M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison. » C’est par cette formule que Victor Hugo, qui siégea dans cet hémicycle, traduisait l’idéal républicain : l’éducation remplit une mission fondamentale. À ceux qui affirmaient que les criminels étaient responsables de leur état, il répondait depuis ces travées : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire. »
L’école dispense le premier remède contre la violence, par l’apprentissage du civisme et de la citoyenneté. À côté des règles de grammaire et de conjugaison, des jalons de l’histoire de France et de l’algèbre, l’acquisition de compétences psychosociales est indispensable à la cohésion d’une communauté, à l’échelle d’une école, comme à l’échelle d’une nation.
À l’origine de tout harcèlement se trouve bien souvent une défaillance d’empathie de la part d’individus incapables de se mettre à la place des autres, de se représenter les conséquences de leurs actes, nourris par un sentiment de toute-puissance. Du côté des victimes, la peur, la honte et, souvent, une fausse culpabilité paralysent la parole. Les harceleurs s’attaquent en général à des élèves pacifiques, isolés, plutôt introvertis, instaurant un rapport de force inégal et un mécanisme odieux de violence.
L’étendue du phénomène, sa banalisation insupportable et l’augmentation des cas de cyberharcèlement font de ce fléau un fait de société, qu’il faut que nous combattions de toute urgence.
C’est précisément l’objectif que s’est donné le groupe Les Indépendants - République et Territoires, en proposant cette mission d’information contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement au printemps dernier. Je souhaite, moi aussi, saluer le travail remarquable des sénatrices Colette Mélot et Sabine Van Heghe, rapporteure et présidente de la mission.
Comme l’explique le rapport présenté le 23 septembre dernier, le harcèlement scolaire engendre des conséquences dramatiques pour les victimes, à commencer par le désengagement scolaire : selon les enquêtes nationales de 2010 et 2011, le harcèlement est à l’origine de 25 % des cas d’absentéisme chronique. Il est responsable d’une très forte augmentation des risques de dépression et de suicide. L’état de stress permanent dans lequel il plonge l’élève n’épargne aucune sphère de sa vie, à court terme, mais aussi à très long terme.
Malheureusement, dix ans d’actions des gouvernements successifs n’ont pas permis d’éradiquer le problème. De nombreux outils existent, et c’est pourquoi la mission d’information s’est intéressée à l’application sur le terrain des dispositifs déployés.
Le premier obstacle à franchir étant le silence des victimes, il nous faut à tout prix favoriser les prises de parole, grâce à la qualité du climat scolaire, et détecter les signaux faibles. Cela passe par une mobilisation générale de la communauté éducative, appuyée par les parents d’élèves et les associations. Nous devons aussi placer les responsables des réseaux sociaux face à leur responsabilité.
Les problèmes complexes à résoudre nécessitent parfois des approches décalées, innovantes, surprenantes.
Je souhaite ainsi attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur une méthode proposée par un certain nombre d’associations de terrain. Cette méthode, peut-être moins orthodoxe que l’approche institutionnelle, mérite néanmoins d’être citée, me semble-t-il, afin d’enrichir notre débat.
La méthode résolutoire consiste à proposer à l’enfant victime de harcèlement une stratégie de sortie de crise lui permettant de reprendre le contrôle de la situation et de briser la spirale du harcèlement, renforçant dans un même temps sa confiance en lui-même et ses capacités de résolution de conflits. Il n’y a rien de pire que de lui demander de changer d’école ; il faut donc lui apporter les outils pour qu’il puisse, au sein de l’école où il étudie, se défendre par lui-même.
Il s’agit donc de lui donner des moyens d’action, des outils relationnels, lui permettant de désamorcer la spirale de violence, de ne plus subir le harcèlement en développant l’affirmation de soi. Un protocole adéquat pourrait être proposé par l’équipe pluricatégorielle déployée dans le cadre du programme Phare.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous considériez cette proposition de former le personnel compétent en matière de lutte contre le harcèlement scolaire aux méthodes visant à renforcer l’affirmation de soi chez les élèves qui en sont victimes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout comme les précédents orateurs, je voudrais moi aussi saluer le travail accompli par la mission d’information, sa présidente et sa rapporteure. En tant que membre de cette mission, je peux témoigner du fait que personne n’est ressorti indemne des auditions auxquelles nous avons pu prendre part.
Le harcèlement scolaire débute dès l’école élémentaire, parfois même dès la maternelle.
Or l’enjeu n’est pas seulement d’y faire face par la voie des sanctions et de la judiciarisation. Il s’agit aussi de se donner, ou plutôt de se redonner les moyens de mener un travail au sein de l’école afin d’y réinstaurer un climat susceptible de permettre à chaque enfant de se sentir suffisamment en sécurité pour s’investir dans les activités et les contenus scolaires qui lui sont proposés.
Dans mon département, le Haut-Rhin, dans la circonscription d’Andolsheim, une expérimentation a été mise en place en 2014. Elle est d’ailleurs toujours en vigueur, puisqu’elle a permis, depuis sa mise en place, de juguler des phénomènes émergents de harcèlement au sein des écoles du premier degré de la circonscription.
Selon une méthode suédoise qui a fait ses preuves, un groupe de pilotage dédié au harcèlement a été créé et mis à la disposition des établissements scolaires.
Constitué du directeur académique des services de l’éducation nationale, des enseignants spécialisés du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) de la circonscription, de directeurs d’école formés à ces problématiques, il intervient lorsque les équipes, dans les classes, ne sont plus en mesure de gérer une situation en interne.
En se fondant sur le dialogue, les membres de ce groupe prennent en charge l’élève harcelé, ainsi que son ou ses harceleurs, pour les aider à trouver, avec eux, les ressources pour changer les choses, pour les responsabiliser, les rendre acteurs et les inciter à trouver des solutions qui permettront d’éviter le recours à la sanction.
Cette méthode vise à « redonner une place centrale au respect, à l’empathie, une chance à la fois à l’agresseur et à l’agressé », à « sortir de la spirale infernale “violences-sanctions-violences” », comme l’explique Fabienne Schlund, inspectrice de la circonscription qui a pris l’initiative de créer ce groupe, à la suite de son travail de recherche et de sa thèse.
Les actions mises en œuvre dans les classes par son équipe ont permis de juguler ces phénomènes dans les écoles primaires de son secteur.
Mais pour mener ces actions de prévention et de remédiation, l’école, notamment en milieu rural, ne dispose plus de moyens humains suffisants lui permettant de soutenir les personnels enseignants. Il faudrait pourtant les soulager dans leurs charges administratives, comme les aider à faire face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la gestion de leurs classes et celles, surtout, de leurs élèves dépassés par les attentes de l’école ou pris dans la spirale du harcèlement en tant que victimes ou auteurs.
Voilà encore une dizaine d’années, les Rased, comme celui qui met en œuvre ce programme dans la circonscription d’Andolsheim, disposaient de moyens humains qui leur permettaient d’assurer une présence régulière dans les écoles, notamment rurales, et de mettre en œuvre des actions de prévention et de remédiation auprès des élèves, d’accompagner et de soutenir leurs parents et leurs enseignants.
Aujourd’hui ces structures ne sont plus en mesure, par manque de postes et de personnels, de remplir leurs missions.
Les enseignants, notamment ceux qui enseignent dans des territoires éloignés de structures médico-psycho-pédagogiques ou socio-éducatives, n’ont ni la formation ni la disponibilité nécessaire pour faire face, seuls, à ces phénomènes qui explosent partout, en n’épargnant aucun territoire ni aucune classe sociale.
La réussite de l’expérimentation menée dans le Haut-Rhin le prouve : il faudrait renforcer les réseaux de professionnels spécialisés qui interviennent directement à l’école, aux côtés des enseignants, à intervalles réguliers. En amont, ces personnels sont à même de proposer des actions de prévention, par exemple en développant les facultés d’empathie des enfants. En aval, ils peuvent assurer un suivi personnalisé des élèves et de leurs familles.
Mes chers collègues, si elles ne sont pas traitées aujourd’hui, les difficultés rencontrées par les élèves à l’école, notamment celles qui sont liées aux phénomènes de harcèlement, portent en elles le germe des détresses de demain ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de notre mission d’information a un mérite, celui d’attirer vivement l’attention sur un phénomène de plus en plus répandu, multiple dans ses modalités et ses conséquences dramatiques. Depuis le 1er janvier 2021, on a déploré dix-huit suicides parmi les élèves victimes de harcèlement scolaire.
Nous sommes tous partisans d’une mobilisation générale. Les recommandations du rapport, pragmatiques, ne peuvent qu’être approuvées et il est bon qu’un échéancier accompagne ces préconisations très concrètes.
Il est inutile de revenir sur les constats d’un fléau dont la violence s’est accentuée avec celle des réseaux sociaux. Il est inutile de revenir sur l’insuffisance de l’action actuellement déployée : l’abaissement continu de l’âge de possession du premier smartphone en démontre toutes les limites. Les élèves de l’école primaire sont de plus en plus largement concernés, aux âges charnières du début de la construction de l’identité.
Ce danger qui menace nos enfants ne peut être ni analysé ni combattu sans une prise en compte globale de l’environnement dans lequel il se situe, sans la volonté de ne pas s’y plier passivement, par fatalisme, impuissance ou absence de volonté politique.
Toutes les actions proposées doivent s’inscrire dans une telle perspective politique générale. Des effets d’annonce sans lendemain, de la part de l’exécutif, ne seraient pas à la hauteur des défis qui sont devant nous.
Il faut commencer par la prise de conscience en s’adressant aux Français de manière simple, claire et directe. J’espère que le débat d’aujourd’hui y contribuera. (Mme la secrétaire d’État le confirme.)
Le cyberharcèlement est une thématique à l’intérieur de la problématique numérique. Il sera difficile de renforcer durablement les défenses de nos enfants si nous n’acceptons pas de voir que le système numérique tout entier est organisé pour les rendre réceptifs et pour les affaiblir.
Au-delà des manipulations, l’ensemble des moyens utilisés par les réseaux relèvent de l’addiction et des circuits de la récompense. Ils doivent être traités comme tels dans notre pays et de nouveaux chantiers s’ouvriront à ce titre.
Les moyens de contraindre les réseaux sociaux à plus de vigilance existent. Le rapport souligne que la présidence française de l’Union européenne est une occasion à ne pas rater. Toutefois, je ne suis pas persuadé que les grandes plateformes redoutent particulièrement cette échéance.
L’Europe n’est pas toujours unanime sur ces sujets et elle se révèle trop souvent frileuse. Les combats seront compliqués et ardus, du fait, notamment, de la réactivité des grandes plateformes. Renforcer leurs obligations exigera un volontarisme national, européen et mondial sans faille.
Pour ce qui concerne la responsabilité parentale, il faut se garder des culpabilisations excessives. Il faut prendre conscience, là encore, que le rapport des parents aux réseaux sociaux est significatif pour leurs enfants.
Pour les parents, la question est simple : qui acceptent-ils de voir entrer dans leur foyer ? Qui autorisent-ils à s’immiscer dans leur environnement familial, par exemple en passant par les consoles de jeux ? Cyberprédateurs, pédocriminels et terroristes savent utiliser ces outils de la modernité avec une efficacité redoutable, en passant par nos enfants : aucune classe sociale n’est épargnée.
À mon sens, il faut aller au-delà d’une simple sensibilisation « soft ». Je suis favorable à ce que des images de publicité fortes, voire choquantes, rendent le message d’alerte officiellement plus présent à nos concitoyens. L’exemple peut venir de certains pays voisins. Il est impératif de compléter ainsi les outils actuels, trop dispersés, trop bureaucratiques, en tout cas inconnus du grand public.
Ce débat est aussi un appel à une citoyenneté et un civisme exigeants, aux plans individuel et collectif. C’est d’une vision républicaine, où la raison et les lumières l’emportent, que nous avons besoin, pas d’un usage obscurantiste où la violence sous toutes ses formes s’associe au complotisme dans un anonymat délétère.
En matière pénale, les sanctions restent très largement insuffisantes. L’effet de groupe, la puissance du collectif conduisent à négliger la responsabilité de ceux qui se taisent et n’osent s’opposer ; et cette insuffisance accentue encore la violence de la relation entre harceleur et harcelé. Les peines, facteurs d’exemplarité, ne sauraient épargner les participants qui, de manière abusive, s’estiment passifs. Notre lutte contre le harcèlement scolaire ne peut qu’être consensuelle, en dépassant les préjugés idéologiques et les excuses sociologiques.
En matière institutionnelle, il est compréhensible que les enseignants se sentent mal armés, mal formés ou démunis. La prise en charge du fameux « dernier kilomètre » ne peut être laissée à leur seule et ultime responsabilité. Si elle est aisée à reformuler a posteriori, la détection des signaux faibles est bien difficile a priori.
Cette nouvelle problématique à laquelle est confrontée l’école la soumet précisément aux contraintes et aux contradictions auxquelles le XXIe siècle l’habitue.
Il est nécessaire de déployer notre action dans un cadre géographique restreint et approprié, par des rencontres et des conférences régulières entre les acteurs. La dispersion des responsabilités entre les communes, les départements et les régions peut être source d’incohérences et nuire à l’homogénéité de l’action publique.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Jacques Grosperrin. En outre, le partage des informations et des expériences est indispensable. Au-delà de l’éducation nationale, je n’oublie pas le rôle éminent de la justice.
Enfin, parce qu’elles ont des responsabilités éducatives, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle accru dans la proximité et la prévention. Le Sénat, chambre des territoires, y sera attentif ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de vos interventions, qui étaient toutes empreintes de gravité.
Vous l’avez dit : le harcèlement est un fléau qui menace nos enfants au quotidien. Il appelle évidemment toute notre attention et, surtout, notre entière mobilisation, car il peut conduire au pire.
J’ai une pensée pour toutes ces victimes, leurs familles, leurs proches et leurs camarades de classe. J’ajoute que notre parole doit être mesurée, tout particulièrement quand il s’agit d’affaires en cours. L’une d’elles a été citée à deux reprises. L’enquête se poursuit. Rien ne permet d’accréditer quoi que ce soit à ce stade. Veillons au respect des proches de cette jeune fille, pour qui j’ai bien sûr une pensée : c’est aujourd’hui le temps du recueillement.
Aucune forme de violence ne peut être tolérée au sein de l’école et le Gouvernement est pleinement mobilisé en ce sens.
C’est donc avec solennité que je m’adresse à vous aujourd’hui. Le harcèlement et le cyberharcèlement sont des sujets prioritaires. Ils concentrent l’attention du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, depuis 2017. D’ailleurs, ils ont déjà donné lieu à des évolutions profondes, qu’il s’agisse de la prise en charge au sein de la sphère scolaire ou des relations avec les familles.
J’y insiste : ces violences ont pris une nouvelle ampleur au cours des dernières années, notamment en raison du mauvais usage des réseaux sociaux et, plus largement, du numérique.
La cyberviolence ne peut plus être déconnectée des violences subies dans le cadre scolaire, puisqu’elle se propage très souvent par la diffusion entre pairs. Nous le savons : combiné aux réseaux sociaux et aux outils de communication de jeux vidéo, le harcèlement peut se prolonger au-delà des espaces physiques, tout au long de la journée, voire de la nuit.
Les précédents orateurs l’ont rappelé, la rentrée a aussi été le théâtre d’un nouveau hashtag, #Anti2010, qui a émergé progressivement sur des plateformes de jeux en ligne avant de contaminer certains réseaux sociaux, et qui nous a conduits à intervenir rapidement en lançant un autre hashtag : #BienvenueAux2010.
Du fait de l’accroissement exponentiel du cyberharcèlement, la lutte contre le harcèlement s’inscrit dans un contexte mondial et doit mobiliser l’ensemble de la société – j’y reviendrai.
Depuis quatre ans, notre ministère a placé la lutte contre le harcèlement scolaire en tête de ses priorités, en conduisant une politique publique volontariste et ambitieuse de lutte contre toutes les formes de harcèlement.
Cette détermination s’est traduite en actes, concrètement.
Ainsi, dès 2017, nous avons interdit les téléphones portables dans l’enceinte des collèges. Nous avons également créé un prix « Non au harcèlement » pour inviter les équipes et les élèves à débattre de ces problèmes dans les classes.
En 2018, des campagnes de prévention annuelles ont été instituées. Elles portent sur des sujets comme le revenge porn, le rôle des témoins, le harcèlement en primaire et les dynamiques de groupe positives. En parallèle, des réseaux plus structurés et professionnalisés de 335 référents harcèlement ont été constitués à l’échelle des académies.
En 2019, nous avons élaboré un plan national de dix nouvelles mesures pour amplifier l’action publique. De surcroît – cette initiative a toute son importance –, un article spécifique de la loi pour une école de la confiance a consacré le droit à une scolarité sans harcèlement. Nous avons créé un comité national d’experts associé aux travaux du ministère et des équipes d’intervention auprès des services déconcentrés, prêtes à être déployées en cas de situations complexes.
En 2020 – je le rappelle à mon tour –, nous avons organisé une conférence internationale avec l’Unesco afin de lancer la première journée mondiale « Non au harcèlement ».
En 2021, nous avons assuré le lancement du 3018, de l’association e-Enfance, pour le cyberharcèlement, en plus du 3020, destiné aux élèves, aux parents et aux professionnels. Grâce au 3018, on peut désormais faire supprimer une publication en ligne avec les commentaires qui l’accompagnent : ce faisant, on parvient à limiter sa viralité.
Le premier programme français de lutte contre le harcèlement à l’école, ou programme Phare, à destination des établissements scolaires, a quant à lui été généralisé. On m’a interrogée au sujet de sa mise en œuvre : après une année d’expérimentation menée dans plusieurs académies et couronnée de succès, ce programme se déploie désormais sur l’ensemble du territoire. Cette année, il reste appliqué sur la base du volontariat, avant sa généralisation à la rentrée 2022.
Concrètement, chaque établissement se dote d’ambassadeurs « Non au harcèlement » parmi les élèves. Dans les établissements, les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et au développement durable (CESCDD) sont mobilisés pour la prévention du harcèlement et chargés de déterminer un plan d’action. Il existe un process écrit, lequel est strictement appliqué dès lors qu’un cas est signalé.
Les écoles et établissements constituent ainsi une équipe pluricatégorielle, formée à la prise en charge spécifique du harcèlement – la question a également été posée : il y a bien une formation. De plus, des modules en ligne sont mis à disposition de tous les élèves.
Les parents sont eux aussi associés à cette démarche : on sait l’importance du lien avec la famille pour la prévention et le traitement de ce type de violences, car les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.
Je le disais précédemment : le harcèlement, aujourd’hui, c’est aussi le cyberharcèlement. C’est la raison pour laquelle, il y a quelques jours, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a reçu les représentants des principales plateformes des réseaux sociaux, en présence de responsables du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et du Service d’information du Gouvernement (SIG). Notre volonté est très claire et nous l’avons réaffirmée : il s’agit de mieux partager l’information, de mieux alerter et surtout de mieux contrôler.
On le voit bien, il est nécessaire d’engager une nouvelle dynamique, car nous devons nous mobiliser collectivement à la hauteur de ces nouveaux enjeux. C’est notre responsabilité commune. Bien sûr, l’éducation nationale doit agir ; mais, dès lors qu’il s’agit de cyberharcèlement, les plateformes, les parents et l’ensemble des parties prenantes ont une responsabilité.
La question de la régulation reste ouverte, et il convient de pousser plus loin tout dispositif qui permettrait de faire respecter l’âge minimal d’inscription, lequel est fixé à 13 ans. À cet égard, il faut passer de la théorie à la pratique : si cet âge était respecté par tous, le phénomène serait déjà en partie jugulé.
Notre responsabilité, c’est aussi de sensibiliser et d’accompagner. C’est la raison pour laquelle nous développons une approche partenariale avec les différents réseaux sociaux afin d’anticiper et d’endiguer les phénomènes viraux.
Mais la prévention, hélas ! ne suffit pas et l’accompagnement des victimes doit nous mobiliser toujours davantage. Ainsi, en collaboration avec toutes les parties prenantes, le ministère souhaite donner davantage de visibilité aux structures et aux initiatives permettant d’accompagner les victimes.
Certaines associations, que je connais bien, ont été citées au cours du débat, comme Marion la main tendue, fondée par Nora Fraisse, ou Les Papillons, fondée par Laurent Boyet. Je tiens à les saluer à mon tour.
Toutes ces parties prenantes doivent avoir davantage de visibilité et leurs initiatives doivent être valorisées. Le traumatisme des victimes est réel et sa réduction devient un enjeu de santé publique. Or, je le répète, la puissance publique ne peut pas tout et les associations de terrain font un travail remarquable dans ce domaine : elles sont à même de nous aider.
Aujourd’hui, plus d’un élève de sixième sur deux dispose d’un compte sur un réseau social. Il est donc nécessaire d’apprendre aux enfants à communiquer sur ces plateformes. C’est aussi la mission de l’éducation aux médias et à l’information, dès la fin de l’école primaire.
En effet, nos enfants doivent absolument avoir les clefs pour naviguer dans cet univers : la prise de conscience et le travail des élèves par eux-mêmes sont des éléments décisifs pour combattre durablement le harcèlement.
Je tiens également à témoigner personnellement de l’amélioration des pratiques sur le terrain, pour le repérage et le traitement des situations de harcèlement et de cyberharcèlement dans les écoles, les collèges et les lycées.
Chaque semaine, je parcours le territoire et je peux le constater : la prise en charge quotidienne des méfaits du harcèlement est une préoccupation commune et constante des équipes – conseillers principaux d’éducation, professeurs, assistants d’éducation (AED) –, des familles et des associations.
La sensibilisation et la formation des acteurs de l’école pour écouter, répondre, alerter et réparer doivent permettre aux enfants et aux adolescents de se sentir de nouveau en confiance.
Il n’est pas question de s’arrêter là, car beaucoup reste à faire. Chaque situation de harcèlement est une situation de trop ; mais, avec les familles, nous devons trouver les voies de l’apaisement sur ces sujets et permettre à chaque élève victime d’évoluer sereinement avec ses camarades, dans la sphère scolaire comme dans la sphère privée.
C’est un enjeu de protection de l’intégrité morale et physique de nos élèves, face à un phénomène qui, je le disais en préambule, peut avoir des répercussions terribles pour la vie des enfants victimes comme pour l’équilibre de familles.
Nous en mesurons l’importance. Nous y consacrons toute notre détermination. Je peux vous l’assurer : à la fois en tant que mère de quatre enfants et comme responsable politique, je me sens très concernée par ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également évoqué de possibles comparaisons avec les pays scandinaves : la Suède et la Finlande ont notamment été citées. Dans quelques jours, je me rendrai précisément en Scandinavie dans le cadre d’un voyage d’études, afin que nous puissions comparer les actions entreprises et partager les bonnes pratiques, comme certains d’entre vous l’ont suggéré.
Enfin, si la lutte contre le harcèlement reste une compétence nationale, l’Union européenne doit agir dans ce domaine. D’ailleurs, elle le fait déjà, notamment en finançant des associations, comme e-Enfance.
Vous l’avez compris, Jean-Michel Blanquer et moi-même sommes déterminés à porter ce sujet, à la faveur de la présidence française de l’Union européenne ! (Mmes Colette Mélot et Véronique Guillotin applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »