Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. En matière d’investissements étrangers, la France est attractive depuis de nombreuses années – elle l’était bien avant le début de ce mandat présidentiel.
Le niveau des prélèvements obligatoires ne posait pas problème, puisque la France figurait parmi les trois ou quatre pays les plus attractifs au monde.
Au contraire, c’est l’existence même de ces prélèvements, en tant qu’ils rendent possibles les dépenses publiques, qui participe de l’attractivité de notre territoire – je pense, entre autres, à nos infrastructures et à tout ce qui contribue à créer un environnement propice au développement de l’activité des entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, compte tenu du contexte sanitaire, les entreprises touchées par les mesures de restriction ont encore besoin de soutien.
Toutes les aides décidées depuis le mois de mars 2020 ont été d’une ampleur inédite ; or trois quarts d’entre elles ont consisté en des prêts garantis par l’État. Selon l’étude de la direction générale du Trésor, les mesures de soutien ont permis de contenir la part des entreprises insolvables, qui a augmenté de seulement 3 points – à défaut d’un tel soutien, la hausse aurait été de 8 points.
Toutefois, le secteur de la restauration et de l’hébergement reste très touché. Malgré les dispositifs mis en place, une entreprise sur dix de ce secteur est insolvable, et quatre entreprises sur cinq ont subi un choc de trésorerie négatif en dépit des aides versées.
Ces entreprises demeurent acculées. En décembre et janvier, l’État a offert une aide au paiement des cotisations salariales et une exonération de charges patronales aux TPE et aux PME de ce secteur subissant une perte de chiffre d’affaires de 65 % ou plus. En cas de perte de chiffre d’affaires de 50 % ou plus, ces entreprises peuvent bénéficier d’une prise en charge des coûts fixes.
Mais ces mesures n’ont été effectives que pendant deux mois. Durant les deux premiers confinements, de nombreuses entreprises ont souscrit des PGE ou des prêts exceptionnels ou ont obtenu des reports d’échéances fiscales et sociales. Or se profilent les premières échéances de remboursement, les sommes en jeu étant parfois élevées pour les petites entreprises.
Madame la ministre, laisserez-vous ces entreprises dans la difficulté ? Comment comptez-vous les soutenir ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Belrhiti, 697 000 entreprises ont bénéficié d’un prêt garanti par l’État, pour un encours total de 143 milliards d’euros. Vous l’avez rappelé, le PGE est un prêt et non une subvention ; il devra être remboursé selon un échéancier.
Compte tenu des éléments dont nous disposons sur la croissance et la santé des entreprises, le risque de défaut anticipé est aujourd’hui évalué à 3,8 % de l’ensemble de l’enveloppe. Autrement dit, le risque se concentre sur une part relativement modeste de l’économie. C’est une très bonne nouvelle : cela signifie que plus de 96 % des entreprises seront en mesure de rembourser leur PGE.
Il conviendra toutefois d’accompagner ces 3,8 % d’entreprises en grande difficulté. Votre question, qui a pour objet le secteur des hôtels, cafés, restaurants, vise en particulier les TPE, c’est-à-dire les entreprises les moins bien armées pour faire face à ce type de situations. Bruno Le Maire et moi-même avons décidé que ces entreprises pourraient bénéficier d’un étalement du remboursement jusqu’à dix ans et d’un report de la première échéance de remboursement à la fin de l’année 2022. Surtout, elles pourront se faire accompagner par le médiateur national du crédit et obtenir par ce biais un échéancier de paiement sans passer par la case tribunal de commerce, laquelle peut impressionner des indépendants peu familiers de ce type de procédure.
Concrètement, un restaurateur qui a contracté un PGE de 25 000 euros et dont l’entreprise est économiquement viable – ce critère ne saurait être écarté – doit contacter le médiateur du crédit afin de solliciter un réaménagement de son échéancier de remboursement, pour une durée maximale de dix ans, ce qui lui permet de faire face et de se relancer. Nous continuerons évidemment à accompagner les entreprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. En 2021, les mesures de soutien ont permis de limiter à 27 000 le nombre de défaillances d’entreprises, dont 2 600 dans le secteur de la restauration et de l’hébergement. Le risque est élevé que les défaillances repartent à la hausse en 2022 ; je souhaitais vous y rendre attentive, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, vous avez rappelé le montant total du plan France Relance : 72 milliards d’euros. Dans mon département, les Hautes-Alpes, les sommes versées au titre de ce plan s’élèvent à 106 millions d’euros, dont 6,7 millions seulement pour l’industrie et 43,6 millions au titre du Ségur de la santé. Tout cela est évidemment fort intéressant, et je vous en remercie.
Cela dit, je me permets d’attirer votre attention sur un autre type d’entreprises, les entreprises sportives. Mon département compte deux clubs professionnels de hockey sur glace, qui se retrouvent confrontés à de graves difficultés : l’annulation régulière des rencontres, les contaminations de joueurs et de membres de l’encadrement, la mise en place de jauges et la fermeture administrative des établissements ont rythmé la vie des clubs depuis presque deux ans.
Tous ces éléments n’ont pas été sans effet sur leurs finances. Le club de Briançon, les Diables rouges, a ainsi accusé une perte de recettes de 237 000 euros, billetterie et buvette confondues, entre juillet 2020 et juin 2021, pour un budget annuel à peine supérieur à 1 million d’euros.
Si les aides déployées ont été significatives – je les salue –, l’évolution des critères d’éligibilité a été facteur d’instabilité. Plus précisément, entre le début de la crise et le milieu de l’année 2021, l’actualisation des dispositifs de soutien était corrélée à un taux de dépendance entre les pertes de recettes dues à l’absence de public et le budget global. Cette méthode permettait de compenser au mieux les pertes réelles de recettes. Las, l’éligibilité aux aides d’État repose désormais sur l’évolution de l’excédent brut d’exploitation (EBE).
Madame la ministre, alors que les trésoreries des clubs vont être mises à l’épreuve, à moyen terme, par le remboursement du PGE et des autres acomptes – notre collègue vient de le souligner –, il conviendrait de modifier les critères : la compensation doit être fonction non de la baisse de l’EBE de la société, mais bien des pertes nettes de recettes.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour traiter ce problème ? Il y va de la santé financière des entreprises sportives, qui jouent un rôle important en milieu rural, et de la visibilité à long terme pour leurs dirigeants, pour leurs salariés et, au-delà, pour leurs supporters.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Arnaud, vous avez mentionné les dispositifs créés pour compenser les pertes de recettes des billetteries. Une enveloppe prévisionnelle dotée de près de 210 millions d’euros est ainsi spécifiquement consacrée au soutien des clubs professionnels et des organisateurs de manifestations sportives.
Une avance, correspondant à 70 % maximum du montant de l’aide estimée, avait été distribuée avant examen de la perte de recettes effective. Celle-ci est désormais calculée, sur la base de la perte d’excédent brut d’exploitation. Pourquoi prendre pour référence l’EBE ? Tout simplement parce qu’il correspond, comme vous le savez, au chiffre d’affaires diminué des charges. Il représente donc très exactement l’impact de trésorerie sur les comptes du club – avant investissement, mais ce sujet est peut-être moins prégnant pour un club sportif que pour une entreprise fortement capitalistique.
Voilà la logique qui nous conduit aujourd’hui à utiliser cette méthode, qui, d’un point de vue économique, apparaît plus adaptée et permet de répondre au plus juste aux besoins des entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, certains s’interrogent sur les milliards d’euros du plan de relance, vont jusqu’à dire que le Président de la République « cramerait la caisse », même si je constate que personne ne le dit aujourd’hui dans cet hémicycle – c’est tant mieux ! –, et tout cela au nom du « quoi qu’il en coûte ».
Je tiens à saluer les investissements massifs réalisés au nom de la transition climatique, particulièrement dans le secteur ferroviaire : vous avez consacré 35 milliards d’euros au désendettement de la SNCF – vous y étiez certes obligés, puisque vous l’avez transformée en société anonyme –, auxquels il faut ajouter près de 5 milliards d’euros prévus au titre du plan de relance.
Mais ce n’est ni suffisant ni cohérent !
Le Président de la République avait annoncé, en 2017, qu’il se plierait à la nécessité de favoriser les transports du quotidien, ce qui s’est traduit dans la loi d’orientation des mobilités, en 2019, par une programmation financière des infrastructures acceptable.
Et patatras ! En juillet 2021, le président nous annonce le lancement de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), certes nécessaires, mais non financées.
Et patatras à nouveau ! En novembre 2021, nous prenons connaissance du projet de contrat de performance 2021-2030 liant l’État et SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure, et constatons que sa concrétisation étranglerait financièrement SNCF Réseau. Une augmentation des péages des trains de près de 30 % est prévue à l’échéance 2030, sans tenir compte ni de la crise liée à la covid-19, ni de la crise énergétique, ni de la crise climatique.
Il manque 1 milliard d’euros, madame la ministre : que comptez-vous faire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Jacquin, je vous remercie tout d’abord de saluer l’effort considérable du Gouvernement en faveur du ferroviaire. Notre objectif est double et parfaitement assumé : décarboner nos mobilités et répondre aux besoins des Français en matière de transports du quotidien.
L’État a en effet repris 35 milliards d’euros de dette à la SNCF. Par ailleurs, il a consacré 4,7 milliards d’euros aux lignes du quotidien, enveloppe que rien ne remet en cause aujourd’hui, monsieur le sénateur, puisqu’elle est bien prévue dans le plan de relance.
M. Olivier Jacquin. Elle est insuffisante !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les mesures que vous mentionnez, quant à elles, ne figurent pas dans ce plan : elles sont donc d’une autre nature.
Le Président de la République était hier dans le Pas-de-Calais pour un point d’étape sur le renouveau du bassin minier entre Nord et Pas-de-Calais – je l’accompagnais dans ce déplacement. À cette occasion, il a annoncé le déblocage de crédits complémentaires destinés à désenclaver le bassin minier et à répondre, précisément, aux besoins du quotidien sur un axe transversal qui passe par Lille, Hénin-Carvin, Lens, Liévin et Béthune.
Voilà un exemple de mesure très concrète, qui permet de répondre aux besoins quotidiens des Français. Je ne partage donc pas votre analyse, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. J’ai bien compris que vous ne partagiez pas mon analyse. Mais vous ne répondez pas à ma question !
Comme je viens de l’indiquer, si des efforts ont été faits, il n’y a toujours aucun modèle économique pour le ferroviaire. Le train et l’avion ont été considérablement soutenus quand le train, lui, est maintenu la tête sous l’eau, à défaut d’un modèle économique pour valoriser ses externalités négatives.
Le plan de relance, c’est « agir en primitif », aurait dit René Char ; paraphrasant son haïku magnifique, je dis qu’il faudrait aussi « prévoir en stratège » – tel n’est pas votre cas !
M. Jean-Claude Tissot. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, dans l’étude d’impact du projet de loi de finances pour 2021, la direction générale du Trésor évaluait le coût de la tonne de CO2 évitée d’ici à 2070 à 320 euros sur un périmètre de 18 milliards d’euros seulement de dépenses favorables à l’environnement – je rappelle que, selon vos estimations, les dépenses « favorables à l’environnement » représentaient, dans le budget de l’État, 32 milliards d’euros.
Le Haut Conseil pour le climat, dans son avis sur le même projet de loi, critiquait le raisonnement contrefactuel utilisé pour obtenir ce résultat.
J’ai bien peur en effet que cette donnée ne résiste pas à l’épreuve des faits. En faisant un calcul de coin de table, et en retenant une hypothèse de 56 grammes de CO2 par kilowattheure d’énergie électrique – vous pourrez certes remettre en cause cette hypothèse en m’opposant que j’aurais pu prendre une hypothèse « chaleur » qui aurait fait un peu diminuer la valeur retenue – appliquée aux travaux de rénovation énergétique validés au cours du premier semestre 2021 au titre de MaPrimeRénov’, j’obtiens un coût de la tonne de CO2 évitée de 9 500 euros !
Je discutais voilà peu avec le représentant d’une entité publique ; tentant lui aussi de faire ce calcul, il a abouti, de son côté, à un coût de la tonne de CO2 évitée de 800 euros pour l’ensemble du plan de relance.
La Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2021, nous alertait sur la nécessité de trouver un équilibre entre ambitions quantitatives et résultats qualitatifs. Madame la ministre, l’État va-t-il communiquer sur le coût de la tonne de CO2 évitée au titre du plan de relance ? Dans l’affirmative, avec quels outils ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Il me semble que, depuis 2019, un travail a été conduit pour améliorer de façon constante la performance énergétique des rénovations réalisées dans le cadre de MaPrimeRénov’ : les économies d’énergie sont passées de 3,9 mégawattheures par an et par logement à 5,3 mégawattheures par an et par logement, sans que l’enveloppe budgétaire ait significativement augmenté. L’efficacité est donc au rendez-vous.
Par ailleurs, pour évoquer un sujet que je connais mieux que celui du logement, je souhaiterais vous parler des 2,8 millions de tonnes de CO2 évitées dans l’industrie, qui contribuent aussi à réduire singulièrement notre empreinte carbone.
Sachez qu’à chaque dossier correspond un prix de la tonne de CO2 évitée. C’est évidemment l’un des éléments qui est pris en compte pour calculer l’impact, et je peux vous dire que l’on est très loin des montants que vous mentionnez. Il ne s’agit pas de 9 000 euros, ni même de 800 euros, mais d’un coût très largement inférieur à 100 euros par tonne – et nous avons évidemment une approche économique de ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je vous remercie, madame la ministre, mais j’aurais souhaité que vous me parliez de méthodes et d’outils.
J’aurais aussi pu vous parler du secteur automobile, qui est soutenu grâce à la prime à la conversion : 80 % des véhicules vendus au premier semestre 2021 ont été fabriqués hors de France, selon un mix électrique qui s’avère déplorable lorsqu’on le compare au mix français. Il ne faudrait pas que la baisse des émissions à la consommation soit compensée par une hausse des émissions à la fabrication.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Là encore, je me permets de vous renvoyer au contrat stratégique de la filière automobile, qui prévoit de consacrer 1 milliard d’euros à la relocalisation de la production de moteurs.
Les choix des Français en matière d’achats de voitures leur appartiennent ; je ne saurais m’y substituer.
En revanche, vous savez très bien qu’au niveau européen la réponse à votre question coule de source, comme en témoignent les travaux que nous menons pour, d’une part, construire un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et, d’autre part, convertir toutes nos filières à l’électrique : l’enjeu est bien sûr de concilier décarbonation et compétitivité, c’est-à-dire retombées pour l’économie.
Je rappelle qu’entre 1995 et 2015 – votre parti, ces années-là, fut longuement au pouvoir, me semble-t-il – l’empreinte carbone de notre pays a massivement augmenté, de 17 %, et que nous avons perdu 1 million d’emplois industriels. Voilà les faits et la cause du retard que nous devons rattraper aujourd’hui !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Je me permets de vous indiquer une petite piste pour obtenir une juste évaluation du coût de la tonne de CO2 évitée. Pour ce faire, j’en suis désolée, je vais revenir à MaPrimeRénov’.
Le décret du 23 avril 2021 modifiant le décret du 14 janvier 2020 a supprimé la possibilité de communiquer les données des propriétaires qui réalisent des travaux, ce qui complexifie le travail d’évaluation.
J’entends que la puissance publique, en vertu d’un texte qui doit dater de 1951, peut tout faire, mais j’ignore si les services statistiques du ministère seront en mesure de mener les enquêtes minutieuses que la situation exige, opération par opération.
Or il me semble vraiment important, eu égard à l’argent considérable qui est mis sur la table, que l’on arrive à chiffrer ce coût de la tonne de CO2 évitée, et ce d’autant plus que la marche est encore plus haute si l’on veut atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés collectivement, que ce soit dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone ou dans le cadre européen du paquet Fit for 55.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, avec le plan de relance, le Gouvernement affiche l’ambition de relancer l’investissement public local, 10,5 milliards d’euros étant destinés aux collectivités territoriales.
Ce plan inclut néanmoins des dépenses très diverses, dont l’objet paraît parfois sans rapport avec une stricte démarche de relance.
Tel est le cas par exemple des 4,2 milliards d’euros visant à compenser les pertes de recettes consécutives à la crise sanitaire, montant qui, soit dit en passant, reste largement insuffisant pour compenser les 7,5 milliards d’euros de pertes financières enregistrées au titre de la seule année 2020.
Le plan de relance est en réalité un plan fourre-tout de 113 mesures, dévoyé quand il est utilisé pour des dépenses comme l’hébergement d’urgence des migrants en Île-de-France, le replantage des haies ou encore la climatisation des salles de théâtre.
Que dire également de certains crédits des programmes d’investissements d’avenir désormais fléchés vers la relance, qui vont servir à rénover le Grand Palais ou à soutenir l’organisation des jeux Olympiques de Paris 2024 ? S’agit-il de relance ou d’investissements d’avenir ?
Madame la ministre, ma question est simple : les crédits du plan de relance visent-ils uniquement à relancer notre économie ou ne couvrent-ils pas, pour une part, des dépenses de fonctionnement, ce qui permet de manière habile de minorer ces dépenses ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame Gruny, le plan de relance, comme je l’ai dit, est structuré autour de trois objectifs : décarbonation et transition environnementale ; compétitivité ; emploi et cohésion sociale.
Si l’on examine les sommes engagées, objectif par objectif, on ne trouve que des investissements. Ces crédits ne relèvent pas, me semble-t-il, des dépenses courantes. Nous y incluons toutes les dépenses consacrées à investir dans le capital humain, au travers de l’apprentissage, de l’alternance et de la formation ; un tel choix est peut-être discutable, mais ces dépenses relèvent bien selon moi de l’investissement.
Beaucoup d’économistes ont montré que ces dépenses étaient celles qui avaient les retombées les plus importantes en matière de croissance potentielle et qui permettaient probablement le mieux de lutter contre l’un des principaux maux français, à savoir un taux de chômage structurel plus élevé que dans les autres États européens. Quoique ce taux ait baissé, puisqu’il est aujourd’hui au plus bas depuis dix ans, nous ne devons pas relâcher nos efforts.
Je le redis, il s’agit donc de mesures structurelles qui contribuent à accompagner la relance. Investir dans le secteur du bâtiment et travaux publics, c’est prendre des mesures très classiques de relance de l’économie – rien de nouveau là-dedans, si j’ose dire. On le voit bien d’ailleurs avec la reprise économique que nous vivons : ces crédits ont permis de soutenir l’investissement.
Que se serait-il passé si nous n’avions pas pris de telles mesures ? L’investissement, public comme privé, se serait effondré, ce qui aurait eu pour conséquence non seulement de différer le redémarrage de notre économie, mais aussi d’affaiblir cette dernière et de nous faire prendre du retard sur un certain nombre d’enjeux pourtant absolument essentiels.
D’ailleurs, lors de la discussion budgétaire que nous avons eue sur le plan de relance, il me semble avoir entendu assez peu de remises en cause quant aux grands chapitres dudit plan. Je n’ai rien entendu non plus du côté du comité Cœuré ni lors des réunions du comité national de suivi de la relance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, vous n’allez pas me dire que la crise sanitaire est structurelle ! C’est donc du conjoncturel, du moins l’espère-t-on…
Aujourd’hui, les communes manquent d’argent. Or elles ont bien entendu toute leur place dans le plan de relance, parce qu’elles investissent et parce que leur investissement se répercute au niveau des entreprises locales.
Je citerai deux exemples.
Premier exemple : pour le département de l’Aisne, le coût de la crise sanitaire a jusqu’à présent été de 8,2 millions d’euros. Reste à charge : 7,4 millions d’euros. Super !
Second exemple : le centre de vaccination de la ville de Saint-Quentin a coûté 953 000 euros. Reste à charge : 660 000 euros !
Mme Pascale Gruny. Pas du tout, madame la ministre, ces mesures figurent bien dans le plan de relance. Ne dites pas n’importe quoi !
Ces dépenses des collectivités auraient dû être prises en charge dans le cadre du plan de relance, ce qui aurait contribué à soutenir l’investissement local.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Madame la ministre, le plan de relance proposé par le Gouvernement en octobre 2020, voté dans la hâte et sans consensus, n’a jamais fait l’objet d’une étude ni de la stratégie à suivre, ni de nos capacités à emprunter, ni du plan de remboursement à établir, et encore moins d’une analyse de ses répercussions sur les générations futures.
Imaginez un instant que les Français gèrent leur budget ou leur entreprise de la sorte… C’est surréaliste, et pourtant bien réel !
Mais revenons au débat qui nous réunit ce soir sur l’évaluation et l’efficacité des aides versées : 100 milliards d’euros votés, 72 milliards d’euros engagés dans trois domaines, l’écologie et la transition énergétique, la compétitivité des entreprises, la cohésion des territoires.
Je vais me pencher sur le deuxième axe, à savoir l’amélioration de la compétitivité.
Le Gouvernement s’est engagé à réindustrialiser la France et à inciter nos entreprises à exporter. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où nous en sommes, à « J+1 an », des engagements que vous avez pris ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Sur ce sujet, monsieur le sénateur Segouin, je crois avoir dit quelques mots dans mon discours introductif.
Ce sont donc quatre objectifs qui ont été fixés concernant l’industrie.
Premier objectif : moderniser les chaînes de production et aller vers l’industrie du futur 4.0, via l’industrie 3.0 ; 8 600 entreprises sont accompagnées dans ce cadre, essentiellement des TPE et des PME, avec des gains de compétitivité à la clé.
Deuxième objectif : accompagner l’innovation afin de créer un véritable avantage compétitif. Il en a déjà été question : plus de 1 000 entreprises sous-traitantes sont accompagnées, via le Corac et le Coram, dans la réalisation de projets ayant pour objets la voiture autonome, la décarbonation des moteurs d’avion ou encore l’allégement des matériaux. Tous ces dossiers sont disponibles ; vous y avez accès de manière transparente par l’intermédiaire de notre plateforme consacrée au plan de relance.
Troisième objectif : la localisation ou relocalisation – l’idée est en tout cas de densifier notre production industrielle sur le territoire français. Plus de 700 projets sont accompagnés à ce titre, concentrés pour une large part sur cinq secteurs stratégiques : agroalimentaire, santé, intrants critiques, électronique et 5G. Nous nous donnons les moyens de conforter ou de créer 230 000 emplois dans l’industrie, étant précisé – il est intéressant de le relever – que les intentions de recrutement des entreprises industrielles, telles que déclarées à la Dares, s’élèvent à 225 000 postes pour l’année 2022, un niveau nettement supérieur à ceux qui étaient précédemment enregistrés.
Quatrième et dernier objectif : les exportations. Le plan de relance export nous permet d’accompagner 9 000 entreprises à l’export et le nombre d’entreprises exportatrices est en augmentation depuis deux ans. Vous avez raison : il faut sans nul doute maintenir cet accompagnement, notamment dans le secteur de l’agroalimentaire.
(Mme Pascale Gruny remplace Mme Nathalie Delattre au fauteuil de la présidence.)