Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Madame la présidente, je réagissais à des commentaires que je juge inacceptables.
Mme la présidente. La parole est maintenant à Mme Martine Berthet, et à elle seule. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Madame la ministre, les accords du Ségur de la santé, signés le 13 juillet 2021, prévoient des aides, mais elles sont insuffisantes – comme cela a été souligné par les orateurs précédents – pour nos soignants, les hôpitaux et leurs investissements.
La démarche qui s’est imposée au travers de ces accords n’est pas sans contradiction. Si le volet investissements permettra à de nombreux hôpitaux de s’engager dans une rénovation plus que nécessaire de leurs infrastructures, les crédits alloués à la restauration de leurs capacités financières, pourtant tant attendus, sont à double tranchant. En effet, ils obligent contractuellement les établissements à réduire leurs dépenses sur une dizaine d’années, ce qui interdit tout nouvel emprunt.
Pour les établissements concernés simultanément par les deux dispositifs, la situation est paradoxale : le premier volet, le volet investissements, finance 80 % à 90 % du montant des travaux, tandis que le second, le volet « restauration des capacités financières » les empêche d’emprunter le reliquat nécessaire à leur réalisation.
Prenons l’exemple, dans mon département de la Savoie, du centre hospitalier de la vallée de la Maurienne.
Le montant total des investissements nécessaires à la rénovation des services de médecine – stérilisation et blocs opératoires – s’y élève à 16,5 millions d’euros. Or une aide de 14,9 millions d’euros a bien été attribuée à l’hôpital dans le cadre du Ségur – nous nous en félicitons tous –, mais il manque encore 1,6 million d’euros.
En parallèle, le centre hospitalier a signé une convention décennale avec l’ARS et s’est engagé à réduire son niveau d’endettement : il ne pourra donc pas emprunter ces 1,6 million d’euros manquants. En d’autres termes, d’un côté, on ouvre les vannes, de l’autre, on serre la vis.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assouplir ces dispositifs aujourd’hui contradictoires et contre-productifs ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Berthet, la situation du centre hospitalier de la vallée de la Maurienne n’a visiblement pas été portée telle quelle – nous avons vérifié – à la connaissance de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, qui est pourtant la première interlocutrice de l’établissement sur ces sujets.
C’est bien toute la logique du Ségur de la santé que de prévoir une gestion déconcentrée des enveloppes et des prises de décisions pour s’adapter au plus près des situations que l’on observe dans les territoires.
Sur le fond, le centre hospitalier de la vallée de la Maurienne va bien recevoir – comme cela a été annoncé – 16,5 millions d’euros de la part de l’ARS, dont 14,9 millions d’euros issus du Ségur stricto sensu, pour mener à bien son projet de rénovation.
Dans la droite ligne du Ségur, il s’agit de conforter l’établissement dans son rôle, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il propose un large accès aux soins dans un territoire assez isolé et caractérisé par une offre de premier recours qui, vous l’avez rappelé, est limitée.
Son unité de surveillance continue et son service de stérilisation centrale vont être reconstruits et son bloc opératoire réhabilité.
En parallèle, l’hôpital percevra 5,7 millions d’euros au titre de la restauration de ses capacités financières.
Cette aide est fournie dans le cadre d’une contractualisation avec l’ARS, définie par l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et les décrets pris pour son application. Il y est précisé que chaque établissement bénéficiaire se verra fixer, au cas par cas, une trajectoire de désendettement, afin que l’objectif de restauration durable de sa santé financière soit respecté.
Ces mesures sont prises pour que, à l’issue du Ségur, les établissements ne soient plus asphyxiés par leur dette, à la suite de nouveaux investissements insoutenables. En revanche, tous les endettements supplémentaires nécessaires à la réalisation des projets en cours d’instruction au moment de la contractualisation seront possibles.
Je tenais à vous rassurer sur ce point : l’objectif est bien de poursuivre la transformation de l’offre de soins. Nous voulons simplement que cela ne se traduise pas par une course à l’endettement, qui menacerait à long terme la réalisation des projets des établissements.
Dans le cas particulier que vous évoquez, et sans connaître les détails du dossier, je peux vous dire que tout endettement supplémentaire nécessaire à la réalisation du projet de rénovation soutenu par le Ségur sera pris en compte par l’ARS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Non, madame la ministre, la contractualisation avec l’ARS ne permettra pas au centre hospitalier de la vallée de la Maurienne d’emprunter les 1,6 million d’euros qui lui manquent pour réaliser ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la ministre, c’est une alerte rouge sur les métiers des services aux personnes vulnérables que le Sénat lance aujourd’hui !
M. Pierre Cuypers. Eh oui !
M. Laurent Somon. L’exaspération laisse la place au désarroi des professionnels des secteurs médicaux et médico-sociaux face à leurs conditions de travail. Le désarroi dépasse la lancinante question des moyens, tant ces personnels sont en surtension.
La revalorisation de la discorde, à savoir le Ségur de la santé, est le coup de trop pour des professions à pied d’œuvre. À la pénurie aggravée des personnels et des moyens s’ajoutent des décisions managériales vides de sens et les discriminations injustifiées entre les professionnels qu’instaure le Ségur de la santé.
Comme l’écrit Edgar Morin, « à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ».
Le secteur médical, social et médico-social manifeste pour crier son désarroi devant des conditions de vie et de travail dégradées, mal reconnues ou indignes.
Ils nous le disent : « à quoi bon continuer, alors qu’on est empêché de faire correctement notre travail ?». Le travail dans ces secteurs était difficile, il tend à devenir absurde au sens camusien du terme.
Madame la ministre, le manque d’attractivité et la crise des vocations dans ce secteur se double aujourd’hui d’une fuite des personnels. Ces derniers démissionnent, sont en arrêt maladie, en invalidité, ou sont licenciés.
Les jeunes quittent les métiers du secteur en moyenne au bout d’un an, voire au cours de leur formation. Des services entiers ferment, faute de personnel pour les faire tourner. Pendant ce temps, les besoins en termes de prise en charge des patients ne sont plus assurés.
Épuisés, non reconnus à la hauteur de leurs compétences et de leur engagement pendant la crise sanitaire, les éducateurs spécialisés, les assistants familiaux, les auxiliaires de vie…
M. Laurent Somon. … des services gérés par les collectivités, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et toutes les professions exclues du Ségur de la santé, comme les prestataires de santé à domicile (PSAD), sont obligés d’apprendre à vivre avec cette situation.
Difficile de ne pas voir les effets délétères du Ségur de la santé sur les structures qui n’ont pas été concernées par les revalorisations salariales et les personnels, lesquels perdent le sens de leur mission.
Madame la ministre, le secteur du soin, du domicile et du médico-social n’est-il plus un investissement d’avenir ? Le Gouvernement entend-il étendre les mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé aux « oubliés », notamment les prestataires de santé à domicile, qui comptent 32 000 collaborateurs et qui ont pris en charge 60 000 patients lors des précédentes vagues de l’épidémie de covid-19 ?
Envisagez-vous de modifier votre politique en matière de solidarité, de santé et de grand âge pour intégrer toutes les parties prenantes du parcours de soins et de prise en charge des personnes vulnérables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Laurent Somon, je vous rappelle que, dans ce secteur du médico-social et du social que j’ai déjà évoqué à de nombreuses reprises ce soir, l’employeur est souvent la collectivité territoriale, qu’il s’agisse du département ou de la commune, par l’intermédiaire du centre communal d’action sociale (CCAS).
Ce n’est donc pas l’État qui rémunère les personnels, même s’il peut verser des aides ou contribuer à renforcer l’attractivité des métiers par une revalorisation concertée entre les acteurs. C’est du reste la raison pour laquelle nous avons prévu la tenue d’une conférence des métiers et de l’accompagnement social et médico-social.
Concernant la réforme de l’avenant 43, bien que nous ayons travaillé avec les départements, il s’en est trouvé pour affirmer qu’ils n’avaient pas été consultés. Ce sont – vous l’imaginez bien – toujours à peu près les mêmes.
Dans le même temps, d’autres départements ont saisi l’occasion pour revaloriser immédiatement les auxiliaires de vie, sans aucun problème. Pour les trois derniers mois de 2021, le financement de cette mesure est encore assuré à 70 % par l’État. À partir de cette année et pour les années suivantes, la compensation versée par l’État atteindra 50 % de la prise en charge globale.
Je précise que ce soutien sera durable car, entre-temps – c’est un fait notable –, une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie a été créée : celle-ci garantira de manière pérenne la revalorisation salariale des auxiliaires de vie.
Monsieur le sénateur, les autres personnels que vous évoquez, par exemple les éducateurs spécialisés et les assistants sociaux, relèvent exclusivement, vous en conviendrez, des départements.
Vous le savez tout comme moi, la perte d’attractivité et de sens de ces métiers ne date pas d’aujourd’hui.
Il faut donc réagir et c’est, si cela peut vous rassurer, ce que nous avons fait. Ainsi, après avoir actionné tous les leviers possibles – l’insertion sociale, l’apprentissage, l’alternance –, nous constatons que, pour certaines catégories professionnelles, les formations se remplissent très vite cette année. Peut-être les personnes inscrites ne seront-elles pas fidèles ? Nous verrons. En tout cas, nous tentons par tous les moyens de restaurer l’attractivité de ces métiers.
Cela passe aussi par le travail des acteurs concernés, celui des associations notamment, qui essaient de nous aider en ce moment à parler autrement de ces métiers, notamment ceux qui sont liés au grand âge.
Parfois, il faut aussi tenter de convaincre les jeunes de l’intérêt de ces métiers. Pendant la crise sanitaire, j’ai ainsi envoyé 10 000 jeunes, au titre du service civique senior, remplir des missions dans des Ehpad ou ailleurs, en concertation avec des collectivités qui ont joué le jeu, et ce afin de rompre l’isolement social des personnes âgées, afin peut-être aussi d’attirer ces jeunes vers ces métiers du lien humain dont nous avons tant besoin. Espérons que toutes ces actions porteront leurs fruits.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, ce débat est l’occasion pour moi de vous alerter de nouveau sur le manque structurel de soignants en Haute-Savoie et sur la nécessité d’investir et de trouver des solutions pour remédier à cette situation.
Le Ségur de la santé n’a permis de répondre que partiellement à ces enjeux. L’ensemble des professions médicales et médico-sociales sont concernées, et ce problème ne fait qu’empirer malgré les nombreuses alertes.
Aujourd’hui, le taux de vacance des postes dans mon département varie entre 15 % et 20 %. Cela s’explique par la pénibilité du métier de soignant et par son manque d’attractivité, faute de rémunération suffisante.
Si le Ségur de la santé a quelque peu amélioré cette situation, sa mise en œuvre reste incomplète, car tous les soignants ne sont pas concernés. Les mesures sont par ailleurs insuffisantes en raison de la proximité de mon département avec la Suisse, où les salaires sont trois à quatre fois plus élevés. C’est d’ailleurs ce qui explique que le taux de vacance des postes en Haute-Savoie soit plus élevé que la moyenne nationale, lequel s’établit à 5 %.
Les conséquences de ce manque de personnel sont dramatiques pour les patients et leurs familles, mais aussi pour le personnel lui-même, qui est en souffrance, car la charge de travail ne fait qu’augmenter.
Cette situation est à l’origine chez les soignants d’un véritable épuisement professionnel, entraînant des arrêts maladie et encore davantage de vacances. Je pourrais citer l’exemple de services d’urgence fermés le week-end faute de personnel.
La Haute-Savoie a été identifiée, à juste titre, comme l’un des départements où la situation est la plus précaire. Il est maintenant urgent d’agir pour pallier ce manque structurel de soignants, notamment en lançant des expérimentations et en y incluant les professions médico-sociales.
Plusieurs pistes pourraient être explorées.
Tout d’abord, une prime de vie chère pourrait être versée aux soignants. En effet, le pouvoir d’achat en Haute-Savoie est faible pour les personnes qui travaillent en France, du fait de la proximité de la Suisse.
Les revalorisations du Ségur de la santé n’ont pas permis et ne permettront pas de pallier le manque d’effectifs, les salaires suisses demeurant beaucoup plus avantageux.
Une réflexion doit donc être menée conjointement avec la Suisse, afin de déterminer les actions pouvant être mises en place pour former plus de personnel et répondre aux besoins de nos pays.
Il est également possible d’envisager une baisse des charges sociales et salariales, ce qui permettrait d’augmenter mécaniquement les salaires, et de travailler sur le coût du logement – j’ai développé ce point hier à l’occasion d’un débat sénatorial – en y associant les collectivités.
Enfin, les établissements devraient être autorisés à embaucher des apprentis en dehors des lignes budgétaires, car actuellement, les apprentis sont comptabilisés dans les effectifs, ce qui empêche tout recrutement de personnels qualifiés.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, envisagez-vous de débloquer des investissements en urgence et prévoyez-vous de lancer des expérimentations pour remédier au manque de personnel soignant en Haute-Savoie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur, les pénuries de personnel médical et médico-social en Haute-Savoie sont significatives, et je peux vous assurer que le Gouvernement y est particulièrement sensible.
S’agissant des chiffres, tout d’abord, une enquête récente évaluait entre 8 600 et 13 000 le nombre de personnels soignants travaillant en Suisse, essentiellement dans les grands cantons francophones de Genève et de Vaud. Ces soignants ne viennent pas du Genevois français, mais de la France entière. Cet appel d’air est certes provoqué par les écarts de rémunération entre la Suisse et la France, mais aussi par le même phénomène de désaffection des métiers du soin, qui frappe aussi la Suisse.
Ce point est crucial et doit inspirer la nature des actions que nous allons et devons mettre en œuvre pour empêcher cette pénurie de personnel soignant.
S’agissant des mesures, nous devons concilier revalorisation salariale – nous avons bien sûr entamé cette démarche avec le Ségur de la santé –, approche globale de l’attractivité des parcours professionnels des soignants - cette question fait l’objet d’une réflexion tant au niveau national qu’au niveau local – et action diplomatique, autre instrument privilégié auquel a recours le Gouvernement – je pense à la mise en place, à la fin de l’année 2021, du premier groupe de travail en santé de l’instance de dialogue franco-genevoise.
Au niveau bilatéral, nous faisons de la mobilité transfrontalière des soignants une question politique sur laquelle les administrations centrales du ministère des solidarités et de la santé sont mobilisées. Il s’agit d’identifier les propositions susceptibles d’être adressées à nos partenaires suisses dans les prochaines semaines.
Conclusion du débat
Mme la présidente. Pour conclure ce débat, la parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « ne pas soutenir le soin, c’est ruiner la solidarité qui fonde l’État de droit ». C’est par ces mots empruntés à la philosophe Cynthia Fleury que je souhaite conclure ce débat.
Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a choisi de consacrer cet espace de contrôle aux oubliés du Ségur de la santé, c’est qu’il lui semblait que l’urgence de la situation sanitaire ne pouvait pas laisser à l’arrière-plan la question des conditions de travail, de carrière et de rémunération dans l’ensemble du secteur élargi des soins.
L’alerte ne date pas d’hier, il est vrai. Les tensions dans les établissements sanitaires et médico-sociaux sont anciennes. Mais la crise sanitaire a mis en évidence la grande vulnérabilité de ces métiers et la grande fragilité de ces professionnels, qui risquent de raccrocher leur blouse à l’issue de la crise sanitaire, par désarroi ou par déconsidération.
Récemment, les gestionnaires d’établissements parlaient même de « point de rupture ». En dépit des accords Laforcade qui ont succédé au Ségur de la santé, en dépit des annonces gouvernementales en faveur du grand âge, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en dépit de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social, initialement prévue pour le 15 janvier prochain et finalement reportée au premier trimestre 2022 en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, la patience des professionnels s’amenuise et les bénéficiaires en pâtissent.
Beaucoup ici en ont témoigné, je ne développerai pas davantage.
Ce que nous souhaitons marteler, c’est que, parmi ces travailleurs de deuxième ligne essentiels figurent toujours des oubliés du Ségur : les animatrices et les animateurs de la fonction publique territoriale dans les résidences autonomie par exemple, ou encore les ambulanciers et les équipiers du SAMU dans les hôpitaux qui, auparavant alignés sur les aides-soignants, n’ont pas été reconnus comme étant au contact des patients. D’autres professionnels encore ont été cités pendant nos échanges.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour éclairer deux aspects peu évoqués jusqu’alors, en faisant, donc, deux petits pas de côté.
Le premier aspect concerne l’embauche des « faisant fonction » pour compenser les difficultés de recrutement. Ces personnes, dont le niveau de qualification est inférieur à celui qui est requis pour le poste qu’elles occupent, peuvent représenter jusqu’à un dixième des effectifs d’aides-soignants.
On assiste alors à un nivellement par le bas, à la négation même des spécificités de ces métiers du soin, qui s’apprennent et dont les compétences et aptitudes sont sanctionnées par des diplômes d’État.
Quel avenir réserve-t-on aux personnes faisant fonction d’aide-soignant ? Quelles sont les passerelles et les perspectives d’évolution ? Quel est le message envoyé aux personnels diplômés et aux rares jeunes qui se destinent à ce métier ?
L’évolution des métiers du soin a fait l’objet de nombreux rapports qui devaient servir de fondement à une réforme ambitieuse du grand âge et de l’autonomie, mais je ne remuerai pas ici le couteau dans la plaie.
Le second aspect que je souhaitais aborder a trait à la mise en place des temps de réflexion sur les pratiques professionnelles. Je suis persuadée qu’il s’agit d’une piste à creuser pour renforcer l’attrait des métiers du soin, de l’accompagnement et du médico-social.
Ces temps de réflexion sont déjà mis en œuvre dans d’autres métiers, par exemple pour les éducateurs spécialisés ou pour les assistantes sociales. Ils sont décomptés comme du temps de travail – cela va de soi – et sont supervisés.
Permettre ainsi à des professionnels, à qui la société demande beaucoup, sur lesquels nous sommes reconnaissants de pouvoir nous appuyer lorsque nos proches ont besoin d’aide, de verbaliser leurs difficultés, leurs doutes, d’extérioriser les tensions accumulées, mais aussi de partager des moments de réussite et de progrès, est une manière incontournable de valoriser leur métier.
Au-delà, je crois même que nous pourrions nous inspirer des pratiques dont Cynthia Fleury – encore elle – suggère l’application dans le secteur hospitalier. Elle propose des espaces de réflexion éthique, ouverts tant aux soignants qu’aux patients.
Bien entendu, l’aménagement des temps de travail pour inclure ces moments d’échange sur les pratiques ne pourra pas se faire à l’économie. Des embauches devront être réalisées afin que les personnels ne soient pas contraints de concentrer les tâches du « prendre soin » sur le temps professionnel restant.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la désaffection des métiers du « prendre soin » n’est pas inéluctable. Des pistes sont proposées. Elles méritent autant d’attention que ces professionnels en accordent chaque jour à nos proches. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)