M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour un exercice annuel obligé et ô combien important, le règlement du budget et l’approbation des comptes : or l’année 2021 s’est caractérisée par une crise déjouant toutes les prévisions et a été marquée du sceau de l’incertitude.

L’incertitude semble aujourd’hui devenue une certitude en matière d’orientation budgétaire, mais pas seulement. Gouverner, c’est prévoir, mais prévoir devient un exercice de plus en plus aléatoire, sans visibilité sur l’évolution à court terme et sans possibilité de mesurer pleinement ses conséquences.

Nous devons pourtant garder en tête l’objectif du redressement des finances publiques, car, pour citer Pierre Mendès France, « les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ».

Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2021 s’articule autour de huit articles.

L’article liminaire présente les soldes structurel, conjoncturel et effectif après exécution du budget, comparés aux hypothèses de la loi de finances et de la loi de programmation. Il relève un déficit inférieur de 2 points aux prévisions, soit de –6,4 % du PIB au lieu de –8,5 %, grâce au rebond économique et au taux de croissance en volume de 6,8 %. Le solde structurel s’établit donc à –4,4 % du PIB au lieu du –0,5 % autorisé par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

Le déficit budgétaire de l’État atteint le niveau abyssal de 170,7 milliards d’euros, en amélioration de 34,4 milliards d’euros par rapport à la seconde loi de finances rectificative. Le budget général est en déficit de 171,5 milliards d’euros, et les recettes sont en hausse de 25,3 milliards par rapport à cette même loi.

À ce sujet, il convient de noter que les recettes fiscales nettes ont retrouvé leur niveau d’avant-crise et que les recettes fiscales brutes ont même progressé de près de 30 milliards d’euros par rapport à 2018, même si cette bonne nouvelle ne suffit pas à améliorer notre situation financière.

L’article 2 indique d’ailleurs que le besoin de financement s’élève à 285,2 milliards d’euros, dont 170,7 milliards d’euros de déficit financés par l’émission d’une dette de 260 milliards d’euros à moyen et long termes.

L’article 3 présente un résultat de –142 milliards d’euros et un bilan en déficit de 1,7 milliard d’euros.

À l’article 4 figurent les dépenses brutes, dont la hausse de 16,4 milliards d’euros porte le total à 557 milliards d’euros. Les principaux postes d’affectation des crédits de paiement, pensions comprises, demeurent les missions « Enseignement scolaire », « Défense », « Engagements financiers de l’État » et « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ».

Les articles 5 et 6 sur l’exécution des budgets annexes et des comptes spéciaux hors Fonds monétaire international (FMI) sont en amélioration de 5,9 milliards d’euros, toujours par rapport à la seconde loi de finances rectificative, avec un solde de + 0,8 milliard d’euros, contre - 5,4 milliards d’euros en 2020. Le compte d’opération monétaire avec le FMI est, lui, à découvert de 17,3 milliards d’euros.

L’article 7 prévoit l’annulation de la dette de l’État somalien pour un montant de 24 millions d’euros, conformément à un accord bilatéral signé en 2020.

Mes chers collègues, si ce projet de loi de règlement retrace une année 2021 marquée par la crise, on peut regretter que certaines dispositions n’aient pas été adoptées afin de commencer à retrouver le chemin vers des finances saines.

Les collectivités territoriales restent les grandes oubliées du fameux « quoi qu’il en coûte », malgré leur rôle essentiel dans la gestion de la crise sanitaire et dans la reprise économique. Leur donnera-t-on enfin les moyens pour agir au plus près de nos concitoyens ?

Nous l’avons entendu, le Sénat rejettera majoritairement ce texte, pour des motivations différentes selon les travées. Les membres du groupe RDSE se répartiront pour leur part entre abstention et vote favorable, en attendant de connaître les orientations du budget 2023 à la rentrée.

Monsieur le ministre, nous espérons que les critiques que j’ai formulées seront entendues par votre gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, le temps nous est compté puisque nous disposons toujours de délais très courts pour examiner le projet de loi de règlement.

Cette année, la présentation du texte par le Gouvernement accuse au surplus un retard justifié par des arguments qui – nous l’avons constaté – n’ont convaincu personne et montrent le peu de considération qu’a le Gouvernement pour le temps parlementaire. Nous le regrettons.

Comme l’a indiqué ma collègue Isabelle Briquet, les sénateurs socialistes voteront contre ce texte, et ce pour plusieurs raisons qui ne recoupent qu’en partie les raisons exposées par le rapporteur général de la commission des finances.

C’est d’abord pour une question de forme, car il n’est pas anodin que ce texte nous arrive plus d’un mois après la date à laquelle la loi organique impose son dépôt. Le nouveau gouvernement affirme vouloir favoriser le dialogue avec les parlementaires ; cela n’est pour l’instant qu’un vœu pieux.

Ce retard pose un problème démocratique, car, s’il avait été déposé dans les règles et dans les temps, ce texte aurait pu alimenter le débat de la campagne législative.

Est-ce précisément ce que le Gouvernement a voulu éviter, monsieur le ministre, et ce, juste après avoir fait adopter en fin de quinquennat une loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques tendant à améliorer l’information et le contrôle du Parlement ? Vous conviendrez qu’il y a là une contradiction.

Ensuite, si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a pas pour habitude de voter contre le projet de loi de règlement, cette année encore, l’exécution s’éloigne tellement du budget que nous avons voté fin 2020, y compris après les modifications introduites par les lois de finances rectificatives, que c’est la portée même de l’autorisation parlementaire qui est en question.

La Cour des comptes considère d’ailleurs que cette autorisation parlementaire est « malmenée ».

Entre sous-exécutions, annulations et reports de crédits, notamment sur le plan de relance, ce projet de loi atteste l’absence d’un pilotage rigoureux et efficace. Si les reports de 2020 sur 2021 atteignaient des niveaux historiques, ceux de 2021 sur 2022 dépassent encore une fois 22 milliards d’euros, au mépris des principes d’annualité et de spécialité budgétaires.

Enfin, sur le fond de la politique menée, nous regrettons nous aussi que vous ayez laissé filer à ce point le déficit.

Si les indicateurs s’améliorent en 2021, on ne peut véritablement imputer ce surcroît de recettes fiscales au crédit de la politique du Gouvernement. Comme l’a noté la Cour des comptes, ils sont plutôt dus à des hypothèses particulièrement prudentes pour 2021.

Le Gouvernement est d’ailleurs quelque peu piégé par sa propre contradiction, qui consiste à mêler dans son discours auto-satisfecit et alarme sur la « cote d’alerte ».

Face à l’accroissement du déficit et de la dette de l’État, monsieur le ministre, la majorité sénatoriale vous reproche, elle, de ne pas suffisamment maîtriser les dépenses, sans toujours dire lesquelles, avouons-le.

C’est largement vrai, mais cette non-maîtrise ne vous permet pas non plus de dégager des marges de manœuvre pour mener une politique ambitieuse afin de répondre à l’urgence sociale, aux nécessités de la transition énergétique ou au besoin de remise à niveau des services publics.

Surtout, votre gouvernement reste arc-bouté sur sa politique de l’offre, qui prive l’État de ressources en même temps qu’elle accroît les inégalités.

Beaucoup a déjà été dit sur le « ruissellement » et ses illusions. Si rien ne prouve que la politique de l’offre a dynamisé la croissance, il est certain qu’elle a dégradé les finances publiques et entravé les marges de manœuvre qui vous font tant défaut aujourd’hui.

Monsieur le ministre, je conclurai par une question : en matière de politique de l’offre, c’est-à-dire de baisse d’impôts pour les entreprises et ceux qui détiennent les plus gros patrimoines, allez-vous également passer du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? », que Pascal Savoldelli a appelé le « qui va payer ? » ?

En tout état de cause, vous pouvez compter sur nous pour faire, dès l’examen du projet de loi de finances rectificative, des propositions concrètes en ce sens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

(Mme Laurence Rossignol remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)

M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la vie d’une entreprise, le bilan comptable est l’instant de vérité. De même, dans un État exemplaire, l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes publics devrait être un moment décisif, notamment dans le cadre des relations entre l’exécutif et le Parlement.

Malheureusement, monsieur le ministre, nombreux sont les orateurs qui ont souligné le dysfonctionnement initial du gouvernement dont vous faites partie, dysfonctionnement dont on peut interroger les causes.

Est-ce véritablement de l’impréparation de la part de Bercy ? Ce serait une première !

Est-ce de la désinvolture, au moment où vous prétendez pourtant aimer les institutions ? Ce serait surprenant !

Est-ce un sentiment de panique, la volonté d’éviter une rencontre en cet instant décisif pour la République où, un gouvernement se succédant à lui-même, le projet de loi de règlement permet de faire le bilan de la loi de programmation des finances publiques du premier quinquennat ?

En septembre 2017, le ministre de l’économie et des finances a annoncé que cette loi de programmation avait pour objectif, sinon la suppression, du moins la réduction des déficits et l’abaissement des dépenses ainsi que des prélèvements obligatoires. Inutile de dire qu’en dépit des événements qui surviennent toujours le gouvernement précédent a tout faux !

En la matière, l’année 2019 mise à part, vous avez systématiquement fait mieux que sous le quinquennat de François Hollande : c’est une réalité, les prélèvements obligatoires ont été supérieurs.

Sur ce point qui, dans ma vision des choses, relève d’un choix politique, en l’occurrence celui d’une certaine politique sociale-démocrate, je constate donc une continuité entre les quinquennats des présidents Hollande et Macron.

Il vous faut l’assumer, car tel n’était pas l’objectif initial que vous vous étiez fixé, et c’est précisément cela qui avait séduit certaines catégories socio-économiques ainsi que le monde de l’entreprise. Le bilan que permet de dresser ce projet de loi de règlement montre que vous n’y êtes pas arrivés, et que vous êtes même à côté de la plaque.

C’est d’autant plus embêtant que les prélèvements obligatoires affectent directement le pouvoir d’achat. Si le gouvernement précédent avait tenu ses engagements, il n’aurait peut-être pas été nécessaire, malgré la crise, d’élaborer à la va-vite un texte sur le pouvoir d’achat. Cela aurait été plus simple.

La France et l’Autriche sont les seuls pays d’Europe où l’on est obligé de travailler plus de la moitié de l’année pour payer les services publics, l’État, les collectivités territoriales et la protection sociale. C’est une réalité : le jour que l’on nomme celui de la « libération fiscale » est le 17 juillet ! De ce point de vue, rien n’a changé.

Un entrepreneur doit débourser 220 euros pour que son salarié ait 100 euros de pouvoir d’achat. C’est 20 % de plus que dans presque tous les autres pays de l’Union européenne.

En dépit de vos efforts de communication pour nous présenter le bon côté des choses à la manière d’un porte-parole du Gouvernement,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet !

M. Philippe Dominati. … la réalité est là : le pouvoir d’achat est en berne, et 9 millions de Français sont sous des seuils critiques et rencontrent des difficultés pour vivre. Tel est le véritable bilan de ce projet de loi de règlement.

J’en viens aux dépenses.

C’est non pas le Sénat, mais la Cour des comptes qui indique que les dépenses non liées à la crise du covid ont augmenté de plus de 5 %. C’est tout de même un bilan très lourd.

Jusqu’au 17 juillet, les citoyens et les entreprises travaillent pour l’État ; à partir du mois d’août, l’État s’endette sur le compte des générations futures pour boucler son budget. Grosso modo, comme l’a dit Jérôme Bascher avec talent, nous finançons les services de notre État à hauteur de 49 % par de la dette. Tel est le bilan d’un quinquennat qui faisait miroiter des perspectives idylliques pour nos finances publiques qu’offre ce projet de loi de règlement.

Les besoins de financement sont évidemment critiques. Pourtant, monsieur le ministre, je n’ai rien entendu dans vos propos qui ait trait à l’avenir. À votre âge, vous devriez pourtant vous adresser aux générations futures.

L’Union européenne devra investir 350 milliards d’euros pour la transition énergétique d’ici quelques années. Il nous faudra aussi investir dans le numérique, car si le sujet est fréquemment évoqué, nous sommes à la traîne derrière l’Asie et les États-Unis. Nous sommes également en retard en matière de recherche et développement. Autant de domaines cruciaux pour l’avenir de nos sociétés, sans parler de l’énergie, du militaire ou de la crise internationale.

Lorsque je suis arrivé au Parlement, on ne votait jamais contre un projet de loi de règlement. On considérait que, comme pour un certain nombre de sujets régaliens, des divisions auraient porté atteinte à l’image de la France, contrainte d’emprunter sur les marchés internationaux. Les circonstances étaient considérées comme exceptionnelles.

La dégradation de nos finances publiques intervenue sous l’autorité des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années nous contraint malheureusement, pour la deuxième ou la troisième fois, à voter contre un projet de loi de règlement, tous groupes politiques confondus.

M. Emmanuel Capus. Pas tout le monde !

M. Philippe Dominati. Vous jouez de malchance, monsieur le ministre, car vous prenez vos fonctions et, en guise de baptême du feu, vous faites presque l’unanimité contre vous.

M. Emmanuel Capus. Pas du tout !

M. Philippe Dominati. J’en reviens au début de mon intervention : n’y avait-il pas un peu de panique dans ce retard ?

Mme la présidente. Vous n’avez plus guère le temps de revenir à quoi que ce soit, cher collègue !

M. Philippe Dominati. Je vous prie de m’excuser, madame la présidente, je ne faisais que synthétiser les propos qui avaient été tenus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Et je ne faisais que présider ! (Sourires.)

La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de règlement, c’est le moment de vérité.

Je regrette, cette année encore, que nous n’y consacrions pas davantage de temps. Cela nous permettrait de remplir pleinement la mission d’évaluation et de contrôle qui nous incombe.

L’exercice 2021 est le dernier du précédent quinquennat. Il est l’occasion de dresser le bilan de la gestion financière de l’exécutif.

Avec 170 milliards d’euros de déficit en 2021, la France enregistre le pire niveau de son histoire après 2020. En cinq ans, depuis 2016, le cumul des déficits atteint la modique somme de 640 milliards d’euros – je ne suis pas sûr que vous nous auriez fourni ce montant, monsieur le ministre –, à rapprocher des 665 milliards d’euros de dette publique supplémentaires contractés sur la même période.

Notre dette atteindra prochainement 3 000 milliards d’euros, c’est-à-dire dix ans de recettes d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et de TVA.

À ce niveau, si les taux continuent de remonter jusqu’à atteindre 5 % – ce qui est élevé, mais pas totalement impossible –, le coût annuel de la dette s’élèvera à 150 milliards d’euros, soit deux fois le budget de l’éducation nationale. C’est colossal.

En 2022, Bercy prévoit de verser 55 milliards d’euros aux marchés qui nous financent. Ceux qui haïssent ces marchés financiers – il y en a quelques-uns sur ces travées – sont les mêmes qui voudraient leur en donner davantage !

Cessons le feu. Il est grand temps de revenir à une gestion rigoureuse et sérieuse de notre argent public.

La dérive de nos finances publiques est antérieure à l’apparition du virus. Les dépenses courantes, sans lien avec la crise sanitaire ou la relance économique, auront augmenté de près de 140 milliards d’euros sur la durée du quinquennat. Pis, le déficit structurel a doublé en l’espace de cinq ans, passant de 72 milliards à 145 milliards d’euros.

Le contexte favorable des trois premières années du quinquennat aurait dû être mis à profit pour assainir nos comptes publics et désendetter le pays. Non seulement le niveau d’alerte est atteint, mais il est largement dépassé, la faute à une absence totale d’ambition réformatrice.

Alors que faire ?

Tout d’abord, sortir du groupe des pays dits du Club Med et prendre exemple sur les pays sérieux en matière budgétaire. Il y en a.

Ensuite, prendre exemple sur les collectivités territoriales, monsieur le ministre.

Rares sont les ministres qui ont présidé un exécutif local, et c’est bien dommage,…

M. Laurent Burgoa. Il faudrait peut-être revenir sur le non-cumul…

M. Vincent Delahaye. … mais cela ne devrait pas priver l’État de suivre leurs saines pratiques en matière de gestion des finances publiques.

Depuis 2017, à l’exception de 2021, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales ont toujours connu une croissance égale ou inférieure à l’inflation. Si l’État s’en était lui aussi tenu à l’inflation, ses dépenses en 2021 auraient été inférieures de 50 milliards d’euros et nous aurions enregistré 210 milliards d’euros de dette en moins durant le précédent quinquennat.

Alors que l’État jacobin a empilé les déficits budgétaires pendant cinq ans, les collectivités locales, elles, ont toujours enregistré un solde excédentaire, exception faite de l’année 2021, je le répète, au cours de laquelle ce solde ne s’est toutefois dégradé que de 600 millions d’euros, à rapprocher des 170 milliards d’euros de déficit de l’État.

C’est que les élus locaux, contrairement aux décideurs de l’État, s’astreignent à respecter la « règle d’or » leur enjoignant de respecter l’équilibre du fonctionnement et de ne procéder à l’emprunt que pour l’investissement. Il y a urgence à contraindre à l’identique les finances de l’État.

Monsieur le ministre, il va vous falloir du courage, du courage et encore du courage pour rétablir les grands équilibres budgétaires. Si vous vous y employez, nous serons à vos côtés pour vous aider à prendre les décisions qui s’imposent.

Je constate toutefois avec inquiétude que nous n’avons manifestement pas la même conception des comptes bien tenus et de la vertu en matière de finances publiques. À l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, le groupe Union Centriste s’efforcera de vous montrer la voie d’une dynamique vertueuse en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je remercie l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés.

Je m’efforcerai de revenir de la manière la plus exhaustive possible sur les différents sujets qui ont été évoqués et qui, à n’en pas douter, alimenteront les débats que nous aurons prochainement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022, du projet de loi de finances pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques.

Je commencerai par la question du calendrier.

Oui, il est important de donner au Parlement la possibilité de travailler sur les textes en amont de leur discussion. Du reste, j’ai le plus grand respect pour nos règles, notamment pour la loi organique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez semblé considérer la présentation de ce projet de loi de règlement après la date prévue par la loi organique comme inédite. J’ai donc vérifié et il se trouve que, la première année de chacun des précédents quinquennats, comme cela vient de se produire, le projet de loi de règlement a été présenté au premier conseil des ministres suivant les élections législatives.

C’est exactement ce qui s’est passé en 2017, quand Emmanuel Macron a été élu la première fois, en 2012, monsieur Féraud, quand François Hollande a été élu, en 2007, quand Nicolas Sarkozy a été élu.

Il est bien évident que, si nous n’avons pas présenté ce projet de loi après le délai prévu par la loi organique, ce n’est pas parce que cela s’est toujours fait, mais c’est bien parce que nous avions des raisons de le faire.

Déposer ce texte avant les élections législatives aurait impliqué de le déposer une seconde fois devant la nouvelle Assemblée nationale.

Surtout, nous avons voulu tenir compte, dans ce projet de loi de règlement, de la croissance constatée par l’Insee en 2021, dont les indicateurs nous ont été communiqués au 31 mai dernier, ce qui explique que nous ayons présenté ce projet de loi après cette date.

Je le dis très clairement : dans les années qui viennent, nous respecterons le dépôt du projet de loi de règlement à la date du 1er mai prévue par la LOLF, récemment modifiée par la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques dont les députés Laurent Saint-Martin et Éric Woerth ont été à l’origine. Une fois encore, je tiens à démentir l’idée que ce dépôt tardif, après le délai prévu par la loi organique, constituerait une grande première lors d’une année électorale.

J’en viens aux autres sujets transversaux évoqués par plusieurs d’entre vous.

Je reconnais que les reports de crédits ont été exceptionnels, surtout en 2020 pour l’année 2021 – ce fut moins le cas en 2021 pour l’année 2022. Toutefois, certains orateurs ont omis de rappeler qu’il s’agissait justement d’années exceptionnelles. Faire face à une crise sanitaire d’une telle ampleur implique de prévoir des budgets dans un contexte incertain. Il vaut mieux prévoir une maille trop grosse pour éviter toute rupture de paiement plutôt que de se retrouver dans l’incapacité de payer des tests ou des masques.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela commençait mal avec les masques…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je tiens à rappeler qu’avant la crise sanitaire nous avions remis de l’ordre dans cette matière, comme nous nous y étions engagés en 2017. Entre 2016 et 2017, le volume des reports de crédits s’élevait à 3,5 milliards d’euros environ, contre 1,7 milliard d’euros entre 2017 et 2018, première année du quinquennat d’Emmanuel Macron. Entre 2018 et 2019, ce chiffre s’établissait à 1,7 milliard d’euros et à 1,9 milliard d’euros entre 2019 et 2020.

Nous avons ainsi largement réduit le volume des reports de crédits d’une année sur l’autre au cours des trois premières années du précédent quinquennat. Certes, j’admets volontiers que ceux-ci ont augmenté durant la crise sanitaire. Nous les avons toutefois réduits l’année dernière et nous les réduirons encore davantage cette année pour tendre vers l’objectif du plus faible niveau de report possible.

Vous avez estimé que nos résultats économiques étaient moins bons que ceux de nos voisins. Je rappelle encore une fois que la France est le premier – et aussi le seul – pays de la zone euro à avoir retrouvé son niveau économique d’avant-crise dès le troisième trimestre de l’année 2021.

M. Vincent Segouin. Et le chômage ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Vous nous avez comparés à nos voisins. Or l’Insee estime que notre PIB sera supérieur de 1,2 % par rapport à celui de l’année 2019.

M. Vincent Segouin. Grâce à l’inflation !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ce chiffre sera de 0,4 % pour l’Allemagne et de 0,5 % pour l’Italie. Le PIB de l’Espagne aura diminué de 2,3 % durant la même période. Le rétablissement de notre activité économique est donc plus rapide que pour la plupart de nos voisins. Indépendamment de l’action du Gouvernement, il convient de saluer la mobilisation des entrepreneurs, des entreprises et des salariés : c’est elle qui a permis de rebondir aussi rapidement.

Madame Briquet, je reconnais que le solde structurel figurant dans ce projet de loi de règlement s’est dégradé. La raison en est simple : certains dispositifs, qualifiés de temporaires en 2020 compte tenu de la crise économique découlant de la crise sanitaire, ont été ensuite été dénommés comme structurels en 2021 – je pense au Fonds de solidarité et à l’activité partielle – dans un effort de « sincérisation » budgétaire, puisqu’ils ont duré plus d’une année, contrairement à ce qui était prévu au départ. Cela explique la légère dégradation de notre solde structurel. Toutefois, celle-ci est temporaire : la situation étant totalement différente aujourd’hui, ces dispositifs ont été supprimés, ou sont en voie de l’être.

Certains d’entre vous ont critiqué la stratégie budgétaire, fiscale et économique du Gouvernement. MM. Savoldelli et Féraud ont critiqué notre choix de baisser les impôts, alors même que M. Dominati nous reproche le contraire, lui qui estime que, sur ce point, nous nous inscrivons dans la continuité du quinquennat de François Hollande. Pourtant, c’est bien grâce à Emmanuel Macron que les impôts ont diminué de 50 milliards d’euros entre 2017 et 2022, cette somme se répartissant à parts égales entre les ménages et les entreprises. Nous poursuivrons dans cette voie, comme l’ont souligné MM. Savoldelli et Féraud.

Alors même que nous avons engagé ce mouvement de baisse, nous collectons davantage d’impôts. (M. Didier Rambaud acquiesce.) Alors que le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %, le volume collecté est plus important que l’année précédente, MM. Rambaud et Capus l’ont souligné.

Cela montre que notre stratégie de diminuer la pression fiscale sur nos entreprises pour favoriser l’activité économique est payante, dans le domaine tant économique que fiscal, puisque nous collectons davantage de recettes. Baisser les impôts et le coût du travail favorise l’activité économique, l’emploi et les recettes fiscales, utiles pour financer nos services publics et notre modèle social. Plus le nombre de Français travaillant est important, plus le montant des cotisations sociales est élevé et plus les indemnisations au titre de l’assurance chômage diminuent. Les chiffres témoignent de cette situation vertueuse pour les finances publiques.

Monsieur Bascher, je tiens à vous rassurer : le programme de stabilité sera présenté avant la fin du mois et donnera lieu à un débat au Parlement. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

Comme c’est le cas pour d’autres pays en période électorale, nous avions demandé un report à la Commission européenne, qui ne s’y était pas opposée. Nous aurions fait l’objet de critiques si nous avions présenté le programme de stabilité juste avant l’élection présidentielle et aurions été accusés de prendre des engagements au nom de la France avant une échéance démocratique majeure. On nous aurait conseillé d’attendre que le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité préparent le programme de stabilité.

Je reviens maintenant sur les questions liées à la gestion budgétaire. Vous avez évoqué le dérapage des finances publiques. Je sais parfaitement que je suis au Sénat et que les groupes parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale sont autonomes. Je crois toutefois en l’existence de formations politiques.

Il se trouve que l’Assemblée nationale examine cette semaine le projet de loi de finances rectificative pour 2022.