Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, ma question fait suite à un courrier envoyé mi-décembre à votre ministre de tutelle, Olivier Véran.
Ce courrier, comme presque toutes mes sollicitations du reste, n’a pas encore fait l’objet d’une réponse mais, comme je suis optimiste et persévérante, je vais réitérer ma demande.
Comme c’est le cas dans le reste du pays, l’état du système de santé du territoire nord-lorrain suscite des inquiétudes profondes et durables, aggravées par la crise conjoncturelle liée à l’épidémie de covid-19.
Dans ce contexte, vous avez pris des mesures très attendues par les acteurs de terrain, notamment la revalorisation des salaires des soignants et un investissement massif dans les hôpitaux, qui font l’objet de notre débat d’aujourd’hui.
La stratégie régionale des investissements en santé dans la région Grand Est nous a été dévoilée en décembre par le ministre des solidarités et de la santé. Elle apporte des nouvelles rassurantes à la majeure partie des hôpitaux de Meurthe-et-Moselle.
Pour autant, dans le cadre de ces premières annonces, un hôpital a été totalement oublié : celui de Mont-Saint-Martin. Cet établissement privé à but non lucratif joue pourtant un rôle indispensable dans cette zone frontalière avec le Luxembourg et la Belgique, où les indicateurs sanitaires, sociaux, en termes de circulation virale et de taux de vaccination, sont toujours moins bons que les moyennes nationale et départementale.
La gestion des ressources humaines y est d’une complexité sans pareille, les personnels soignants étant attirés par les salaires et les conditions de travail bien plus favorables que l’on trouve au Luxembourg.
Les investissements dans ce territoire sont donc indispensables : il faut renforcer l’attractivité de l’hôpital auprès des soignants et, in fine, répondre aux besoins de la population.
Madame la ministre, pouvez-vous lever les inquiétudes qui minent les acteurs de cet établissement, les élus locaux et la population, et les assurer de la mobilisation de crédits en faveur de cet hôpital, lequel assure des missions de service public essentielles ?
Le cas de cet hôpital n’est pas isolé, puisque certains établissements de santé sont encore en attente des crédits annoncés. Comment allez-vous gérer les crédits non consommés – leur montant représenterait 40 % du montant total des crédits prévus dans le cadre du Ségur ? De quelle lisibilité disposerons-nous à ce sujet, et dans quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Guillotin, je vous rassure d’emblée, le centre hospitalier de Mont-Saint-Martin n’a été ni négligé ni oublié, et ne le sera pas davantage dans l’avenir. Bien au contraire, il fait l’objet d’une attention toute particulière de l’ARS, s’agissant en particulier des difficultés auxquelles il est confronté.
Cet hôpital devrait percevoir prochainement tous les types de crédits qu’il est possible d’obtenir dans le cadre du Ségur : des investissements du quotidien, une aide à la restauration de ses capacités financières et une aide structurelle pour un projet encore en cours d’instruction.
Comme vous l’avez expliqué, l’hôpital de Mont-Saint-Martin souffre en effet d’un manque d’attractivité en raison de la proximité du Luxembourg ; c’est une problématique que l’on rencontre un peu partout dans votre territoire.
L’ARS du Grand Est soutient cet hôpital, même s’il s’agit d’un établissement privé : il facilite ainsi ses démarches en matière de ressources humaines, auprès de la préfecture notamment, lorsqu’il tente de recruter des professionnels de santé en provenance de l’étranger.
Sur le plan financier, l’ARS a soutenu cet établissement par le passé et va continuer à le faire. L’hôpital a reçu 1,4 million d’euros au titre du soutien à l’investissement et 650 000 euros au titre du soutien à l’exploitation sur la période 2017-2019. Il faut y ajouter la hausse de 2 millions d’euros de la dotation annuelle de fonctionnement de l’hôpital pour son activité psychiatrique, et le déblocage d’une aide exceptionnelle de 1 million d’euros en 2020.
Au total, ce sont donc plus de 5 millions d’euros supplémentaires dont a bénéficié l’hôpital de Mont-Saint-Martin au cours des quatre dernières années, hors Ségur de la santé.
Dans le cadre du Ségur, l’établissement perçoit 160 000 euros pour son « assainissement financier » et 346 000 euros pour les investissements du quotidien. Je vous concède que ces montants ne figuraient pas dans le dossier de presse.
Comme vous l’espériez, dans ce même cadre, un projet d’investissement lancé par l’hôpital est en cours d’instruction par l’ARS. Il est bien identifié, et son coût est estimé à 13,5 millions d’euros.
Pour rappel, dans la région Grand Est, les annonces ministérielles de décembre dernier ne portaient que sur 40 % de l’enveloppe des investissements majeurs prévus dans le cadre du Ségur de la santé.
En fait, il reste 180 millions d’euros à la disposition des hôpitaux. Or, je le répète, aucun établissement pouvant prétendre à une aide ne sera oublié. L’argent est là, nous avons débloqué les moyens nécessaires et nous tiendrons nos engagements. Vous n’aurez donc pas longtemps à attendre, madame la sénatrice : l’ARS poursuit le travail avec l’établissement que vous évoquiez.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, le 22 novembre dernier, je recevais à ma permanence une délégation, unique en son genre, d’un collectif rassemblant des employeurs et des syndicats de l’économie sociale et solidaire en Bretagne. Ceux-ci s’étaient mobilisés en nombre dans tout le département du Finistère pour demander une revalorisation salariale de l’ensemble des professionnels du secteur médico-social et social.
En effet, seuls les personnels travaillant dans des établissements relevant du financement de l’assurance maladie peuvent bénéficier des augmentations de rémunération prévues par le Ségur de la santé, ce qui exclut de fait une grande partie des métiers éducatifs, administratifs et de support.
Cette restriction crée d’importantes iniquités au sein d’un même établissement, voire d’une même équipe, puisque les professionnels ne perçoivent pas tous le même traitement, malgré des fonctions et des qualifications analogues. Les employeurs nous indiquent rencontrer des difficultés de recrutement inédites : les départs se multiplient et les personnels s’orientent vers des secteurs mieux valorisés. Certains services ont même déjà dû fermer.
Cette situation menace gravement la capacité des établissements de santé à mener à bien leur mission. Au-delà du Ségur, c’est la faiblesse structurelle des salaires, la dégradation des conditions de travail et le manque de considération pour le secteur social et médico-social qui sont aujourd’hui en cause.
Alors que l’ensemble des personnels continuent de faire preuve d’un professionnalisme et d’un dévouement sans faille, madame la ministre, allez-vous rétablir une égalité de traitement entre les personnels, en annonçant une revalorisation salariale pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, je n’ai pas bien compris de quel collectif vous me parliez : défend-il les professionnels du secteur du handicap, ceux du secteur de l’aide à domicile, ou encore d’autres secteurs ?
Si vous me parliez de l’aide à domicile, l’État a d’ores et déjà fait en sorte de revaloriser les salaires des personnels dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Après négociation, sachez que les départements contribuent à la mise en œuvre de cette mesure à hauteur de 50 %.
Si, en revanche, vous évoquiez la situation d’autres catégories de personnels, par exemple ceux qui travaillent dans les établissements de santé privés à but lucratif, la situation est différente.
En effet, ces entreprises devront, tout comme l’État et les départements pour le secteur public, faire les efforts financiers nécessaires pour revaloriser leurs salariés. À leur demande, nous avons d’ailleurs mis en place un tarif national de référence destiné à garantir une égalité tarifaire sur l’ensemble le territoire, et ce afin de ne pas remettre en cause leur modèle économique.
Je pense aussi aux professionnels de santé relevant de la fonction publique territoriale, qu’elle soit départementale ou communale, s’agissant des centres communaux d’action sociale (CCAS). Là encore, la négociation s’impose : les collectivités, à leur tour, devront produire un effort financier si elles veulent que l’État les accompagne.
Nous n’excluons personne. Les revalorisations salariales s’étendent progressivement aux différents secteurs, par étapes successives. N’oublions pas qu’à l’origine le Ségur de la santé visait exclusivement la revalorisation des métiers de la santé.
Je fais partie de celles et ceux qui, dès le départ, ont plaidé pour une revalorisation des salaires des aides à domicile, lesquelles n’étaient pas considérées comme faisant partie des personnels soignants stricto sensu. Leurs revendications étant légitimes, nous avons – je le redis – engagé un nouveau plan d’aide dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme vous le savez, à la suite de la mission Laforcade, nous avons permis à d’autres professionnels du secteur médico-social de bénéficier de ces revalorisations, et nous allons continuer dans ce sens.
La situation des personnels que vous mentionnez sera revue, monsieur le sénateur : nous comptons étudier une à une toutes les catégories qui n’ont pas encore obtenu de hausse de salaire, car les secteurs sous tension méritent toute notre attention.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je faisais référence à un collectif unique en son genre, puisqu’il regroupe des employeurs et des syndicats de l’économie sociale et solidaire.
Le médico-social comprend évidemment le secteur du handicap, mais aussi le secteur de l’aide à domicile, dans lequel on constate quotidiennement que les conditions de travail sont très dures et les salaires très faibles.
Vous l’avez dit, il nous faudra lancer des concertations pour aboutir, ensemble, à des solutions. Il y a urgence : il faut agir avant que ces secteurs se retrouvent sans personnel compétent pour assurer des tâches très difficiles au quotidien.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Hier après-midi, le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, M. Gérard Cotellon, et son directeur général adjoint, M. Cédric Zolezzi, ont été agressés sur leur lieu de travail.
Une telle violence n’a pas sa place en démocratie, encore moins dans l’enceinte d’un hôpital. Permettez-moi de leur exprimer à nouveau mon amitié et de leur apporter tout mon soutien.
Madame la ministre, sur les 14,5 milliards d’euros d’investissement prévus dans le cadre du Ségur de la santé pour les établissements de santé, plus de 1 milliard d’euros sera consacré aux outre-mer. Cette somme permettra d’améliorer la trésorerie des établissements, de les désendetter, au moins partiellement, et les aidera à assurer leurs investissements courants. Elle s’ajoute aux financements déjà engagés pour combler le retard que l’offre de soins en outre-mer a accumulé par rapport à celle de l’Hexagone.
En juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé avait évoqué la possibilité d’organiser un Ségur propre aux outre-mer. Vous le savez, cette proposition n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : les hospitaliers ultramarins sont en effet nombreux à réclamer – c’était le cas encore récemment – un traitement spécifique pour nos territoires, et une plus grande autonomie sanitaire.
L’isolement géographique des outre-mer justifie, selon les conclusions du rapport de nos collègues Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, « un dimensionnement de l’offre de soins au moins équivalent à celui de l’Hexagone », notamment en ce qui concerne les capacités en soins critiques.
La refonte du coefficient géographique et des modes de financement des hôpitaux ultramarins est la clef de cette autonomie ; elle permettra de réduire le nombre d’évacuations de patients vers l’Hexagone et les frais exorbitants que celles-ci emportent, mais également de constituer des pôles d’excellence.
Un rapport sur la question a été récemment remis au Parlement ; le ministre a indiqué que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) y travaillait également.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous informer de l’avancée de vos travaux sur le sujet ? Pouvez-vous également nous dire si un Ségur des outre-mer a une chance de voir le jour ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Théophile, permettez-moi de vous remercier pour le soutien que vous apportez au directeur général du CHU de Guadeloupe, Gérard Cotellon, et à ses équipes. Les violences dont ils ont été la cible sont inacceptables, surtout dans le climat actuel ; nous devons afficher un front uni pour condamner ces actes commis à l’encontre de ceux qui assurent le fonctionnement des hôpitaux au service de la population. Comme vous, je les condamne avec la plus grande fermeté.
Pour en revenir à votre question, l’agenda du Gouvernement n’a pas permis d’ouvrir une fenêtre propice à une discussion de type Ségur ad hoc, pour laquelle, d’ailleurs, nous ne disposons d’aucun mandat financier.
Je me dois néanmoins de rappeler que les outre-mer peuvent pleinement bénéficier de l’ensemble des mesures du Ségur, notamment les mesures de revalorisation salariale.
Par ailleurs, nous savons que les départements et régions d’outre-mer (DROM) ont besoin d’investissements importants. Ils en bénéficieront, et ce au-delà même des vastes chantiers en cours, comme celui du CHU de Pointe-à-Pitre. Ainsi, nous avons décidé de consacrer, dans le cadre du Ségur, plus de 1 milliard d’euros d’investissement en outre-mer, en plus des opérations déjà engagées.
Afin de s’adapter aux spécificités du territoire, le ministre de la santé a engagé une réflexion avec les ARS concernées pour envisager le desserrement de certaines contraintes, et pour donner davantage de souplesse et une certaine liberté, notamment, là où les dispositions métropolitaines ne paraissent pas adaptées.
S’agissant du coefficient géographique, nous avons fait le choix de l’objectivité. Nous avons confié à la Drees la mission d’élaborer une méthode statistique robuste sur la base de laquelle nous pourrons actualiser les coefficients géographiques que vous venez d’évoquer. Un rapport devrait être remis au moment de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme il était prévu.
Vous le voyez, malgré le contexte, nous restons mobilisés. Nous sommes aux côtés des Antilles pour œuvrer à la mise en place d’un plan global, permettant de garantir un égal accès aux soins des Français en outre-mer et en métropole.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Le 8 novembre dernier, le Gouvernement annonçait l’extension des revalorisations salariales du Ségur de la santé à 20 000 soignants supplémentaires, notamment les salariés des établissements pour personnes handicapées financés par les départements. Cette hausse de 183 euros par mois entend répondre aux difficultés de recrutement dans le secteur médico-social.
Ce secteur est actuellement confronté à une pénurie de personnel : les disparités de traitement entre salariés entraînent une fuite des compétences vers des secteurs mieux rémunérés ou déjà revalorisés.
À titre d’exemple, dans mon département de la Meuse, l’activité d’une association de parents gestionnaires d’établissements et de services pour personnes en situation de handicap, qui emploie 450 accompagnants, est réduite du fait du grand nombre de postes vacants – 40 postes équivalents temps plein à ce jour.
Certes, les annonces gouvernementales constituent une réponse nécessaire et appréciée, mais elles demeurent insuffisantes. En se limitant aux soignants et aux personnels paramédicaux, elles excluent des professionnels pourtant indispensables à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, tels que les éducateurs spécialisés, les personnels administratifs, les agents de sécurité.
Comme l’a indiqué M. le Premier ministre, « l’accompagnement des personnes en situation de handicap ne se résume pas aux soins ».
De plus, cette situation sape les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap : ruptures d’accompagnement dues aux arrêts de service, problèmes de sécurité, restriction des activités essentielles à leur vie quotidienne, obligeant parfois les familles à prendre le relais.
Madame la ministre, envisagez-vous d’étendre à l’ensemble du personnel des établissements médico-sociaux du secteur du handicap les mesures salariales prévues par le Ségur de la santé et les accords Laforcade – et dans l’affirmative, à quelle échéance ? Quel accompagnement proposeriez-vous dans ce cas aux départements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Franck Menonville, votre question porte sur l’action du Gouvernement dans le champ du handicap.
Depuis le mois de novembre 2021, près de 20 000 soignants de ce secteur ont pu bénéficier d’une revalorisation de leur rémunération.
Vous venez d’évoquer les personnels travaillant dans le domaine de l’accompagnement social, c’est-à-dire une catégorie de professionnels directement rémunérés par les départements. Vous le comprendrez, leur revalorisation salariale nécessiterait un autre accord que celui de l’État, en l’occurrence celui des départements.
À cet égard, sachez que je procède méthodiquement : je rencontre tous les présidents de département les uns après les autres, et je peux vous dire que, maintenant que l’avenant 43 à l’accord de branche a été agréé et financé, partout où des ajustements seront nécessaires, nous étudierons l’éventualité d’une hausse des salaires.
Beaucoup d’autres avancées ont été obtenues : la création des « dotations qualité », par exemple, permettra un meilleur accompagnement des malades et des personnes fragiles à domicile. À chaque fois, il est cependant nécessaire de discuter avec les départements.
Les personnels que vous défendez, monsieur le sénateur, n’ont jamais autant profité d’aides de l’État. Ils se situent néanmoins en marge du Ségur de la santé, même s’ils demandent légitimement à bénéficier d’une hausse de leurs rémunérations – il n’y en a pas eu depuis très longtemps dans ce secteur.
Mathieu Klein, président du Haut Conseil du travail social (HCTS), est en train de préparer un Livre vert, à la demande du ministre des solidarités et de la santé, pour nous permettre d’envisager une revalorisation, tout à fait légitime, de ces personnels. Une telle mesure doit cependant faire l’objet, je le redis, d’une concertation avec les départements.
Compte tenu des circonstances que nous connaissons, la tenue de la conférence des métiers du secteur médico-social, qui était annoncée pour le 15 janvier prochain, a été quelque peu retardée. Elle aura pour vocation première de revoir et de remettre à plat ce sujet, en lien avec les départements et tous les financeurs concernés, y compris les gestionnaires des établissements pour personnes handicapées – cela va de soi.
Cette réflexion, qui doit s’engager dans le cadre d’un calendrier partagé, n’est pas neutre financièrement ; il faudra donc évaluer le niveau d’effort de chacun. C’est pourquoi nous avons demandé à deux membres de l’IGAS de participer à ce travail de concertation. Nous sommes en train d’établir une feuille de route qui nécessitera divers aménagements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, nous attendons vraiment des informations précises de votre part sur le calendrier de la réforme. Pour l’instant, tout cela est très vague. Or les personnes qui attendent une revalorisation salariale ont besoin de choses concrètes.
Les personnels éducatifs, par exemple, participent, comme les soignants, à l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans tous les actes de la vie quotidienne. Il faut donc vraiment penser à eux.
S’agissant de l’hôpital public, les praticiens hospitaliers en milieu de carrière se sentent aussi oubliés par le Ségur de la santé, en raison de la non-application de la nouvelle grille aux praticiens nommés avant le 1er octobre 2020. Cette mesure est très mal vécue par les praticiens hospitaliers et fait l’objet de plusieurs milliers de recours individuels.
Quelque 330 commissions médicales d’établissement (CME) ont adopté une motion demandant l’application de cette nouvelle grille à tous. Ce dossier est à ce jour bloqué au niveau de votre ministère, alors que les représentants du secteur vous ont fait parvenir des propositions claires et efficaces pour fidéliser les praticiens hospitaliers.
Ce ne serait que justice de leur donner satisfaction, compte tenu de tous les efforts réalisés depuis plus de deux ans dans un hôpital sous tension.
Madame la ministre, pouvez-vous m’assurer que vous reverrez ce dossier avec toute l’attention qu’il mérite ? Nous devons à ces professionnels de santé toute notre reconnaissance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Delmont-Koropoulis, vous m’interrogez sur les mesures prises en faveur des praticiens hospitaliers, notamment la revalorisation de leur rémunération qui est attendue.
Je rappelle qu’un accord a été signé le 13 juillet avec les organisations syndicales représentatives des médecins et la Fédération hospitalière de France (FHF), qui ont opté pour cette méthode et ce calendrier.
Cet accord majoritaire a permis la fusion des quatre premiers échelons de la grille, et ce afin d’améliorer l’attractivité de l’hôpital public – ce qui est aujourd’hui une nécessité – notamment auprès des jeunes professionnels de santé. Comme vous le souligniez, madame la sénatrice, ce sont effectivement les nouveaux entrants qui bénéficient de cette refonte des grilles. Sachez toutefois que la réforme concerne plus de 15 000 praticiens et correspond à un effort du Gouvernement de l’ordre de 90 millions d’euros.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à reconnaître les fonctions managériales des médecins à l’hôpital par l’instauration d’une prime de chef de service, d’une prime de chef de pôle, et la revalorisation de l’indemnité des présidents de commission médicale d’établissement. Près de 25 000 praticiens bénéficient de ces primes managériales depuis novembre 2021 ; cela représente un engagement de plus de 80 millions d’euros.
Au-delà du Ségur de la santé, le Gouvernement a pris des engagements en juillet dernier pour améliorer l’attractivité des carrières des personnels hospitalo-universitaires : amélioration des rémunérations, mais aussi de la gestion des parcours professionnels, ou encore respect de l’égalité femmes-hommes dans l’accès à ces carrières.
Au total, l’engagement du Gouvernement pour attirer et fidéliser des personnels non médicaux à l’hôpital représente un effort de près de 500 millions d’euros par an.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la ministre, je vous demande une nouvelle fois d’examiner les propositions des représentants du secteur, car il importe que tout le monde profite de la refonte de la grille.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, mon intervention fait écho à une question d’actualité qui vous a été posée cet après-midi.
En effet, les difficultés persistent. Si nous donnons l’impression de nous répéter depuis dix-huit mois, c’est que nous estimons qu’il importe de combler les trous dans la raquette ; c’est la conséquence d’une réponse du Gouvernement qui n’a pas été systémique, de la mise en œuvre de mesures qui n’ont pas concerné l’ensemble des professionnels de la même manière.
Force est de constater qu’à l’issue du Ségur de la santé et des accords Laforcade demeure un double problème de cohérence et de périmètre quant aux revalorisations prévues.
Il y a d’abord un problème de cohérence, car les négociations ont toutes été menées en silo, sans tenir compte des liens et des interactions entre tous les métiers de la santé, santé qu’il faut entendre, au sens de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme un état complet de bien-être physique, mental et social.
À ce cloisonnement s’ajoute un problème de périmètre, car ces revalorisations excluent de fait une grande partie du secteur social, par exemple le champ de la protection de l’enfance dont nous avons récemment débattu.
Éducateurs spécialisés, moniteurs d’enseignement ménager, éducateurs de jeunes enfants (EJE), techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF), psychologues, cadres de service éducatif et social : tous se sont mobilisés pour renforcer les dispositifs auprès des plus vulnérables durant les confinements successifs, assurer la continuité des actions de protection de l’enfance et faire face aux conséquences toujours en cours de la crise sanitaire et sociale.
À l’heure où une conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social est annoncée – elle est finalement reportée –, et où une mission est confiée à l’IGAS pour faire converger les conventions collectives du secteur, ma question est précise, madame la ministre : le Gouvernement compte-t-il remédier avant la fin de son mandat, soit plus d’un an et demi après le début du Ségur, aux inégalités de traitement entre les professionnels de la santé, au sens de l’OMS, ainsi qu’aux dysfonctionnements induits par les distorsions d’attractivité au détriment, bien entendu, des oubliés des accords, qui, une fois de plus, sont principalement des travailleurs sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Poncet Monge, comme vous l’avez indiqué, votre question a trait au travail social. Il s’agit, vous en conviendrez, d’une catégorie différente de la santé, même si vous englobez le travail social dans la définition de l’OMS – je partage d’ailleurs votre point de vue, car j’ai moi-même participé, en tant que présidente du Haut Conseil du travail social, à la valorisation et la redéfinition de cette catégorie.
Aujourd’hui, on considère les professionnels du travail social comme des oubliés du Ségur de la santé, alors qu’ils n’entrent pas, à proprement parler, dans le périmètre de ces accords. En effet, comme je l’ai rappelé lors de mon propos liminaire, le Ségur concernait la santé au sens strict du terme.
Cela étant, nous avons ensuite étendu la réflexion à d’autres secteurs dont les revendications sont également légitimes. Nous en sommes désormais à examiner la situation des travailleurs sociaux, qui depuis longtemps déplorent la perte de sens et de lisibilité de leurs métiers du fait d’un travail en silo. Nous avons donc mené un travail sur les formations, en y intégrant notamment un tronc commun, et nous nous sommes efforcés de remédier à cette perte de motivation.
S’agissant des revalorisations salariales, il n’appartient pas au Gouvernement d’en décider, du moins sans concertation avec les employeurs des travailleurs sociaux, qu’il s’agisse des départements ou d’autres catégories d’employeurs. En effet, les travailleurs sociaux relèvent d’une catégorie spécifique de la fonction publique territoriale, et ils suivent une formation qui est, elle aussi, spécifique.
Une telle concertation ne peut se concevoir que dans le cadre d’une conférence sociale, ce qui justifie la remise au préalable du travail de clarification que nous avons demandé à l’IGAS.
Je suis d’autant plus à l’aise pour l’évoquer que les personnes qui ont été missionnées sont les mêmes qui m’ont aidée à rédiger mon rapport sur le travail social à l’époque où j’occupais d’autres fonctions. En tant que président du Haut Conseil du travail social, Mathieu Klein chapeaute les travaux sur ce livret vert qui nous sera remis prochainement.
Dans mon département – je suis moi-même conseillère départementale –, nous commençons à réfléchir à cette revalorisation, mais cela s’annonce très complexe en termes de financement.
En tout état de cause, madame la sénatrice, je le répète, tout cela se décidera dans le cadre de la conférence sociale que j’évoquais.