les assurer que le Gouvernement continuera d’être à leurs côtés. (M. François Patriat applaudit.)
crise des sous-marins (iv)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre des armées, je voudrais revenir sur la rupture du contrat australien.
Nous avons eu, à Cherbourg comme dans le reste de la France, un sentiment de stupéfaction face à la brutalité de l’annonce de la rupture de ce que l’on avait appelé « le contrat du siècle ».
Nous sommes ensuite passés de la sidération à la tristesse : une tristesse qui découle d’une perte de confiance et d’un sentiment de trahison de la part de ceux qui sont nos alliés ; une tristesse, aussi, pour tous ceux qui se sont investis dans ce projet, pour ceux qui se sont expatriés à Adélaïde, mais également pour les familles australiennes qui ont réussi leur implantation à Cherbourg.
Aujourd’hui dominent l’amertume et l’inquiétude.
Nous ressentons de l’amertume, d’abord, quant à la naïveté dont nous aurions fait preuve, faute d’anticiper, de décoder, ou de répondre aux attentes par rapport à l’évolution des besoins australiens, nous contentant plutôt d’un excès de confiance en nous-mêmes et de propos incantatoires ; cela sera l’objet de la commission d’enquête que nous appelons de nos vœux.
Nous ressentons surtout de l’inquiétude, quant au devenir des 650 salariés qui travaillent en France sur ce projet et des 350 personnes basées en Australie, mais aussi pour nos entreprises françaises sous-traitantes, qu’elles fournissent des biens, comme Jeumont Electric, ou des services, comme FIVA ou d’autres encore qui, avec l’accompagnement de Business France, ont créé des joint-ventures et investi en Australie.
Nous sommes également inquiets pour le devenir de nos industries de défense, qui enregistrent un nouveau camouflet après l’échec de la vente de Rafale à la Suisse.
Après un tremblement de terre, outre des ruines, il y a des personnes sous les décombres et des édifices fragilisés.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures concrètes, économiques et sociales, l’État mettra-t-il en place pour accompagner les salariés, mais aussi ces entreprises qui vont faire face à une rupture de charge brutale et sont plus fragiles économiquement et moins armées juridiquement ?
Est-il envisageable, notamment, d’avancer les études du programme de sous-marins de troisième génération pour mobiliser les moyens en ingénierie qui vont s’avérer disponibles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’abord de rendre hommage à Naval Group, ainsi qu’à toutes les entreprises françaises, aux ingénieurs et aux militaires qui, pendant plus de quatre ans, se sont donnés pour ce programme d’armement.
Notre industrie navale figure parmi les meilleures du monde. C’est une fierté de cultiver en France des savoir-faire uniques, connus et reconnus, qui permettent à notre marine nationale d’être l’une des meilleures au monde.
La rupture de ce contrat, c’est un coup porté à nos emplois. Sans compter les sous-traitants que vous avez évoqués, 650 personnes sont impliquées dans ce programme aujourd’hui à Naval Group en France, 350 autres à Naval Group Australia.
Je sais combien la ville de Cherbourg s’est mobilisée pour réserver le meilleur accueil aux dizaines de salariés australiens qui s’y sont installés, ainsi qu’à leurs familles. Cette mobilisation s’est traduite par la mise à disposition de logements, de services et d’écoles adaptés aux besoins de ces personnes.
Alors, aujourd’hui, qu’allons-nous faire ? Eh bien, nous n’allons pas nous laisser faire !
Nous allons aider nos entreprises à passer ce cap, et ce de deux manières.
Tout d’abord, en sortant par le haut : les études qui ont déjà été réalisées seront payées jusqu’au dernier centime. Nous ne ferons aucun cadeau contractuel !
Ensuite, par le soutien que leur apportera le ministère des armées : nous sommes mobilisés aux côtés de Naval Group et des collectivités territoriales concernées pour trouver des solutions et assurer le maintien des compétences.
Dans cette perspective, le récent lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération ainsi que les travaux portant sur le porte-avions du futur, grands programmes lancés grâce à la loi de programmation militaire, nous aideront beaucoup.
Grâce à cette loi, mais aussi aux nombreux succès que nous avons connus à l’exportation au cours de cette période, plus de 36 000 emplois ont été créés depuis 2017 dans les entreprises de défense : nous n’avons pas fait tout cela pour en supprimer aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
situation sanitaire en outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, la vague épidémique sans précédent de covid-19 qui a frappé les Antilles, dont Saint-Martin, a mis en exergue les fragilités structurelles des systèmes de santé de nos territoires respectifs.
Ainsi, si la situation critique qu’a connue notre centre hospitalier Louis-Constant-Fleming est exceptionnelle, elle est néanmoins révélatrice des graves carences dont souffre notre territoire et suscite de légitimes interrogations.
Déjà fortement sous-doté en termes de moyens financiers, matériels et humains, ce centre hospitalier fait face à des enjeux uniques. Il est implanté à 260 kilomètres de son centre hospitalier universitaire (CHU) de référence, situé en Guadeloupe. Malgré sa petite taille, c’est le seul recours pour la population de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. À ce titre, il doit être capable de répondre à l’ensemble des besoins en urgence et en première intention pour les soins courants.
Or, comme il ne dispose pas de toutes ces compétences, on dénombre environ 200 évacuations sanitaires annuelles vers les CHU de Guadeloupe et de Martinique, charge particulièrement lourde en matière de personnel et de finances : plus de 2 millions d’euros sont ainsi dépensés chaque année, ce qui obère sensiblement le budget du centre hospitalier, lequel ne devrait en aucun cas subir ces coûts !
De plus, les restrictions horaires de décollage et d’atterrissage des avions – l’un comme l’autre sont impossibles la nuit – peuvent entraîner un important retard de prise en charge et une réelle perte de chance pour nos patients.
Oui, on meurt à Saint-Martin faute de disponibilité d’un hélicoptère de la sécurité civile de la Guadeloupe !
Oui, le temps d’attente pour des analyses à l’hôpital est de deux heures au minimum, faute de laboratoire disponible 24 heures sur 24 ! En outre, le seul scanner privé de l’île est éloigné du centre hospitalier.
Ajoutons-y les aléas climatiques liés à la saison cyclonique : toutes les liaisons avec les CHU voisins peuvent être coupées pendant plusieurs jours !
Alors, monsieur le ministre, comptez-vous prendre des mesures, puisque des solutions existent ?
Que comptez-vous faire pour que notre centre hospitalier réponde enfin aux exigences d’un établissement isolé, ce qui garantirait à la population saint-martinoise une prise en charge correspondant aux mêmes standards que ceux qui s’imposent sur le territoire hexagonal en matière d’accès aux soins et d’égalité des chances ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Annick Petrus, permettez-moi d’abord de relever que, grâce à la mobilisation très forte des soignants de notre pays – plus de 2 000 d’entre eux sont venus de métropole –, la situation sanitaire en outre-mer s’améliore, même si la vigilance reste bien sûr de mise, notamment en Polynésie française. Je voudrais que l’on salue l’effort colossal ainsi réalisé et la prouesse que représente l’évacuation sanitaire de patients de Polynésie vers la métropole, une première en France, évacuation qui a permis de sauver des vies.
Vous avez raison de rappeler, madame la sénatrice, qu’on doit en toutes circonstances permettre un meilleur accès aux soins à tous nos concitoyens. Pour maintenir cette promesse républicaine, il est nécessaire de travailler collectivité par collectivité, très finement pour trouver la réponse la plus adaptée.
À l’échelle nationale, le Ségur de la santé mobilise 15,5 milliards d’euros de manière pluriannuelle : c’est historique !
Quant à votre territoire, Saint-Martin se caractérise, comme vous l’avez rappelé, par une double insularité. Nous devons donc tâcher d’apporter la réponse la plus indiquée à ce territoire pour permettre à ses résidents de disposer de l’offre la plus consolidée possible.
D’ores et déjà, sur les territoires couverts par l’agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, nous allons mobiliser 10 millions d’euros pour la première année de cet effort. En complément, nous allons mobiliser 98 millions d’euros pour des projets d’investissement sanitaire, en plus des 46 millions d’euros mobilisés pour l’assainissement financier et sans compter les investissements réalisés en matière médico-sociale.
Les besoins de Saint-Martin sont estimés à 17,5 millions d’euros, pour répondre notamment aux exigences en matière d’accès direct aux soins sur ce territoire, par le développement d’un laboratoire et de divers plateaux. La demande d’investissement formulée par le centre hospitalier Louis-Constant-Fleming est en cours d’examen par l’ARS ; une attention particulière sera apportée à la situation de Saint-Martin.
La stratégie territoriale d’investissement devra être consolidée à la mi-octobre. C’est d’ailleurs ce pour quoi M. Daniel Gibbs, président du conseil territorial de Saint-Martin, sera reçu dès lundi prochain au ministère des solidarités et de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
inondations dans le gard
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Hingray applaudit également.)
M. Laurent Burgoa. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la ministre, l’épisode cévenol que le département du Gard a connu la semaine dernière s’inscrit malheureusement dans une continuité : en quelques heures, 280 millimètres de pluie se sont abattus, soit plus de deux mois de précipitations moyennes.
Les inondations du 14 septembre dernier ne sont pas que des images impressionnantes que l’on passe en boucle sur les chaînes d’informations : les habitants y perdent parfois des souvenirs, leurs biens, voire un proche ; une fois ces inondations vécues, ils ne se sentent plus jamais en sécurité. Oui, après 1988, 2002, 2003, 2005, 2014 et 2020, on peut désormais les considérer comme récurrentes ; comme de nombreux élus des départements du sud de la France, je ne m’y résous pas !
En confiant la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l’État n’a pas transféré à ces derniers les moyens nécessaires. Bien sûr, madame la ministre, vous évoquerez sans doute la possibilité de lever la nouvelle taxe Gemapi, mais voyez-vous, certains territoires s’étendent sur plus de 200 kilomètres carrés et comptent moins de 21 000 habitants.
Alors que les investissements attendus sont considérables, le plafond mobilisable ne sera jamais suffisant pour ces territoires du fait de leurs caractéristiques géographiques et démographiques. La protection de nos concitoyens passe par des investissements lourds, de plusieurs millions d’euros.
Pour ne prendre qu’un exemple, la communauté de communes Terre de Camargue est à l’aval de trois bassins versants, qui couvrent près de 20 % du territoire national. Il faut que l’État incarne et finance la solidarité amont-aval dont nous avons besoin.
Ma question est donc la suivante : êtes-vous prête à soutenir à une hauteur exceptionnelle le financement des ouvrages nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Burgoa, le Gard a effectivement été touché, il y a une semaine, par des inondations dramatiques. Permettez-moi avant tout d’adresser un mot de solidarité à tous les Gardois et les Gardoises touchés par ces événements exceptionnels, qui vont malheureusement, dans le contexte du changement climatique, se faire plus fréquents et plus intenses : vous êtes malheureusement très bien placé pour le savoir.
Nous devons nous y préparer. Cette prévention s’effectue d’abord au travers des moyens que nous avons consacrés à l’amélioration des capacités de prévision de Météo-France. À Toulouse, un nouveau supercalculateur est entré en service : c’est un investissement de 144 millions d’euros, qui vise à nous permettre d’anticiper les zones impactées et de reculer de plusieurs heures les horizons de prévision, de manière à avoir une gestion plus anticipée des crises à venir.
Pour autant, cela ne répond pas aux besoins de réparation des dégâts exceptionnels que subissent ces territoires. L’État accompagne les collectivités dans cette prévention, grâce d’abord au fonds Barnier, dont nous avons renforcé les crédits, au début de 2021, à hauteur de 50 % : ces crédits atteignent déjà aujourd’hui 205 millions d’euros et sont encore augmentés de 30 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2022 qui vient d’être présenté. Cela vient compléter les ressources issues de la taxe Gemapi.
On évoque également de nouvelles ressources financières visant à mettre en place une solidarité de bassin versant. Les agences de l’eau accompagnent de manière très active les collectivités territoriales, pour mener des projets de rétablissement de réseaux d’eau potable et d’assainissement et financer des zones d’expansion de crues ou des restaurations de rivières.
Concernant les relations entre agences de l’eau et établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), nous devons préserver la solidarité que permet l’échelle des grands bassins, même si l’amont doit à l’évidence être conscient des impacts sur l’aval. Cette solidarité existe ; selon moi, elle doit être préservée !
Enfin, comme M. le ministre de l’intérieur s’y était engagé sur place il y a une semaine, la déclaration d’état de catastrophe naturelle a bien été prise en compte dans des délais très contraints. Je suis en mesure de vous annoncer que la commission interministérielle qui doit se réunir demain nous laisse espérer la publication ce week-end d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (CatNat), de manière à ce que chacun puisse, au plus vite, engager la reconstruction.