Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de s’opposer à une nécessité qui aura force de loi dans les années à venir : l’agriculture devra participer à la transition énergétique de la France et, pour ce faire, nos exploitations agricoles devront contribuer à la production d’énergies renouvelables.
Les auteurs de cette proposition de résolution, que je remercie, nous permettent d’examiner aujourd’hui le développement de l’agrivoltaïsme, lequel pourrait permettre une synthèse entre production agricole et production d’énergie photovoltaïque en fournissant notamment une source de revenus complémentaires aux agriculteurs. C’est également la position des chambres d’agriculture et de commerce.
Néanmoins, le développement de l’agrivoltaïsme doit s’accompagner de garanties afin d’éviter tout risque d’anarchie et d’accaparement du foncier, déjà soumis à une pression constante depuis vingt ans, au nom d’un potentiel gain financier. Or il nous semble que cette proposition de résolution omet de préciser nombre de ces risques.
Je pense tout d’abord au risque majeur de détournement de l’orientation du foncier agricole, dont la fonction première est la production alimentaire. Comme nous avons eu l’occasion de le souligner lors de l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, les inquiétudes concernant les investisseurs extérieurs, dont les objectifs ne relèvent pas toujours de la production animale ou végétale, sont réelles et ont été rappelées à maintes reprises par de nombreux experts.
Outre l’abandon de la vocation première de ces terres, ces installations renforçaient de fait la spéculation sur le prix du foncier agricole. L’éligibilité des surfaces aux financements de la PAC, suggérée à tort par les auteurs de la proposition de résolution ne ferait qu’amplifier le phénomène.
Autre risque lié au développement de l’agrivoltaïsme : une plus grande artificialisation des sols, alors même que la lutte contre cette dérive est une priorité environnementale pour notre pays.
Ce risque est naturellement lié à celui du détournement de l’usage des terres agricoles au profit exclusif du développement des énergies renouvelables. Il pose surtout la question du renouvellement des générations : comment un jeune agriculteur pourrait-il accéder au foncier si son prix est inabordable ? Et comment être sûr que l’agriculteur, au moment de sa cessation d’activité, transmettra à un jeune ses installations agrivoltaïques et qu’il ne conservera pas cette rente pour compléter une retraite souvent bien faible ?
Cette possibilité peut avoir de graves conséquences sur l’aménagement du territoire. Elle constitue également un problème majeur pour les territoires ruraux, qui se retrouveront dotés d’espaces artificialisés sans activité et sans main-d’œuvre, l’installation photovoltaïque, une fois réalisée, ne nécessitant que très peu d’investissement humain.
Le caractère irréversible de ces installations, finalement plutôt industrielles, sur des terrains « déconstruits », qui ne pourront retourner à leur vocation d’origine, doit également nous alerter et susciter de grandes précautions.
Notre pays doit encourager le développement des énergies renouvelables. C’est une priorité indubitable. Toutefois, l’enfer est pavé de bonnes intentions. À l’instar du foncier agricole, l’agrivoltaïsme doit donc être encadré et contrôlé.
La profession agricole elle-même est divisée sur le sujet : la FNSEA, en partenariat avec l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et EDF Renouvelables, a proposé une charte des bonnes pratiques pour développer et mieux encadrer les projets photovoltaïques au sol. On peut douter néanmoins de son efficacité, une charte n’ayant aucun caractère contraignant.
Pour sa part, la Confédération paysanne appelle, dans certains territoires, à un moratoire sur le développement de l’agrivoltaïsme, ce qui rejoint notre position : plein de potentialités, le sujet est également porteur de risques majeurs, qui nécessitent de trouver une position d’équilibre.
Combiner développement durable et maintien d’une agriculture vivace est possible, encore faut-il en débattre de manière transparente et réfléchie.
Encore une fois, notre agriculture de fermes ne doit pas devenir une agriculture de firmes ni céder aux sirènes d’un capitalisme « court-termiste » aux conséquences désastreuses pour notre souveraineté alimentaire et notre avenir.
Diversifier les revenus des agriculteurs est un objectif louable. Si les projets agrivoltaïques en font des « énergiculteurs », on s’engage très clairement sur une pente dangereuse. À cet égard, si les sénateurs socialistes ne s’opposent pas au développement de l’agrivoltaïsme, ils œuvreront à sa mise en place d’une manière raisonnée et équilibrée.
Pour ces raisons, nous abstiendrons sur cette proposition de résolution en souhaitant qu’un futur texte de loi nous permette véritablement d’exposer nos propositions.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter nos collègues Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga d’avoir porté devant le Sénat ce sujet majeur pour le monde agricole, a fortiori dans le contexte actuel de fortes tensions.
L’agrivoltaïsme, qui désigne des installations permettant de coupler une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale tout en favorisant une synergie entre les deux productions, répond à des enjeux d’avenir pour l’agriculture et les agriculteurs.
Un rapport du Sénat soulignait déjà, en 2020, que l’agrivoltaïsme constituait une voie « très prometteuse en conciliant production agricole et production d’énergie renouvelable ». En 2022, cette conclusion est toujours valable ; elle est même renforcée par les transformations récentes du secteur agricole.
En ce sens, l’agrivoltaïsme est un défi pour le présent et l’avenir du secteur agricole. Il faut l’encourager par des politiques publiques claires. Cette clarté doit être celle de la loi, mais aussi celle de sa mise en œuvre.
La résolution atteint son objectif en posant les fondements nécessaires à une reconnaissance effective de « ce qui devient et se constitue comme une filière en soi ».
J’insiste sur la qualité de cette proposition de résolution, d’autant que, au sujet du photovoltaïque, la position du Gouvernement est à géométrie variable.
Ainsi, en 2020, la ministre de la transition écologique a voulu limiter les bénéfices de certaines installations en révisant les contrats photovoltaïques conclus en application des arrêtés tarifaires de 2006 et 2010. Certains acteurs de ces contrats s’en sont trouvés pénalisés.
En 2021, la même ministre a considérablement facilité l’obtention d’un tarif d’achat, en multipliant par cinq la taille des projets photovoltaïques sur bâtiments ne nécessitant pas d’appel d’offres. Notre collègue Christine Lavarde a noté à ce propos, dans un de ses rapports, que le Gouvernement avançait dans l’obscurité et avec précipitation.
Ces revirements du Gouvernement fragilisent le photovoltaïque en France, ce qui est regrettable. Au contraire, tel qu’il est défini dans le présent texte, l’agrivoltaïsme contient les éléments à même de développer une activité permettant un complément de revenus non négligeable.
Je tiens à le rappeler à mon tour : l’agrivoltaïsme est aussi complexe que porteur d’avenir.
Premièrement, il est bien sûr nécessaire d’anticiper la montée en puissance du réseau de collecte, de transport et de distribution de l’énergie électrique pour suivre le développement des unités de production locales. En Aveyron, deuxième département de France pour la production d’énergies renouvelables, nous avons ainsi constaté un allongement des délais, représentant parfois plusieurs années, pour la création et le déploiement des infrastructures d’Enedis et de Réseau de transport d’électricité (RTE). C’est pourquoi les besoins de recalibrage des postes sources et d’adaptation des réseaux doivent faire l’objet d’une attention particulière pour une politique d’aménagement globale.
Deuxièmement – les précédents orateurs l’ont déjà dit –, il est vital que l’agrivoltaïsme ne soit pas dévoyé. La production d’énergie ne doit pas être privilégiée au détriment des besoins agricoles. Le risque est réel, au regard de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit de doubler les capacités de production d’énergie solaire d’ici à la fin de l’année 2023. L’installation de nouveaux dispositifs photovoltaïques, qu’exige un tel objectif, risque de porter atteinte au foncier agricole.
Troisièmement – j’en suis persuadé –, l’agrivoltaïsme permet au contraire une optimisation de la production en apportant divers services à l’agriculture. En un mot, la production d’énergie doit être au service de l’agriculture et non l’inverse. L’électricité n’est pas une production agricole comme une autre.
Pour conclure, je soutiens, comme les autres membres de mon groupe, cette proposition de résolution qui permet de développer le mix énergétique de la France,…
Mme le président. Cher collègue, votre temps de parole est écoulé !
M. Jean-Claude Anglars. … que nous appelons tous de nos vœux ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à remercier les élus du groupe Union Centriste d’avoir inscrit cette proposition de résolution à l’ordre du jour du Sénat. Je salue plus particulièrement Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et Jean-Pierre Moga.
En effet, l’examen du présent texte me donne l’occasion de m’exprimer sur cette question importante : le développement des énergies renouvelables et leur possible synergie avec l’activité agricole.
Cette question est importante, car – nous sommes tous d’accord sur ce point – il nous faut développer les énergies renouvelables et notamment le photovoltaïsme. Elle est même essentielle, car en aucun cas le photovoltaïsme ne saurait prospérer au détriment de notre souveraineté agricole, dans une logique de concurrence opposant diverses utilisations des terres.
Or, cette concurrence, nous l’observons aujourd’hui. Dans l’ensemble des territoires, nos agriculteurs sont démarchés par des énergéticiens, qui cherchent à racheter leurs terres pour y implanter des centrales photovoltaïques. Cette situation n’est pas acceptable.
Nous devons concilier la production d’énergies renouvelables avec la production alimentaire et la souveraineté agroalimentaire de notre pays, laquelle impose de préserver notre patrimoine foncier affecté à l’agriculture et les activités agricoles.
Cet enjeu est d’autant plus grand que notre pays s’est doté d’une stratégie ambitieuse, que vous avez votée, de développement de la production d’électricité d’origine renouvelable en France métropolitaine continentale à partir d’énergie solaire photovoltaïque, plusieurs orateurs l’ont rappelé.
L’agrivoltaïsme peut constituer une menace s’il n’est pas précisément encadré – j’insiste sur ce point –, s’il donne lieu, comme plusieurs d’entre vous l’ont également souligné, à un développement anarchique.
Je pense bien sûr aux projets alibis. Celles et ceux qui se sont penchés sur le sujet ont tous en tête la question des serres alibis.
Je pense aussi au renchérissement du coût du foncier. Je le rappelle à mon tour : avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 60 000 euros par hectare, certaines sociétés spécialisées dans les fermes photovoltaïques offrent des loyers dix ou vingt fois supérieurs à un fermage habituel.
En conséquence, en ouvrant trop largement le foncier agricole au photovoltaïque, on s’expose à un risque : augmenter très significativement le prix du foncier agricole, nuire à la compétitivité de notre agriculture, menacer notre capacité même d’exploiter ces terres agricoles et, partant, mettre en péril notre souveraineté agroalimentaire.
Inversement, nous pouvons tous considérer l’agrivoltaïsme comme une chance à saisir. L’Ademe l’a d’ailleurs souligné dans une récente étude.
Je pense par exemple aux pratiques culturales : cette production d’énergie permet de protéger des cultures contre tel ou tel aléa météorologique, par un couvert assurant un ombrage et régulant ainsi l’exposition au soleil.
Les fermes d’agrivoltaïsme permettent également de réintroduire un certain nombre de cultures dans les territoires. Il s’agit, à mon sens, d’une perspective très intéressante.
Évidemment, l’agrivoltaïsme peut aussi améliorer les revenus de nos agriculteurs.
Dans ce contexte marqué à la fois par les menaces et par les opportunités, la question fondamentale – et je remercie de nouveau M. le président Longeot de la poser dans le présent texte – est donc la suivante : comment faire du développement de l’agrivoltaïsme et du photovoltaïsme une chance pour l’agriculture, et non une activité concurrente de celle-ci ?
À cet égard, l’usage du terme d’agrivoltaïsme doit devenir systématique : ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Dans sa sémantique même, il montre bien que ce photovoltaïsme doit être en synergie – j’insiste sur ce mot – avec les activités agricoles. C’est absolument essentiel.
Dès lors, comment faire ? C’est tout l’objet des quatre volets de cette proposition de résolution, en écho desquels je soumets à votre attention quatre grands principes.
Premièrement – plusieurs d’entre vous l’ont déjà souligné –, la priorité doit rester de développer ces systèmes photovoltaïques sur les toitures, les surfaces déjà artificialisées et les friches. C’est l’évidence même, mais cela va mieux en le disant.
M. Daniel Gremillet. C’est essentiel !
M. Julien Denormandie, ministre. Si les appels d’offres sont assortis de critères précis afin que les projets photovoltaïques au sol soient orientés hors des terrains agricoles, par exemple vers des friches industrielles, c’est très bien.
Deuxièmement, nous devons encadrer – j’emploie ce terme à dessein – l’implantation de panneaux solaires photovoltaïques lorsqu’elle est prévue sur des terrains agricoles. Cet encadrement est absolument essentiel. D’ailleurs, à la demande du Président de la République, le Gouvernement travaille depuis plusieurs mois à l’élaboration d’une doctrine nationale en ce sens.
Le principe est simple : il faut fixer un cadre de nature à assurer la synergie que j’évoquais précédemment entre les activités photovoltaïques et agricoles. En aucun cas il ne faut aboutir à une compétition entre les premières et les secondes. Ainsi, dans le cadre des appels d’offres Innovation, que plusieurs orateurs ont mentionnés, seuls sont soutenus les projets dont on peut dire avec certitude qu’ils sont principalement consacrés à la production agricole.
Nous mettons d’ores et déjà cette logique en œuvre, conformément à ce que nous a demandé le Président de la République. Mais, aujourd’hui – vous l’avez également souligné –, il apparaît que de plus en plus de projets se développent en dehors de ces appels d’offres, parfois même sans soutien public. Nous devons donc aller plus loin en fixant un cadre réglementaire dépassant les critères définis au titre des appels d’offres, même si, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, ces critères sont indispensables.
Quand on creuse cette question, comme vous l’avez fait, on aboutit au constat suivant : les projets photovoltaïques au sol sont soumis à un certain nombre d’autorisations, notamment en matière d’urbanisme, et relèvent de la réglementation associée. Or, à l’heure actuelle, la réglementation encadrant leur implantation sur des terrains agricoles fait appel à des notions encore mal définies.
Ainsi, le droit de l’urbanisme indique sans plus de précisions que le projet doit être « nécessaire » à l’activité agricole ou « compatible » avec elle. Ces dispositions donnent lieu à des interprétations très différentes selon les territoires et à une jurisprudence qui peut se révéler extrêmement fluctuante, notamment quant au caractère significatif de l’activité développée.
En tout état de cause, la réglementation en matière d’urbanisme n’adopte pas du tout l’approche que j’évoquais tout à l’heure : celle de la synergie.
J’approuve donc l’objet de votre proposition de résolution : fixer un cadre national harmonisé allant au-delà des définitions retenues dans le cadre des appels d’offres, afin d’orienter les projets de centrales au sol dans le sens de l’agrivoltaïsme. À cette fin, il faut assurer une clarification traduisant bel et bien la notion de synergie, en lieu et place des termes flous encore parfois employés.
Ce besoin de clarification est d’ailleurs exprimé avec force par les professionnels eux-mêmes : vous l’avez dit à de multiples reprises. Il implique la modification du cadre réglementaire relatif aux règles d’urbanisme, pour préciser les exigences de synergie entre les activités agricoles et les activités énergétiques.
Plus précisément, il faut définir les critères permettant d’apprécier la manière dont le projet conforte une activité agricole pérenne. Ce dernier ne doit en aucun cas être conçu pour se substituer à elle.
Ces dispositions doivent garantir le maintien de l’activité agricole dans le temps : il serait trop facile de mettre en avant l’intérêt agricole de tel projet pendant quelques mois, puis de le laisser s’estomper progressivement.
Troisièmement, il faut donc assurer le suivi dans le temps de la préservation de la viabilité de l’activité agricole. En ce sens, nous devons définir dès à présent les mécanismes de contrôle et les sanctions possibles en cas de non-respect des conditions édictées. C’est un sujet d’importance, pour donner du poids aux mesures prises lors de la revue de ce pan du droit de l’urbanisme et, ainsi, garantir la préservation de notre patrimoine foncier agricole.
Quatrièmement et enfin, ce vaste chantier doit être mené en concertation avec les professionnels du monde agricole : à l’évidence, c’est avec eux qu’il faut travailler.
Il est indispensable d’identifier ce qui constitue une véritable synergie avec l’activité agricole, sur la base de critères précis. D’ailleurs, le Gouvernement s’y emploie actuellement ; nous avons déjà mené trois réunions de concertation avec les organisations professionnelles, en septembre, novembre et décembre, afin de leur présenter diverses orientations et de recueillir leurs avis et préoccupations. Ce faisant, nous cherchons à définir un cadre réglementaire vertueux.
Au terme de cette concertation approfondie, il est par exemple proposé qu’un projet solaire photovoltaïque sur terrain agricole ne soit autorisé qu’à certaines conditions précisément définies.
Tout d’abord, l’impact doit être considéré comme acceptable sur les sols, ce qui signifie a minima la présence d’un couvert végétal pérenne pendant toute la durée de l’exploitation, l’exclusion de fondations en béton et la réversibilité du projet, enjeu qui nous renvoie aux nombreux débats que suscitent aujourd’hui d’autres énergies renouvelables.
Ensuite, l’exercice d’une activité agricole significative doit être assuré. En vertu de la synergie précédemment évoquée, la production d’énergie doit être au service de l’activité agricole. Elle ne saurait s’y substituer. Ainsi, là où une situation de déprise agricole aura été identifiée, l’on pourra imposer le retour d’une activité relevant de l’agriculture, le photovoltaïque devenant alors un vecteur d’augmentation des revenus globaux de l’exploitation sans diminution de la part agricole de ces revenus.
En outre, il est important que les critères ainsi définis soient respectés tout au long de la vie du projet : non seulement il faut s’en assurer lors de l’installation, mais le producteur d’énergie doit le garantir dans le temps.
Enfin, les projets seront obligatoirement soumis à l’avis préalable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ils ne devront pas donner lieu à défrichement.
Le Gouvernement est désormais fort de ces principes. À présent, il doit les inscrire dans des textes réglementaires, puis, dans ce cadre sécurisé, ouvrir les appels d’offres qui auront été modifiés ou définis en conséquence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en résumé, nous devons à la fois traiter cet enjeu de définition dans les appels d’offres, préciser le cadre réglementaire, notamment en matière d’urbanisme, et énoncer ces principes en restant fidèles à notre logique : celle de la synergie.
L’agrivoltaïsme doit être au service du monde agricole et non se développer contre lui. Nous devons en tirer tous les bénéfices en écartant toutes les menaces qu’il peut représenter. Il nous faut donc être proactifs en agissant avec raison, dans un cadre extrêmement précis.
Cette proposition de résolution me permet aussi de souligner le rôle des agriculteurs dans la lutte contre le réchauffement climatique : nous ne le rappelons pas suffisamment.
À ce titre, nous pourrions également évoquer des enjeux comme la méthanisation, les biocarburants et le carbone. Il y a quelque temps, j’ai eu l’occasion d’écrire dans une tribune que les agriculteurs sont les soldats du climat. Le présent texte le prouve une nouvelle fois.
Je remercie de nouveau le président Longeot et, plus largement, les élus du groupe Union Centriste d’avoir appelé sur ce sujet l’attention de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution tendant au développement de l’agrivoltaïsme en france
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu le code de l’énergie et notamment la section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier ainsi que la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III,
Vu le code de l’environnement et notamment le chapitre II du titre Ier du livre V,
Vu le code de l’urbanisme et notamment ses articles L. 110, L. 111-4 et L. 151-11,
Vu le code général des collectivités territoriales et notamment son article L. 4251-1,
Vu le code rural et de la pêche maritime et notamment son article L. 311-1,
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Loi Grenelle ») et notamment son article 88 permettant à toute personne morale, y compris les sociétés ou les groupements à vocation agricoles que sont les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), les groupements fonciers agricoles (GFA) et les groupements fonciers ruraux (GFR), d’exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil,
Vu la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche et notamment son article 94 instaurant l’obligation, pour les projets d’intérêt collectif, de justifier de leur compatibilité avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel ils sont implantés,
Vu l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime, créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, relatif à l’obligation de produire une étude préalable pour le maître d’ouvrage d’un projet de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements susceptible d’avoir des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole,
Vu la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et notamment son article 1er fixant pour objectif une augmentation de la part des énergies renouvelables afin de les porter à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030,
Vu la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et notamment ses articles 45 et 47,
Vu la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et notamment ses articles 101, 191, 192 et 194 tendant à lutter contre l’artificialisation des sols,
Vu la circulaire du 18 décembre 2009 du ministre chargé de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol,
Vu l’arrêté du 9 octobre 2015 du ministre chargé de l’agriculture relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015,
Vu les décisions du Conseil d’État n° 395464 du 8 février 2017 et n° 418739 du 31 juillet 2019 dites « Société Photosol »,
Vu la décision n° 16BX02223 de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 15 mars 2018,
Vu la décision n° 17MA04500 de la Cour administrative d’appel de Marseille du 11 décembre 2018,
Vu le règlement (CE) n° 834/2007 du 28 juin 2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,
Vu le rapport n° 646 (2019 – 2020) du 16 juillet 2020 de MM. Roland Courteau, sénateur et Jean-Luc Fugit, député, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques relatif à l’agriculture face au défi de la production d’énergie et sa proposition 16,
Vu le plan d’action national en faveur des énergies renouvelables pour la période 2009-2020 pris en application de l’article 4 de la directive 2009/28/CE de l’Union européenne du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE,
Vu la délibération n° 2021-169 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 17 juin 2021 portant avis relatif aux sept projets de cahiers des charges d’appels d’offres pour le soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable pour la période 2021/2026 et partageant le constat que les appels d’offres constituent un moyen efficace d’atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie à moindre coût pour les finances publiques,
Considérant que l’agriculture devra produire 56 % de plus d’ici 2050 sur des terres toujours moins nombreuses ;
Considérant que l’essor des énergies renouvelables – particulièrement du solaire – et le maintien de la vocation agricole des terres pourraient conduire à un conflit d’usage ;
Constatant que la France a perdu le quart de sa surface agricole au cours des cinquante dernières années tandis que, chaque année, 33 000 hectares sont perdus par boisement naturel et 56 000 par urbanisation ;
Constatant que près de 50 000 exploitations agricoles participent à la production de 20 % de notre énergie renouvelable dont 13 % pour le solaire ;
Relevant que la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte prévoit de porter la capacité installée d’énergies renouvelables de 48,6 GW en 2017 à 73,5 GW en 2023 ;
Relevant que la production d’énergies renouvelables du secteur agricole est amenée à être multipliée par trois d’ici 2050 ;
Considérant que l’agrivoltaïsme permet non seulement de maintenir mais également d’améliorer la production agricole tout en produisant de l’énergie photovoltaïque ;
Considérant que l’agrivoltaïsme a des vertus agroéconomiques et une fonction de régulation agroclimatique via les différents services apportés à l’agriculture, notamment une réduction des stress hydrique, lumineux et thermique ;
Observant que l’agrivoltaïsme souffre d’un manque de définition, de leviers via les appels d’offre de la CRE et de financements via les fonds européens de la politique agricole commune (PAC) notamment ;
Invite le Gouvernement à lever les freins législatifs et réglementaires au développement de l’agrivoltaïsme et à donner un nouvel essor à cette filière ;
Souhaite inscrire une définition de l’agrivoltaïsme au sein du code de l’énergie et en tirer les conséquences législatives ;
Estime qu’il est nécessaire de sortir les projets agrivoltaïques des appels d’offres « solaire innovant » de la CRE afin de créer une famille dédiée au sein des appels d’offres ;
Propose de modifier le point IV de l’article 8 de l’arrêté du 9 octobre 2015 du ministre chargé de l’agriculture précité afin que les projets agrivoltaïques puissent bénéficier des financements européens de la PAC ;
Estime qu’il est nécessaire d’envisager un cadre réglementaire uniforme favorisant les pratiques de compensation agricole.
Vote sur l’ensemble