M. le président. La parole est à M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Grosperrin, vous m’aviez déjà interrogé devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et je veux bien répondre de nouveau, mais il est difficile de développer une réflexion en deux minutes, ce qui est toujours préférable aux citations approximatives que j’ai vues circuler ici et là.
J’ai déjà dit que j’étais moi-même un enfant de la République et que je devais à peu près tout à l’école publique. À cet égard, je lui demeure profondément reconnaissant.
Je suis aussi de ceux qui estiment que la lutte contre les différentes formes de discrimination, contre le racisme, contre l’antisémitisme et la haine anti-LGBT n’affaiblit pas la République, mais la renforce. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST et SER. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et Nassimah Dindar applaudissent également.)
C’est une manière d’exprimer concrètement notre attachement aux valeurs qui sont les nôtres, celles de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.
M. Jean-Raymond Hugonet. La laïcité n’est pas une « valeur » !
M. Pap Ndiaye, ministre. Je tiens à la laïcité et la loi de 2004 est et sera respectée fermement et avec transparence.
J’ai aussi dit mon attachement à une République fidèle à ses valeurs, celles des droits humains, et qui, non contente d’inscrire ses principes au frontispice de ses bâtiments, les met en œuvre. (Mme Esther Benbassa applaudit.) En tant que ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, je ne suis pas simplement attaché à la lettre, mais aussi à la mise en œuvre concrète des politiques de cohésion sociale, de réussite pour tous les élèves et d’égalité des chances.
M. Max Brisson. Des actes !
M. Pap Ndiaye, ministre. Monsieur le sénateur, ne voyez ici point de « wokisme de salon », mais mon seul attachement, en tant que citoyen, en tant que ministre, aux valeurs universelles de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre, nous sommes tous ici des enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous n’avez pas répondu sur votre vision de l’école. Or les Français attendent encore de la connaître. Vous n’aviez sans doute pas le temps de la développer en quelques minutes, mais cela fait déjà quelques mois que vous avez été choisi par le Président de la République.
Vos mots ne répondent ni à l’effondrement des connaissances et à la crise de la transmission ni aux immenses défis posés à l’école. Monsieur le ministre, apportez à votre ministère, apportez aux Français la sérénité dont nous avons tous besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
facilitation de l’installation des médecins non communautaires
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Madame la ministre, nombreux sont les maires confrontés au fléau des déserts médicaux. Or la transformation du numerus clausus en numerus apertus n’est pas près de produire ses effets.
Face à cette situation, les maires cherchent désespérément des médecins français ou européens pour leurs administrés. Mais devant les échecs à répétition, ils se mettent finalement en quête de médecins hors Union européenne, quand ils ne sont pas sollicités par ces mêmes médecins.
Ceux d’entre eux qui ont des pistes pour faire venir un médecin étranger francophone abandonnent souvent leurs démarches, lassés des difficultés administratives. C’est à se demander si tout n’est pas fait pour décourager la venue de ces médecins en asphyxiant les maires par des démarches complexes, dont ils n’arrivent souvent pas à voir l’issue.
Pour ne pas paraître autocentré sur mon département, bien qu’il soit tout autant concerné, je vais prendre l’exemple de la commune de Latour-de-France, dans les Pyrénées-Orientales – mes collègues Jean Sol et François Calvet connaissent très certainement cette histoire.
Cette ville n’a plus de médecin généraliste depuis le 22 octobre 2021, situation devenue malheureusement banale dans nos territoires ruraux. Le maire a réussi à trouver un médecin pour sa commune, mais celui-ci est Libanais et exerce actuellement à Beyrouth. Le docteur en question, qui a trente ans d’expérience et qui a effectué une partie de ses études à Lyon, est prêt à quitter le Liban pour s’installer à Latour-de-France. Seulement, depuis le début de l’année, le ministère de la santé bloque son dossier, laissant le maire dans l’incompréhension. Cet exemple n’est, hélas, pas isolé et c’est bien l’ensemble de nos territoires ruraux qui sont confrontés à ces difficultés.
Compte tenu de la tension qui règne en France en matière d’accès aux soins, ne devrions-nous pas songer à favoriser l’implantation de ces médecins non communautaires, en facilitant, de façon dérogatoire, les procédures administratives ? Cela permettrait d’apporter une réponse, même partielle, à la crise des déserts médicaux.
Pourquoi, par exemple, ne pas organiser cinq à dix concours d’évaluation des connaissances et compétences par an, au lieu de un à deux actuellement ?
Répondre à la pénurie de médecins passera forcément par de multiples dispositifs. Celui-ci en est un parmi tant d’autres. Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que compte faire le Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Levi, la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite OTSS, a posé les bases d’un nouveau dispositif de reconnaissance des praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue).
La première procédure, dite du « stock », concerne les praticiens qui exerçaient dans nos établissements de santé avant 2019, et parfois depuis très longtemps. Il s’agit d’une procédure de régularisation pour s’assurer de leur compétence.
La seconde procédure concerne le « flux », c’est-à-dire les praticiens souhaitant venir depuis 2019. Elle consiste en une épreuve de vérification des connaissances, avec un parcours de consolidation de la pratique.
La crise sanitaire a malheureusement empêché l’organisation des commissions d’autorisation en raison de la forte mobilisation des membres des jurys, qui sont des professionnels de santé, et des candidats eux-mêmes, dans les établissements de santé, ce dont on ne peut que se féliciter.
Le 1er octobre dernier, 2 400 dossiers restaient à traiter selon la procédure stock. À la demande du Gouvernement, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et le centre national de gestion (CNG), que je remercie, se sont engagés à renforcer les effectifs afin de traiter le plus grand nombre de dossiers avant la date butoir du 31 décembre 2022 posée dans la loi OTSS.
Malheureusement, nous savons que ces 2 400 dossiers ne pourront être traités, raison pour laquelle le Gouvernement a déposé, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement visant à prolonger jusqu’au 31 mars 2023 la gestion de ce stock.
En ce qui concerne la procédure du flux, nous serons vigilants. La première session a eu lieu en 2022. Les retours d’expérience nous permettront, en lien avec les ARS, le CNOM, le CNG et le syndicat des Padhue, de répondre à cette gestion du flux, qu’il nous faut améliorer. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
cumul électoral de certains membres du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Un brin de cohérence et de bon sens n’a jamais nui, encore moins à un gouvernement.
Alors que la défiance populaire envers la parole publique atteint des sommets, mieux vaut une République exemplaire. Permettez-moi donc de m’interroger sur une contradiction de votre gouvernance : une règle, certes informelle, mais inlassablement répétée depuis vingt-cinq ans, veut qu’un ministre abandonne ses mandats exécutifs locaux pour se consacrer entièrement à sa mission gouvernementale.
L’immense majorité des membres de votre gouvernement s’est pliée à cette règle, rejoignant ainsi les parlementaires, dont le non-cumul ne fait pas l’objet d’une règle informelle, mais d’une loi que le précédent gouvernement, auquel vous apparteniez, a refusé d’assouplir.
Toutefois, il reste quelques récalcitrants : maires, présidents d’assemblées ultramarines, présidents d’agglomération et même, dans le cas du ministre des armées, président d’un département.
Y aurait-il donc des ministres privilégiés, de fortes têtes capricieuses, un problème d’autorité de votre part ? Madame la Première ministre, comptez-vous enfin faire appliquer la règle que le chef de l’État lui-même avait rappelée en 2017 ? Allez-vous demander aux ministres concernés de démissionner de leurs mandats locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer. (Exclamations amusées.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Les braconniers étant les meilleurs gardes-chasses, Mme la Première ministre m’a demandé de répondre à votre question, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, je veux vous dire, au nom du Gouvernement et de Mme la Première ministre, que les règles seront respectées. Plusieurs ministres ont déjà démissionné de leurs fonctions exécutives. Ils disposent de quelques semaines, conformément au vœu de Mme la Première ministre, pour convoquer leur assemblée délibérante, afin de démissionner de leur mandat exécutif, tout en restant, bien évidemment, conseiller municipal, conseiller départemental ou conseiller régional.
J’espère que vous ne blâmez pas le Gouvernement, auquel vous reprochez parfois d’être un peu distant du terrain, de comporter des élus. Il ne faudrait pas non plus que cela devienne une tare ! Vérité ici, mensonge au-delà.
Monsieur le sénateur, j’ai compris que votre question comportait également un volet départemental. Je pense à un ministre de votre département, avec lequel vous avez partagé un moment de sympathie lors du congrès de l’Union des maires de l’Oise qui s’est tenu samedi dernier.
Je vous le rappelle, la règle que je viens d’évoquer est informelle et a toujours connu des exceptions. M. Jean-Yves Le Drian a été ministre de la défense tout en assurant la présidence de la région Bretagne. Il me semble également que M. Sarkozy a été très longuement ministre de l’intérieur, tout en étant maire de Neuilly-sur-Seine, puis président du conseil départemental des Hauts-de-Seine. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quant à M. François Baroin, il a longtemps été maire de Troyes, alors même qu’il était ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Paccaud a évoqué une règle que les moins de 25 ans ne peuvent pas connaître ! Mais nous avons le même compagnonnage, et il a oublié un certain nombre de dispositions qui lui déplaisent. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Madame la Première ministre, je félicite le « bon élève », l’ancien maire de Tourcoing, d’avoir répondu. Nous en avons pris note, les ministres rebelles démissionneront bientôt.
Res non verba ! Nous voulons non pas des paroles, mais des actes, comme le méritent nos concitoyens et nos territoires. La question de l’autorité et de l’exemplarité est la clé du problème. Comment voulez-vous, madame la Première ministre, être « obéie » des Français, alors qu’un ministre bafoue effrontément la règle ? Quel comble de voir l’armée, où le sens de la hiérarchie et la discipline sont des valeurs cardinales, dirigée par un ministre rebelle à la règle commune ! L’exemplarité ne se proclame pas, elle se pratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
soutien diplomatique de la france à l’ukraine
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Face à l’internationalisation du conflit en Ukraine et à sa dramatique densification, quelles sont les initiatives, les actions, que compte mener la France ? Allons-nous continuer à rechercher une issue diplomatique ? Allons-nous décider d’augmenter notre contribution humanitaire, financière ou militaire ? Cela en prend le chemin, puisque la France vient d’annoncer qu’elle renforçait sa présence militaire en Roumanie dans le cadre de l’Otan. Allons-nous tenter de peser sur le G7 ? Mais que peut décider le G7, réuni en urgence, sinon réitérer un affichage de solidarité ? Allons-nous faire la promotion de nouvelles sanctions ?
Je partage les mots du Président de la République : nous assistons à un changement profond de la nature de cette guerre, dans la mesure où le Bélarus s’apprête à véritablement devenir la base armée et le fer de lance de la politique russe dans la gradation du conflit.
« Ils seraient bien avisés de ne pas entrer dans la guerre. » Ce sont vos propres mots, madame la ministre. Minsk, ce n’est pas seulement le nom d’accords qui n’ont pas abouti, c’est surtout la capitale d’un pays martyr, dans l’angle mort de nos actualités, alors que s’y joue la vie de plusieurs centaines de prisonniers politiques, dont je veux faire résonner le nom et saluer le courage.
Madame la ministre, à l’aune d’un conflit qui nous concerne tous, à l’échelle internationale, comment apprécier le fléchissement de la politique du Bélarus ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Muriel Jourda, vous avez raison, depuis lundi, la Russie a lancé une série de frappes sur le territoire ukrainien, qui visent principalement les infrastructures civiles et qui ont sans doute pour objectif d’atteindre le moral de la population ukrainienne.
La France l’a réaffirmé, son soutien à l’Ukraine se poursuivra et s’intensifiera. Nous aidons l’Ukraine dans sa résistance militaire, mais aussi dans sa résilience civile, sa capacité à tenir, notamment à l’approche de l’hiver. Notre soutien concerne tous les domaines, qu’ils soient économique, à hauteur de 2 milliards d’euros, humanitaire, à hauteur de 200 millions d’euros, militaire – de nouvelles décisions ont été annoncées par le ministre des armées –, mais aussi politique et diplomatique, car il y a un agresseur et un agressé.
Hier, les dirigeants du G7 ont condamné les dernières attaques russes, qu’ils ont qualifiées de crimes de guerre. Ils ont déclaré que leurs responsables devront rendre des comptes. Ce soir même ou dans la nuit, l’Assemblée générale des Nations unies se prononcera sans ambiguïté sur l’annexion illégale du territoire ukrainien par la Russie, ce qui montrera une fois de plus l’isolement de cette dernière.
J’ai répondu indirectement, madame la sénatrice, à votre question sur le Bélarus, lequel, en effet, ne doit pas s’engager davantage dans son soutien à l’opération illégale menée par la Russie.
En outre, je le rappelle, l’Union européenne a mobilisé déjà plus de 9 milliards d’euros. Elle a porté la Facilité européenne pour la paix à 2,5 milliards d’euros et a adopté huit séries de sanctions, pour peser sur l’effort de guerre russe. Je vous le dis, il y aura, si nécessaire, d’autres sanctions.
Ce soutien s’inscrira dans la durée, pour que l’Ukraine retrouve sa souveraineté. Après le Président de la République et la Première ministre, je vous le redis, madame la sénatrice, nous serons aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, n’oublions pas qu’il faut absolument stopper cette guerre, en sortant du conflit. Et n’oublions pas de retrouver des perspectives de paix, en poursuivant le dialogue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
scolarité des enfants en situation de handicap
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, l’inclusion des élèves en situation de handicap à l’école est une priorité. C’est aussi un défi pour lequel nous sommes tous mobilisés depuis la loi de 2005.
Pourtant, cette rentrée scolaire ne s’est pas déroulée, pour beaucoup de ces enfants, comme toutes les autres.
En effet, depuis septembre, à la suite d’une décision de justice sollicitée et obtenue par votre prédécesseur, l’État s’est désengagé du suivi et de la prise en charge de ces enfants à besoins particuliers sur le temps périscolaire et celui de la cantine.
S’il s’agit, une fois encore, d’un transfert de charges de l’État vers les collectivités, sans compensation, la question financière n’est pas, de très loin, le problème principal.
Le plus important est le transfert de responsabilité et l’étrange vision selon laquelle le suivi d’un enfant ne serait plus centré ni sur cet enfant ni sur ses besoins, mais sur le temps pendant lequel il est exercé, à savoir le temps scolaire ou périscolaire.
Monsieur le ministre, probablement faudra-t-il revoir en profondeur la politique d’inclusion des enfants et adolescents en situation de handicap, dont le nombre a plus que quadruplé en vingt ans, pour atteindre 430 000 enfants à cette rentrée, soit environ 3,5 % des effectifs totaux, soit un élève en moyenne par classe !
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous engager à mettre en place des conventions de mise à disposition d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps de midi, signées entre votre ministère et les maires, ce qui favoriserait leur recrutement et leur formation et permettrait un suivi de qualité des enfants concernés ?
Le Conseil d’État recommande cette solution, la loi la permet, les maires de France la réclament, Jean-Michel Blanquer l’avait promise ! Pourtant, votre administration refuse de la mettre en place ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. Cédric Vial. De fait, depuis la rentrée, des enfants ne sont pas accompagnés, les familles sont inquiètes, les équipes éducatives sont déstabilisées.
Monsieur le ministre, le plus grand handicap, c’est d’être absents là où notre présence est utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Cédric Vial, vous avez raison, l’école inclusive est l’une des grandes réussites du système scolaire, avec l’inclusion de plus de 430 000 élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire, avec une augmentation de plus de 25 % depuis 2017.
Pour les accueillir, nous avons notamment recruté un grand nombre d’AESH – ils sont désormais au nombre de 130 000 –, avec un rythme de recrutement de 4 000 personnes par an. Ils seront donc 4 000 de plus l’année prochaine, si vous approuvez le projet de loi de finances pour 2023.
Nous avons des difficultés en la matière, liées notamment au fait que les notifications par les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, peuvent survenir très tard, jusqu’à la dernière minute avant la rentrée. Nous devons donc en quelque sorte courir derrière une marée de notifications, ce qui crée des difficultés pour les familles et les élèves, je le reconnais volontiers.
Vous faites allusion à une question particulière, qui est celle de la pause méridienne. Vous avez eu raison de mentionner l’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020, qui nous enjoint de rémunérer les AESH sur le temps scolaire et non pas sur le temps périscolaire.
La solution permettant d’assurer la continuité est complexe d’un point de vue juridique. Si elle n’a pas encore été trouvée, cela ne relève en aucune manière d’une mauvaise volonté de la part de nos services. (M. Fabien Genet s’exclame.)
Nous reconnaissons bien évidemment l’intérêt qu’il y a à maintenir la continuité, particulièrement pour certains types de handicaps. Je pense ici aux enfants en situation autistique, qui représentent 11 % des enfants en situation de handicap et ont besoin de continuité.
Je m’engage donc, monsieur le sénateur, à ce que les services juridiques concernés, en collaboration avec les collectivités, trouvent la solution adéquate. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes sur le point d’y arriver, de manière à assurer la meilleure solution pour les enfants en situation de handicap.
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Monsieur le ministre, la France connaît aujourd’hui des grèves. Parmi les grévistes figurent les aiguilleurs du rail, notamment ceux des Hauts-de-France. Les aiguilleurs du rail d’Occitanie les ont précédés au printemps. Leur doléance est simple : ils réclament des embauches parce que notre système est totalement obsolète. Il faut encore des personnes physiques pour assurer l’aiguillage des trains.
Sur ce sujet de modernisation du rail, nous avons quarante ans de retard. Moderniser notre rail, c’est mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation, à commencer par le Système européen de gestion du trafic ferroviaire. C’est aussi regrouper la gestion des 2 200 aiguillages dans seize postes de commande centralisés du réseau digitalisé. C’est enfin numériser le système de gestion de transport.
Pour combler cette lacune, un énorme effort d’investissement doit être consenti aujourd’hui.
Aujourd’hui correspond au pire moment, puisque la flambée du coût de l’électricité plombe les dépenses de fonctionnement des autorités organisatrices de transports. À titre d’exemple, en Île-de-France, ce surcoût représente 950 millions d’euros pour boucler le budget de 2023.
L’essentiel de cette somme n’étant pas financé, le spectre récemment agité d’un passe Navigo augmenté à 100 euros inquiète. Je le dis ici, car je sais que nous partageons tous ce point de vue, il n’est évidemment pas question de pénaliser davantage les usagers.
Dans ces conditions, il est légitime de craindre un effet de vases communicants entre les choix d’investissement et de fonctionnement, ces derniers phagocytant les premiers.
Ce faisant, il s’agit également d’une remise en cause de notre chemin vers la neutralité carbone, car le report modal sur le train est un axe clé de la stratégie gouvernementale.
Aussi, monsieur le ministre, avez-vous identifié une telle menace et comment comptez-vous y répondre d’un point de vue budgétaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Daphné Ract-Madoux, vous avez raison de souligner ces deux points, qui sont extrêmement importants et que je veux néanmoins bien distinguer, même si vous avez noté les effets de contagion ou de « vases communicants », pour reprendre vos propres termes.
Ces derniers n’existent pas, j’insiste sur ce point, pour ce qui concerne le réseau. Nous avons rappelé, depuis la formation du Gouvernement, sous l’autorité de Mme la Première ministre, l’importance de notre investissement pour la modernisation et la régénération du réseau.
Ce point est en effet essentiel, car il est vrai que la France, en la matière, a un réseau en moyenne plus vieux que celui des grands pays européens qui nous entourent. C’est la raison pour laquelle, depuis maintenant plusieurs années, nous effectuons un effort budgétaire extrêmement important à cet égard. En effet, voilà cinq ans, l’investissement dans le réseau ferroviaire représentait 2,5 milliards d’euros par an. Or, dans le nouveau contrat de performance, nous sommes désormais à 2,9 milliards d’euros par an sur dix ans.
Faut-il accélérer et aller plus loin ? Nous examinerons la question, dans le cadre des travaux du Comité d’orientation des infrastructures. Quoi qu’il en soit, la priorité est très claire.
Ce point doit être bien distingué de l’offre de transport et du fonctionnement, affecté, dans certains cas, par les coûts de l’énergie.
Parce que le sujet est grave et important, nous devons être très clairs vis-à-vis de nos concitoyens sur les responsabilités, pour ne pas être dans un jeu de postures. Qui est responsable de l’organisation des transports dans la région Île-de-France, comme dans les autres régions ? C’est Île-de-France mobilité, c’est-à-dire la région elle-même. Celle-ci a-t-elle été soutenue par l’État ces dernières années ? Oui, plus qu’aucune autre en France, à hauteur de 2 milliards d’euros de subventions et d’avances remboursables ! C’était sans doute légitime et indispensable, je ne le conteste pas. Il s’agit simplement de le rappeler, dans la mesure où cet aspect a été parfois oublié lors du débat public de ces derniers jours.
Très concrètement, le prix du passe Navigo ne dépend pas de l’État, contrairement à ce qui peut parfois être dit. Chacun doit assumer ses responsabilités. Quoi qu’il en soit, je l’ai dit à la présidente de la région, Valérie Pécresse, je ne jouerai aucun jeu de renvoi de la responsabilité. Il est en effet de notre responsabilité commune de faire fonctionner, dans les semaines et mois qui viennent, pour les jeux Olympiques et Paralympiques, et bien au-delà, nos réseaux franciliens. Nous aurons un contrat de plan État-région ; nous investirons ; et l’État sera encore au rendez-vous, dans la clarté.