Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons beaucoup parlé d’écologie au cours de cette année ! Le point d’orgue aura été la COP26 de Glasgow, dont tout le monde s’accorde à reconnaître que les résultats ne sont pas à la hauteur ; ils sont même décevants.
La France peut-elle jouer un rôle pour relever le défi qui est devant nous ? Sans hésitation, je réponds : oui ! La France peut jouer un rôle original et déterminant pour hisser les sociétés humaines et l’Europe elle-même au niveau des choix politiques qu’il faut opérer pour se mettre à la hauteur des enjeux.
Pour réussir ce mouvement, la France devrait avoir trois ambitions politiques majeures : d’abord, faire de l’écologie une grande question populaire, ensuite, s’orienter résolument vers une grande ambition publique de définition d’un vaste programme d’investissements nécessaires, enfin, repenser en profondeur sa manière d’aborder la question de la dette publique et du pacte de stabilité européen.
Premièrement, pour que l’écologie devienne une grande question populaire, il ne faudrait manquer aucune occasion pour orienter nos politiques vers des mesures plus justes socialement et plus avantageuses, d’un point de vue pécuniaire, pour les catégories populaires.
Ainsi, si les décisions politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre étaient accompagnées d’avantages financiers ou fiscaux pour les personnes faisant le choix de changer leurs pratiques en matière de mobilités, l’écologie serait vécue par nos concitoyens comme un avantage qui leur serait profondément profitable.
Deuxièmement, nous avons besoin en France d’une grande ambition publique et d’une politique d’investissement.
Je ne rappellerai pas ici de manière trop exhaustive ce que nous nous sommes dit au cours de récents débats, mais il n’en reste pas moins que, en cinq ans, les agences de l’eau ont perdu 220 postes ; Météo-France en a perdu 439 et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) en a perdu 48. Selon un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du mois de juin 2021, le pronostic vital du Cerema lui-même est engagé.
Il faut limiter les effets négatifs de cette politique et mettre le cap sur de nouvelles ambitions en matière d’investissement. Les chiffres annoncés pour le plan de relance dans le projet de loi de finances pour 2022 restent assez minimes en la matière et pour la transition écologique en général : 300 millions d’euros sont alloués, dans le cadre du plan de relance, à la rénovation des lignes de desserte fine du territoire. De l’aveu même du maître d’ouvrage, SNCF Réseau, ce n’est pas à la hauteur.
Enfin, il convient de saisir toute la portée de la décision de la Commission européenne de suspendre le pacte de stabilité et de croissance jusqu’à la fin de l’année 2022. Cette décision ouvre à la France, qui assumera la présidence du Conseil de l’Union européenne le 1er janvier 2022, l’occasion de défendre une réforme d’ampleur du cadre commun de politique économique et budgétaire. On pourrait, par exemple, exclure du calcul du déficit public les dépenses d’investissement dans la transition écologique, c’est-à-dire celles qui concourent à la baisse de la consommation énergétique et de nos émissions de CO2.
D’ailleurs, nombreux sont ceux qui s’emparent de ce débat aujourd’hui. Nous avons pu noter quelques nuances, y compris au sein du Gouvernement, dont il convient de prendre acte, mais nous pourrions prendre en considération cette situation assez hétérogène à l’échelle européenne et dégager des marges de manœuvre pour la conduite de politiques d’investissement audacieuses.
Saisissons cette occasion. Alors, nous ne serons pas déçus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Annie Le Houerou et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les dernières années ont assurément été synonymes de prise de conscience de l’enjeu environnemental et, tout particulièrement, de l’urgence climatique, mais les années à venir doivent être celles de l’action.
À cet égard, nous ne pouvons pas dire que rien n’a été fait. En effet, qu’il s’agisse de la loi d’orientation des mobilités (LOM), de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, de la loi relative à l’énergie et au climat ou, plus récemment, de la loi Climat et résilience, la France a montré qu’elle entendait se donner les moyens de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
En outre, si elle a contribué à une réduction de nos émissions, certes artificiellement, la crise sanitaire a surtout accéléré la prise de conscience de la nécessité d’une société plus résiliente. Elle a ainsi inspiré, à sa sortie, un plan de relance résolument tourné vers la transition écologique, avec 30 milliards d’euros fléchés vers les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Traduction législative des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la loi Climat et résilience visait un objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, tandis que l’ambition européenne était, dans le même temps, rehaussée à 55 %.
Nous avions d’emblée émis des réserves quant à la portée effective de ce texte sur la réduction de nos émissions. Sans même tenir compte de l’objectif révisé, le projet de loi présenté au Parlement ne permettait de parcourir qu’entre la moitié et les deux tiers du chemin restant à parcourir entre les émissions constatées en 2019 et la cible pour 2030.
Par ailleurs, on pouvait lire entre les lignes de l’étude commandée par le Gouvernement au Boston Consulting Group que les lois adoptées depuis le début du quinquennat ne suffiraient pas non plus à combler cet écart.
Enfin, de nombreuses questions essentielles n’ont pas été abordées dans la loi Climat et résilience, que ce soit la fiscalité environnementale ou notre mix énergétique.
D’ailleurs, dans le projet de loi de finances pour 2022 qu’il nous était proposé d’examiner, on trouvait un nouveau budget vert visant à améliorer la lisibilité environnementale du budget de l’État. Si nous ne pouvons que nous satisfaire de sa pérennisation, nous appelons également à une accentuation de sa portée et à une amélioration de la méthodologie de son élaboration : 92 % des dépenses sont considérées comme neutres, faute de critères pour en mesurer la portée environnementale.
Dès lors, comment atteindre cette ambition rehaussée et compléter les mesures déjà adoptées ?
Premièrement, il convient de soutenir la logique additive consistant à renforcer la capacité de production d’électricité bas-carbone, en associant énergies renouvelables et énergie nucléaire. Comme Réseau de transport d’électricité (RTE) le souligne pertinemment dans son récent rapport, cette logique est celle qui présente le meilleur bilan climatique de court et de moyen terme. C’est donc celle qui est la mieux à même de nous permettre d’atteindre nos objectifs climatiques pour 2030.
Dès lors, nous devons rattraper notre retard en matière de développement des énergies renouvelables, en particulier des énergies marines renouvelables.
Deuxièmement, nous devons rehausser notre ambition en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Le secteur du bâtiment, je le rappelle, émet 75 millions de tonnes de CO2, soit 25 % des émissions françaises. Il nous faut améliorer la performance du bâti et des solutions de chauffage. C’est là un enjeu de taille pour réduire la facture énergétique des Français.
Troisièmement, la question de la tarification du carbone doit être abordée en gardant à l’esprit l’impératif de justice sociale, la nécessaire augmentation du prix du CO2 ne pouvant se faire au détriment des plus vulnérables. L’exemple de l’Allemagne, qui propose une redistribution des recettes de la taxe via la baisse du prix de l’électricité ou la mise en place d’un forfait énergie, est éclairant. À l’échelon européen, l’heure est évidemment à l’élaboration d’un robuste mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui protégera notre industrie de l’inévitable augmentation du prix européen du carbone.
Nous comptons sur la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour avancer sur ce dossier et convaincre ceux de nos voisins qui pourraient être les plus récalcitrants.
En somme, il convient d’accentuer nos efforts, à l’échelon tant national qu’européen. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le rappelle très justement dans son Étude économique de la France parue le 18 novembre dernier. Elle y dénonce un creusement de l’écart entre nos objectifs climatiques et nos résultats, alors que notre pays devra, en application du Green Deal, réduire de 47,5 % ses émissions d’ici à 2030 pour respecter ses engagements européens. Elle considère que la France, condamnée pour ses progrès insuffisants en matière de lutte contre la pollution de l’air et de protection de la biodiversité, doit mettre en œuvre une stratégie globale afin d’accélérer la transition de manière équitable et efficace.
Des propositions sont formulées, proches de celles de la Cour des comptes, comme la suppression de certaines niches fiscales, l’amélioration des mécanismes de soutien au profit des ménages les plus vulnérables, une concentration sur les secteurs les plus énergivores, tels le transport, grâce à la prime à la conversion, ou le logement, où les rénovations doivent être plus efficaces. Enfin, de nouveaux instruments pourraient être mis en œuvre, notamment dans le secteur de l’agriculture : je pense aux paiements pour services agroenvironnementaux.
La réduction de l’écart entre nos actions et nos objectifs est d’une importance capitale, au-delà des frontières françaises et européennes. Il y va de la survie du cadre international des négociations climatiques, en particulier de l’accord de Paris.
À l’issue des négociations de Glasgow, le monde se dirige vers un réchauffement de 2,3 degrés Celsius à la fin du siècle, soit un niveau bien trop élevé au regard des récentes conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, GIEC, mais en nette amélioration par rapport à la trajectoire antérieure à 2015.
Toutefois, le succès de cette trajectoire dépendra du respect par les États de leur propre feuille de route. Si la France, l’un des principaux contributeurs de l’accord de Paris, et l’Union européenne ne tiennent pas leurs engagements, quel État le fera ? Lequel prendra le risque de relever sa feuille de route pour combler l’écart avec l’objectif de 1,5 degré Celsius, auquel nous devons nous accrocher ? Aucun !
La France a donc un rôle historique à jouer pour protéger l’accord de Paris, seul rempart contre la catastrophe climatique qui s’annonce. C’est un honneur pour notre pays, indissociable toutefois de la responsabilité qui nous incombe.
Mes chers collègues, nous devons donc agir en responsabilité et accélérer la transition. J’en suis certain, cette grande mutation, source d’opportunités, de redistribution et de souveraineté accrue, renforcera notre pacte politique, économique et social ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. « Quelle action de la France pour prendre en compte l’enjeu environnemental ? » : voilà, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une vaste question à laquelle il est bien difficile de répondre en cinq minutes !
Puisque nous n’avons pas été en mesure de débattre du projet de loi de finances pour 2022, notamment de son volet environnemental, le groupe du RDSE se réjouit de l’organisation de ce débat. Même si les questions environnementales sont les seules ayant des conséquences majeures sur tous les aspects de notre vie quotidienne, elles ne figurent pas, pour l’heure, au centre des débats de l’élection présidentielle. C’est à se demander si tous les candidats ont pris la mesure de la situation ! Permettez-moi donc de rappeler certains faits.
L’accord de Paris a fixé en 2015 l’objectif de contenir à 1,5 degré Celsius la hausse mondiale des températures d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Or, d’après les évaluations des Nations unies, la somme des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre des États nous conduit vers une trajectoire de 2,7 degrés d’ici à la fin du siècle et de 2 degrés dès 2050, soit un dépassement des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique. Une telle hausse entraînera de grandes pénuries d’eau, la disparition totale des coraux, un effondrement des rendements agricoles et la fonte de très nombreux glaciers.
Le respect des engagements pris en 2015, confortés récemment lors de la COP26, nécessite un bouleversement de nos modes de production et de consommation, que l’on peine à entrevoir pour l’instant. Même la crise du covid, qui a mis à l’arrêt la plupart des pays du monde pendant des mois, n’a permis une réduction que de 5,4 % des émissions de gaz à effet de serre. La seule solution est donc d’agir immédiatement et drastiquement.
À l’échelle de la France, cela signifie mettre l’économie en ordre de marche. On ne peut se satisfaire du greenwashing adopté par la plupart des grandes entreprises. On ne peut se contenter de la plantation d’arbres en guise de compensation carbone. Nous devons mettre au cœur de nos politiques et de notre économie la sobriété et l’innovation et prévoir à cet effet des investissements massifs.
On sait que les grandes innovations, notamment leur diffusion à grande échelle, ne sont pas attendues avant 2050. Il sera alors trop tard pour inverser la tendance.
Je dirai maintenant quelques mots, s’agissant des investissements massifs, sur le projet de loi de finances pour 2022. Pour la deuxième année, le Gouvernement a présenté un rapport sur les effets environnementaux du budget de l’État. Si les dépenses en faveur de l’environnement sont en hausse, 10,8 milliards d’euros du projet de loi de finances initial ont des effets défavorables sur l’environnement et 92 % des dépenses générales demeurent neutres. Or, pour que nos engagements soient tenus, il faudrait que l’immense majorité de nos dépenses soient écologiquement vertueuses. Il faudrait que le secteur public, dans toutes ses composantes, se mette en ordre de bataille.
Or la mission « Écologie, développement et mobilité durables » prévoit plus de 5 000 équivalents temps plein en moins sur la durée du quinquennat chez les opérateurs rattachés. Je pense notamment à Météo-France, qui perd encore 60 ETP en 2022, ou au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui perd 40 ETP supplémentaires et plus de 3 millions d’euros de crédits, alors qu’il joue un rôle essentiel en matière de transition écologique auprès des territoires.
De même, en matière de prévention des risques, les autorisations d’engagement sont en baisse, alors que le changement climatique et le vieillissement des installations nécessiteraient un effort accru de la part de l’État. Il en est de même s’agissant du développement des énergies renouvelables : à la fin de l’année 2020, la France accusait un retard de 4 points par rapport à l’objectif européen de produire 23 % d’énergie à partir de sources renouvelables.
J’en viens là à un point essentiel à mon sens : fixer des objectifs à long terme, sans échéance à court terme et, surtout, sans sanction n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le GIEC a réaffirmé, dans son dernier rapport, le caractère indispensable d’une réduction immédiate, rapide et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre. Je parlais plus tôt de sobriété environnementale. Cette notion doit être prise en compte dans toutes nos prises de décision. Elle doit aussi être promue comme une valeur fondamentale à l’échelle internationale.
Les conclusions de la COP26 à Glasgow, de même que l’accord entre la Chine et les États-Unis annoncé lors de cette conférence, ravivent l’espoir d’une action diplomatique à la mesure du défi climatique. Les États-Unis sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle. La Chine est responsable de 26 % des émissions mondiales de CO2 actuellement. Ce pays demeure très dépendant du charbon. Ainsi, alors que les activités économiques ont été durement touchées par le covid, les émissions de gaz à effet de serre de la Chine ont augmenté de 1,6 % en 2020 et connaîtront probablement une hausse de 5 % en 2021 !
Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que les changements de modes de consommation et l’expansion des classes moyennes et aisées ont pour conséquence une croissance exponentielle de l’empreinte carbone et des émissions des ménages.
Dans ce contexte, la France doit jouer le rôle de porte-étendard de la cause climatique. Il est normal de demander des efforts aux Français. L’enjeu est global et chacun doit y prendre sa part. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a écrit Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » La maison brûle et nous restons sidérés.
Il n’a jamais été aussi urgent d’agir en faveur de l’environnement. Malheureusement, le compte n’y est pas, comme on l’a vu en 2021 : nous avons certes voté une loi Climat et résilience, mais elle reste insuffisante. Elle eût été appropriée il y a vingt ans.
De plus, assigné en justice par « l’affaire du siècle », l’État, qui n’a pas tenu ses propres engagements, a été condamné par deux fois, notamment à réparer le préjudice écologique d’ici à décembre 2022.
Lors de la COP26, notre pays n’a pas été ambitieux.
Nous le savons tous, nous ne sommes pas parvenus jusqu’à présent à enrayer la baisse drastique de la biodiversité. À cet égard, j’évoquerai l’exemple de l’albatros.
Magnifique oiseau volant sur les océans, déployant une énergie herculéenne pour nourrir son oisillon – un seul chaque année –, il parcourt des centaines de kilomètres de l’atoll de Midway, où il niche, jusqu’aux régions subarctiques très poissonneuses, où il pêche sa nourriture.
Or l’épaisseur de la coquille de son œuf a diminué de 34 % depuis les années 1950, ce qui entraîne des morts prématurées. Sont en cause le dichlorodiphényltrichloroéthane, ou DDT, cet insecticide interdit dans les années 1970, et les polychlorobiphényles, ou PCB, interdits en 1987 : tous deux sont des polluants organiques persistants qui ne se détériorent pas et s’accumulent dans les organismes.
Par ailleurs et c’est un autre souci, l’oisillon ayant l’estomac rempli de plastique, ses chances de survie à long terme sont plus réduites. Ce fabuleux oiseau pélagique, qui a survécu à la cinquième extinction, est maintenant menacé par deux fléaux : une pollution chimique persistante et la pollution due aux plastiques.
Pour réparer le monde, posons les bons diagnostics. Certaines solutions s’imposent d’elles-mêmes : il faut réduire drastiquement l’usage des plastiques et diminuer, voire interdire l’emploi des polluants organiques persistants.
Nous avons fait si peu… Nous avons même fait tout le contraire de ce qu’il aurait fallu faire. Ainsi notre consommation de vêtements, dont la majorité contient des microfibres plastiques, a-t-elle bondi de 40 % en quinze ans.
Dans mon département, le Lot, qui compte 200 000 moutons, non seulement le coût de la tonte est plus élevé que le produit de la vente de la laine, mais cette dernière n’est pas utilisée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une fibre textile. Elle est pourtant naturelle, chaude, douce, isolante, légère, bactéricide, biodégradable, donc noble.
À la vérité, est-il encore tenable de faire venir par container, en provenance d’Asie ou d’ailleurs, des vêtements qui rejetteront en permanence des microfibres plastiques dans l’environnement ? Celles-ci sont déjà présentes partout sur terre, aussi bien dans les eaux de l’Arctique que dans les glaces de l’Everest ou dans l’air au Pic du Midi. Elles sont délétères pour nos écosystèmes et pour notre santé.
Nous devons produire et consommer localement, ce qui implique une réindustrialisation de notre pays et un changement de nos habitudes de consommation. En favorisant le réemploi, la réparabilité des objets, nous préserverons les ressources. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur nos modes de vie et de consommation, sur notre rapport au vivant et au monde.
Tant qu’un yaourt parcourra 5 000 kilomètres avant de parvenir dans notre assiette, nous étoufferons sous des canicules. Tant que nous utiliserons sans retenue les glyphosates et autres néonicotinoïdes, les abeilles et les vers de terre disparaîtront, menaçant in fine notre survie même. Tant que la logique de « ma voiture est plus grosse que la tienne » prévaudra, le niveau des océans s’élèvera, les îles Maldives lutteront contre la submersion et seront menacées de disparition.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est absolument nécessaire de recourir au fret ferroviaire. On eût aimé le Gouvernement plus volontariste sur le sujet, madame la secrétaire d’État.
Prendre en compte l’enjeu environnemental, c’est aussi anticiper et s’adapter. C’est notamment réparer rapidement les dégâts provoqués par les catastrophes naturelles, à l’instar de celle qui est survenue dans la vallée de la Roya l’année dernière. Dans cette vallée dévastée par une crue inédite, les citoyens se sont heurtés à des freins administratifs et réglementaires inadaptés face à une situation d’urgence. Une telle situation devrait être prise dans sa globalité et être encadrée par une loi permettant une reconstruction résiliente et rapide afin de ne pas ajouter des difficultés au traumatisme.
Les mesures que nous devons prendre ne peuvent plus être anecdotiques. Elles doivent être à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face.
Bien sûr, la contrainte n’est pas la seule méthode à retenir, mais, face au désastre en cours, elle doit avoir toute sa place et être pleinement assumée par les pouvoirs publics.
Les citoyens informés sont aujourd’hui prêts à adhérer à des mesures courageuses. Il est temps de leur tenir un discours de vérité. Ceux qui subiront les grands dommages liés à notre inaction sont déjà nés. Nous leur devons de rebâtir un horizon commun de civilisation.
Pour mieux armer nos enfants, réintroduisons l’éducation manuelle au collège. Apprendre à faire de ses mains est une activité créatrice, enrichissante, épanouissante et résiliente.
Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Angèle Préville. Cela leur permettra de porter un autre regard sur la consommation. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1970, à Chicago, Georges Pompidou, alors Président de la République, définissait la nature « comme un cadre précieux et fragile qu’il importe de protéger pour que la Terre demeure habitable à l’homme ».
Au mois de janvier de l’année suivante, il annonçait la création d’un ministère dédié à la protection de la nature. Cinquante ans plus tard, malgré les alertes répétées et un ministère beaucoup plus puissant, notre pays doit poursuivre son action face à l’urgence climatique. Georges Pompidou exhortait la société à « dénombrer les difficultés et à chercher les solutions ».
Le constat sur l’enjeu environnemental est largement partagé par les scientifiques et les citoyens. La mondialisation et l’évolution de nos sociétés ont contribué à une dégradation sévère de notre environnement. Il est urgent d’agir.
Certaines zones de notre planète sont déjà tellement touchées que les habitants n’ont d’autre choix que de les quitter. Les vagues migratoires qui en résultent, qui sont une réalité, jouent sur les équilibres mondiaux et risquent de s’amplifier dangereusement en raison des enjeux climatiques et alimentaires.
En France, des épisodes violents assèchent, détruisent, noient et font souffrir nos territoires. Finalement, notre difficulté majeure est de réussir notre transition en mettant en œuvre des solutions pragmatiques.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires croit en une écologie libérale. Les découvertes scientifiques et techniques diminuant notre impact sur l’environnement sont une grande source d’espoir. Nous devons les soutenir et faire en sorte qu’elles puissent émerger. Notre décarbonation passera par des innovations dans l’industrie, le transport, l’énergie, la construction ou le numérique.
Notre consommation doit être placée sous le signe de la sobriété énergétique et de la circularité. Pour limiter notre empreinte, il nous faut nous adapter, plutôt que régresser.
À cet égard, la France est appelée à jouer un rôle prépondérant et à agir à plusieurs échelons.
À l’échelon international, notre pays doit influencer positivement les instances multilatérales. La COP26 n’a pas été à la hauteur des attentes et des espoirs, mais retenons les bonnes avancées, notamment sur le méthane ou le charbon.
À l’échelon européen, notre pays doit conserver sa place de chef de file, particulièrement en matière de décarbonation mondiale. À cet égard, je rappelle le travail important qui est actuellement accompli sur le paquet vert européen, la France jouant un rôle de premier plan.
Notre pays devra exercer une action significative durant sa présidence du Conseil de l’Union européenne. Il devra toutefois veiller à prendre en compte cet enjeu de manière globale. Je n’évoquerai qu’un seul exemple : la stratégie Farm to Fork. Notre souveraineté alimentaire est en jeu. N’opposons pas l’écologie au reste du prisme : la réussite réside dans une prise en compte globale.
À l’échelon national, deux axes se dessinent.
Il y a, d’une part, ce que l’État fait et décide. À cet égard, j’évoquerai la question de l’énergie. Des moyens et des innovations nucléaires doivent être redéployés. Les énergies renouvelables ont aussi leur place dans notre mix, notamment l’énergie solaire, qui, tout comme l’hydrogène, nous offrira des perspectives importantes. Travaillons avec ces filières et investissons dans ces secteurs.
Il y a, d’autre part, l’axe local. En tant que membres de la chambre des territoires, nous savons que les collectivités sont en première ligne et que ce sont elles qui, concrètement, mettent en œuvre les décisions environnementales. Nous devons donc donner aux acteurs locaux les moyens législatifs raisonnables et pragmatiques, mais aussi financiers, d’agir.
Sur ce volet, j’évoquerai en priorité les villes. Quelle que soit leur importance, elles sont cruciales pour l’action de la France en faveur du climat.
Les mauvaises pratiques, comme l’éclairage nocturne excessif, sont à repenser. (M. François Calvet acquiesce.) Nous devons favoriser leur transformation et permettre à chacun d’avoir un impact positif sur l’environnement.
En effet, c’est aussi à chacun d’entre nous, citoyens français, qui que nous soyons, de prendre ses responsabilités individuelles et collectives, car l’action de la France – ne l’oublions pas –, c’est surtout la nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Bruno Belin et Jean-François Longeot applaudissent également.)