M. François Bonhomme. Et le plan France Relance alors ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. La défense extérieure contre l’incendie, dans la mesure où elle peut conduire à des contraintes disproportionnées par rapport aux risques et entraîner des coûts de mise aux normes très importants pour les budgets des communes rurales, constitue un sujet prégnant dans nos territoires.
Ainsi, quand la commune ne dispose pas de terrains, elle doit acquérir du foncier pour l’installation des bâches, dont la durée de vie excède à peine dix ans.
Si un accompagnement financier permettant d’alléger la facture est possible via la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ou l’aide des conseils départementaux, il n’en demeure pas moins que, pour certaines communes, la mise en conformité prendra plusieurs années, au détriment de projets structurants. Quelles seront en outre les conséquences en termes de responsabilité des maires en cas d’incendie d’une construction dans une zone ne répondant pas aux caractéristiques du règlement départemental ?
À titre d’exemple, en Charente-Maritime, pour une intercommunalité regroupant 129 communes, 25 millions d’euros sont nécessaires pour l’installation de 2 500 bâches. Des projets d’urbanisme sont bloqués en raison d’une règle qui impose une distance minimale entre le point d’eau et l’habitation, obérant la dynamique de nos territoires ruraux.
Dans leurs conclusions, les rapporteurs, que je salue, regrettent que la réforme de la DECI n’ait pas tenu ses promesses, et qu’elle ait engendré des obligations accrues et inadaptées aux réalités locales, avec des conséquences fâcheuses sur l’attractivité et le développement des communes rurales.
Le rapport préconise une évaluation, département par département, des conséquences de la réforme, et une révision des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie incluant une étude d’impact, pour tenir compte de ses conséquences financières pour les communes. J’y souscris.
Le 19 janvier 2021, dans le cadre d’une séance de questions orales, Mme Marlène Schiappa m’avait répondu que le ministère de l’intérieur envisageait de réaliser une évaluation dans le courant de l’année 2021. J’augure, malheureusement, que nous sommes toujours au même stade…
Ma question sera simple, madame la secrétaire d’État : quand allez-vous solliciter les préfets pour démarrer cette évaluation préalable indispensable à la révision des règlements départementaux ? Quant aux préfets, ils appliquent tout simplement les règlements départementaux ; ils attendent donc votre impulsion ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Vous m’interpellez spécifiquement, monsieur le sénateur Daniel Laurent, au sujet de votre territoire de Haute Saintonge…
M. Daniel Laurent. Pas seulement !
M. Pierre Cuypers. C’est partout pareil !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il me semble néanmoins que, sur la question des bâches, le cas que vous avez exposé est assez spécifique, monsieur le sénateur. C’est en tout cas ce que nous a indiqué le préfet de Charente-Maritime, que vous avez saisi. Je vous remercie d’ailleurs de l’avoir fait : c’est la démarche à suivre – et à poursuivre, en collaboration étroite avec ses services.
Le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie de Charente-Maritime, adopté en 2017, comme dans la majeure partie des départements, a permis des avancées notables, qu’il convient tout de même de souligner. Je citerai notamment les 663 nouveaux points d’eau créés, une réflexion départementale très avancée et la mise en œuvre d’un outil numérique mutualisé permettant de renforcer l’harmonisation entre les collectivités, les concessionnaires et le SDIS, et d’améliorer la couverture opérationnelle.
Il faut saluer ces évolutions, qui sont le fruit d’un travail important sur le plan technique et en matière de concertation locale. Celles-ci ne se restreignent pas à l’installation systématique de bâches. Comme vous le savez, les préoccupations des élus portent aussi sur l’emprise foncière et l’intégration paysagère, qui posent diverses difficultés, d’où la nécessité d’une concertation au plus près du terrain pour trouver des solutions alternatives adaptées.
Je relaierai de nouveau votre message auprès du préfet de Charente-Maritime, monsieur le sénateur. (M. Pierre Cuypers s’exclame.)
Les règlements départementaux ne sont pas immuables, j’y insiste, et la réflexion est toujours en cours. À ce titre, le rapport d’évaluation qui sera remis au Parlement en juillet 2022 permettra de franchir une nouvelle étape. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Vous n’avez pas répondu à ma question !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Le décret du 27 février 2015 relatif à la défense extérieure contre l’incendie a réorganisé en profondeur la compétence DECI, mais il a aussi modifié les règles de contrôle des points d’eau.
Désormais, seuls les points d’eau naturels et artificiels restent de la compétence des SDIS, du fait de la nécessité de disposer de pompes qu’eux seuls sont en capacité de déployer.
En revanche, il revient aux communes de contrôler les poteaux et bouches d’incendie. Certaines d’entre elles, heureusement en nombre très réduit, ne le font pas, et les SDIS n’ont aucun pouvoir pour les y contraindre. Ils ne peuvent que relancer inlassablement les maires.
Madame la secrétaire d’État, comment s’assurer que toutes les communes prennent leurs responsabilités en matière de contrôle des points d’eau ?
Plus globalement, certaines communes, souvent rurales, ne disposent pas des moyens financiers pour mettre en œuvre leur schéma de défense extérieure contre l’incendie.
Dès lors, ne faudrait-il pas leur dédier une enveloppe spécifique, qui serait fonction, par exemple, de leur potentiel financier ? Cette enveloppe permettrait au moins que l’État finance une part des besoins de ces communes pauvres, sur le modèle du dispositif imaginé par le Sénat pour les ponts. Faute d’un tel mécanisme, le statu quo et l’inaction peuvent prévaloir indéfiniment.
Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place une aide spécifique pour favoriser la mise en œuvre des schémas de défense extérieure contre l’incendie dans les communes dont le potentiel financier est le plus faible ?
M. François Bonhomme. Voilà une question précise !
M. Jean-Marie Mizzon. Il y a même deux questions ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. S’agissant du premier point évoqué, monsieur le sénateur Mizzon, le contrôle du bon fonctionnement des poteaux d’incendie et, d’une manière générale, de tous les équipements de défense contre l’incendie relève de la compétence du maire ou, en cas de transfert de cette compétence, de celle du président de l’EPCI. Ce pouvoir de police spéciale vient compléter le pouvoir de police générale du maire en matière de prévention et de lutte contre les incendies.
Je rappelle que le SDIS, s’il n’a ni la compétence ni la responsabilité du contrôle effectif des équipements, peut tout à fait, au titre de son rôle de conseiller technique du maire, aider celui-ci dans ses démarches d’acquisition et de maintien en conditions opérationnelles des matériels.
Il me semble donc que le maire dispose de tous les moyens nécessaires pour faire un choix éclairé et rendre ses arbitrages.
S’agissant de la problématique des investissements, la DETR peut parfaitement être mobilisée si la commission locale le juge nécessaire et prioritaire.
M. François Bonhomme. Belle esquive !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. La DETR est une enveloppe fixe et ne peut pas servir à tout le monde. Telle qu’elle est configurée, elle n’est déjà pas suffisante pour satisfaire l’ensemble des demandes. Élargir le périmètre de la DETR, c’est affaiblir encore les territoires ! C’est pourquoi je proposais une enveloppe dédiée et spécifique, comme cela a été prévu dans d’autres domaines.
Par ailleurs, vous semblez prêter aux préfets, madame la secrétaire d’État, des initiatives qu’ils prennent très souvent. Il faudrait peut-être, depuis Paris, encourager encore davantage cette culture de l’initiative sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. La DECI est un sujet de préoccupation pour de très nombreux maires, ainsi que pour une large part de la population dans les territoires ruraux.
Si les enjeux sont techniques, tout le monde est capable de saisir les contraintes de fond : d’une part, assurer la sécurité des personnes et des biens, en adéquation, bien sûr, avec les normes en vigueur ; d’autre part, disposer de moyens humains, techniques et financiers à mobiliser.
Un des outils nécessaires à la réussite de cette politique publique est la concertation.
Cette concertation doit permettre de concilier les deux contraintes : celle des normes, en les adaptant au plus juste aux réalités du terrain pour apporter la meilleure réponse possible, et celle des coûts, afin de limiter ceux-ci aux dépenses réellement efficaces. Il s’agit de rechercher par le dialogue un consensus qui s’avère nécessaire et de sortir ainsi de l’arbitraire et de la dictature des normes.
Il s’agit aussi de partager et de diffuser une culture du risque et, peut-être, de ses conséquences, notamment en termes de biodiversité, par le biais de la problématique des incendies de forêt – on a pu en voir un exemple concret en Australie l’année dernière.
Le travail de nos rapporteurs fait ressortir les avancées significatives que permet cette concertation. Il met aussi en relief un certain nombre de retards et d’incompréhensions.
Ma question est simple : quelles leçons tirez-vous de la manière dont l’État a mené la concertation avec les élus locaux, notamment quant aux moyens censés permettre aux préfectures et, plus généralement, aux services déconcentrés de l’État d’être des interlocuteurs à la hauteur des attentes des élus locaux ?
En outre, que pensez-vous des propositions du rapport, à savoir instaurer une méthodologie précise et exigeante de concertation et faire précéder d’une étude d’impact les décisions relatives aux règlements départementaux ?
Enfin, y a-t-il lieu selon vous d’introduire dans le projet de loi 3DS des critères de différenciation permettant une déclinaison encore plus adaptée aux spécificités locales ? (M. Lucien Stanzione applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Houllegatte, c’est là tout l’objet de ce projet de loi, quel que soit l’intitulé retenu – 3DS ou 4D –, selon l’hémicycle où l’on se trouve. Ce texte assure une forme de différenciation évidente par la prise en compte des particularismes locaux.
La loi de 2011 prévoyait justement que le RDDECI soit adapté, précisé et donc réécrit en fonction des spécificités et des contextes territoriaux.
Je n’ose imaginer quelle aurait été votre réaction si nous avions suivi la démarche inverse en renforçant le dispositif descendant que nous connaissions précédemment, le cadre national ne s’adaptant alors en aucun cas aux considérations locales.
Tel est le sens de la démarche menée depuis 2011. À l’évidence, ce changement majeur provoque des résistances et inspire des craintes : je l’entends. Les acteurs concernés, en particulier les élus locaux, doivent encore s’approprier ces nouveaux outils, afin de mobiliser les financements. J’y insiste : ces derniers existent, et ils existent largement.
Pour avoir participé à de nombreuses commissions DETR, je peux relayer auprès de vous les regrets exprimés par beaucoup de préfets : un certain nombre d’enveloppes reviennent au budget de l’État faute d’avoir été totalement dépensées.
Bien sûr, je suis tout à fait à votre écoute. Je suis évidemment preneuse de toute proposition pour remédier à ces problèmes. C’est d’ailleurs tout l’objet de ce débat et tout l’intérêt de ce rapport : nous alerter quant aux besoins qui apparaissent, quant aux projets pour lesquels les crédits font défaut.
Il faut bel et bien financer ces travaux. Quand ils font l’objet d’un consensus et d’une véritable concertation, quand leur nécessité relève de l’évidence, ils doivent pouvoir aboutir. D’ailleurs, c’est déjà souvent le cas dans les faits.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la secrétaire d’État, le 6 décembre dernier, la cour administrative d’appel de Marseille a rendu un arrêt enjoignant au maire de Murs, commune de 419 habitants située dans mon département, de procéder à l’installation du ou des points d’eau nécessaires aux services d’incendie et de secours, de sorte qu’ils puissent assurer la défense extérieure contre l’incendie d’une parcelle.
Lesdits travaux doivent être menés dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt. En outre, cette injonction a été assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Cette décision fait suite à la requête de propriétaires demandant l’installation de ces points d’eau.
En vertu de l’article L. 2213-32 du code général des collectivités territoriales, « le maire assure la défense extérieure contre l’incendie ». J’épargne au Sénat la lecture des dispositions qui suivent. Quoi qu’il en soit, cet article phare du code général des collectivités territoriales est impossible à appliquer en l’état. Les précédents orateurs l’ont dit et redit : à l’impossible, nul n’est tenu.
La cour administrative d’appel a jugé infondé l’argument selon lequel ces dépenses ne seraient pas supportables par la commune : à son sens, elles n’obèrent pas ses marges de manœuvre sur les autres projets communaux, qui n’en sont pas moins attendus par la population.
Si cet arrêt faisait jurisprudence, si, demain, toutes les communes rurales de mon département et même de France – on l’a bien compris, c’est tout notre pays qui est concerné – connaissaient le même sort, la ruralité, déjà en souffrance, subirait de énièmes complications.
Pour la seule commune de Murs, cinquante propriétaires pourraient exiger les mêmes travaux, pour un montant de 20 000 euros chacun.
Cet exemple le prouve : il est grand temps de réformer les textes régissant la défense extérieure contre l’incendie, pour que l’on tienne enfin compte des spécificités locales de manière équilibrée et proportionnée. Nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé insistent sur ce point dans leur excellent rapport.
Madame la secrétaire d’État, quel soutien votre gouvernement entend-il donner aux élus locaux, qui sont dans l’impossibilité de mettre en œuvre ce grand principe du code général des collectivités territoriales ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Blanc, c’est tout l’objet de cette réforme : ne pas imposer un format identique partout, mais au contraire adapter la réglementation en fonction des besoins, des urgences, des nécessités et des moyens.
Je le répète, vous avez tout loisir de mobiliser vos préfets,…
M. François Bonhomme. La réponse universelle !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … vos présidents de conseil d’administration de service d’incendie et de secours (Casdis)… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Brulin. Ils ne répondent pas !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et, plus largement, tous les acteurs et les élus compétents afin de revoir ce format.
Nous possédons déjà l’outil dont nous avons besoin, d’une part, pour mener les concertations, d’autre part, pour adapter les réponses aux besoins et aux moyens des territoires.
Ces moyens doivent être pleinement mobilisés, a fortiori dans les départements du sud-est de la France, qui, de longue date, sont soumis à un risque d’incendie tout à fait considérable – je pense en particulier aux feux de forêt.
Dans ces territoires, la dotation des SDIS a d’ailleurs été revue en conséquence. Ainsi, le déploiement de véhicules de lutte contre les feux de forêt doit permettre de répondre, au moins en partie, à l’exigence de couverture du risque incendie des habitations isolées.
M. Hervé Maurey. Et si le préfet de département ne fait rien ?
M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur la situation de la commune de Murs, bien qu’elle soit située dans mon département : mon collègue Jean-Baptiste Blanc l’a déjà évoquée et je l’en remercie.
Cela étant, ma question est elle aussi de nature financière. Elle porte plus précisément sur l’accompagnement des communes, des départements, des établissements publics de coopération intercommunale et des SDIS.
Dans un contexte financier toujours plus contraint pour les collectivités territoriales, les communes doivent assumer de très lourdes charges budgétaires.
Le rapport dont nous débattons souligne avec force l’impact financier des travaux de mise aux normes, lequel excède souvent les capacités financières de nombreuses communes rurales, EPCI, départements ou SDIS.
De fait, un soutien budgétaire de l’État s’impose, en particulier pour les collectivités les plus petites et les plus fragiles financièrement. Ne pourrait-on pas leur affecter cette aide, que les rapporteurs de la mission évaluent à 1,2 milliard d’euros, dans le cadre du plan France Relance ?
En outre, pourquoi ne pas généraliser l’éligibilité des dépenses dédiées à la défense extérieure contre l’incendie à la DETR augmentée ?
Pouvez-vous nous donner une réponse concrète et précise sur ces deux points ? J’espère aussi que le Gouvernement va intervenir en faveur de la commune de Murs, dans le département de Vaucluse !
M. François Bonhomme. Une réponse concrète et précise !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Mesdames, messieurs les sénateurs, concrètement et précisément, je suis tout à fait preneuse des noms des préfets qui ne seraient pas à l’écoute de vos considérations et, plus encore, d’exemples de dossiers DETR restés lettre morte faute de crédits.
Nous sommes véritablement là pour cela ; ce rapport est fait pour cela (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.), et j’en remercie de nouveau ses auteurs.
En la matière, personne n’entend détourner le regard. Personne ne souhaite renoncer à tel ou tel dispositif du fait d’un prétendu manque de moyens. Il s’agit évidemment d’investissements urgents et nécessaires, pour ne pas dire impératifs.
Ce rapport nous permettra d’éclairer des situations concrètes, précises, circonstanciées et localisées. Je le répète, c’est son rôle même. Je le dis non seulement en mon nom, mais aussi au nom de mes collègues ministres de l’intérieur et de la cohésion des territoires : ces situations précises et circonstanciées trouveront une réponse concrète, financée et techniquement détaillée.
M. Lucien Stanzione. Dès demain !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Enfin, les crédits DETR peuvent tout à fait être mobilisés en faveur de ces projets.
Quant aux financements prévus dans la cadre du plan France Relance, ils ne visaient pas spécifiquement l’investissement au titre de la défense extérieure contre l’incendie. Toutefois, vous le savez, les agences de l’eau participent à l’amélioration de ces dispositifs, via l’interconnexion des réseaux et la mobilisation de cette ressource. Elles contribuent ainsi à l’amélioration globale de la lutte contre l’incendie et de la couverture de ce risque.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la secrétaire d’État, ma question rejoint celles de mes collègues, qu’il s’agisse des enjeux financiers ou de la consultation des élus.
Le rapport très fouillé de nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé se fait l’écho des préoccupations de nombreux élus ruraux. Ces derniers estiment que leur voix ne porte pas assez dans la concrétisation de cette politique cruciale.
Pourtant, c’est précisément la problématique des zones rurales qui a justifié, en 2009, le premier encadrement législatif de la DECI.
L’article 6 du règlement national prévoit bien la consultation des « acteurs concernés » en amont de l’élaboration du règlement départemental. Malheureusement, le périmètre retenu varie dans les faits d’un département à l’autre.
Non seulement cette relative confusion nuit à la lisibilité de la politique de défense extérieure contre l’incendie, mais elle constitue une source de frustration pour les élus locaux. En effet, ces derniers peuvent éprouver un sentiment d’abandon, a fortiori dans des territoires où il est difficile d’assurer la protection des zones urbanisées contre l’incendie.
Je peux citer le cas d’une commune qui avait sollicité le soutien financier de l’État pour l’installation de points d’eau. Le département avait été conduit à relayer cette demande. De semblables démarches pourraient être, sinon évitées, du moins anticipées, par une plus large consultation ou par l’élaboration d’études d’impact.
Dès lors, que compte faire le Gouvernement pour élargir la consultation des élus locaux sur ces questions et, surtout, anticiper les difficultés susceptibles de survenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, je ne peux bien sûr que vous rejoindre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est en effet nécessaire d’associer le plus grand nombre d’acteurs. Au-delà des élus et des experts, il faut entendre toute personne à même de nous éclairer sur l’adaptation de la DECI au contexte local.
En outre, on pourrait élargir la consultation des élus locaux en vue de l’élaboration et de la révision des règlements départementaux.
Je rappelle que ces documents sont préparés par les conseils d’administration des SDIS, non seulement parce que leur technicité exige l’expertise de ces services, mais aussi parce qu’ils ont un impact budgétaire évident sur eux.
Toutefois, ce travail intervient après une phase de concertation avec les associations départementales. En outre, vous le savez aussi bien que moi, un certain nombre de maires, de présidents d’EPCI et de conseillers départementaux siègent au sein des conseils d’administration des SDIS. Ce sont là autant d’élus associés à l’avis censé éclairer la décision et l’approbation définitives du préfet.
En tout état de cause, la concertation locale doit avoir lieu. Si elle ne s’est pas déroulée de manière satisfaisante, elle peut et doit être rouverte. Je le répète : dans les mois qui viennent, nous accompagnerons avec beaucoup de volontarisme toute démarche des élus auprès des préfets de département, toute interpellation de leur part pour éclairer véritablement ces situations locales.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la secrétaire d’État, nous entendons vos assurances quant à la consultation des élus, et nous espérons que vous saurez prendre en compte les propositions du Sénat.
Vous le comprendrez aisément : nos inquiétudes demeurent, car la mandature actuelle s’est jusqu’ici révélée décevante pour nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, chaque rencontre avec les maires vient le confirmer : la DECI est au cœur de leurs préoccupations. Pourtant, je ne suis pas sûre que le Gouvernement ait pris conscience de cet enjeu local.
Vous pouvez constater que trois sénateurs de mon département, siégeant dans différents groupes, ont tenu à être présents pour ce débat. Il s’agit en effet d’un sujet crucial pour les élus locaux et pour les communes de la Seine-Maritime.
Entre les particularités géographiques de hameaux et de bourgs plus denses, les contraintes de la loi Littoral, celles de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) et celles de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui s’ajoutent à celles de la DECI, nos élus locaux se sentent littéralement coincés.
Comment adapter les règlements en vigueur ? Je sais déjà ce que vous allez me répondre : les élus peuvent mener des concertations et les préfets sont en mesure de réviser ces documents.
En Seine-Maritime, le préfet a dit qu’il allait revoir le règlement départemental à la marge, après consultation d’un groupe de travail où doivent siéger le président de l’association des maires ruraux et le président de l’association des maires du département.
À mon sens, il ne s’agit pas d’une véritable concertation, mais bien d’un moyen détourné permettant d’appliquer les principes que vous martelez depuis tout à l’heure.
Existe-t-il une circulaire définissant les modalités de cette concertation ? Si tel est le cas, peut-on avoir communication de ce texte ?
Les départements sont eux aussi parties prenantes de la DECI, car ils financent pour une large part les services départementaux d’incendie et de secours. Comment le Gouvernement entend-il les accompagner, afin qu’ils puissent donner aux SDIS les moyens d’action dont ils ont besoin et, ainsi, alléger la charge pesant sur les communes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)