Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils paieront la TVA ! C’est un raisonnement absurde…
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Au travers de certaines interventions, on pourrait penser qu’il n’y a pas eu de travaux sur le sujet. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Cela fait des années que des rapports sont rédigés sur la question. Il y a eu ceux – vous êtes bien placés pour le savoir – de la commission de la culture du Sénat, ceux de l’Assemblée nationale, ceux des corps de contrôle…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pour aboutir à cela ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le caractère obsolète et injuste de la redevance et les pistes possibles pour la remplacer ont été étudiés par des parlementaires, mais aussi par l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et par l’inspection générale des finances (IGF). Tous ces travaux sont sur la table ! Ensuite, le Gouvernement a fait une proposition au Parlement, qui en discute et vote souverainement.
Monsieur Assouline, vous avez dit que le fait de passer d’une redevance payée directement par les Français à une fraction de TVA affectée revenait à mettre en cause la pérennité du financement de l’audiovisuel public. Or il n’y a pas de changement de ce point de vue : chaque année, le Parlement vote les dépenses affectées à l’audiovisuel public et le compte de concours financier y afférent.
Si l’on suit votre raisonnement, la pérennité du financement de l’audiovisuel public pourrait être remise en question à chaque loi de finances, puisque c’est lors de cet examen que les parlementaires décident du montant qui sera affecté, via le compte de concours financier, aux sociétés de ce secteur ! Il n’y a pas d’obligation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Nous sommes dans les prémices d’un débat sur la réforme de l’audiovisuel.
Je me réjouis évidemment de la suppression de la redevance, puisque je dépose des amendements en ce sens depuis des années.
Toutefois, monsieur le ministre, lorsque vous évoquiez les trois solutions possibles, vous n’avez pas répondu sur la réalité du coût de la suppression de la redevance.
Pour certains contribuables, supprimer la redevance ou la contractualiser en gardant ces montants dans l’impôt, cela revient exactement au même. La réforme et la suppression de la redevance ne seront effectives qu’au moment où un dimensionnement sera opéré.
Je fais partie de ceux qui pensent qu’à l’heure actuelle, le dimensionnement de l’audiovisuel public est excessif et trop coûteux pour le contribuable. Je ne veux pas d’un débat dans lequel on dit que l’on supprime la redevance, mais que l’on va se rattraper sur la TVA parce que tous défendraient le même système… Nous ne défendons pas tous le même système !
Je l’ai souvent rappelé, il y a plus de chaînes de télévision dans n’importe quelle ville de France que de boulangeries. Actuellement, si l’on considère l’ensemble des médias, on constate que le choix est large. Mais, encore une fois, le dimensionnement de l’audiovisuel public est trop important dans notre pays et coûte trop cher aux Français.
À l’occasion d’un débat sur la réforme, il faudra dire clairement quelles économies seront faites dans ce secteur, car il n’est pas normal que le contribuable paie pour des médias dont le dimensionnement est aussi important et qui ne sont pas aussi performants que ce que l’on peut en attendre.
Nous n’entamerons sans doute pas ce soir le débat sur l’audiovisuel. Mais je vous le dis simplement, la suppression de la redevance que vous annoncez comme un moyen de soutenir le pouvoir d’achat demeure pour l’instant fictive, puisque le financement est assuré pendant la période d’intérim de deux ans. Le soutien au pouvoir d’achat ne sera réel que si vous diminuez la contribution globale du financement de l’audiovisuel public.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Le groupe Union Centriste s’abstiendra sur ces trois amendements, parce qu’il présentera dans quelques instants un amendement visant à donner un cap sur la suppression de la redevance.
Je remercie les ministres d’avoir été très clairs sur leurs intentions. Je pense particulièrement à M. Attal, qui nous a dit que la redevance ne serait pas remplacée par un autre impôt. Cela signifie clairement que, demain, c’est le budget de l’État qui financera l’audiovisuel public, à hauteur de 3,7 milliards d’euros. En votant ce dispositif, nous creusons donc le déficit de l’État de 3,7 milliards ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.) Cette réponse était d’une grande clarté ; merci de l’avoir dit aussi explicitement…
Je suis, moi aussi, très attaché au rapport de nos collègues Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, que j’ai soutenu. J’entends les ministres nous dire depuis quelques jours que ce rapport est très bon… Pourtant, aucune des dix mesures qui y sont préconisées, et que j’ai soutenues, n’est reprise ! Nenni ! Rien ! Zéro ! Pas même la mesure corrélée à la budgétisation qu’est la création d’une commission indépendante pour fixer la trajectoire budgétaire – une mesure forte, que vous prôniez ! Il n’était tout de même pas compliqué, parallèlement à la suppression de la redevance, de mettre en place cette commission, qui n’existe donc pas…
Nous sommes en train ni plus ni moins que de signer un chèque en blanc ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Si nous séparons la dimension du financement de la réforme globale de la vision que nous devons partager sur l’audiovisuel public, la redevance sera supprimée aujourd’hui et, demain, nous n’aurons sans doute pas grand-chose. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Notre collègue David Assouline citait avec raison l’Espagne, qui a supprimé la redevance audiovisuelle en 2010. Je rappelle simplement que le chef du gouvernement de l’époque était M. José Luis Rodríguez Zapatero, un socialiste ! (Et alors ? sur plusieurs travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Sur la question de la TVA, il ne faut pas oublier, monsieur Attal, que vous avez défendu avec beaucoup de conviction un autre modèle de financement, celui de la budgétisation. Et ce sont justement les inspections qui ont pointé un risque d’inconstitutionnalité. L’Assemblée nationale a donc essayé de corriger vos certitudes…
Cela prouve qu’un débat est nécessaire, qu’il y avait des scénarios sur la table et que la mesure relative à la TVA a été proposée dans la précipitation. On pourrait se donner un peu de temps, d’autant que les débats étaient nombreux, intéressants, et que c’est un domaine dans lequel il est possible de construire ensemble la réforme, conformément aux intentions que vous avez exprimées depuis les dernières élections législatives.
Si l’on veut assurer la pérennité, garder un système permettant directement et spécifiquement d’alimenter l’audiovisuel public parce qu’il ne s’agit pas d’une entreprise publique comme les autres. Il faut garantir à ce secteur son indépendance, afin qu’il ne soit pas soumis chaque année à des pressions portant sur les contenus non pas seulement de l’information, mais aussi de la création ?
En posant le problème par le biais du soutien au pouvoir d’achat et en opposant, de façon malsaine, le pouvoir d’achat à l’information indépendante et à la création culturelle, vous n’avez pas rendu service à la culture ! Et, disant cela, je m’adresse notamment à Mme la ministre, qui est chargée de défendre la culture dans ce pays.
Tous les autres pays d’Europe ont réformé le secteur en conservant une redevance audiovisuelle, et ce à un niveau plus élevé que dans notre pays.
Pour revenir sur un argument qui m’a été opposé, je veux dire qu’aujourd’hui, avec l’inflation, l’État perçoit davantage de TVA. Ce que fait le Gouvernement, c’est presque de la spéculation sur l’inflation !
Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Il ne faudrait pas laisser penser que le choix de la suppression de la redevance remettrait en cause l’indépendance, à laquelle nous sommes tous attachés, de l’audiovisuel public.
D’abord, la redevance ne couvre pas aujourd’hui l’ensemble des coûts de l’audiovisuel public : il y a bien, d’ores et déjà, une compensation par des subventions. Il est donc paradoxal de s’opposer à sa suppression au nom de l’indépendance, alors même qu’existe ce modèle de financement qui vient compléter la redevance.
Ensuite, les dix-neuf autorités administratives indépendantes (AAI) et les sept autorités publiques indépendantes (API), soit vingt-six organismes, ne sont pas financées par un mécanisme de redevance.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a aucun rapport d’ordre financier !
M. Julien Bargeton. Et pourtant, qui peut dire que le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ne sont pas indépendants ? Toutes ces autorités sont indépendantes. Or leur indépendance n’est pas assise sur leur mode de financement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle est constitutionnelle !
M. Julien Bargeton. Ce qui assure l’indépendance, c’est la réalité du fonctionnement, du rapport de force que l’on établit et d’une forme de tradition. Il y a des pays où, sans qu’il y ait de règle écrite à cet égard, l’indépendance se construit dans le temps.
Enfin, la création culturelle n’appartient pas seulement à l’audiovisuel public !
On a l’impression à vous entendre, mes chers collègues, que les secteurs ne relevant pas de l’audiovisuel public ne sont pas indépendants. Or les théâtres, le secteur du livre et les autres pans de la politique culturelle ne sont pas financés par un modèle de redevance ! Il suffit de pousser la porte d’un théâtre ou de regarder ce qui se passe ailleurs, notamment en lisant un livre, pour constater que l’indépendance est garantie.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Julien Bargeton. Je voudrais faire un sort à l’idée selon laquelle il y aurait un lien entre mode de financement et indépendance.
Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Soyons francs : c’est un débat pourri. (Sourires.) Je l’avais déjà dit lors de l’annonce par le président-candidat de la suppression de la redevance audiovisuelle, sans nous indiquer ni par quoi elle serait remplacée, ni dans quelles conditions, ni quand aurait lieu la réforme de l’audiovisuel…
Tout d’abord, tout le monde dit depuis des années que la redevance audiovisuelle est condamnée parce qu’elle est mal foutue et injuste. Arrêtons de dire : « Sauvons la redevance ! » Dans tous les groupes, on disait qu’il fallait en finir, qu’elle ne tenait pas la route et qu’il y avait besoin de trouver un autre système…
Le seul vrai problème, c’est qu’il eût fallu commencer – je l’ai dit et redit – par redéfinir les missions et le périmètre du service public de l’audiovisuel. Quand vous parlez d’indépendance, c’est bien là le problème ! C’est à partir de cette réforme de l’audiovisuel que l’on pourra mettre en place l’indépendance.
Pardon de le rappeler, mais le Parlement pouvait baisser le niveau de la redevance audiovisuelle d’un euro, de cinq euros ou de dix euros, et cela s’est même produit une fois dans cette assemblée. Le financement par la redevance ne garantit rien du tout !
La seule réalité qui vaille, c’est un financement, garanti pour le moment, mais avec un contrôle par une commission indépendante.
Si la mission budgétaire dont je souhaitais la création n’a pas été retenue, c’est parce que l’on me disait de faire attention aux gels de crédits, à des éléments budgétaires classiques…
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Roger Karoutchi. On a donc accepté le financement via une part de TVA.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je me suis exprimé lors la discussion générale, et j’écoute attentivement le débat.
À l’évidence, il y a un problème de tempo, et vous savez que cette notion m’est chère ! (Sourires.) Pour certains, cela va trop lentement ; pour d’autres, cela va trop vite.
La réalité est qu’un président de la République souhaitant être réélu propose quelque chose d’absolument populaire : la suppression d’un impôt injuste, éculé, dont plus personne ne veut.
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. Jean-Raymond Hugonet. Et, bien évidemment, la machine s’emballe…
Il s’agit forcément d’un sujet de projet de loi de finances rectificative, puisqu’il faut trouver une solution, comme l’a dit M. le ministre, pour l’année 2022.
Je suis heureux que vous nous ayez rejoints, madame la ministre de la culture, car c’est vous qui êtes maintenant à la baguette. En effet, comme vient de le dire Roger Karoutchi, la seule garantie sera la création d’une commission indépendante,…
M. David Assouline. Ils ne vous la donnent pas !
M. Jean-Raymond Hugonet. … dont il faudra nous parler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, qui sera notre rendez-vous sur cette question. Le débat a commencé et, vous le voyez, nous piaffons !
Nous assisterons peut-être au paradoxe suivant : un président de la République disposant d’une majorité absolue pendant cinq ans et ayant usé trois ministres de la culture sans qu’aucune réforme ait été faite, pourra peut-être, alors qu’il n’a plus désormais qu’une majorité relative, construire une véritable réforme de l’audiovisuel public, notamment s’il écoute le Sénat, qui est spécialiste dans ce domaine. C’est ce que j’appelle de mes vœux.
Vous nous trouverez toujours prêts, madame la ministre, avec mes collègues siégeant sur toutes les travées, à parler avec vous pour parvenir à cette réforme, ainsi qu’à celle de la loi de 1986, laquelle sent le formol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Au bout du bout, il y a aussi dans notre pays un véritable sujet de fléchage de la fiscalité ou des moyens qui doivent être alloués.
On parle d’une perte de repères des citoyens par rapport au politique. Or ce sujet y participe, parce que l’on n’identifie pas aujourd’hui une politique de moyens correspondant à un projet, attendu, en direction du service public. C’est cela, le fond du problème.
Si l’on noie l’approche budgétaire uniquement dans la TVA, comment voulez-vous que le citoyen lambda parvienne à assigner un budget clairement identifié à un projet collectif et de service public ?
Il y a dans la crise sociétale cet élément de dérégulation et de fléchage de l’impôt par rapport à nos concitoyens et aux grandes missions de service public. On pourrait citer d’autres exemples. Mais celui-ci est particulier pour illustrer le débat.
Un autre sujet a été mis en résonance, et M. le rapporteur général l’a particulièrement souligné. Je veux parler de l’impréparation. La position du Gouvernement était assise sur une proposition non stable sur le plan constitutionnel. On se rabat aujourd’hui sur la TVA pour faire passer cette mesure.
La question doit-elle être abordée au moment où l’on souligne l’impréparation de ce projet politique ? Non, je ne le crois pas. Ce n’est pas parce que le Président de la République a fait une promesse de campagne que l’on doit forcément l’inscrire dans le projet de loi de finances rectificative. Nous avons quelques mois devant nous pour regarder si l’on ne peut pas, dans le cadre du projet de loi de finances, partager un projet collectif.
Il faut dégager une trajectoire budgétaire assise sur un projet qui soit véritablement partagé. On ne peut pas le faire aujourd’hui. Il faut donc annuler cette mesure et recommencer les travaux.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je ferai trois remarques.
Premièrement, j’exprimerai l’interrogation et l’inquiétude du nouveau membre de la Haute Assemblée que je suis. Je découvre en effet que l’on peut, au travers d’articles de loi de finances rectificative, examiner des mesures sur l’énergie sans discuter de stratégie énergétique, parler de réforme des conditions de travail et du temps de travail sans avoir de débat au fond ou avec les partenaires sociaux, ou encore aborder le devenir de l’audiovisuel sans mener de discussion sur ce que nous en attendons, s’agissant de son indispensable indépendance et des missions que nous souhaitons lui conférer.
Deuxièmement, je suis très sensible à ce qu’a dit M. Lafon. Dans une période de méfiance généralisée de nos concitoyens et de fake news, il est très important de préserver l’indépendance de l’audiovisuel public. Bien sûr, il existe de nombreux médias, mais – excusez-moi de le dire –, ce ne sont ni CNews ni BFM qui vont faire des enquêtes,…
MM. Philippe Tabarot et Jean-Raymond Hugonet. C’est Élise Lucet ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Breuiller. … effectuer un travail pédagogique ou soutenir la création culturelle, et je le regrette !
J’aimerais beaucoup que nombre de chaînes privées s’attribuent des missions de service public et les mènent avec énergie. Je constate que c’est tout de même le service public qui défend ces missions, parce que nous, parlementaires, les lui avons conférées. Et ces missions, il les assume.
Troisièmement, je souhaite poser une question à M. Attal. À la commission des finances, j’entends depuis des semaines que la dette publique est un problème très sérieux ; je partage ce point de vue. Et j’entends ce soir qu’il est possible de donner du pouvoir d’achat, 138 euros, aux Français et que ce n’est pas grave, car ils ne paieront pas plus de TVA. C’est formidable ! Il y a donc de l’argent invisible ou magique, celui de la dette. Car sans contribution des citoyens, c’est bien par la dette que l’on financera ces 3 milliards d’euros.
Mme le président. Mon cher collègue, il faut conclure.
M. Daniel Breuiller. La dette est-elle gratuite ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très intéressant !
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Roger Karoutchi a parlé d’un débat « pourri » ; je dirais plutôt qu’il est faussé. L’enjeu de notre débat devrait être de définir les missions et le périmètre de l’audiovisuel public face au marché du privé. Voilà la véritable question ! C’est celle-là que l’on est en train de traiter de manière faussée.
Mes chers collègues, pardonnez-moi, mais je doute de la sincérité de votre attachement à protéger le pouvoir d’achat des Français. La redevance, c’est 38 centimes par jour en métropole et 24 centimes en outre-mer. On n’augmente pas le SMIC, on n’arrive pas à faire adopter des amendements pour prendre quelques miettes des dividendes réalisés par les entreprises, etc. Et il ne faudrait pas douter de la sincérité du propos ?
À titre personnel – je ne veux pas engager mon groupe –, je pense que la redevance devait être modifiée. Mais il y avait tout de même un élément intéressant : les Françaises et les Français paient cette redevance en échange d’un service public qu’ils connaissent. Ce n’est tout de même pas mal, non ?
En demandant la suppression de la redevance, il était possible d’ouvrir un espace de construction dans lequel un comité indépendant aurait pu définir une trajectoire budgétaire autre que celle qui est proposée aujourd’hui.
Monsieur le ministre, Pierre Ouzoulias n’a pas parlé de l’augmentation du volume de la TVA ; il a dit que la TVA était l’impôt le plus injuste. Des gens qui sont aujourd’hui exonérés des 38 centimes par jour, ou 24 centimes en outre-mer, vont payer la TVA, et elle va peser lourdement parce qu’ils sont pauvres et modestes.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Encore une fois, le problème, ce n’est pas l’augmentation du volume de la TVA ; c’est le fait que ces personnes vont payer une part de TVA qui sera consacrée à l’audiovisuel.
Mme le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch, pour explication de vote.
M. Teva Rohfritsch. Après avoir écouté avec beaucoup d’attention le débat, je crois que le tort de cette mesure, c’est qu’Emmanuel Macron y ait pensé pendant la campagne… Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce qu’il y a urgence : il y a le feu sur le pouvoir d’achat des Français. M. Macron a cinq ans pour appliquer son programme.
Nous choisissons aujourd’hui de déduire 138 euros des charges qui pèsent actuellement sur les Français. Et que faisons-nous ? Nous substituons à une recette en baisse, qui est contestée depuis plusieurs années, une recette dynamique et forte, et ce durant le temps de la réforme. Car personne n’a affirmé dans cet hémicycle qu’il n’y aurait pas de réforme !
Nous proposons aussi d’aller plus vite et d’augmenter, dès cet exercice, le pouvoir d’achat des Français, à un moment où ils en ont le plus besoin, en substituant à un impôt injuste et éculé, pour reprendre une formule qui a été employée, une prise en charge par la TVA.
M. Pascal Savoldelli. Cela ne tient pas !
M. Teva Rohfritsch. Ne mélangeons pas les sujets ! Il ne s’agit pas de faire ce soir la réforme de l’audiovisuel public ; elle sera discutée en son temps au Parlement. Nous pourrons revoir la question du financement lors de l’examen du projet de loi de finances. La raison doit donc revenir dans ce débat. (M. François Patriat applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Tout à l’heure, on nous disait que c’était la « fin des 35 heures » ; maintenant, ce serait la « fin de l’audiovisuel public » ! (Eh oui ! sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la droite !
M. Olivier Cadic. C’est légèrement caricatural, pour ne pas dire qu’il s’agit de fake news ! Mais c’est votre approche…
Comme mon collègue Philippe Dominati, je me réjouis de la suppression de cette taxe.
M. David Assouline. Les libéraux se lâchent !
M. Olivier Cadic. À titre personnel, je ne la regretterai pas. Je voterai donc évidemment contre ces amendements.
Lors d’un dîner de famille, j’ai demandé aux participants ce qu’ils pensaient de la redevance. Ils étaient bien contents qu’elle soit supprimée parce qu’il n’y avait plus que les vieux qui la payaient. C’est vrai que les jeunes ne la paient pas. Pour ma fille, qui vit en colocation, avoir un téléviseur, c’est complètement anachronique ! Aujourd’hui, les jeunes paient non pas la taxe, mais leur abonnement à Netflix.
Je remercie le Président de la République d’avoir proposé une telle suppression. C’était un engagement de campagne ; il l’applique. Cela semble naturel. Voilà une taxe que les Français ne regretteront pas !
M. David Assouline. Les Anglais la paient !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Le débat est, me semble-t-il, mûr. Depuis plusieurs années, après le rapport, qui fait désormais référence, des sénateurs Gattolin et Leleux de 2015, la question est posée et reposée, étudiée en commission, travaillée. Encore récemment, nous avons publié le rapport que nous avions commandé à l’IGAC et à l’IGF. Toutes les options étaient mises sur la table ; toutes les hypothèses ont été étudiées et décortiquées.
Nous avons nous-mêmes évolué. Notre position initiale figurait dans le texte proposé par le Gouvernement, qui prévoyait plusieurs garanties pour la fraction de TVA sur la TVA déjà collectée. C’était l’une des hypothèses analysées par le rapport des inspections. Je ne sais pas si le débat est aussi mûr que le bon pain des boulangeries, mais nous sommes prêts. Je ne vois pas pourquoi il faudrait tergiverser encore ou prendre une année de plus.
Nous avons là une conjonction de facteurs : une urgence sur la question du pouvoir d’achat des Français et un débat qui, depuis 2015, si ce n’est avant, a eu le temps d’arriver à maturité. L’indépendance est déjà garantie par l’Arcom, dont vous avez, avec les députés, renforcé les prérogatives. Vous avez d’ailleurs vous-même des pouvoirs de contrôle et un rôle de vigie sur les discussions relatives aux contrats d’objectifs et de moyens.
J’ajoute que nous proposons de prolonger ces contrats afin de nous donner une année supplémentaire de débats sur la feuille de route et la stratégie de l’audiovisuel, en s’inspirant également des rapports récents dont nous devons discuter avec les sociétés d’audiovisuel.
Nous vous proposons donc encore plus de dialogue, d’écoute et de temps pour définir la stratégie et les ambitions que j’ai précédemment rapidement résumées et qui doivent s’articuler autour de quelques enjeux qui me semblent importants : la jeunesse, la création, la culture, la proximité, la fiabilité et le pluralisme de l’information. Sur ces points que j’ai cités, des pistes de synergies encore plus fortes doivent être trouvées. Le rapport des sénateurs Karoutchi et Hugonet allait dans le même sens, puisqu’ils ont abordé une grande partie des champs que je viens d’évoquer pour renforcer les synergies entre Radio France et France Télévisions.
Nous aurons ces débats dans le cadre des discussions sur les contrats d’objectifs et de moyens et sur le projet de loi de finances. Nous les aurons aussi en commission. Je propose également de réunir tous ceux qui le souhaitent en septembre au ministère pour évoquer ces questions aussi longtemps que vous le désirerez.
M. David Assouline. Pourquoi pas des états généraux ?
Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Merci de me le rappeler, monsieur Assouline !
Se tiendront aussi les États généraux du droit à l’information que le Président de la République a annoncés pendant la campagne et dont le ministère de la culture facilitera le déploiement à partir de fin novembre 2022 jusqu’à fin mars 2023. Nous aurons donc ce temps de débat national très large et concerté avec l’ensemble des organisations : associations – je pense à Reporters sans frontières –, sociétés de l’audiovisuel, presse, notamment la presse quotidienne régionale, etc.
Le débat sur les enjeux, l’avenir, le périmètre de l’audiovisuel public va donc continuer. La question du remplacement de la redevance par un autre canal de financement a été largement travaillée. Nous sommes prêts.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 147 rectifié, 237 et 377.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)