M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.
M. Thomas Dossus. Vous confirmez le projet étatique d’élargissement de l’A46, madame la secrétaire d’État. Pourtant, on l’a vu à peu près partout, on ne luttera pas contre la congestion en rajoutant des voies.
La transition, c’est faire des choix, changer de modèle. Or vous continuez de financer ou d’encourager un certain nombre de projets routiers dans de nombreux points du territoire français, que ce soit ici, au sud de Lyon, ou à Rouen, Avignon, Orléans, etc.
On fonce dans le mur, et vous restez dans le déni, méprisant, cette fois-ci, la démocratie locale. Soyez à la hauteur : abandonnez ces projets, et engagez des solutions alternatives. En somme, faites le choix de la transition !
épidémie de brucellose en haute-savoie et nécessité de procéder à l’abattage total des bouquetins du bargy
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 2088, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur l’épidémie de brucellose en Haute-Savoie et sur la nécessité de trouver une réelle solution, viable et pérenne, à ce problème.
Un nouveau cas de brucellose – une maladie dangereuse pour l’homme, qui peut être contaminé par le biais de produits laitiers – a été détecté dans un élevage de vaches laitières du massif du Bargy, en Haute-Savoie.
Les scientifiques sont unanimes, la vache séropositive a été contaminée après avoir été en contact avec des bouquetins porteurs de la maladie. Il est en effet connu que la prévalence de la maladie est élevée dans le troupeau de bouquetins se trouvant sur le massif.
Pour éviter tous risques pour l’homme, le troupeau de vaches a dû être entièrement abattu, ce qui entraîne des conséquences économiques désastreuses pour l’éleveur, mais aussi pour l’ensemble de la filière du fromage non pasteurisé, notamment celle du reblochon.
Voilà maintenant neuf ans que ce malheureux feuilleton dure.
L’Anses a été saisie à de nombreuses reprises pour essayer de déterminer la solution la plus adaptée. Dans chacun de ses avis, et même si elle a proposé des solutions alternatives, qui ont d’ailleurs toutes été essayées et qui ont toutes échoué à permettre une élimination de la séroprévalence dans le troupeau de bouquetins, l’abattage total du troupeau est toujours le scénario à l’issue duquel la probabilité d’une extinction de l’épidémie est la plus haute.
Malgré cela, et en dépit des nombreux échecs de cette méthode et de nos réticences, c’est à nouveau la voie de la constitution d’un noyau sain qui a été retenue.
Vous me direz, madame la secrétaire d’État, que la solution d’un abattage total du troupeau de bouquetins présente un risque pour la conservation de l’espèce.
L’Anses, elle-même, relève que, d’après le Groupe national bouquetin, la France compterait une quarantaine de populations de bouquetins, pour environ 10 000 individus. Ainsi, l’abattage des bouquetins du massif du Bargy ne remet pas en cause la conservation de l’espèce, surtout si l’on envisage une réintroduction ultérieure.
Vous pourriez aussi dire que cette solution présente un risque de fuite des bouquetins vers d’autres massifs.
Pourtant, toujours dans le même avis, l’Anses indiquait que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, jugeait possible d’empêcher les fuites d’animaux par les couloirs identifiés, en y mettant les moyens appropriés. D’après cet avis, les experts considèrent le risque de fuite comme très faible si des moyens importants sont mis en œuvre. Je m’étonne, d’ailleurs, que ce point n’ait pas été repris dans le dernier avis de novembre 2021.
Enfin, le dernier argument qui pourrait être opposé à cette solution est que le scénario de l’abattage total risque d’empêcher la surveillance de la maladie, car seul un petit nombre de bouquetins réussira à y échapper. Toutefois, même si l’exercice sera moins aisé, rien n’empêchera la surveillance si des bouquetins sont de nouveau repérés sur le massif.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Cyril Pellevat. Va-t-on enfin pouvoir trouver une solution, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La contamination par la brucellose d’un élevage en Haute-Savoie, confirmée au début du mois de novembre, a conduit à l’abattage total d’un troupeau. Les services déconcentrés de l’État se sont pleinement mobilisés dans cette opération, et je les en remercie, pour indemniser les pertes économiques, mais surtout apporter une aide psychologique et soutenir la filière du reblochon, qui est impactée.
La souche brucellique identifiée est bien la même que celle qui circule parmi la population de bouquetins du massif du Bargy.
Le foyer est surveillé depuis une dizaine d’années, et des avis scientifiques ont conduit à prendre des mesures de captures et de tirs des bouquetins. Par ces actions, la séroprévalence au sein de cette population a été divisée par dix en une décennie, passant de 40 % en 2012 à 4 % en 2021. Les bouquetins capturés sont testés, puis marqués et relâchés en cas de test favorable. Ils sont évidemment abattus, en cas de test défavorable.
L’Anses, saisie à deux reprises, a examiné neuf scénarios de gestion, couplant tirs et/ou captures sur plusieurs années, dans le but de parvenir à une extinction naturelle de la maladie, tout en conservant un noyau d’animaux sains, le bouquetin étant une espèce protégée.
Avec l’éclairage des avis les plus récents de l’agence, des mesures vont être mises en œuvre pour obtenir, à l’horizon de 2022, un noyau sain de bouquetins marqués, maintenir une surveillance et renforcer ce noyau sain dans les années suivantes, avec de larges opérations de captures et de tests.
L’obtention de ce noyau sain nécessite des opérations importantes de captures et de tirs, car la population de bouquetins demeure encore largement non marquée. Par ailleurs, la surveillance de cette population rejoint celle d’autres animaux de la faune sauvage, comme les chamois et les cervidés, qui sera également renforcée.
L’abattage total des bouquetins que vous préconisez, monsieur le sénateur Pellevat, a été modélisé par l’Anses.
Il présente, comme vous le soulignez, un risque de déplacements d’individus possiblement infectés vers d’autres massifs.
La mise en œuvre opérationnelle de cette solution n’est, de plus, pas très réaliste, puisque l’on sait les difficultés à atteindre l’ensemble d’une telle population, avec des effets collatéraux qui pourraient compromettre, à moyen terme, les chances d’éradiquer la brucellose, notamment par une baisse de la qualité de la surveillance.
Enfin, la solidité juridique de cette solution est mince en cas de recours contentieux.
Or il y va de notre crédibilité à tous ; les opérations de ce genre doivent être réalistes et juridiquement solides.
cessions en ligne d’animaux
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 1965, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Arnaud Bazin. Le huitième alinéa de l’article 18 de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes modifie la rédaction de l’article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime en ce sens : « La cession en ligne à titre onéreux d’animaux de compagnie ne peut être réalisée que par les personnes exerçant les activités mentionnées aux articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3. »
Ainsi, sont exclues de la vente en ligne à titre onéreux les personnes visées par les articles L.214-6-1 et L.214-6-5 du même code, c’est-à-dire les fondations et associations de protection animale, avec et sans refuge.
Par ailleurs, le code civil, dans ses articles 893 et 1107, indique que la cession à titre gratuit ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie.
Les particuliers éleveurs à titre non commercial d’animaux de compagnie autres que chiens et chats sont également concernés par cette exclusion. A contrario, les particuliers peuvent céder en ligne à titre onéreux des chiens et des chats dont ils détiennent la femelle reproductrice, étant alors considérés comme des éleveurs.
Cette exclusion a évidemment des conséquences. Or celle-ci découlant d’un amendement gouvernemental – je me réfère à l’amendement n° 162, déposé par le Gouvernement lors de l’examen au Sénat –, je souhaite interroger celui-ci sur ses intentions.
Madame la secrétaire d’État, si les intentions du Gouvernement étaient bien celles qui ont été affichées, comment assurer la survie des associations ? Ces dernières ne pourront plus utiliser les annonces en ligne ou devront céder les chiens et les chats sans contrepartie, ce qui pose le problème de leurs ressources, donc de leur pérennité.
Par ailleurs, pour les animaux de compagnie autres que chiens et chats, pour lesquels les particuliers ne peuvent plus passer d’annonces à titre onéreux, ne craignez-vous pas d’assister à des lâchers d’espèces potentiellement invasives dans la nature ?
Si, donc, le Gouvernement n’avait pas comme intention d’engendrer de telles conséquences, comment allons-nous remédier à la situation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La lutte contre la maltraitance animale et le renforcement des liens entre les animaux et les hommes étaient au cœur de la loi promulguée le 30 novembre 2021, qui a permis des avancées majeures.
Le renforcement du contrôle de la vente d’animaux en ligne faisait en particulier l’objet d’attentes très fortes.
L’article 4 sexies que vous avez cité, monsieur le sénateur Bazin, prévoyait que soient précisées, dans le décret d’application rédigé par le pouvoir exécutif, les modalités de mise en œuvre de ces cessions en ligne.
Pour répondre précisément et sans délai à votre question, les services du ministère de l’agriculture et de l’alimentation échangent d’ores et déjà avec les associations concernées.
Je vous confirme que l’objectif du Gouvernement est bien de s’assurer, à travers la rédaction du décret, que les associations de protection animale sans but lucratif pourront poursuivre leurs activités de cessions en ligne, afin de lutter contre l’abandon des animaux de compagnie. En revanche, l’article prévoit effectivement que ces cessions en ligne resteront possibles, uniquement si elles sont réalisées à titre gratuit.
Notre objectif est bien de réduire les trafics issus des cessions onéreuses et de limiter les abandons via les cessions gratuites.
Le contenu du décret d’application sera donc établi en concertation avec les associations de protection animale, considérées comme cédants à titre gratuit, ce qui implique qu’elles pourront seulement exiger la prise en charge des frais inhérents à l’adoption.
La notion de contrat à titre onéreux est définie à l’article 1107 du code civil : « Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un avantage en contrepartie de celui qu’elle procure ».
Il importe donc, dans le cas des associations susmentionnées, que l’absence de réciprocité soit voulue et volontaire, la condition pour qu’une cession soit considérée comme une cession à titre onéreux étant la relative équivalence de la valeur des contreparties.
Selon la loi du 30 novembre 2021, pour pouvoir effectuer des cessions en ligne, les associations, dont celles qui ne disposent pas de refuge, devront donc céder les animaux à titre gratuit. Elles pourront faire payer les frais de vaccination et d’identification, voire une adhésion, mais elles devront pouvoir justifier du caractère gratuit de cette cession et établir un document signé en ce sens.
M. le président. Je dois vous interrompre, madame la secrétaire d’État, car vous avez dépassé le temps de parole qui vous est imparti.
approvisionnement des scieries françaises en chênes
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1872, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Patrick Chaize. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’approvisionnement en grumes de chêne des scieries françaises.
Les scieurs connaissent un niveau d’activité satisfaisant, avec une demande grandissante sur le marché domestique, mais également à l’exportation.
Toutefois, force est de constater qu’un quart de la récolte de grumes de chêne quitte notre territoire sans subir la moindre transformation et, donc, sans engendrer la moindre valeur ajoutée. De plus, cette essence est exportée en Asie, principalement en Chine, à un prix supérieur de 25 % à 30 % au prix que les scieurs français sont en mesure d’offrir pour rester compétitifs.
Pour les transformateurs, c’est la double peine : ils souffrent du manque de matières premières et peinent à proposer des tarifs concurrentiels aux propriétaires forestiers.
Or, depuis dix années, les scieurs ont investi massivement, notamment dans mon département de l’Ain, pour rester compétitifs et répondre à une demande soutenue, tout en améliorant les conditions de travail. Des investissements structurants sont encore à l’étude, mais le manque de certitude quant à l’approvisionnement pourrait les compromettre, placer en difficulté ce secteur et priver notre pays d’un outil de transformation pourtant essentiel, avec des emplois à la clé et des incidences fortes pour la filière du bâtiment.
Alors que la France est le premier producteur de chêne en Europe et le troisième producteur mondial, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles mesures urgentes le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux scieurs de chêne de retrouver confiance en l’avenir, en étant assurés qu’ils pourront être suffisamment approvisionnés en cette essence de bois, selon des conditions qui soient à la fois satisfaisantes et équilibrées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Chaize, on observe depuis une dizaine d’années une dynamique à l’export dans le secteur des grumes de chêne, avec des pics en 2015 et 2018 ayant appelé une réponse forte.
Sur les dix premiers mois de l’année, le cumul des exportations de chêne vers la Chine a atteint un record, une progression de 31 % étant constatée par rapport à 2020. Tous pays confondus, ces exportations atteignent sur la même période 48 623 mètres cubes.
Cette situation engendre évidemment deux difficultés principales : du point de vue structurel, une hausse des prix du bois pour les transformateurs et scieurs français ; du point de vue conjoncturel, des difficultés en termes de disponibilité de la matière première et, donc, de capacité de ces mêmes acteurs à constituer un stock suffisamment stable pour poursuivre leurs activités.
Face à ce constat, nous nous sommes mobilisés.
Nous l’avons d’abord fait au niveau européen, puisque, c’est parfaitement normal, la régulation aux frontières est une compétence de l’Union européenne, la libre circulation des biens et personnes à l’intérieur de l’Union ayant fait sa force et apporté paix et prospérité depuis quatre-vingts ans.
Nous avons notamment saisi la Commission européenne dès cet été sur le sujet. Elle travaille à nos côtés pour appliquer des clauses de sauvegarde ou des barrières tarifaires en vue de limiter ces exportations de grumes.
La priorité est aussi, évidemment, de lutter contre les traders, qui spéculent sur les tensions du marché et le perturbent au niveau international.
Pour cela, nous avons introduit dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021 un article prévoyant la mise en place de « cartes d’exportateur ». Il s’agit, non pas d’interdire toute exportation, mais de mieux encadrer les conditions d’exportation des bois ronds sans transformation au sein de l’Union européenne – j’insiste sur cette absence de transformation.
Il n’est ni souhaitable du point de vue écologique ni soutenable sur le plan économique d’envoyer des grumes de chêne dans des usines de transformation à l’autre bout du monde, a fortiori quand celles-ci nous reviennent ensuite transformées.
Nous sommes donc au rendez-vous. Je mentionnerai en particulier le label « Transformation UE », par lequel l’État, en tant que propriétaire forestier, ou les communes forestières peuvent conditionner leurs ventes à une première transformation locale,…
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … mais d’autres dispositifs seront déployés dans les mois à venir.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais il faut passer à des actes concrets !
Aujourd’hui, les exportations se poursuivent, dans des conditions qui ne sont pas acceptables, et la pénurie continue. Peut-être faut-il avancer, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, des solutions pérennes – certains États membres ont déjà pris des mesures drastiques. Si le conventionnement est une solution, la régulation en est une autre.
En tout cas, il faut arrêter de parler de souveraineté, et agir pour la souveraineté. Je suis persuadé que la biodiversité ne s’en portera que mieux !
accès aux réseaux numériques des grands gestionnaires d’infrastructures
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 2068, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je souhaite interroger le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, sur les pratiques des concessions autoroutières ou de la SNCF concernant l’accès à leurs infrastructures numériques, pratiques qui, semble-t-il, restreignent la concurrence.
Les tarifs pour utiliser ces infrastructures sont effectivement prohibitifs. De fait, la protection des gestionnaires quant à l’usage de leurs fourreaux, pourtant largement amortis et loués à des conditions désavantageuses, empêche certains opérateurs de proximité du numérique d’emprunter ces infrastructures.
Ces derniers sont alors contraints d’utiliser les offres éclairées ou inactivées – la fibre optique noire – d’opérateurs tiers, pour la plupart non européens, ces offres étant proposées à des tarifs non régulés, ne permettant pas de créer des conditions d’une concurrence locale, telle que souhaitée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) sur le marché des entreprises, des professionnels et des collectivités. Je rappelle que, dès 2017, ce marché a été qualifié par l’Arcep de « parent pauvre » de la régulation.
Il serait pourtant possible, madame la secrétaire d’État, de capitaliser sur une démarche plus vertueuse et plus souveraine en matière d’économie circulaire : les besoins des opérateurs de proximité bénéficieraient à des acteurs nationaux européens, contribuant ainsi au développement et à la pérennité d’un secteur essentiel à la relance économique de notre pays.
Or les opérateurs alternatifs se retrouvent aujourd’hui dans une situation où la création de valeur est captée par des acteurs le plus souvent américains, ce qui contribue à asseoir encore un peu plus la domination mondiale de ces acteurs sur ces infrastructures essentielles.
Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous de rendre ce marché plus transparent ? Instaurerez-vous des tarifs adaptés pour l’accès des opérateurs de proximité à ces infrastructures ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Comme vous le savez, madame la sénatrice Loisier, les offres d’accès aux infrastructures de génie civil commercialisées par les sociétés autoroutières pour le déploiement des réseaux de communications électroniques doivent respecter certaines règles, en application de la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, directive ayant été transposée dans le droit français.
Les conditions d’accès doivent être fournies selon des modalités et dans des conditions, y compris tarifaires, équitables et raisonnables.
L’orientation du tarif vers les coûts n’est toutefois pas imposée dans ce cadre. En cas de différend entre les parties, notamment sur le volet tarifaire, il est bien prévu que l’Arcep puisse être saisie pour se prononcer sur ce différend. À la connaissance du Gouvernement, aucune demande en ce sens n’a été à ce jour adressée à l’autorité de régulation.
S’agissant de la régulation ex ante opérée par l’Arcep, il est à noter que le marché de la fourniture en gros d’accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement des réseaux de communications électroniques n’est pas inclus dans la liste des marchés pertinents recensés dans la recommandation n° 2014/710/UE de la Commission européenne.
Néanmoins, au terme des travaux menés dans le cadre du sixième cycle d’analyse des marchés, l’Arcep a estimé nécessaire de maintenir une régulation ex ante asymétrique de ce marché, qu’elle a précisément délimité et sur lequel elle a mis en évidence des barrières élevées et non provisoires à l’entrée, avec une absence de perspectives d’évolution vers une concurrence effective à l’horizon du cycle d’analyse. Elle a également souligné l’insuffisance du droit de la concurrence à remédier seul aux dysfonctionnements constatés.
Dans sa décision n° 2020-1445 de décembre 2020, l’Autorité a défini les limites du marché pertinent, en retenant les offres d’accès aux infrastructures de génie civil, souterraines ou aériennes, proposées par des opérateurs de communications électroniques, des collectivités territoriales ou Enedis, dès lors qu’elles sont mobilisables pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.
La même décision identifie un opérateur puissant, Orange, et lui fixe des obligations.
Les offres d’accès aux infrastructures de génie civil des réseaux autoroutiers n’ont pas été retenues dans la délimitation du marché pertinent. En effet, elles ne présentent pas la même capillarité que les offres d’accès proposées par les opérateurs de communications électroniques ou les collectivités territoriales pour le déploiement de réseaux de boucle locale et de collecte.
Il serait donc vraiment disproportionné de soumettre les sociétés d’autoroute à des obligations excessivement contraignantes, notamment d’orientation sur les coûts…
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. De telles obligations ne se justifient pas sur un plan juridique dans des conditions très précises et pour un opérateur exerçant une influence significative.
M. le président. Je vous remercie de respecter votre temps de parole, madame la secrétaire d’État.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. J’entends vos explications, madame la secrétaire d’État. Mais, à l’heure où l’on parle de réindustrialisation de nos territoires, il est véritablement regrettable de se priver de ces réseaux qui maillent l’ensemble de nos territoires. La question ne me semble absolument pas clarifiée. Je vous invite donc à l’évoquer avec l’Arcep – ce que, pour ma part, je ferai.
inquiétude des collectivités territoriales liée au prix de l’énergie
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 2084, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Jean-Baptiste Blanc. M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance a récemment déclaré que l’explosion des prix de l’énergie n’était pas soutenable pour les particuliers et les entreprises. Il ne faudrait pas que les collectivités locales soient, une fois de plus, les grandes oubliées !
Face à la hausse inédite du prix de l’énergie, le Gouvernement a proposé une série de mesures s’adressant aux particuliers. Nous ne nions pas leur utilité. Mais qu’en est-il de nos collectivités locales, tout particulièrement de celles qui négocient actuellement le renouvellement de leur contrat de fourniture et voient les prix qui leur sont proposés multipliés, selon elles, par quatre, voire cinq ?
Depuis de nombreuses années, nos collectivités ont beaucoup investi pour une meilleure gestion de leur consommation et accéléré la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Force est de constater, aujourd’hui, que les économies réalisées sont complètement masquées par cette hausse du prix de l’énergie.
Dans ces conditions, comment amorcer sereinement les discussions budgétaires ?
L’explosion des coûts de fonctionnement contraindra nombre de nos communes à accroître leur fiscalité locale ou à freiner leurs investissements. La commande publique s’en trouvera ralentie, ce qui affectera encore un peu plus nos entreprises, déjà bien mises à mal.
Au regard de cette situation inédite, les communes sollicitent, en complément de l’allégement de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui est insuffisante, une compensation de l’État.
Celui-ci a répondu à cette demande par la mise en place d’un groupe de travail – un classique ! – pour mesurer l’impact et réfléchir à des mesures. Les maires et les présidents des collectivités concernées ne peuvent pas se satisfaire de cette réponse, car cette décision ne peut pas attendre.
Une fois de plus, le manque d’anticipation du Gouvernement risque de conduire de nombreuses communes dans l’impasse.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il réellement prendre cette question de la hausse du prix de l’énergie à bras-le-corps ? Nos communes pourront-elles encore assurer, demain, les services essentiels à leur population, tout en préservant la fiscalité locale et les investissements ? Il faut prendre leurs inquiétudes au sérieux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La hausse sans précédent des prix de l’énergie s’inscrit effectivement dans un contexte de tension sur la disponibilité des installations de production électrique française et sur l’approvisionnement gazier en Europe.
Face à cette situation, le Gouvernement a décidé des mesures exceptionnelles pour préserver, à la fois, le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises. Je citerai notamment le chèque énergie, l’indemnité inflation et le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité.
S’agissant du gaz, les tarifs réglementés ont été gelés à leur niveau du mois d’octobre 2021, et ce pour tout l’hiver, avec, au besoin, un report de l’échéance à la fin de l’année 2022. L’État prendra en charge le surcoût induit par ce gel pour les fournisseurs, conformément aux dispositions que vous avez bien voulu adopter dans le cadre de la loi de finances pour 2022.
S’agissant de l’électricité, la hausse des tarifs réglementés du début de l’année 2022 sera limitée à 4 %, au lieu de près de 35 % si rien n’avait été fait. La taxation sur l’électricité est réduite pour un an à son niveau minimum prévu par le droit européen, à compter du 1er février prochain. Cela représente un coût budgétaire pour l’État de 8 milliards d’euros, directement au bénéfice des particuliers, des collectivités et des entreprises.
Des mesures complémentaires ont été annoncées en janvier. Nous avons décidé, à titre exceptionnel, d’augmenter de 20 térawattheures le volume d’électricité vendu à un prix réduit via le mécanisme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) qui sera livré en 2022, afin que l’ensemble des consommateurs bénéficient de la compétitivité du parc électronucléaire français.
Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs – particuliers, collectivités, professionnels –, et ce quel que soit leur fournisseur. Les fournisseurs devront en effet répercuter intégralement l’avantage retiré au bénéfice des consommateurs ; ce point fera bien sûr l’objet d’une surveillance étroite, en lien avec la Commission de régulation de l’énergie, la CRE.
Dans le même temps, pour assurer une juste rémunération de l’outil de production, qui contribue à la protection de l’ensemble des consommateurs français, le prix de ces volumes additionnels d’Arenh sera révisé à 46,20 euros par mégawattheure. Ce prix couvre les coûts de production d’EDF, y compris les coûts de démantèlement et de gestion des déchets des centrales.