M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Michel Canévet. Il nous semble au contraire que celui qui fixe les orientations doit montrer l’exemple ; c’est habituellement comme cela que les choses se passent.
Enfin, notre troisième préoccupation porte sur la question de l’endettement public.
En matière de maîtrise des dépenses, nous pensons que l’objectif de fin de période doit se rapprocher autant que possible de l’équilibre financier. C’est évidemment un exercice malaisé, parce qu’il est toujours difficile d’économiser et de ne pas dépenser plus que ses ressources, mais c’est un objectif que nous devons nous fixer.
Pour atteindre cet objectif, nous devons, au-delà de la maîtrise des dépenses, nous poser la question des recettes. Nous sommes d’accord avec ce qu’a dit Bruno Le Maire tout à l’heure : le niveau des prélèvements obligatoires est trop élevé dans notre pays, et il faut le diminuer.
Pour autant, nous devons être attentifs à ce que nos efforts de réduction soient réellement productifs. Ainsi, il ne nous semble pas que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ait été la meilleure décision qui soit. Il eût mieux valu que l’effort portât, par exemple, sur la CVAE. Si la contribution à l’audiovisuel public n’avait pas été supprimée, nous aurions pu réduire la CVAE de manière intéressante, mais la prudence doit sans doute nous conduire à attendre.
En ce qui concerne les collectivités locales, il n’y a pas de raison de leur demander un effort supérieur à celui de l’État, d’autant qu’elles sont en général très vertueuses en termes de finances publiques. L’effort doit être partagé. Nous proposerons un amendement en ce sens : il concerne le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Le groupe Union Centriste votera le projet de loi tel qu’il a été modifié par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon excellent collègue Michel Canévet a rappelé à l’instant que les objectifs fixés par les lois de programmation ne s’étaient pas souvent réalisés. La vérité, c’est que cet exercice est utile, mais qu’il n’est pas suffisant.
De son côté, ma tout aussi excellente collègue Christine Lavarde m’a renvoyé le bébé, en indiquant que, comme il est vain de se battre sur les paramètres – le débat n’en finirait pas –, nous avions l’intention d’étudier ce projet de loi, de l’amender et de le voter, avec en tête la préoccupation que M. le rapporteur a rappelée : les efforts doivent être partagés. Si nous ne nous battons pas sur les paramètres, nous devons à tout le moins équilibrer les efforts entre les différents acteurs que sont les administrations centrales, les collectivités locales et le secteur social.
Vous trouvez qu’un effort de 25 milliards en bout de parcours, c’est beaucoup. Pour ma part, je crois que nous devons travailler dans quatre directions pour atteindre cet objectif.
Premièrement, il faut agir sur le marché du travail. Le Gouvernement évoque six réformes : les retraites, le RSA, l’indemnisation du chômage, l’apprentissage, l’organisation de Pôle emploi et la petite enfance. Ces réformes me semblent intéressantes.
Vouloir passer le taux de chômage de 7,5 % à 5 % est louable. Mais il faut savoir que le taux d’activité, c’est-à-dire la part de ceux qui ont un emploi ou en recherchent un dans la population totale, est de seulement 71,9 % en France pour les personnes de 15 à 64 ans, contre 79 % en Allemagne et 80 % aux Pays-Bas. Si nous réduisons cet écart, nous réussirons à dégager de l’argent. Les gens qui travaillent rapportent à tout le monde, en particulier à l’État.
Deuxièmement, il faut agir sur le secteur de l’énergie. En l’occurrence, il n’y a qu’une solution : arriver à obtenir de l’Union européenne qu’elle rompe avec la logique d’un marché unique dans lequel on met sur le même plan l’électron fossile et l’électron décarboné. C’est la bataille essentielle que votre gouvernement doit mener, monsieur le ministre. Avec un électron décarboné, vous allez pouvoir mettre fin à cette machine d’une complexité effrayante consistant à aider les uns au nom de la volonté d’utiliser des énergies renouvelables, et pas de l’énergie nucléaire.
Encore une fois, il faut séparer l’électron fossile de l’électron décarboné. À ce moment-là, les investisseurs n’auront pas besoin de subventions pour investir ; ils disposeront d’informations fixes. L’électron décarboné a la particularité de ne pas être sensible aux éléments extérieurs, alors que l’électron carboné issu du fossile est totalement dépendant des marchés internationaux et des évolutions monétaires.
Troisièmement, il faut tenir compte de la démographie. Les classes d’âge diminuent – hélas ! – de 10 % dans notre pays. Cela constitue une épreuve de vérité pour un certain nombre d’administrations, à commencer par l’éducation nationale.
Nous devons travailler sur le qualitatif, parce que nos jeunes ne sont pas assez formés – les classements internationaux sont sévères pour nous en la matière –, et nous devons cesser le quantitatif. Cela peut dégager des marges, sachant que – je le rappelle – le budget de l’éducation nationale, premier budget de l’État, atteint 60 milliards d’euros. Si cela ne nous aide pas à nous rapprocher de l’objectif des 25 milliards d’euros d’économies, c’est que nous ne sommes vraiment pas bons.
Quatrièmement, il faut améliorer la productivité du service public. Il y a quelque chose que je ne comprends pas : le Président de la République proposait avec enthousiasme en 2017 une réduction de 50 000 emplois publics en cinq ans et le même, réélu, ne propose plus rien en la matière, comme si il n’était pas possible d’améliorer la productivité.
Pourtant, monsieur le ministre, vous êtes à la tête d’une administration qui a su améliorer sa productivité au fil des années : elle a adapté ses effectifs, tout en maintenant le service rendu sans trahir les administrés.
Je crois que nous devons de nouveau nous saisir de la question de la productivité – elle n’est ni injurieuse ni déshonorante – de manière détaillée. Il existe des manières différentes de travailler, et les ministères doivent être dirigés par ministres ayant le souci de la réalité et de l’efficacité.
Enfin, je souhaite soulever une question. Nous examinons un projet de loi de programmation des finances publiques, et l’on nous annonce un prochain projet de loi de programmation militaire. En tant qu’ancien ministre de la défense, je ne puis que me réjouir de l’intérêt pour un tel sujet. Mais, en tant que membre de la commission des finances, je m’interroge sur la compatibilité entre les deux textes, d’autant que les sommes avancées sont spectaculaires. Certes, la situation internationale peut l’expliquer, mais il serait tout de même judicieux d’assurer une coordination dans la même semaine entre les efforts d’économies et les annonces de dépenses. Le débat parlementaire y gagnerait en clarté ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en général, j’aime l’optimisme. Mais, en matière de gestion de l’argent public, je pense que l’optimisme est souvent dangereux. Pour bien gérer l’argent public, il faut être rigoureux et prudent.
Monsieur le ministre, vos prévisions de croissance sont très optimistes : elles sont très supérieures à ce que l’on a constaté sur les deux dernières décennies et à ce que prévoit le consensus des économistes. Cela gonfle artificiellement les recettes futures, mais, à mon sens, ce n’est guère prudent.
Vos prévisions ne sont pas sincères : vous mélangez les dépenses courantes et les dépenses exceptionnelles liées à la manière dont vous avez géré les crises sanitaire et énergétique.
Lors de votre audition devant la commission des finances, monsieur le ministre, je vous avais pourtant demandé de bien vouloir distinguer, à partir de 2023 et pour les années suivantes, le courant de l’exceptionnel. Dans ce texte, vous mélangez tout allègrement ! Vous faites croire que la dépense publique diminue, alors qu’en fait, seules les dépenses exceptionnelles baissent, tandis que les dépenses courantes augmentent de façon importante. Pour moi, votre présentation n’est donc pas sincère.
De surcroît, vos prévisions de dépenses ne sont pas justes, puisque vous demandez aux collectivités territoriales un effort que vous n’exigez pas de l’État. Vous prévoyez que les dépenses courantes de l’État augmentent fortement. Nous aimerions bien que l’État s’impose l’effort qu’il demande aux collectivités. Là, ce serait juste.
Vos prévisions ne préparent pas bien l’avenir. Quel est le problème numéro un de notre pays aujourd’hui ? Produire le plus vite possible un maximum d’énergie décarbonée. Je pense que nous pouvons nous accorder sur ce point, a fortiori au regard des coupures que l’on nous annonce pour cet hiver. C’est indispensable pour notre industrie, pour notre compétitivité et, bien entendu, pour nos concitoyens. À mon sens, il faut un véritable plan Marshall de l’énergie. Or, dans vos prévisions, il n’y a quasiment rien sur ce sujet pour les cinq prochaines années. Je suis effaré !
Je résume : votre programmation n’est ni prudente, ni sincère, ni juste, et elle prépare mal l’avenir. Comment voulez-vous que nous l’acceptions ?
Heureusement, grâce au travail, que je salue, de la commission des finances et de son rapporteur, nous allons profondément modifier e texte. C’est une chance. Mais ma conviction reste la même : nous fonçons dans le mur, et nous continuons d’accélérer ! Pour moi, c’est suicidaire.
Monsieur le ministre, je pense qu’il est grand temps de changer de politique budgétaire. Pour cela, je vous ai apporté un cadeau que je vais vous remettre : un livre sur les vertus de l’équilibre, sous-titré L’anti « quoi qu’il en coûte ».
M. Gérard Longuet. Un livre d’un très bon auteur !
M. Vincent Delahaye. Je vous remercie, mon cher collègue ! (Sourires.)
Je pense que cette lecture vous sera utile, monsieur le ministre. Vous verrez que les pays dont les économies se portent mieux que la nôtre – et il y en a quand même quelques-uns… – ont des finances saines. Il est grand temps de suivre cette ligne ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye remet un livre à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Madame la présidente, peut-être devrais-je demander une suspension de séance pour lire ce livre avant de répondre aux orateurs. (Sourires.)
En tout cas, je souhaite remercier de ce riche débat l’ensemble des sénateurs qui se sont exprimés. Je sais que la discussion va se poursuivre lors de l’examen des amendements.
Je veux d’abord retenir le fait qu’une majorité d’orateurs souscrivent à l’objectif d’assainissement de nos finances publiques et de retour à une trajectoire budgétaire plus maîtrisée.
Ensuite, il y a effectivement un débat sur le rythme. Pour notre part, nous prévoyons une stabilisation de la dette en 2026 et un retour du déficit sous les 3 % à l’horizon 2027. C’est ce que nous avions annoncé pendant la campagne présidentielle.
Plusieurs orateurs ont estimé qu’un tel calendrier nous plaçait en queue de peloton en termes de calendrier ; Mme Lavarde a parlé de mauvais élève. Il est vrai que les autres pays européens qui sont dans notre situation affichent, dans les programmes de stabilité publiés au printemps 2022, un retour sous les 3 % pour 2025 ; c’est par exemple le cas de l’Espagne. Il faudra tout de même suivre l’évolution de cette trajectoire lors des prochains programmes de stabilité que ces pays présenteront, d’autant que, depuis le printemps, nombre de gouvernements ont annoncé des mesures pour lutter contre les effets de l’inflation, en particulier via des boucliers tarifaires. Nous verrons s’ils prévoient toujours les mêmes calendriers.
Nous assumons de privilégier un retour maîtrisé, planifié, sous les 3 % plutôt que de mettre en place une politique brutale d’austérité budgétaire. Nous tirons ainsi les enseignements de ce qui s’est fait à la suite de la crise financière de 2008-2010. À l’époque, en voulant rétablir trop brutalement et trop rapidement les équilibres financiers, on a cassé la dynamique de croissance et in fine créé du chômage, avec des conséquences sur le déficit, la dette et les finances publiques.
Nous assumons de dire que le rétablissement des comptes publics doit être compatible avec l’activité économique. En 2021, la croissance française a été une locomotive pour l’Europe ; en 2022, notre économie et notre croissance résistent remarquablement.
Mme Lavarde a cité les trois dimensions importantes de la croissance – la consommation, l’investissement, le commerce extérieur –, mais elle s’est peu attardée sur l’investissement. Peut-être était-ce pour éviter de mettre en avant un signe positif : le fait que l’investissement continue de progresser dans notre pays, de 2,8 % au dernier trimestre selon l’Insee. Je ne dis pas cela pour le mettre au crédit du Gouvernement ; je le mets au crédit des femmes et des hommes qui entreprennent et qui investissent dans notre pays, permettant d’embaucher, de stimuler l’activité économique et, donc, de susciter des recettes.
Car oui, monsieur Féraud, nous avons assumé de baisser la pression fiscale sur les entreprises, mais nous collectons davantage de recettes fiscales de leur part depuis la diminution des taux. Depuis que nous avons réduit en cinq ans le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, nous en percevons davantage de recettes. Nous sommes en train de faire la démonstration qu’une surtaxation contribue à rétrécir le gâteau fiscal et qu’on peut moins taxer tout en percevant davantage de recettes !
Par conséquent, nous assumons de vouloir continuer de baisser la pression fiscale pour que l’activité économique se développe encore, nous permettant ainsi de percevoir des recettes supplémentaires.
La majorité sénatoriale défend une autre ligne : aller beaucoup plus vite dans le rétablissement des comptes.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Pas « beaucoup » plus vite ! Plus vite !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Elle préconise de revenir sous les 3 % en 2025, soit deux ans plus tôt que ce que nous avons proposé.
J’ai entendu Mme Lavarde défendre cette trajectoire. Mais je le redis : cela implique 25 milliards d’euros d’économies supplémentaires à trouver non pas en fin de période, monsieur Longuet, mais en 2025 !
L’article 12 du projet de loi fixe l’évolution des crédits des missions du budget général de l’État jusqu’en 2025. Je pense donc que la majorité sénatoriale aurait pu, par souci de cohérence, amender cet article pour montrer où précisément elle souhaite trouver les 25 milliards d’euros d’économies qu’elle annonce par ailleurs. Est-ce sur la défense ? Sur l’éducation nationale ? Sur la transition écologique ?
Je suis favorable à ce qu’on fasse le plus d’économies possible. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, si les travaux parlementaires sur ce texte découlent sur un compromis prévoyant une augmentation de l’effort de l’État par rapport à notre proposition initiale, j’en serai le premier ravi. Mais il faut que ce soit crédible et soutenable.
Monsieur Longuet, les différentes réformes que vous avez citées – les retraites, le RSA, l’assurance chômage, Pôle emploi, le service public de la petite enfance – ont bien vocation à nous permettre de rétablir nos finances publiques. Certaines de ces réformes, comme celle des retraites, permettent des économies budgétaires directes. Toutes permettent d’élargir le marché du travail, donc d’augmenter le taux d’emploi et d’avoir des recettes supplémentaires.
Mais elles sont intégrées dans la programmation des finances publiques que nous vous proposons. La partie gauche de cet hémicycle et celle de l’Assemblée nationale nous reprochent d’ailleurs d’intégrer dans la programmation les bénéfices de réformes qui ne sont pas encore votées.
M. Jean-François Husson, rapporteur. On ne sait pas encore quelle réforme des retraites vous comptez faire !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Par conséquent, les économies ou recettes supplémentaires que vous appelez de vos vœux doivent être trouvées ailleurs, monsieur Longuet. Mais je vous rejoins totalement sur le fait que si nous avions un taux d’emploi équivalent à celui de l’Allemagne, j’aurais beaucoup moins de travail, et nous nous poserions beaucoup moins la question de l’équilibre de nos finances publiques. D’ailleurs, les réformes que nous menons sur les retraites, la formation professionnelle, l’apprentissage, les lycées professionnels visent justement à augmenter le taux d’emploi. Si plus de Français ont un travail, nous aurons plus de recettes pour les finances publiques, notamment pour la sécurité sociale.
Sur la question de la décorrélation entre les prix de l’électricité et du gaz, je suis d’accord avec vous. C’est exactement le combat que mène le Gouvernement à l’échelon européen. Ce n’est pas facile, mais je crois que nous progressons ; je ne suis pas directement chargé de ce dossier, mais c’est ce que me disent Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher. Le dernier Conseil européen a permis de dessiner certaines avancées, notamment un plafonnement sur le prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité, ce qui serait une première marche très utile.
Il faut évidemment tenir compte des évolutions démographiques. C’est bien ce que nous avons fait dans ce texte. Il est vrai que nous aurons 500 000 élèves de moins dans l’éducation nationale dans les cinq années à venir. Nous avons connu un boom démographique pendant la période précédente, mais nous arrivons dans le creux de la vague. Nous voulons continuer d’améliorer le taux d’encadrement des élèves – dans tous les départements, c’est une demande forte –, mais nous avons aussi intégré les évolutions démographiques dans la programmation.
Sur la productivité du service public ou la réduction du nombre de fonctionnaires, il est vrai – je l’assume – que nous avons changé de logique par rapport à 2017.
En 2017, Emmanuel Macron s’était engagé – j’avais participé à la campagne présidentielle – à supprimer un certain nombre de postes de fonctionnaires durant le quinquennat. Mais les choses ont évolué, et nous l’assumons, avec la crise des « gilets jaunes ». Nous avons considéré qu’il fallait d’abord engager des réformes qui nous permettraient ensuite de dégager des marges. Cela a été le cas du prélèvement à la source ou de la suppression d’un certain nombre d’impôts. Mon ministère, qui représente entre 4 % et 6 % de l’emploi public, a concentré 80 % des efforts de réductions d’effectifs ces dix dernières années. Vous le voyez, nous savons faire des efforts en matière d’emploi public. Mais nous le faisons à la suite de réformes de modernisation qui permettent de dégager des marges.
En 2022, le Président de la République ne s’est pas engagé sur un nombre de postes de fonctionnaires à supprimer. La candidate de LR l’avait fait, mais sans vraiment dire où ces postes seraient retirés…
Le mandat qui m’a été donné, c’est la stabilité de l’emploi public sur le quinquennat. Un nombre important de créations de postes sont prévues en 2023, notamment dans le régalien.
Stabilité ne veut pas dire immobilisme : nous allons créer 8 500 postes dans la justice, et autant dans la police et la gendarmerie ; nous devrons donc en supprimer ailleurs. La logique globale est de créer des postes déconcentrés, notamment à partir de l’administration centrale, pour privilégier les territoires.
De manière schématique, on peut dire que 10 000 postes de fonctionnaires, c’est 500 millions d’euros. Pour atteindre le niveau d’économies que vous envisagez, il faudrait prévoir la suppression nette de très nombreux postes de fonctionnaires !
Faire des prévisions économiques, c’est évidemment un exercice difficile. Cela fait toujours l’objet de controverses. Nous pouvons en discuter longuement : vous me direz que nos prévisions sont trop optimistes ou ambitieuses ; je vous répondrai qu’elles sont réalistes et étayées.
Mais une chose est sûre : ce qui fait la croissance, ce ne sont ni les prévisions ni les débats de l’année précédente entre politiques ou entre experts ; c’est la confiance dans l’économie. J’ai en tout cas une certitude : nos prévisions, quelles qu’elles soient, ne se réaliseront pas si nous ne continuons pas nos politiques visant à redonner des marges à nos entreprises pour qu’elles puissent investir et recruter. C’est pourquoi il est si important de réduire la CVAE, comme nous le prévoyons, et de poursuivre les actions en faveur de l’emploi, de la formation et de la compétitivité de nos entreprises.
Un mot, maintenant, sur les collectivités locales – nous aurons l’occasion d’y revenir au moment des discussions sur les articles 16 et 23. Je suis tout à fait favorable à ce que la discussion parlementaire permette un rééquilibrage des efforts respectivement demandés à l’État et aux collectivités locales.
Le texte du Gouvernement prévoyait, pour l’État, une baisse de 0,4 % en volume des dépenses sur le quinquennat, contre 0,5 % pour les collectivités. La commission des finances du Sénat a proposé 0,5 % pour tout le monde. J’y suis très ouvert : cette disposition suppose un effort supplémentaire de la part de l’État, mais nous devons être capables, me semble-t-il, de l’assumer.
Cependant, vous demandez aussi que, pour mesurer l’effort de maîtrise des dépenses de l’État, les mesures mises en œuvre dans le cadre de la relance ou pour faire face à la crise ne soient pas prises en compte, ce qui implique de trouver 25 milliards d’euros. Or, dans la copie présentée, on ne demande pas la même chose aux collectivités locales, pour lesquelles les dépenses liées à la relance et à la crise sont bel et bien prises en compte dans le calcul.
En d’autres termes, derrière un apparent équilibre entre l’État et les collectivités locales se niche en réalité un très grand déséquilibre : dans la copie proposée par la commission des finances, les dépenses de l’État sur les cinq années à venir augmenteront de 1,5 % en valeur, là où elles augmenteront de 10 % en valeur pour les collectivités locales. Cela veut dire, je le redis, qu’il faut trouver 25 milliards d’euros à l’horizon 2025 et 37 milliards d’euros à l’horizon 2027.
Il ne s’agit pas d’imposer une cure d’austérité aux collectivités locales – on a bien vu ce que cela avait donné sous le quinquennat Hollande, avec les baisses brutales de DGF. J’ai entendu M. Breuiller nous reprocher de vouloir baisser les dépenses de fonctionnement des collectivités. Non ! Dans le projet de loi de programmation des finances publiques tel que le Gouvernement l’a présenté, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales augmentent de 21 milliards d’euros sur les cinq années qui viennent ! En aucun cas elles ne baissent : elles vont continuer à progresser. Nous posons simplement un cadre de maîtrise dans la durée, pour l’État et pour les collectivités locales.
Vous nous dites que nous devrions soutenir les collectivités locales ; mais, monsieur Breuiller, nous ne leur avons pas imposé, nous, des baisses brutales et massives de DGF comme sous le quinquennat de François Hollande. Et les écologistes faisaient partie de cette majorité…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. La DGF, nous l’avons sanctuarisée depuis cinq ans.
Nous l’avons fait au niveau global ; il est vrai que beaucoup de maires se plaignent d’avoir vu leur DGF baisser. Il se trouve que je fais partie des quelques membres du Gouvernement qui sont élus locaux, même si je n’ai pas eu la chance ou l’honneur d’être maire…
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cela viendra !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Modeste conseiller municipal depuis près de dix ans, j’ai pu constater que, pour ce qui est de ma commune, en dépit de cette sanctuarisation depuis cinq ans, la DGF avait légèrement baissé du fait de la péréquation.
À cet égard, le PLF pour 2023 est historique et inédit : 320 millions d’euros supplémentaires sont mobilisés pour neutraliser les effets de la péréquation, ce qui veut dire qu’en 2023, pour la première fois depuis treize ans, la DGF de 95 % des communes augmentera.
Pendant la crise sanitaire, 10 milliards d’euros ont été transférés de l’État aux collectivités locales ; ces cinq dernières années, les concours financiers de l’État aux collectivités locales ont augmenté de 5 milliards d’euros.
M. Roger Karoutchi. Elles étaient à l’os !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Franchement, on a connu plus grande maltraitance des collectivités ! Ayez l’honnêteté de le dire.
J’entends les comparaisons entre le déficit de l’État et celui des collectivités locales, qui ne font pas de déficit et qui représentent une part plus faible de la dette. Reste que le déficit et la dette de l’État, qui se sont accrus à l’occasion du « quoi qu’il en coûte », ont aussi permis aux collectivités locales d’avoir moins de dépenses à effectuer… Ainsi, en évitant à des centaines de milliers d’entreprises de se casser la figure et, partant, à des millions de Français d’être plongés dans la précarité, l’État a empêché une explosion des dépenses sociales des collectivités. L’investissement du « quoi qu’il en coûte » a certes alourdi le déficit et la dette de l’État, mais aussi évité des dépenses aux collectivités, et nous l’assumons totalement.
Notre conviction est qu’il ne faut pas opposer l’État et les collectivités : c’est l’un avec l’autre, et non pas l’un contre l’autre ! Nous avons les mêmes objectifs et les mêmes intérêts, à savoir permettre à notre pays de continuer à investir pour faire face aux transitions écologique et démographique.
Faut-il laisser filer les dépenses et se retrouver avec des taux d’intérêt qui explosent, au risque de priver l’État et les collectivités locales elles-mêmes des marges de manœuvre nécessaires pour investir ?
Non : nous avons plutôt intérêt, État et collectivités locales, à affronter le défi des transitions écologique, énergétique, démographique et numérique en investissant massivement, ce qui suppose, je le répète, d’avoir des marges de manœuvre, donc de maîtriser suffisamment nos dépenses de fonctionnement, État comme collectivités locales, afin de bénéficier de taux d’intérêt soutenables et de pouvoir emprunter. Telle est la logique que nous défendons, main dans la main avec les collectivités !
Enfin, je veux répondre à M. Bacchi sur la question des investissements sociaux, concernant en particulier un certain nombre de professions très engagées, que vous avez saluées en disant qu’elles étaient méprisées.
Vous avez cité notamment les aides-soignants. Je veux quand même rappeler que le Ségur de la santé, dans son volet revalorisation, a entraîné l’augmentation salariale la plus forte qu’a connue l’hôpital public dans son histoire sur un temps aussi court : à la clé, près de 200 euros net en plus par mois pour tous ceux qui y travaillent et 10 milliards d’euros d’investissements pérennisés à cet effet.
Vous avez cité également les enseignants. Dans le PLF pour 2023 est prévue une augmentation de 10 % de la rémunération de tous les enseignants à la rentrée de septembre 2023. Je n’ai pas souvenir, dans un passé récent ou lointain, de pareille augmentation sur une année. Nous prévoyons même une nouvelle augmentation de 25 %, dans les années qui viennent, pour des enseignants qui accepteront de s’engager dans des missions supplémentaires ; celles-ci sont en train d’être définies, en concertation avec les représentants des enseignants, par le ministre de l’éducation nationale.
Beaucoup de Français sont en difficulté ; oui, il faut poursuivre l’effort et soutenir davantage nos enseignants, mais je ne peux pas vous laisser dire qu’ils sont méprisés quand ils vont bénéficier de 6 milliards d’euros de revalorisation salariale, soit 10 % d’augmentation dès l’année prochaine. Ce genre d’appréciation ne me semble pas tout à fait conforme à la réalité, mais nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du PLF. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)