M. Gérard Longuet. C’est vrai !
Mme Christine Lavarde. En nous alignant sur le cours mondial pour préserver le pouvoir d’achat, nous appauvrissons les agriculteurs qui peinent à trouver des remplaçants !
D’année en année, nous imposons des contrôles de plus en plus importants et contraignants sur les productions françaises, sans rien imposer d’équivalent aux produits importés. Ainsi, 2 300 fonctionnaires effectuent des contrôles dans les exploitations agricoles, quand seulement 300 contrôlent les importations à Rungis – je vous renvoie au rapport de notre collègue Laurent Duplomb et à son exemple du sésame.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
Mme Christine Lavarde. Nous interdisons certaines molécules, comme le diméthoate pour la culture des cerises ; pourtant, nous importons des cerises cultivées avec cette même molécule.
Nous ne produisons plus les escalopes de poulet consommées chaque jour dans la restauration collective, parce que leur prix n’est pas compétitif si les poulets ne proviennent pas d’élevages intensifs ; nous préférons donc en importer !
Je pourrai prendre de nombreux autres exemples tout aussi absurdes, que ce soit pour les tomates ou pour le blé.
Aujourd’hui, notre balance agricole n’est excédentaire que grâce au vin. D’ici à 2024, elle ne le sera plus du tout.
Quant à notre industrie, comment se fait-il que 80 % des véhicules électriques achetés en France soient importés ? Il faut savoir que, au cours des neuf premiers mois de l’année 2022, le bonus attribué pour l’achat de véhicules produits en France ne représentait que 140 millions d’euros, soit moins d’un cinquième du total. Nos impôts servent donc aujourd’hui à financer l’industrie chinoise – pour ne pas la citer.
Comment peut-on accepter cette perte de souveraineté ? Comment peut-on accepter de mettre dans la main d’un de nos concurrents géopolitiques une industrie indispensable pour notre transition écologique ?
Je pourrais vous en dire encore beaucoup, mais le temps qui m’était imparti étant écoulé, il faudra que je revienne une prochaine fois… (Sourires.)
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Christine Lavarde. … pour vous parler du financement de la transition écologique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, au moment d’examiner le budget, nous vérifions les mots de Pierre Dac : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. »
Depuis deux ans, nos prévisions tournaient autour de la même incertitude, qui se résumait en un mot : pandémie. Il fallait d’abord protéger le pays contre le virus, puis anticiper une résurgence du virus et enfin relancer l’économie malgré le virus.
Aujourd’hui, nos prévisions ignorent le virus. Il nous aura fallu le « quoi qu’il en coûte », mais la victoire est acquise. Désormais, nos prévisions doivent composer avec d’autres incertitudes. Elles sont plus nombreuses, plus complexes et surtout plus menaçantes. Ces incertitudes s’appellent l’énergie, l’inflation et la guerre.
Elles surgissent à l’Est, où Poutine s’acharne en Ukraine et où Xi Jinping s’entête dans sa politique du « zéro covid ».
Elles surgissent aussi sur notre continent : l’Union européenne doit de nouveau prouver que les crises renforcent la solidarité entre ses pays membres plutôt qu’elles ne la fissurent. Les États, au premier rang desquels la France et l’Allemagne, doivent montrer qu’ils respectent les règles communes pour protéger leurs citoyens et leurs entreprises. C’est ce que propose le budget que nous allons examiner.
Premier axe de protection : protéger les citoyens. En prolongeant le bouclier tarifaire, en revalorisant le barème de l’impôt sur le revenu, l’État protège leur pouvoir d’achat. Le coût pour nos finances publiques est objectivement élevé, personne ne peut le nier, mais le bénéfice est précieux : nous maintenons ainsi l’ordre des choses. En 2023, le travail continuera de payer, et ce malgré l’inflation. Ce n’est pas rien !
Le deuxième axe de protection concerne nos entreprises. Beaucoup ont craint la faillite à cause du coût de l’énergie. Ce budget leur apporte enfin des dispositifs concrets pour faire face aux difficultés, à court et à moyen terme. Outre le bouclier tarifaire pour les plus petites entreprises, des mécanismes complémentaires protégeront également les PME et les ETI.
Je salue cette mesure, monsieur le ministre ; elle était nécessaire face au danger que représente la hausse des coûts pour la réindustrialisation du pays et, plus largement, pour la survie de nos entreprises.
À la différence des particuliers, ces dernières peuvent en partie répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix. Mais cela entretient la spirale inflationniste, ce qui n’est pas toujours souhaitable. Il est plus efficace d’agir à la racine de l’inflation, c’est-à-dire sur l’énergie.
Le dernier axe de protection concerne les collectivités, qui vont bénéficier de la revalorisation de la DGF à hauteur de 320 millions d’euros. C’est une hausse nette pour la première fois en treize ans. Il s’agit d’une bonne nouvelle, que je tiens à souligner.
Le texte prévoit également un filet de sécurité pour les collectivités concernant les coûts de l’énergie, pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Je tiens à saluer cet effort supplémentaire bienvenu.
Les élus locaux craignent en effet que le PLF n’entame les finances locales. Leurs inquiétudes tiennent surtout à la suppression progressive de la CVAE.
Notre groupe a toujours défendu la baisse des impôts de production, dont la CVAE. Cet impôt pénalise nos entreprises et donc nos territoires. Notre préoccupation majoritaire porte bien davantage sur le dynamisme de la compensation et sa territorialisation plutôt que sur le calendrier.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires estime que ce budget répond à l’urgence de la situation. Bien sûr, nous proposerons de l’améliorer, et ma collègue Vanina Paoli-Gagin présentera tout à l’heure nos pistes d’action.
Pour conclure, je veux rappeler que ce budget reflète nos engagements européens : d’abord, parce qu’il nous place sur une trajectoire de rétablissement des finances publiques ; ensuite, parce que les mesures de protection supplémentaires sont rendues possibles par une action concertée. Le Royaume-Uni nous l’a rappelé à ses dépens : l’Union fait la force ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l’inflation et la flambée des prix de l’énergie, le Gouvernement maintient le bouclier tarifaire pour un coût estimé à 45 milliards d’euros en 2023.
En trois ans, 100 milliards d’euros auront été dépensés pour protéger nos compatriotes de l’Hexagone et des outre-mer contre la flambée des prix et le retour de l’inflation. Il s’agit d’un effort essentiel pour maintenir notre économie, pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et pour préserver les finances des collectivités.
Pourtant, j’entends certains dire de ce budget qu’il est un budget d’austérité quand d’autres, au contraire, disent qu’il faut veiller plus encore à l’équilibre de nos finances publiques.
Si ce PLF assume la première étape de la trajectoire de retour sous les 3 % de déficit en 2027, ce sérieux budgétaire ne fait pas oublier au Gouvernement les priorités qu’il est nécessaire de financer.
Le fonds vert permettra ainsi d’adapter nos territoires aux aléas climatiques et soutiendra les travaux de rénovation ou de modernisation menés par nos collectivités locales.
Le dispositif MaPrimeRénov’ sera prolongé, pour un total de 3 milliards d’euros. C’est l’un des leviers de notre indépendance énergétique, qui permet de soutenir les travaux d’isolation et d’audit énergétique des particuliers. Plus d’un million de personnes ont pu en bénéficier depuis son lancement en 2020, dont deux tiers de foyers modestes.
L’effort à l’endroit des collectivités territoriales est également priorisé. Le Gouvernement a fait le choix de relever la dotation globale de fonctionnement pour la première fois depuis treize ans, à hauteur de 320 millions d’euros. Les dotations de fonctionnement, quant à elles, sont stabilisées et les recettes fiscales dynamiques. Avec l’amortisseur annoncé par la Première ministre et le filet de sécurité, nous veillerons à ce que les finances des collectivités locales soient préservées.
M. Michel Dagbert. Bravo !
M. Georges Patient. J’en viens maintenant aux outre-mer. Il est d’autant plus aisé d’en parler qu’il existe un document singulier, le document de politique transversale, qui reflète l’ensemble des politiques publiques financées par l’État au plus près des territoires ultramarins. Les autres territoires hexagonaux ne font pas l’objet d’un tel document. N’est-ce pas la preuve, monsieur le rapporteur général, que les outre-mer peuvent connaître des exceptions, des dérogations, des adaptations, pour utiliser le terme constitutionnel ?
Cela étant dit, les dépenses de l’État en faveur des outre-mer s’élèveront à environ 27 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 28 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Depuis 2018, cet effort total a augmenté de 15,4 % en AE et de 23,1 % en CP, soit respectivement 3,6 milliards d’euros et 5,4 milliards d’euros.
On constate donc un engagement renforcé et indéniable de l’État au profit des outre-mer. Toutefois, l’exécution demeure contrastée, notamment pour les dépenses d’investissement.
Cet engagement financier peine à se concrétiser sur le terrain, pour reprendre les termes de la Cour des comptes tirés de son dernier rapport, rédigé à la demande de la commission des finances du Sénat. La Cour demande que les engagements financiers de l’État soient mieux suivis, au niveau tant central que local, par le développement d’un appui à l’ingénierie locale permettant de garantir la bonne exécution des crédits alloués.
En effet, malgré les investissements réalisés par l’État dans les territoires ultramarins, d’évidentes inégalités persistent en matière de transport, d’infrastructures, d’assainissement, d’électricité, de télécommunication, d’accès à l’eau ou au logement social. Les écarts de niveau de vie structurels entre l’outre-mer et l’Hexagone persistent.
Tout comme les crédits budgétaires, les dépenses fiscales relatives à l’outre-mer enregistrent une hausse notable entre 2018 et 2022, malgré des tentatives de rationalisation. En raison de leur difficile évaluation, elles demeurent très contestées, notamment par la Cour des comptes. Elles restent cependant un outil complémentaire indispensable, qui ne peut être aisément remplacé en raison des risques intrinsèques à la rebudgétisation.
Je résumerai ainsi les mesures en faveur des outre-mer : des crédits en hausse constante, mais une sous-consommation à combattre.
Monsieur le ministre, nous avons conscience que l’adoption de ce budget nous permettra de limiter la hausse de la facture d’électricité et de gaz des Français de 120 % à seulement 15 %. De même, l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu représente pour les ménages une économie de 6,2 milliards d’euros. Enfin, l’effort en faveur des collectivités locales se comptera en milliards d’euros et permettra de passer le pic inflationniste.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI soutiendra ce budget, en souhaitant que la discussion nous permette d’améliorer et de renforcer ces dispositifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la pauvreté exclut […] et la richesse isole ». Ces mots de l’écrivain Lawrence Durrell résonnent aujourd’hui avec une acuité particulière.
Le rôle de l’État est de garantir et d’entretenir le lien social entre chaque individu, de lutter à la fois contre l’exclusion et contre l’isolement. Tout cela est possible grâce à une fiscalité équilibrée et juste, adaptée aux défis de notre société.
Cette question des recettes fiscales sera centrale dans les débats des prochains jours, car elle pose les fondements d’une véritable politique sociale et solidaire. Manifestement, nous n’avons pas la même approche.
Venant après la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, ce premier budget illustre parfaitement le positionnement idéologique libéral du Gouvernement. Dans le droit fil du quinquennat précédent, monsieur le ministre, vous poursuivez méthodiquement le désarmement fiscal de notre pays.
Ces cinq dernières années, vous avez déjà renoncé à 54 milliards d’euros de prélèvements obligatoires ; autant de milliards qui auraient pu utilement contribuer à réduire le déficit public sans avoir à rogner sur les dépenses publiques.
Vous nous proposez de poursuivre dans la même voie. Avec la suppression de la CVAE et celle de la contribution à l’audiovisuel public, vous renoncerez a minima à 54 milliards d’euros supplémentaires.
Alors que le poids de la dette s’alourdit, est-il raisonnable de se priver ainsi de recettes ? Alors que nous traversons une crise économique profonde, qui va affecter durablement nos concitoyens, est-il raisonnable de renoncer à certaines politiques publiques ?
Votre choix est clair : le redressement des comptes publics ne pourra passer que par des réformes structurelles – assurance chômage, retraites, encadrement des dépenses de l’État et des collectivités.
Les inégalités se creusent de plus en plus. Le rapport du Secours catholique sur l’état de la pauvreté en France, sorti aujourd’hui, en atteste : alors que les revenus du travail augmentent peu, les revenus du capital liés aux actifs boursiers et immobiliers, explosent. Que faites-vous face à ce constat alarmant, qui fragmente de plus en plus notre société ? Pas grand-chose, hélas !
Symbole de l’injustice grandissante qui frappe nos concitoyens, les profits exceptionnels engrangés par les entreprises du CAC 40 s’élèvent à 174 milliards d’euros en 2021. Cette progression n’est pas due aux gains de productivité ni au dynamisme économique de 2020, première année de la crise sanitaire. Voilà une définition claire et chiffrée de ce que sont les superprofits.
Au regard de ces records historiques, ces entreprises supporteraient aisément une taxation spécifique en ces temps où nombre de ménages sont étranglés par l’inflation. Il ne peut y avoir, d’un côté, ceux à qui l’on distribue des dividendes et, de l’autre, ceux à qui l’on distribue des colis alimentaires. Notre société se fracture ; elle a besoin de vraies politiques publiques avec des services publics forts et présents en tout point du territoire.
Au plus près des habitants, les collectivités jouent un rôle majeur en matière de cohésion sociale. Le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas épargnées par ce texte. Oubliée, la crise des « gilets jaunes » ! Oubliée, la phase aiguë de la crise sanitaire ! Aujourd’hui, les collectivités locales sont la variable d’ajustement des comptes publics.
Malgré son rejet par l’Assemblée nationale, malgré son rejet par notre assemblée lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le Gouvernement a réintroduit dans le projet de loi de finances l’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Succédant aux contrats de Cahors, les pactes de confiance font de nouveau peser sur les collectivités la baisse de la dépense publique.
Qu’en est-il, dans ces conditions, de leur libre administration et, surtout, de leur autonomie financière ?
Ces pactes vont venir limiter grandement leurs capacités d’investissement. Or, vous le savez parfaitement, les collectivités restent au premier rang de l’investissement public dans notre pays dont elles réalisent plus des deux tiers. Fragiliser les collectivités territoriales, c’est fragiliser le tissu économique et l’emploi local. Je ne suis pas certaine que les PME, en proie, elles aussi, aux difficultés liées à l’inflation, puissent supporter une baisse de la commande locale.
Quelle société voulons-nous demain ? Que se passera-t-il si les collectivités territoriales ne jouent plus le rôle d’amortisseur social ?
Une fois de plus, ce sont les administrés, les usagers, notamment les plus modestes, qui seront les premières victimes de vos choix politiques.
Je pourrais également parler de la suppression de la CVAE et de ses multiples conséquences, de l’insuffisance des crédits consacrés au filet de sécurité mis en place, l’été dernier, sur l’initiative des parlementaires, ainsi que de beaucoup d’autres sujets largement évoqués par mes collègues.
En ce qui concerne le pouvoir d’achat, si les dispositifs tels que le bouclier tarifaire sont indispensables pour bon nombre de Français, le Gouvernement privilégie toujours les aides ponctuelles au détriment des vraies réformes.
Il est grand temps de s’attacher réellement à la lutte contre la pauvreté, contre la précarité, contre l’exclusion en privilégiant le dialogue et l’écoute avec les partenaires sociaux et le monde associatif, sans oublier les députés et les sénateurs.
Appréhender la maîtrise des comptes publics sous le seul prisme de la dépense publique en refusant d’envisager de nouvelles recettes, et pire encore, en continuant de faire des cadeaux fiscaux aux plus riches, n’est pas une bonne manière de faire.
J’y insiste, ce projet de loi de finances s’inscrit dans la continuité des cinq précédents : il continue d’aggraver les inégalités sociales, de désarmer la puissance publique et de malmener les collectivités locales. Aussi, notre vote s’inscrira, lui aussi, dans la continuité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire des prévisions budgétaires pour 2023, dans un contexte européen et mondial aussi fragile et incertain, est évidemment un exercice extrêmement difficile, auquel nous devons malgré tout nous livrer, en responsabilité.
Pour notre groupe, ce premier budget du quinquennat doit marquer une étape vers deux objectifs.
Il s’agit tout d’abord du redressement de nos finances publiques. Je pense que nous voulons tous parvenir à réduire notre déficit et à contenir notre endettement.
Il s’agit ensuite de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour répondre aux besoins du pays dans des domaines aussi cruciaux que la santé, l’éducation, la justice, la sécurité, notre défense ou encore la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces deux objectifs sont-ils conciliables ? Nous le pensons. Mais si nous avons conscience de la nécessité de maîtriser nos dépenses, une coupe drastique et globale dans les budgets n’est pas la solution alors que les besoins vont croissant.
Concernant les emplois publics, sujet récurrent, des allégements sont possibles dans certains secteurs. La démonstration en a d’ailleurs été faite avec la réorganisation des services de Bercy, notamment grâce à la dématérialisation et au prélèvement à la source.
Toutefois, ces allégements doivent avant tout permettre des glissements vers d’autres secteurs, où des moyens supplémentaires sont indispensables. Je ne suis pas favorable à des coupes à l’aveugle dans nos emplois publics par la seule approche comptable.
Pour réduire notre déficit et contenir notre dette, le groupe UC considère qu’il faut également agir sur un autre levier : l’accroissement des rentrées fiscales. À cet égard, l’État doit pleinement jouer son rôle de régulateur.
Nous ferons donc des propositions concrètes en ce sens, comme l’a précisé Sylvie Vermeillet, avec la contribution exceptionnelle de solidarité sur les profits, le report de la suppression de la CVAE, la suppression de plusieurs niches fiscales – proposée par Michel Canévet – ou encore une lutte renforcée contre la fraude fiscale, chère à Nathalie Goulet.
Je tiens à souligner une nouvelle fois le rôle essentiel des collectivités locales dans tous les territoires de France pour soutenir le tissu économique et l’emploi, pour assurer les services au plus proche des habitants, pour garantir la cohésion sociale et pour réussir le pari de la transition écologique. Cette réalité doit guider nos choix et éclairer nos décisions.
En ce qui concerne l’augmentation de la DGF, nous approuvons l’orientation choisie par le Gouvernement qui cible les collectivités les plus fragiles. Mais nous savons d’expérience que de fortes disparités se cachent bien souvent derrière les moyennes mises en avant. C’est la raison pour laquelle nous proposerons de porter la hausse de la DGF de 320 millions d’euros à 500 millions d’euros.
Je veux saluer les avancées déjà obtenues sur la dotation aux communes pour la protection de la biodiversité, à travers laquelle le Gouvernement reconnaît enfin le rôle essentiel des territoires ruraux dans la protection de l’environnement. Nous proposerons une amélioration complémentaire, peu coûteuse, mais qui permettrait d’effacer une inégalité de traitement.
Le maintien de l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) à son niveau actuel, la reconduction de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et le nouveau fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, viendront compléter utilement le soutien aux investissements des collectivités territoriales.
Nous proposerons également de réintégrer les dépenses d’aménagement de terrains dans les dépenses éligibles au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), de laisser aux territoires le choix de répartir librement la taxe d’aménagement, comme nous l’avons voté hier en PLFR, et de décorréler les taux de certaines taxes locales – trois mesures très attendues par les élus locaux.
À cet égard, monsieur le rapporteur général, nous regrettons que le Sénat ait fait le choix, hier, de priver les collectivités de la récupération de la TVA, via le FCTVA, pour les aménagements de terrains. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Je veux enfin évoquer les mesures visant à protéger les collectivités, les ménages et les entreprises face à l’explosion du coût de l’énergie. Le plafonnement à 15 % de la hausse des tarifs réglementés en faveur des ménages et des petites collectivités et l’amortisseur électricité en faveur des collectivités et des entreprises sont deux dispositifs bien ciblés et bien calibrés que nous soutenons.
Il en va différemment du troisième outil que vous souhaitez nous voir adopter, à savoir le filet de sécurité en faveur des collectivités. Si l’objectif est le bon, les modalités retenues nous paraissent trop complexes et donc l’effectivité du dispositif incertaine. Nous vous proposerons de les redéfinir à partir de critères simplifiés et clarifiés.
Monsieur le ministre, une nouvelle fois, le groupe UC aborde l’examen de ce projet de budget de manière positive. Nous avons la volonté de trouver, avec le Gouvernement, les meilleures solutions pour notre pays et pour ses territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, à la demande de M. le ministre.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc face à cet Everest, face à ce budget impossible et pourtant nécessaire, un budget qui doit encore faire face à l’urgence, mais aussi remplir sa fonction première, celle de préparer l’avenir et de proposer un cap.
En ce sens, ce budget doit s’inscrire dans une trajectoire, celle de la programmation pluriannuelle de nos finances publiques, dont notre pays disposera – du moins, je l’espère – dans le cadre que le Sénat a retravaillé, en responsabilité.
Dans le contexte particulier du rejet de ce texte par l’Assemblée nationale, nous avons décidé d’adopter un projet réécrit, qui semble, hélas, déjà dépassé. Nous avons choisi de calquer – enfin ! – l’effort des administrations centrales sur celui demandé aux collectivités territoriales, en fixant le taux de progression de leurs dépenses 0,5 point en dessous de l’inflation, pour aboutir à une trajectoire plus ambitieuse, que vous nous avez dit partager désormais, monsieur le ministre, et retrouver en 2025 des niveaux de déficit et de dette plus acceptables, bien qu’encore élevés.
Si nous pouvons partager la volonté de mieux coordonner politique monétaire et politique budgétaire, de veiller à un meilleur partage de la valeur en faveur du travail, de renforcer notre indépendance énergétique et de protéger de manière ciblée nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités, nous ne pouvons souscrire ni à des hypothèses macroéconomiques trop optimistes ni à l’absence de réformes structurelles, qui limite la crédibilité de l’exercice, comme l’a rappelé ma collègue Christine Lavarde.
Nous proposerons donc plusieurs voies pour y remédier sans renoncer à une ambition pour notre pays, en procédant à des économies de l’ordre de 4 milliards d’euros, et en sortant enfin du « quoi qu’il en coûte ».
L’examen des principaux éléments de l’équilibre, ou plutôt du déséquilibre, du projet de loi de finances pour 2023 que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne manque en effet pas de nous inquiéter à cet égard.
On relève ainsi un scénario macroéconomique incontestablement trop optimiste, une inflation durable, estimée à 5,4 % en 2023, chiffre peut-être encore sous-estimé, un niveau de déficit exceptionnellement élevé, passé de 67 milliards d’euros en 2017 à 158 milliards en 2023, et une explosion de la dette et de son coût.
Cette dette – son poids, son évolution, ses flux comme son stock, ses fondements, qui ne prennent racine que dans nos dépenses de fonctionnement – est la source majeure des inquiétudes et du manque de lisibilité qui frappent notre pays, comme l’a rappelé notre rapporteur général Jean-François Husson.
Le niveau de cette dette, estimé à 111,2 % du PIB dans ce texte, mais qui sera sans doute plus élevé encore, nous contraindra à emprunter le montant record de 270 milliards d’euros sur les marchés financiers. L’année 2023 verra bien le rendez-vous avec le mur de la dette, sur lequel nous vous avions déjà alerté.
Face à ce mur, la structure de nos finances publiques déjà dégradée les rend confiscatoires et, trop souvent, inefficaces. En témoignent deux chiffres, qui eux-mêmes se sont déjà dégradés depuis notre examen du projet de loi de programmation des finances publiques : le taux de prélèvements obligatoires s’établit à 44,9 % du PIB ; le taux de dépenses publiques, à 56,9 %. Des mesures plus radicales, des choix tranchés et lisibles sont donc nécessaires.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous défendons avec vous la nécessité de réduire les prélèvements obligatoires, déjà trop élevés dans notre pays. Au regard du contexte, nous proposerons, sans remettre en cause la suppression de la CVAE, de lui apporter des aménagements pour garder un lien avec le territoire et garantir une dynamique de cette ressource pour les collectivités, via un dégrèvement dans un premier temps.
Alors que la réindustrialisation de notre pays est lourdement remise en cause par la hausse des prix de l’énergie en Europe, faire le pari de baisser les taux de nos impôts de production pour voir leur rendement s’améliorer, comme on l’a constaté pour l’impôt sur les sociétés (IS), est bien nécessaire, mais cela ne suffira pas.
Pour ma part, je défendrai des amendements visant à engager un réel effort sur la dépense fiscale et sociale, qui pèse près de 130 milliards d’euros dans notre pays. Il s’agit, d’une part, de borner dans le temps toute niche fiscale et, d’autre part, d’engager une trajectoire de baisse de 10 % par an de la dépense fiscale. De même, je défends l’idée qu’il faut s’interdire toute baisse de TVA, son effet sur les prix et le pouvoir d’achat étant plus qu’aléatoire, alors qu’elle prive de ressources l’État et, désormais, les collectivités.
Quant aux postes de dépense, même si nombre d’entre eux nécessiteraient un développement, je ne peux m’attarder que sur deux d’entre eux : ceux qui sont liés à la mobilité et, surtout, les soutiens accordés aux collectivités territoriales, qui ne constituent d’ailleurs pas une dépense.
En ma qualité de rapporteur spécial sur les transports terrestres et maritimes, j’aurai l’occasion de m’exprimer plus largement lors de l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Si la trajectoire de la loi d’orientation des mobilités (LOM) est respectée, grâce au plan de relance, nous savons tous ici – mon collègue Hervé Maurey et moi-même l’avons d’ailleurs dénoncé dans notre rapport d’information sur la situation de la SNCF et ses perspectives – que nous n’affrontons pas les enjeux auxquels nous faisons face.
Ainsi, nos infrastructures ont besoin d’investissements, à hauteur de 100 milliards d’euros, notre matériel roulant attend encore des moyens de modernisation et nous vivons déjà une contraction de l’offre, qui risque encore de s’amplifier alors que nous devrions susciter la demande pour améliorer notre trajectoire carbone tout en remédiant aux difficultés de pouvoir d’achat auxquelles tous sont confrontés.
Je sais – nous savons tous – que les réponses ne sont pas simples, mais désormais elles revêtent même une dimension démocratique, avec l’instauration des zones à faibles émissions, par exemple, ou encore les usages en territoires périphériques, qui risquent d’exclure nombre de Français de notre société. Nous risquons d’accroître les fractures…