M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 182, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 185 à 191

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 182 est retiré.

L’amendement n° 134, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 187 et 188

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

La police municipale est chargée de la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire. Le conseil municipal peut cependant autoriser le maire à signer avec l’État une convention de partenariat dont la durée ne peut excéder celle de son mandat. Cette convention qui précisera le cadre de cette coopération.

II. – Alinéa 190

Après les mots :

partenariats avec les polices municipales

insérer les mots :

dans le cadre d’une convention de partenariat mentionnée à l’alinéa précédent et préalablement signée entre l’État et la collectivité locale

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. C’est à mon collègue Daniel Breuiller que revient l’initiative de cet amendement.

La mission première de la police municipale est de mettre en œuvre les pouvoirs de police du maire. La présence de la police municipale ne doit pas être prétexte pour l’État à se désengager de ses missions régaliennes, y compris la police de proximité.

Toutefois, dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, l’assemblée délibérante peut autoriser le maire à signer avec l’État, pour une durée n’excédant pas celle du mandat de cette assemblée, une convention de partenariat entre la police municipale et la police nationale.

M. le président. L’amendement n° 184, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 190, première phrase

Supprimer les mots :

, la sécurité privée

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. La montée en puissance de la sécurité privée dissimule la marchandisation de la sécurité publique et la délégation des missions de service public à des entreprises qui ont pour unique finalité la recherche de la rente. Il y a là un manque de cohérence des politiques publiques, que nous avions déjà dénoncé, en 2021, lors de l’examen de la proposition de loi dite pour une sécurité globale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je veux bien que l’on en discute in aeternum, mais ces débats ont déjà eu lieu dans cet hémicycle, lors de l’examen de la proposition de loi Sécurité globale, et ont été tranchés. Le continuum de sécurité a été précisé ; les relations avec les collectivités locales, d’une part, et le cadre d’intervention de la sécurité privée, d’autre part, ont été codifiés.

Vos propositions sont superfétatoires, mes chers collègues, parce que tout figure déjà dans la loi. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Superfétatoire, notre amendement l’est peut-être pour M. le rapporteur, mais pas pour nous.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est peut-être un détail pour lui, mais pour vous ça veut dire beaucoup… (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Cette discussion est l’occasion pour nous de rappeler que nous étions fortement opposés à la loi dite pour une sécurité globale. Nous le soulignerons de nouveau en présentant d’autres amendements, en écho à diverses propositions de loi déposées par nos soins et qui, dans un passé récent, ont été examinées et rejetées par le Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 134.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 184.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 198, après la troisième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Au sein de cette académie, des heures de cours dispensées par des chercheurs en criminologie, en sociologie et dans toutes les branches des sciences humaines et sociales intéressées par les questions de sécurité seront prévues pour les futurs policiers.

II. – Après l’alinéa 198

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Si les travaux de recherche menés peuvent servir à améliorer l’action du ministère, ceux-ci doivent en revanche être menés en toute indépendance, dans le respect des libertés académiques, et pas uniquement au service d’une politique de résultat. Par ailleurs et dans un esprit de réciprocité, c’est également le ministère de l’Intérieur qui doit se mettre au service du monde de la recherche en mettant à sa disposition tous les éléments, documents et données dont les chercheurs auront besoin pour mener à bien les travaux de leur choix. Ce qu’il faut ici bâtir c’est une relation de confiance, basée sur la sincérité et mutuellement profitable.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Dans le rapport annexé, le lien avec le monde de la recherche est très souvent mentionné. Si le ministère vante ici une volonté d’ouverture de sa part qui ne peut être que saluée, il nous faut aussi nous assurer de la réalité de cette intention.

En effet, en lisant entre les lignes, on s’aperçoit que cette politique d’ouverture est souvent mise au service d’une autre politique, celle du résultat, la première étant censée donner à la seconde une justification académique. Or cela ne peut ni ne doit être la base d’une relation saine et constructive entre ces deux mondes.

Nous rappelons ainsi que le monde de la recherche ne saurait être au service du ministère, et ce en vertu d’un principe, celui des libertés académiques, principe fondamental reconnu par les lois de la République rappelé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.

Si les travaux de recherche peuvent enrichir l’action du ministère, c’est aussi et avant tout le ministère qui doit s’ouvrir et permettre aux chercheurs de s’intéresser aux sujets de leur choix parmi ceux de son domaine d’action, en leur fournissant tous les documents nécessaires à la réalisation de leurs travaux.

Nous considérons aussi que cette ouverture doit se faire jusqu’au cœur des institutions. C’est pourquoi nous vous proposons qu’au sein de la future académie de police prévue dans le rapport des heures de cours soient dispensées aux policiers en formation par des chercheurs en sociologie ou en toute autre branche des sciences humaines et sociales ayant rapport avec les questions de sécurité.

L’ouverture au monde de la recherche est salutaire, mais les conditions dans lesquelles celle-ci s’opère doivent être précisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il vaut mieux se répéter que se contredire, j’en donne acte à Mme Assassi et à MM. Dossus et Benarroche.

Cet amendement vise à préciser le contenu des cours de l’académie de police. M. le ministre va vous en dire davantage, mais plaider pour l’ouverture des données par le ministère et rappeler le principe de la liberté de la recherche, c’est, sinon superfétatoire, du moins superflu !

Le rapport annexé n’a pas vocation à aller à l’encontre des grands principes qui régissent la recherche et la politique de l’État est déjà une politique d’ouverture des données, sous réserve qu’il ne s’agisse pas de données sensibles. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je réponds à l’invitation de M. le rapporteur.

Il est prévu qu’une formation dite continue, à bien distinguer de la formation initiale, soit ouverte à l’ensemble des policiers, quel que soit leur grade, y compris les personnels administratifs, grâce à cette académie de police implantée dans l’agglomération de Montpellier.

Je rappelle que, dans cette académie, interviendront non seulement des policiers et des gendarmes, pour faire passer des épreuves sportives ou former au tir ou à la déontologie, mais aussi des magistrats, des chercheurs, des associations. Ce sont d’ailleurs des associations qui assurent désormais, par exemple, les formations obligatoires organisées sur les violences intrafamiliales. Le ministre ou son cabinet n’interviennent pas dans le contenu de la formation et des cours. Et les sujets d’examen – je pense notamment au « bloc OPJ » que l’on passe pour devenir officier de police judiciaire – sont rédigés et corrigés par des magistrats, et non par des fonctionnaires du ministère de l’intérieur.

Il n’y a donc aucune question à se poser sur l’influence du ministère sur les cours dispensés dans cette académie de police.

Par ailleurs, merci de l’avoir souligné, monsieur le sénateur – il ne faut pas voir le mal en tout –, pour la première fois, nous ouvrons le ministère de l’intérieur au monde de la recherche, et c’est une excellente chose. Ce n’est pas nous qui allons sélectionner les chercheurs ; mais permettez-moi de vous dire que ce n’est pas vous non plus…

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 148, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 212 à 214

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Avec vous, monsieur le ministre, dès qu’il est question de sécurité dans un projet de loi, immanquablement la question des drones fait son retour, qu’il s’agisse de la loi Sécurité globale ou de textes plus récents. Peu importent les rappels du Conseil constitutionnel quant au nécessaire encadrement des technologies intrusives : le Gouvernement ne manque pas de revenir à la charge de manière purement dogmatique.

En l’espèce, il est question non pas du principe d’utilisation, mais du plan d’achat. Il est prévu qu’un programme d’acquisition soit lancé pour des appareils qui serviront entre autres au recueil de renseignement dans le cadre de manifestations ainsi qu’à la surveillance des frontières.

Nous nous opposons très fortement à l’usage desdits appareils dans ces conditions, qui n’offrent aucune garantie en matière de respect de la vie privée et des libertés publiques. En l’absence de telles garanties, il est hors de question de cautionner ces plans d’achat. C’est pourquoi nous proposons la suppression pure et simple de ces alinéas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cent fois sur le métier nous remettons notre ouvrage… Nous avons eu ce débat en examinant la proposition de loi Sécurité globale, et de nouveau dans un autre texte. Loïc Hervé, ici présent, a passé énormément de temps à faire en sorte que l’utilisation des drones, qui ne l’était pas, soit encadrée conformément aux exigences du Conseil constitutionnel.

Le mode d’emploi des drones figure donc actuellement dans notre droit. Et il est tout à fait légitime que M. le ministre, dans son plan de développement et de numérisation, utilise les drones dans ce cadre légal et réglementaire.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce point très important nous a beaucoup occupés lors des débats sur la loi Sécurité globale. Attention : en l’espèce, les évidences sont trompeuses…

Lorsque nous avons proposé de légiférer sur les drones, à la demande du Parlement, je vous rappelle que le Conseil d’État et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) nous ont empêchés de les faire voler. S’ensuivit une situation paradoxale qui fut résumée d’une formule tout à fait exacte, quoique un peu facile : tout le monde en France pouvait faire voler des drones, sauf les policiers.

Nous avons accepté, bien sûr, de discuter avec le Parlement ; puisqu’il y avait bel et bien une difficulté, le drone n’étant pas une caméra qui vole – les dispositions techniques ne sont pas les mêmes, je vous passe le débat que nous avons eu à propos de la loi Sécurité globale –, et puisque le Conseil d’État et la Cnil s’étaient interrogés sur le respect des libertés publiques, notamment individuelles, nous avons tous conclu qu’il valait mieux soumettre les vols de drones à l’autorisation d’un juge plutôt que d’une autorité administrative, en l’occurrence préfectorale, dans le cadre de missions de renseignement.

Patatras ! le juge constitutionnel, qui a par définition toujours raison, a considéré qu’il fallait faire voler les drones non pas sous le contrôle d’un juge, mais bien sous le contrôle du préfet. J’en conclus que le Conseil constitutionnel juge que, dans certains cas, et pour ce qui est notamment de l’utilisation d’images issues de caméras de vidéoprotection ou de drones, les préfets sont plus protecteurs que les juges.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 148.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 104, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 214

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le traitement des images recueillies par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à exclure explicitement le traitement des images issues de captations de drones par des logiciels de reconnaissance faciale, ces derniers faisant craindre des risques de surveillance massive de la population.

Là encore, nous sommes bien conscients de l’absence de portée normative du rapport. Mais il s’agit bien d’un rapport d’orientation, et notre groupe trouve plus que nécessaire d’y inscrire cette interdiction.

Les débats suscités par cette technologie ne font que grandir : en janvier 2020, dans la prépublication de son livre blanc sur l’intelligence artificielle, la Commission européenne envisageait la mise en place d’une interdiction temporaire des technologies de reconnaissance faciale dans divers secteurs.

Le présent amendement est directement inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza et du groupe écologiste de l’Assemblée nationale, qui souhaitaient un moratoire sur l’usage de la reconnaissance faciale à des fins d’identification des individus sans le consentement préalable et éclairé des intéressés, et ce jusqu’à ce que des garanties suffisantes soient établies en matière de sécurité et de libertés fondamentales.

Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables, à l’inverse de nos mots de passe ou adresses mail. Elles sont par définition uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Une protection accrue de ces données doit être mise en place, notamment quant aux personnes ayant accès à ces données. Cela soulève donc des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d’éthique et de consentement.

Les interrogations, les doutes et les peurs découlent en partie de la non-maîtrise de cette technologie et de certains usages débridés de la part d’entités privées et publiques. D’une part, la reconnaissance faciale n’est pas à ce jour une technologie totalement mûre et possède encore de nombreux défauts techniques ; il existe notamment des biais lorsqu’il s’agit de minorités ethniques, de femmes et de jeunes. D’autre part, cette technologie peut engendrer des dérives mettant en danger nos libertés et notre démocratie, comme le démontrent les cas de la répression des manifestations à Hong Kong ou de la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine.

Le déploiement d’un système général de reconnaissance faciale pourrait mettre fin à toute possibilité d’anonymat, ce qui irait à l’encontre de notre conception des libertés de circulation et d’expression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je redis les choses : la reconnaissance faciale est actuellement interdite en France. M. le ministre s’est exprimé hier sur le sujet sans aucune ambiguïté.

L’amendement est donc satisfait. Les données biométriques sont des données sensibles au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD). Un texte législatif serait nécessaire pour rendre possible leur traitement algorithmique ; or un tel texte n’existe pas, excepté pour ce qui concerne le traitement des antécédents judiciaires, et encore, de manière très encadrée.

Puisque M. Benarroche lit avec intérêt des rapports, je l’invite à lire celui de la mission d’information de MM. Durain, de Belenet et Daubresse, qui ont beaucoup travaillé sur cette question…

M. André Reichardt. De grands auteurs !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Y sont exposées les lignes rouges qu’il faut tracer en la matière et les conditions dans lesquelles certains algorithmes pourraient être utilisés via une loi d’expérimentation, des mesures de transparence et le contrôle d’une autorité indépendante.

M. le ministre nous a dit que le jour venu nous aurions à traiter de ce sujet, soit dans un projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques soit dans une proposition de loi spécifique. Vous pourrez présenter vos amendements dans ce cadre et, de nouveau, la commission des lois vous dira son intention de rédiger sous forme juridique ce que nous avons écrit dans ce rapport d’information.

D’ici là, cet amendement est sans objet. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. La Cnil, le Gouvernement et le Contrôleur européen de la protection des données avaient appelé à un débat à la hauteur des enjeux ; il n’y a rien, pourtant, sur ce point, dans le programme du flambant neuf Conseil national de la refondation.

On pourrait envisager d’organiser par exemple, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat, une convention citoyenne sur la place des nouvelles technologies dans notre société, à condition que celle-ci soit suivie d’effets. Ainsi pourrait-on mieux cerner les attentes de l’ensemble de la société civile en matière de numérique, nouer une relation de confiance avec les forces de sécurité, coconstruire un cadre normatif approprié et mener une analyse d’impact rigoureuse de la reconnaissance faciale.

J’ajoute, à l’attention de notre rapporteur, que des amendements similaires avaient déjà été déposés par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires lors du débat sur la loi Sécurité globale, et qu’ils avaient à l’époque recueilli un avis défavorable de la part du Gouvernement. Lors de son audition du mois de septembre, néanmoins, le ministre qui défend ce projet déclarait lui-même – il nous l’a rappelé hier : « Je suis opposé à la reconnaissance faciale. »

Nous sommes en train d’écrire une feuille de route, qui a vocation à déboucher sur un certain nombre de mesures. Puisque M. le ministre de l’intérieur a exprimé son opposition à la reconnaissance faciale, pourquoi ne pas l’inscrire dans la feuille de route programmatique du ministère de l’intérieur ? De nombreuses autres dispositions sans valeur normative y figurent… Ce sujet compte ceux sur lesquels nos concitoyens se posent des questions ; il n’est donc pas idiot de le faire figurer dans cette feuille de route, comme il n’est pas idiot qu’un amendement déposé par des sénateurs qui réfléchissent un peu soit adopté par le Sénat…

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Notre groupe ne s’est pas exprimé globalement sur ces questions de nouvelles technologies. Et notre approche a évolué au fil des mois et des années.

À cet égard, notre première position, assez naturelle, a été d’inquiétude et de défiance ; mais on voit – en cela je rejoins notre collègue Benarroche, mais Marc-Philippe Daubresse n’a pas dit autre chose – qu’il va falloir passer à l’étage normatif.

On parle beaucoup de ces technologies, des rapports ont été écrits – Marc-Philippe Daubresse évoquait le travail que nous avons fait avec Arnaud de Belenet au nom de la commission des lois. Il faut maintenant figer les choses dans le droit. Va-t-on continuer longtemps à s’interroger : faut-il ? ne faut-il pas ?

Je partage avec les membres de mon groupe quelques convictions simples : les nouvelles technologies sont là et bien là, et ce souvent contre nous. Il est beaucoup question, dans le texte qui nous est proposé, de cybersécurité et de cybercriminalité ; ceux qui sont en face de nous utilisent ces technologies. Un usage proportionné de ces outils est donc nécessaire, et il est temps que la loi dise ce qui est possible, ce qui est souhaitable, ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas – et nous arrêterons de débattre dans le vide.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mme Havet, M. Théophile et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 225

Après les mots :

à La Réunion ou en Guyane ;

insérer les mots

orpaillage illégal en Guyane ; pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (INN) en Guyane ;

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Parmi les nombreuses menaces qui pèsent sur les régions et territoires d’outre-mer, la Guyane a le triste privilège d’avoir à en affronter qui lui sont spécifiques, comme l’orpaillage illégal et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

C’est une véritable atteinte à la souveraineté de notre pays que commettent les garimpeiros brésiliens et les pêcheurs surinamais, guyaniens ou brésiliens : ils profitent de l’immensité du territoire et de la faible présence des forces de sécurité pour venir piller ces ressources.

En outre, par la pollution que causent les orpailleurs clandestins et par l’épuisement des écosystèmes sous-marins que provoquent les bateaux de pêche INN, cette criminalité porte une atteinte grave à l’environnement qui, à terme, pourrait être irréversible.

Enfin, les filières d’approvisionnement des sites d’orpaillage clandestin font appel à des réseaux criminels qui volent et parfois violentent la population guyanaise. Quant aux pêcheurs illégaux, ils n’hésitent plus à s’attaquer en pleine mer aux pêcheurs guyanais et à leur voler leur matériel, voire leur pêche. C’est toute la filière économique guyanaise de la pêche qui s’en trouve fragilisée.

Dès lors, il semble indispensable que la lutte contre ces deux fléaux fasse partie des priorités des autorités en matière de lutte contre la criminalité pour les prochaines années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je donnerai l’avis de la commission sur cet amendement ainsi que sur les deux suivants, les amendements nos 218 rectifié et 219 rectifié de M. Patient.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 218 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 227, première phrase

1° Après le mot :

trafics

insérer les mots :

, la pêche INN

2° Avant le mot :

jumelles

insérer les mots :

radars HF à ondes de surface,

J’appelle également en discussion l’amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 229

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

En matière de recrutement des forces de police dans les territoires d’outre-mer et pour faire face aux problématiques de stabilités des effectifs et d’attractivité de ces territoires, la majorité des postes ouverts au recrutement sera pourvue par l’intermédiaire de concours déconcentrés dans chacun des territoires concernés. Pour s’assurer que suffisamment de candidats postuleront, les liens entre la population et les forces de police doivent être renforcés. Pour cela, tous les programmes développés dans ce but (classes de reconquête républicaine, plan 10 000 jeunes, etc.) devront être déployés dans chacun de ces territoires.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Compte tenu de ce qui vient d’être dit, la demande de précision formulée par notre collègue est tout à fait compréhensible : la mention expresse de l’orpaillage illégal et de la pêche illicite en tant que menaces affectant de manière très importante les territoires ultramarins nous semble légitime. L’avis de la commission est donc favorable sur l’amendement n° 217 rectifié.

Si nous adoptions l’amendement n° 218 rectifié ainsi rédigé, en revanche, la phrase incriminée ne voudrait plus dire grand-chose ; quant à l’amendement n° 219 rectifié, il apparaît superfétatoire. Je demande donc à M. Patient de bien vouloir retirer ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis : favorable sur l’amendement n° 217 rectifié, défavorable sur les deux suivants.

Il faut évidemment lutter, monsieur le sénateur, contre ces deux phénomènes qui touchent profondément votre beau territoire, la Guyane, indépendamment de la criminalité « de droit commun », à savoir l’orpaillage et la pêche illégale.

Sur la pêche illégale, une précision est effectivement nécessaire. Vous savez que la police et la gendarmerie ne peuvent seules intervenir : ce sujet très délicat, sur lequel il est nécessaire que l’État se réveille, concerne aussi le ministre des armées et le ministre de l’environnement. On compte au bas mot des dizaines de bateaux, notamment surinamais, dans les eaux de la Guyane, pillant les ressources naturelles et portant un préjudice considérable aux pêcheurs guyanais.

Pour ce qui est de la lutte contre l’orpaillage illégal, l’opération Harpie est menée conjointement par les forces du ministère de l’intérieur et celles du ministère des armées. Je l’ai dit en Guyane, le Président de la République et moi-même réfléchissons à remodeler ce dispositif en une opération Harpie II se déployant y compris à Cayenne et ailleurs, contre la grande délinquance de bandes surinamaises, guyaniennes et surtout brésiliennes.

Sur ces deux sujets, je veux bien que le rapport soit complété dans les termes proposés.

Un mot sur l’amendement n° 219 rectifié : M. Patient évoque l’idée de concours régionalisés. Il serait contraire aux principes mêmes de la police de la République, me semble-t-il, d’organiser de tels concours régionaux territoire par territoire. Je comprends la volonté de rapprochement exprimée par les lauréats guyanais du concours qui souhaitent revenir sur le territoire de leur enfance – nous y serons attentifs. Mais nous en sommes déjà à plus de 70 % de policiers de la police nationale guyanais en Guyane : on ne peut pas dire que le ministère de l’intérieur ignore cette question, mais il est toujours possible de poursuivre les efforts engagés…