M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Nous sommes d’accord, les dispositifs sont aujourd’hui performants. Néanmoins, notre objectif est de les rendre encore plus performants, afin de lutter contre la vulnérabilité de nos forêts face au risque d’incendie, et cela passe par un accroissement des surfaces faisant l’objet d’une gestion.
Ainsi, supprimer le plafond de 25 hectares, comme nous le proposons au travers de l’amendement n° I-743 rectifié, permettra d’inciter plus de propriétaires à mettre en place une gestion durable. Un plan simple de gestion s’impose uniquement pour les surfaces supérieures à 25 hectares. Sous ce seuil, il existe des documents de gestion, mais qui sont beaucoup plus légers et moins bien suivis. Le plan simple de gestion constitue la garantie d’une gestion suivie, qui permet de mieux lutter contre les incendies de forêt.
Quant à l’amendement n° I-990 rectifié, je comprends les considérations budgétaires exposées, mais, vous le savez, la forêt s’inscrit dans le temps long. Engager des travaux dans une forêt tout en sachant que, trois ans plus tard, il n’y aura peut-être plus de dispositif d’accompagnement, honnêtement, c’est mettre de l’argent dans un tonneau percé… La gestion forestière est une démarche de long terme et il faut absolument que les forestiers puissent investir en étant certains de ne pas devoir s’arrêter deux ou trois ans plus tard parce qu’ils n’auront plus d’aide. C’est donc une question d’efficacité : comment rendre la gestion plus pertinente face aux risques accrus, conformément aux engagements du Président de la République ?
Moins il y aura de documents de gestion, moins on pourra planter d’arbres. Or si l’on veut en planter 1 milliard, il va falloir s’y mettre rapidement…
M. le président. L’amendement n° I-739 rectifié, présenté par Mmes Loisier et de La Provôté, MM. Rietmann et Louault, Mme Morin-Desailly, M. Henno, Mmes Ract-Madoux et Billon, MM. Kern et Hingray, Mme Sollogoub, M. Savary, Mmes Perrot et Jacquemet, M. Duffourg, Mmes N. Delattre, Pluchet et Schillinger et MM. Delcros, Chasseing, Gremillet, Le Nay, Détraigne et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Après les mots :
du code forestier
insérer les mots :
ou la présomption des garanties de gestion durable prévue à l’article L 124-2 du même code
II. – Alinéa 14
Compléter cet article par les mots :
ou la présomption des garanties de gestion durable prévue à l’article L. 124-2 du même code
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement est relatif au code des bonnes pratiques sylvicoles, que nous avons prolongé au-delà du 31 décembre 2021 et qui est un document allégé de gestion durable. Nous y avons inclus, l’année dernière, l’obligation d’une mention des coupes et travaux, première étape vers un document de gestion, puisqu’un document n’indiquant pas les projets de coupes et travaux ne présente pas beaucoup d’intérêt du point de vue de la gestion durable.
Au travers de cet amendement, nous proposons de rendre éligibles au Defi les propriétaires qui se soumettent au code des bonnes pratiques sylvicoles, afin de lutter contre le morcellement des petites parcelles et de faciliter leur gestion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement, car elle souhaite savoir si la refonte du Defi couvre ou non les propriétés ciblées par les auteurs de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement a pour objet d’étendre l’accès au dispositif aux petits exploitants qui se soumettent au code des bonnes pratiques sylvicoles.
Aujourd’hui, pour bénéficier du Defi, un exploitant doit s’engager à conduire une gestion durable. Ce dispositif est donc exigeant du point de vue environnemental et nous partageons tous l’objectif d’une forêt durable.
Il faut en effet susciter l’investissement dans la forêt, mais, en même temps, il faut aussi garder un cadre garantissant une gestion durable de la forêt et étant le plus exigeant possible en matière environnementale.
Selon nous, les codes de bonnes pratiques sylvicoles recouvrent des pratiques plus générales, moins contraignantes, et ils ne garantissent pas que l’exploitation respecte pleinement les garanties de gestion durable.
C’est pourquoi nous préférons garder le régime actuel, qui nous semble plus protecteur de l’environnement, plutôt que de l’étendre aux codes des bonnes pratiques sylvicoles, qui sont, je le répète, moins contraignants et qui garantissent moins la mise en œuvre d’une gestion durable.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable également.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un plan simple de gestion, monsieur le ministre, mais un tel document a pour caractéristique de prévoir une programmation des coupes et des travaux. Or nous avons inclus, voilà un an, cette information dans les codes de bonnes pratiques sylvicoles, afin, justement, de favoriser la gestion durable.
Il me semble donc fort regrettable, face au défi du morcellement de nos propriétés, qui entraîne une mauvaise gestion des parcelles, de ne pas inciter les propriétaires à faire des travaux de gestion durable. Les efforts accomplis l’année dernière autour de la qualification de ces codes et de la gestion des travaux devraient nous conduire, dans le contexte actuel, à pousser les propriétaires de ces petites parcelles morcelées à faire des travaux.
M. le président. L’amendement n° I-858, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice du crédit d’impôt s’applique à l’une des opérations mentionnées du 1° au 6°. Toutefois, il est subordonné, dans le cas d’une exploitation forestière, par le fait de commercialiser les coupes uniquement à destination d’unités de transformation du bois européennes.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Il en est du bois comme des pommes de terre (Sourires.) : les pommes de terre sont produites en France, exportées et nous reviennent sous forme de frites surgelées ; de même, nous exportons notre bois, qui nous revient sous forme de meubles…
En dix ans, la quantité de chêne exportée a été multipliée par dix !
Or, quand on transforme le bois en France, on peut récupérer une partie des déchets pour fabriquer des granulés, dont le prix a doublé, comme cela a été indiqué précédemment.
Cet amendement a donc pour objet de réserver le bénéfice du crédit d’impôt relatif à l’investissement forestier aux propriétaires qui commercialisent leur bois en Europe. Cela permettra de garder de la matière et de la réinjecter dans la production de granulés, d’engendrer des économies sur le crédit d’impôt et de trouver une solution à la spirale inflationniste des granulés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne partage pas avec vous, mon cher collègue, la volonté de restreindre ce crédit d’impôt via un critère supplémentaire. Il vaut mieux garder de la souplesse.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-857, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« VI. -A. – Le taux du crédit d’impôt est de 18 % ; il est porté à 25 % pour les bénéficiaires prenant l’engagement sur les terrains concernés de mettre en œuvre une gestion sylvicole contribuant significativement aux objectifs suivants :
« 1° Augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers ;
« 2° Améliorer l’état de conservation de l’habitat forestier.
« Est éligible à la majoration prévue au présent VI, le bénéficiaire respectant les conditions fixées aux 1° et 2° à compter de l’année suivante de la remise d’une attestation d’engagement d’exploitation respectueuse de ces éco-conditions. Elle cesse définitivement de s’appliquer à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle les parcelles ne sont plus exploitées selon ce mode de production. Un décret définit les modalités d’engagement et de délivrance de l’attestation.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Les conditions d’application du crédit d’impôt forestier ne sont pas assez vertueuses du point de vue environnemental et, selon nous, la nouvelle rédaction qui en est proposée dans cet article aggrave encore un peu plus ce constat.
En effet, le dispositif couvrirait désormais toute acquisition comprise entre 4 et 25 hectares d’un espace de forêt et non plus simplement les extensions de propriété. L’absence de limite maximale dans la précédente rédaction favorisait l’acquisition de domaines vastes et la concentration de la propriété forestière dans les mains de quelques-uns.
Toutefois une régression du dispositif repose sur le seuil de 4 hectares, qui, s’il permet de ne pas favoriser la parcellisation du patrimoine forestier, contribue à soutenir les investisseurs souhaitant exploiter leurs parcelles.
Notre amendement vise à traiter ce problème. Il tend à conditionner le taux actuel du crédit d’impôt aux opérations qui contribuent à une gestion désintéressée des forêts. Sa logique s’inscrit pleinement dans le cadre de la convention sur la diversité biologique et des objectifs d’Aichi, qui constituent son plan stratégique. Dans ce cadre, la France s’est engagée, via l’objectif B.1, à « rédui[re] de moitié au moins et si possible ramen[er] à près de zéro » « le rythme d’appauvrissement de tous les habitats naturels, y compris les forêts ». Elle s’est également engagée à mettre fin aux subventions néfastes pour la diversité biologique et, au contraire, à créer des incitations positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la diversité biologique.
Ces objectifs sont repris dans le plan Biodiversité et dans la stratégie nationale pour la biodiversité, en cours de révision.
M. le président. L’amendement n° I-1447, présenté par MM. Labbé, Salmon, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard et Mmes de Marco, Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 38
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
«… – Ce taux est porté à 33 % pour les bénéficiaires prenant l’engagement sur les terrains concernés de mettre en œuvre une gestion sylvicole contribuant significativement aux objectifs suivants :
« 1° Augmenter le puits de carbone, en particulier dans les sols forestiers ;
« 2° Améliorer l’état de conservation de l’habitat forestier.
« L’exonération est applicable à compter de l’année qui suit celle au titre de laquelle une attestation d’engagement d’exploitation respectueuse des conditions précisées par le présent… a été fournie. Elle cesse définitivement de s’appliquer à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle les parcelles ne sont plus exploitées selon ces conditions.
« Les conditions de cet engagement et de son attestation sont définies par décret ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement, déposé par notre collègue Joël Labbé, vise à associer des écoconditionnalités au crédit d’impôt Defi, afin d’encourager la pratique d’une sylviculture plus écologique.
Le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale porte de 18 % à 25 % le crédit d’impôt bénéficiant aux propriétaires pour la réalisation de travaux forestiers. Le présent amendement tend non pas à ajouter un critère, mais à majorer ce taux, en le portant à 33 % pour les seuls propriétaires qui s’engagent à mettre en œuvre une sylviculture écologique.
À l’heure où la forêt connaît de multiples crises – scolytes, incendies, adaptation au changement climatique – et afin de participer à l’atteinte des objectifs climatiques et à la sauvegarde de la biodiversité de la France, il nous paraît essentiel d’inciter à des pratiques forestières contribuant à la résilience des forêts.
Pour cela, nous estimons qu’il faut encourager les propriétaires à mettre en place une sylviculture prenant en compte la multifonctionnalité des forêts, c’est-à-dire conciliant la production de bois avec la biodiversité et le renforcement du puits de carbone. Ces pratiques, dont la définition est renvoyée à un décret, devraient s’appuyer sur la gestion à couvert continu, sur la régénération naturelle et sur la diversification des essences en cas de plantation.
Cet amendement s’inscrit dans l’esprit de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, au travers de laquelle le Sénat avait valorisé la place de la biodiversité pour accroître la résilience du puits de carbone forestier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est défavorable aux deux amendements.
J’ai le sentiment que cette réforme a été préparée de manière collégiale. Pour tout vous dire, aucune partie ne nous a saisis ; or, lorsque des éléments posent problème aux uns ou autres, nous recevons généralement des signaux d’alerte.
Adoptons d’abord cette réforme, laissons-la vivre, puis observons la suite.
L’amendement n° I-857 vise à définir de façon plus contraignante le respect d’écoconditions par les exploitations, sans parfaitement les circonscrire pour les puits de carbone ; néanmoins, le taux de crédit d’impôt demeurerait à 25 %.
En revanche, l’amendement n° I-1447 vise à augmenter son taux jusqu’à 33 %.
Ces constats ont tendance à me conforter dans ma position : comprenez que, face à deux demandes différentes portant sur un dispositif nouveau, je préfère faire confiance au texte initial, qui me semble reposer sur un consensus assez large.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Depuis la loi du 9 juillet 2001 d’orientation sur la forêt, les forestiers sont soumis à un principe de multifonctionnalité, et ils l’appliquent.
Néanmoins, celle-ci se traduit différemment selon l’emplacement de la forêt, les caractéristiques du sol, etc. Il n’existe pas un modèle unique : elle s’adapte à une station forestière.
J’attire également votre attention sur le fait qu’installer une plantation – j’ai pu le constater ce matin avec des forestiers – exige un investissement supérieur à 6 000 euros, parfois jusqu’à 7 000 euros l’hectare, du fait, entre autres, de la vulnérabilité actuelle des plans et des déséquilibres sylvo-cynégétiques. C’est vous dire les efforts colossaux que fournissent les forestiers.
Par conséquent, je vous invite, à titre personnel, à ne pas leur en mettre encore sur le dos ; sinon, plus personne ne plantera d’arbres à l’avenir !
M. le président. L’amendement n° I-506 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Grand, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Guerriau, Wattebled, Menonville et Decool, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Ce taux est porté à 33 % au titre des dépenses mentionnées aux 4° et 5° du II pour les bénéficiaires adhérents à une organisation de producteurs, au sens de l’article L. 552-1 du code rural et de la pêche maritime et pour les bénéficiaires membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental forestier directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un groupement forestier ou d’une société d’épargne forestière.
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à réintégrer dans le dispositif de l’article 3 sexies la bonification du taux de défiscalisation du Defi-forêt pour les organisations de producteurs. Cette bonification, intégrée à la rédaction initiale de l’article, a par la suite été supprimée par amendement à l’Assemblée nationale. Elle se justifie pourtant selon nous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le sénateur Capus, de fait, votre amendement contient les dispositions proposées dans la copie initiale du Gouvernement.
À l’Assemblée nationale, j’ai donné un avis de sagesse à l’amendement qui prévoyait d’harmoniser à 25 % les taux entre les regroupements agricoles et les exploitations individuelles. Leurs auteurs faisaient état qu’une telle recommandation figurait parmi celles formulées au sein d’un rapport sur le Defi-forêt remis par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER).
J’émets également un avis de sagesse sur votre amendement, lequel permettrait de retourner au texte du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur Capus, cher collègue, je suis désolée : je ne vois pas pourquoi il faudrait appliquer des taux différenciés en fonction de tel ou tel gestionnaire. À mes yeux, cette différence ne se justifie en rien. Perçue comme problématique, elle a suscité une forte tension au sein des acteurs forestiers.
Pour ma part, je suis favorable à l’application d’un taux équivalent à l’ensemble des gestionnaires. La question n’est pas d’en privilégier un par rapport à un autre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je rejoins la remarque de ma collègue. Relever à 33 % le crédit d’impôt pour les organisations de producteurs pourrait porter préjudice aux gestionnaires forestiers indépendants. Il faut garder une stricte égalité, quel que soit le choix des propriétaires.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. L’amendement instaurant l’article prévoyait, à l’origine, une bonification pour les seules organisations de producteurs, qui doivent s’acquitter de missions particulières reconnues par arrêté ministériel, contrairement aux autres structures. C’est la raison pour laquelle je propose de rétablir cette bonification.
M. le président. L’amendement n° I-1448, présenté par MM. Labbé, Salmon, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard et Mmes de Marco, Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 38
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« … - Ce taux est porté à 33 % pour les bénéficiaires qui s’engagent à une transformation du bois sur le territoire de l’Union européenne.
« L’exonération est applicable à compter de l’année qui suit celle au titre de laquelle une attestation d’engagement à la transformation au sein du territoire de l’Union européenne. Elle cesse définitivement de s’appliquer à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle une vente de bois pour transformation hors du territoire de l’Union européenne est effectuée. Les conditions de cet engagement et de son attestation sont définies par décret. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de Joël Labbé prévoit une modulation du dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt afin de favoriser la transformation locale du bois, en portant le crédit d’impôt à 33 % lorsque les propriétaires forestiers s’engagent à transformer le bois dans l’Union européenne. Cela ne pénalisera pas les autres, qui demeureront à un taux de 25 %, mais permettra d’accorder une bonification à cette relocalisation de la transformation.
À l’heure actuelle, une part importante du bois des forêts privées, notamment des grumes de chêne, est exportée sans aucune transformation sur le territoire, ce qui devrait nous interpeller – je ne reprendrai pas l’allégorie de la pomme de terre. Tout le bénéfice du stockage de carbone par le bois est, sinon anéanti, du moins très affaibli par les émissions liées au transport. C’est une aberration écologique.
L’économie locale s’en trouve par ailleurs fortement pénalisée, avec des difficultés d’approvisionnement pour les scieries françaises, dont nous devrions, en tant que chambre des territoires, nous faire l’écho.
La France se trouve enfin privée des coproduits de la transformation du bois, lesquels permettent pourtant de développer la filière bois énergie. Lors des débats de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, cette question avait alors été soulevée sur l’ensemble des travées.
Depuis, un travail a été mené avec le développement du label UE et la prise d’engagements de la filière pour favoriser la transformation locale ; malheureusement, cela reste insuffisant.
Par conséquent, il faut mettre en place des incitations. Il convient d’agir, ne serait-ce qu’au travers de cette bonification, pour favoriser la transformation sur le territoire européen.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Plutôt qu’une polémique, nous percevons ici des points de vue divergents. Je le répète, puisque l’amendement l’expose lui-même : le dispositif est nouveau, il a fait l’objet d’une large concertation. Le soutien – je l’entends – n’est pas unanime, mais il a l’air d’être amplement partagé.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous donner l’avis du Gouvernement afin de déterminer si l’amendement est conforme aux nouvelles orientations de la réforme ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’amendement prévoit de conditionner l’accès au Defi-forêt à la transformation du bois sur le territoire national ou au sein de l’Union européenne.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous proposons de majorer le crédit d’impôt.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous partageons tous l’objectif de développer une véritable filière bois, souveraine, en France et en Europe. Les assises de la forêt et du bois ont d’ailleurs ouvert la voie à des mesures fortes, notamment le renforcement du Defi-forêt.
Toutefois, il ne nous semble pas que nous parviendrons à renforcer la filière bois au travers d’une telle disposition fiscale. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous joignez-vous à l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet ! L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Ce que vous nous dites, monsieur le ministre délégué, peut s’entendre. Toutefois, il faut absolument trouver une solution pour éviter que le bois produit par les forêts françaises ne parte en Chine ; de fait, c’est là-bas qu’il se dirige.
Une telle exportation est catastrophique pour le climat : le bilan carbone est épouvantable, et, comme l’ont dit très justement nos collègues, toute la filière française – scieries, producteurs de bois et producteurs de granulés – est mise en danger.
Il faudra, à un moment donné, nous pencher sur le sujet. On ne peut pas continuer à importer librement en France des marchandises produites de manière très carbonée en Chine ni rester sans rien faire quand notre bois exploité de façon soutenable file là-bas ! Certaines choses sont absurdes…
De façon plus générale, il nous faudra faire entrer dans l’économie des réflexions géopolitiques ; cela nous manque. Une globalisation sans vision géopolitique aboutit à l’Ukraine…