M. Pascal Savoldelli. En Grèce, ça marche bien !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est pourquoi nous avons choisi de baisser massivement les impôts de production, en supprimant d’abord la part de la CVAE qui revenait aux régions, dont la perte de recettes a été compensée par l’affectation d’une fraction de la TVA.
Je n’entends pas les régions regretter cette décision, surtout au vu du dynamisme de la TVA cette année, qui a entraîné un surcroît de recettes bien supérieur au montant anticipé et à ce qu’elles auraient perçu si leur part affectée de CVAE avait été maintenue.
Ensuite, nous avons instauré un mécanisme de plafonnement de la valeur ajoutée (PVA) et nous avons divisé par deux la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les établissements industriels. Au total, le montant de la baisse des impôts de production s’élève à 10 milliards d’euros.
Malgré cette baisse de 10 milliards d’euros, la différence reste élevée avec les autres pays européens. En France, les impôts de production représentent 3,1 % du PIB en France ; c’est deux fois plus que la moyenne des pays de la zone euro, 1,5 % du PIB, et quatre fois plus que l’Allemagne, 0,7 % du PIB. Il faut donc poursuivre la baisse des impôts de production.
C’est pourquoi nous proposons dans le PLF de supprimer la CVAE. Nous l’assumons d’autant plus que cette mesure bénéficiera massivement et prioritairement à l’industrie.
La suppression de la CVAE profitera à 530 000 entreprises. Le secteur industriel en sera le premier bénéficiaire, avec 25 % – c’est deux fois plus que sa part actuelle dans le PIB – des gains liés à la suppression de la CVAE.
Et 75 % des gains iront aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), à hauteur, respectivement, de 32 % et 41 %. Par exemple, pour 30 millions d’euros de valeur ajoutée produite, le montant annuel d’impôts d’une ETI industrielle réalisant un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros baisserait ainsi de 225 000 euros.
Oui, c’est une mesure de soutien à notre industrie, à un moment où elle en a véritablement besoin !
J’ai expliqué que notre volonté d’engager une trajectoire de baisse d’impôts de production a été motivée ces dernières années par la différence de niveau entre la France, l’Allemagne et la moyenne de la zone euro. Ces derniers mois, des raisons supplémentaires de poursuivre dans cette voie sont apparues. En effet, au-delà de la compétition entre la France et ses voisins européens pour attirer des activités industrielles, la compétition avec les États-Unis est désormais encore plus forte.
Nous avons changé de monde avec l’adoption par les Américains de l’Inflation Reduction Act (IRA), avec des crédits d’impôt massifs pour le secteur industriel dans les domaines de l’énergie et des technologies d’avenir.
Si nous voulons que l’Union européenne et la France restent compétitives, si nous voulons attirer des investissements et éviter que ceux qui ont été effectués en France ne partent aux États-Unis, il faut continuer dans la voie de la baisse des impôts de production.
M. Éric Bocquet. Qu’en pensent les maires ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Certes, le chemin parcouru ces dernières années n’a pas compensé les décennies de désindustrialisation de notre pays. Mais, depuis trois ans, le nombre d’ouvertures d’usines dépasse celui des fermetures, et le nombre d’emplois industriels créés dépasse celui des emplois détruits. Notre politique porte ses fruits.
Par ailleurs, les services de la direction générale du Trésor ont estimé que la suppression de la CVAE, inscrite dans ce projet de loi, permettra d’obtenir 0,7 point de PIB en plus et de créer 120 000 emplois directs dans les années à venir, dont 57 000 dès 2025.
Aussi, j’appelle à voter en faveur de l’industrie française et européenne, de l’emploi, de l’attractivité économique de notre pays (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) et, in fine, des recettes publiques de notre pays. Car plus il y aura d’activité, plus l’industrie se développera, plus il y aura d’emplois créés, et plus nous percevrons de recettes pour financer nos politiques publiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. La suppression de la CVAE est un sujet important. Pour ma part, j’ai un avis négatif depuis le début sur la question. Au moins, on peut dire que ma position est constante. (Sourires.)
Je n’aime pas le fait d’opposer ceux qui seraient pour la compétitivité des entreprises à ceux qui seraient contre. Cela n’a pas de sens ; nous sommes tous favorables à la compétitivité de l’industrie française ! La question n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre les entreprises.
À mon sens, en matière de compétitivité, l’enjeu n’est pas de réaliser quelques milliers d’euros ou quelques centaines de milliers d’économies pour les grandes entreprises grâce à la suppression de la CVAE. Si c’était le cas, nous ne serions pas le pays de l’Union européenne – vous le revendiquez souvent – qui aujourd’hui attire le plus d’investissements internationaux. Il est contradictoire d’affirmer à la fois que nous sommes les plus attractifs et de l’autre qu’il faudrait baisser encore plus les impôts à court terme ; sur le long terme, cela peut se discuter.
Le véritable enjeu de la compétitivité aujourd’hui, c’est, entre autres, au prix de l’énergie. Mieux vaut cibler les aides là où elles sont le plus nécessaires, par exemple pour faire face à la hausse du prix de l’énergie, plutôt que de les distribuer larga manu. Une fois que cette question aura été traitée, nous pourrons voir plus loin.
Report de la mesure ou suppression de l’article ? Pour moi, ce sera évidemment suppression de l’article. Nous voyons bien que le report est une technique pour ménager la chèvre et le chou, les entreprises et les collectivités territoriales. En réalité, vous souhaitez surtout passer les élections sénatoriales à venir ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.) Je crois sincèrement qu’il faut arrêter avec cela.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au sein du groupe RDPI, nous sommes attachés à l’article 5, car nous souhaitons concilier la compétitivité des entreprises avec les moyens affectés aux collectivités territoriales. Cette semaine est celle du congrès des maires ; c’est aussi celle de l’industrie. Nous voulons que les uns comme les autres puissent bien se porter.
L’article prévoit un certain nombre de garanties. Je pense notamment au fonds national de l’attractivité économique des territoires, qui permettra de conserver une forme de lien avec les territoires, au travers du reversement d’une part correspondant à la dynamique nationale de la TVA ; ce n’est pas la part « socle ». M. le ministre pourra nous rassurer au cours du débat sur ce point, qui a été au cœur des interventions de plusieurs d’entre vous. (M. le ministre délégué acquiesce.)
Nous ne pouvons pas verser des larmes de crocodile à chaque fermeture d’usine sans prendre le taureau par les cornes ! Beaucoup déjà a été fait depuis cinq ans, et même – il faut le reconnaître – un peu avant. Nous avons besoin de pérenniser cet avantage comparatif, qui a permis de relocaliser des emplois et des industries.
Au demeurant, il est un peu triste de constater que certains programmes présidentiels défendus par des collègues siégeant sur d’autres travées relèvent manifestement de l’obsolescence programmée. Alors que l’objectif de baisse des impôts de production avait été largement partagé par de nombreux candidats à l’élection présidentielle, certains veulent aujourd’hui supprimer un article qui permet de l’atteindre ; c’est une forme de reniement.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à une telle suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Le débat que nous avons ce matin porte sur l’un des articles les plus importants du PLF. La suppression de la CVAE a trois défauts.
Premièrement, elle montre bien que la politique de compétitivité, la politique de l’offre, du Gouvernement, fondée sur la concurrence du moins-disant fiscal, a vocation à se perpétuer. Cette baisse des impôts de production est comme un puits sans fond. Où cela va-t-il s’arrêter ?
Deuxièmement, elle entraîne un transfert de la fiscalité des entreprises sur les Français, notamment les plus modestes, puisqu’elle sera compensée par le versement d’une fraction de TVA, impôt d’abord payé par les Français qui dépensent la plus grande part de leurs revenus !
Troisièmement, alors qu’il y a déjà eu la suppression de la redevance audiovisuelle, que va-t-il rester à l’État des recettes de TVA, qui – nous le savons – sont extrêmement importantes ?
Plus généralement, c’est une remise en cause progressive de ce qui fonde la décentralisation : l’autonomie fiscale et le lien entre les collectivités et les territoires, qui, comme le soulignait Éric Bocquet, sont à la base de la démocratie locale.
Au lieu de créer une usine à gaz, au lieu de reculer avant les sénatoriales pour mieux sauter après, comme l’a dit le président de la commission des finances, je pense que nous devrions tout simplement voter la suppression de cet article aujourd’hui. Les maires, qui sont en congrès cette semaine, y seraient, me semble-t-il, extrêmement sensibles.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Nous allons voter contre la suppression de la CVAE, pour plusieurs raisons, dont certaines ont déjà été développées par le président de la commission des finances.
Si nous sommes favorables, d’une manière générale, à la baisse des impôts, celle-ci doit être le corollaire d’une baisse de la dépense publique. Sinon, c’est du pipeau ! Baisser les impôts en augmentant les déficits et la dette, c’est faire peser la charge sur les générations futures. En soi, ce n’est déjà pas bon.
Surtout, chaque fois que vous baissez les impôts – je pense à la suppression de la taxe d’habitation, pour 20 milliards d’euros, ou à celle aujourd’hui de la CVAE, pour 8 milliards d’euros –, vous le faites au détriment des collectivités locales. Or nous défendons leur autonomie fiscale, qui est en train d’être affaiblie. La prochaine fois, ce sera la TFPB. Nous ne sommes pas favorables à un tel déshabillage fiscal des collectivités locales.
Au demeurant, les conditions de la compensation ne sont pas bien déterminées à ce jour. On peut, certes, les reporter ad vitam aeternam. Mais j’aimerais avoir de la clarté sur le sujet dès maintenant.
Aujourd’hui, les collectivités locales n’ont pas de visibilité. On leur supprime de l’autonomie, tout en affaiblissant notre pays sur le plan budgétaire.
Nous ne sommes pas favorables à la suppression de la CVAE. Nous voterons donc les amendements tendant à supprimer l’article 5.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Ce débat me rappelle celui que nous avons eu voilà huit ans ou neuf ans. Nous disions alors au Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, que les collectivités locales n’y arrivaient plus.
Il faut savoir ce que l’on veut. Effectivement – le ministre a raison –, il faut baisser les impôts de production sur les entreprises : ce sont elles qui créent de l’emploi ; plus elles sont compétitives, mieux on se porte. Mais il faut aussi respecter l’article 72-2 de la Constitution et maintenir la capacité d’autonomie fiscale des collectivités. Et il faut que l’État dispose de ressources suffisantes, tout en réduisant la dépense publique, pour atteindre l’équilibre budgétaire.
En vérité, depuis dix ans ou quinze ans, on bricole ! D’année en année, de nouvelles solutions sont proposées, mais nous n’avons aucune visibilité sur les finances des collectivités ni sur celles des entreprises, et encore moins sur celles de l’État. Tout cela crée une situation hallucinante !
Autant je comprends l’intérêt de baisser les impôts de production, autant je partage l’avis du rapporteur général : il faut à tout le moins que ce soit bien fait ! Prenez l’exemple de la suppression de la redevance audiovisuelle : on ne savait pas comment la compenser et, au dernier moment, on nous a dit qu’une fraction de la TVA serait affectée, mais seulement pendant deux ans, ce qui nous obligera donc à recommencer le débat sur la compensation. Tout cela n’est pas sérieux.
Je partage l’opinion du rapporteur général : un délai est indispensable pour que nous puissions y travailler sereinement.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas reprendre à votre compte les engagements de Jean-Marc Ayrault en 2013 de remettre à plat l’ensemble de la fiscalité et d’ouvrir des assises de la fiscalité – certes, cet engagement n’a pas été tenu – pour réformer les ressources des collectivités locales, des entreprises et de l’État ?
Il est grand temps d’avoir plus de visibilité sur l’ensemble des dispositifs concernés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Le groupe Les Républicains s’opposera – ce n’est pas une surprise – à l’adoption des amendements de suppression de l’article 5, pour les raisons que j’ai exposées précédemment.
Les entreprises ont besoin d’être soutenues aujourd’hui, car elles font face à une explosion des charges. Nous sommes tous ici en faveur de la préservation des emplois et de la production de richesse.
L’article proposé par le Gouvernement pose un véritable problème s’agissant des modalités de compensation financière des collectivités territoriales, qui n’ont fait l’objet ni d’évaluations ni de simulations ! On nous demande de croire en la bonne parole du Gouvernement, selon qui la compensation affectée au travers d’une fraction de la TVA sera répartie de façon territorialisée, de sorte que les collectivités ayant investi pour attirer des entreprises seront récompensées de leurs efforts. Mais chat échaudé craint l’eau froide. Vu le précédent de la taxe d’habitation, nous sommes très circonspects sur la mise en place des modalités de compensation, surtout lorsqu’elles ont été préparées et débattues en si peu de temps, en l’occurrence depuis la présentation du PLF en conseil des ministres, le 26 septembre dernier.
En supprimant l’article 5, nous ne pourrons pas examiner les amendements qui ont pour objet de proposer une autre réforme. Je pense notamment à l’amendement de M. Retailleau, qui vise à transformer la compensation de la fraction de TVA par un dégrèvement ; cela permettrait aux entreprises de ne pas payer 50 % de leur CVAE l’année prochaine et aux collectivités de bénéficier pendant deux années supplémentaires d’un reversement de la CVAE, comme si rien n’avait changé dans le paysage fiscal. Je songe également à l’amendement du rapporteur général, qui tend à décaler la réforme d’un an pour mieux la préparer.
Il existe donc des propositions qui permettraient d’améliorer nettement l’article 5. Gardons cela en tête au moment de nous prononcer sur sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Je ne voterai pas ces amendements identiques, car je suis favorable à la suppression de la CVAE. C’est un mauvais impôt à double titre : d’une part, il est assis sur le chiffre d’affaires, et non sur le bénéfice ; d’autre part, il pénalise surtout les entreprises qui ont des marges brutes faibles, notamment les entreprises industrielles.
Je crois davantage à la création de richesses par la réindustrialisation de nos territoires. Je pense qu’il faut une compensation territorialisée dynamique via une fraction de TVA.
Je souhaitais aussi faire un petit rappel historique : trois groupes parlementaires – ils se reconnaîtront – ont voté pour une baisse massive de cette même CVAE lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2021.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La suppression sèche de l’article 5 n’est pas acceptable. Ce serait un signal négatif adressé aux entreprises. Ces dernières ont besoin d’être certaines que les impôts de production sont amenés à évoluer et que la charge de ceux qui assument l’effort de l’investissement et prennent le risque de l’emploi et de l’environnement sera allégée.
Les entreprises ont, certes, besoin de savoir que les impôts de production vont évoluer, mais les collectivités locales ont tout autant le droit de savoir quelle sera la récompense de leurs efforts.
J’ai présidé la région Lorraine pendant douze ans. Nous avons accueilli des investissements étrangers de manière constante jusqu’aux lois de Mme Aubry mettant en œuvre le projet des 35 heures.
Les collectivités locales se sont battues pour retrouver de l’attractivité. Aujourd’hui encore, elles se battent pour faire en sorte que les viabilités, les réseaux, les infrastructures et les zones d’activité soient attractifs.
Évidemment, les exigences des industriels et des investisseurs modernes sont aujourd’hui beaucoup plus élevées. Il faut qu’il y ait un lien entre l’effort des collectivités locales pour attirer des investissements et le bénéfice qu’elles en retirent. Or ce lien risque de disparaître.
La CVAE, je le rappelle, est l’enfant de la commission des finances du Sénat. Mme Lagarde – c’est un précédent tout à fait honorable – s’étant rendu compte que la suppression de la taxe professionnelle, annoncée par le président Sarkozy, mais préparée par personne, était une véritable catastrophe pour les collectivités locales, elle a eu l’intelligence de nous inviter à lui présenter nos idées si nous pensions en avoir de meilleures.
Monsieur le ministre, c’est exactement ce que nous vous demandons.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, nous ne voulons pas d’une suppression sèche. Il faut un temps de réflexion et d’écoute de la volonté du Parlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, pas de moralisation du débat !
Dans cet hémicycle, ce n’est pas un référendum pour ou contre l’économie, pour ou contre le développement industriel de notre pays. Cela ne marche pas ainsi. Nous n’aurons pas une discussion binaire de ce type.
Monsieur le rapporteur général, chers collègues du groupe Les Républicains, vous prenez l’exemple de la taxe d’habitation. Mais – n’avez-vous pas de mémoire ? – vous en aviez voté la suppression !
Mme Christine Lavarde. Non !
M. Pascal Savoldelli. Or vous saviez que 30 % des gens les plus modestes ne la payaient déjà pas. Assumez et gérez vos contradictions ! Vous avez seulement eu un débat sur le calendrier.
Vous allez nous jouer le même tour sur la CVAE ! Vous êtes pour, mais vous allez défendre un amendement proposant un dégrèvement de 50 %. C’est de la politique politicarde. C’est pour quand on n’a pas de ligne.
M. Jérôme Bascher. Pas de morale !
M. Pascal Savoldelli. Ou bien, si vous voulez gouverner avec le Gouvernement, faites-le ! Mais assumez vos positions.
Pourquoi la suppression de la CVAE pose-t-elle problème ? En 2018, son montant était de 22 milliards d’euros ; ce rappel est important pour nos collectivités territoriales. Aujourd’hui, nous discutons de 8 milliards.
Ce n’est pas une affaire de « bricolage » ; c’est un désengagement de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée pour les collectivités territoriales ! Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 5.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’État et les communes, c’est la même chose ! C’est une seule et même entité. Nous ne pouvons pas déshabiller Pierre pour habiller Jacques. Car, à la fin, c’est la République, la démocratie et les services publics qui reculent !
Sur ce sujet, un simple jeu d’écriture et de bons mots ne suffisent pas !
Mes chers collègues, nous n’allons pas vous convaincre de changer votre vote sur la suppression, mais peut-être allons-nous vous faire réfléchir sur la clarté et la responsabilité politique. La suppression de l’article 5, c’est un choix clair, qui permet aux parlementaires de continuer à travailler sur l’amélioration du dispositif.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Certes, nous restons sous la menace de l’article 49.3,…
Mme la présidente. Concluez, monsieur Savoldelli !
M. Pascal Savoldelli. … que nous avons encore en ligne de mire.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je ne souhaite pas avoir à vous couper la parole. Je prie donc chacune et chacun d’entre vous de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. La charge d’intérêts de la dette publique s’élève à 50 milliards d’euros, soit 14 milliards de plus que l’an passé. Si j’étais libéral, je dirais que ce n’est vraiment pas le moment de supprimer 4 milliards d’euros de recettes pour l’État. Mais cela ne semble guère déranger la majorité sénatoriale ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Le débat sur le déficit public est escamoté au moment où nous parlons de la suppression de la CVAE.
Nous voulons défendre l’industrie ; tous les collègues l’ont dit, et nous le disons aussi. Notre pays est le plus attractif de l’Union européenne, nous a rappelé le ministre voilà deux jours ; il faudrait donc être encore plus attractif qu’attractif !
Mes chers collègues, j’aimerais que nous parlions des collectivités territoriales. Lorsque j’étais maire, la taxe d’habitation et la taxe professionnelle existaient, ce qui ne m’a pas empêché d’attirer dans ma commune de nombreuses entreprises. Cela m’a permis de financer des politiques sociales.
Nous sommes en train de retirer à tous nos collègues maires leur autonomie fiscale. Vous le savez parfaitement. Il faut laisser des recettes aux collectivités. En plus, leur retirer des recettes pour faire peser les dépenses sur les citoyens. Ce n’est vraiment pas raisonnable.
Nous ne pouvons pas parler de la suppression de la CVAE sans parler des services que rendent les collectivités.
Monsieur le ministre, je vous l’ai dit à plusieurs reprises : vous soutenez avec une grande vigueur les entreprises, mais soutenez les collectivités territoriales ! Vous savez très bien que leur rôle est aussi – j’y insiste – fondamental pour notre pays.
M. Gérard Longuet. Il faut savoir investir dans le progrès.
M. Daniel Breuiller. Certes, la richesse se crée dans les entreprises. Mais la cohésion sociale est assurée par les collectivités ; le rayonnement culturel de notre pays se diffuse grâce aux collectivités ; la qualité de vie s’apprécie dans nos collectivités. C’est pour ces raisons que les entreprises s’installent chez nous ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si c’est simplement pour le moins-disant social, il y a la Chine ! Elle est beaucoup plus compétitive que nous !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
M. Daniel Breuiller. Je ne souhaite pas un tel régime pour mon pays, et je n’envisage pas d’y vivre. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sachons maintenir l’énergie des collectivités territoriales, qui sont le moteur essentiel de notre cohésion ! (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Blanc. Nous sommes évidemment favorables à la suppression des impôts de production et au monde de l’entreprise.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous faire partager mes interrogations. Pourquoi ce pays n’aime-t-il pas sa décentralisation ? Pourquoi n’aime-t-il pas sa libre administration, qui ne peut guère exister sans autonomie financière ? Il n’y a pas d’autonomie financière sans impôts locaux propres. Cet article acte bel et bien la suppression définitive de la fiscalité locale.
Comme le soulignait le professeur Bouvier, qu’un de nos collègues a cité, de nouvelles compétences supposent de nouveaux financements.
Les collectivités locales ont bien de nouvelles compétences, différentes de celles de l’État, qui devront être financées. C’est le cas, par exemple, de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, dont le financement met « légèrement » en ébullition nos territoires. Quels financements allons-nous trouver pour ces nouvelles compétences ? Dont acte. Nous demandons du temps.
À l’instar de mon collègue Roger Karoutchi, je pense qu’il est vraiment temps de mettre à plat la fiscalité locale ; c’est annoncé depuis vingt ans, mais cela n’a jamais été fait. Voilà pourquoi nous demandons du temps.
M. Pascal Savoldelli. C’est de la psychologie de comptoir !
M. Jean-Baptiste Blanc. Il faudra un jour nous demander si nous voulons vraiment une centralisation, une libre administration, une autonomie financière et des impôts locaux propres et justes qui seraient utiles pour financer les nouvelles compétences à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. Ainsi que Christine Lavarde l’a rappelé, supprimer ou non la CVAE est un débat de fond. Cela revient à se demander si nous sommes prêts à accepter le désarmement fiscal de l’État et ainsi à faire peser tous les efforts sur les collectivités.
Cela soulève également la question des finances locales et du nécessaire équilibre entre les recettes fiscales et les dotations de péréquation.
La suppression d’une recette comme la CVAE peut avoir des conséquences de grande ampleur. Il me semble que l’on a mis la charrue avant les bœufs.
Encore une fois, on fait des coupes dans le budget des collectivités sans une réflexion d’ensemble. D’ailleurs, si l’on continue comme cela, il n’y aura plus grand-chose sur quoi réfléchir, car les collectivités seront trop mal en point.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Mon explication de vote vaudra également défense de l’amendement n° I-844.
M. Macron s’est rendu à Onnaing au mois de janvier 2018 pour visiter l’usine de Toyota, après que l’entreprise a annoncé un investissement de 400 millions d’euros pour développer le site, indépendamment de la CVAE.
Remontons à l’origine de l’implantation de Toyota dans le Valenciennois, en 1999 : le site était en concurrence avec d’autres, en Angleterre, en Irlande, en Pologne ou encore aux Pays-Bas. Mais c’est lui qui a été choisi. L’existence à l’époque de la taxe professionnelle n’a pas du tout dissuadé l’entreprise.
Pourquoi ? Parce qu’il y a de la main-d’œuvre qualifiée sur place ! Parce que les salaires sont faibles dans la métallurgie ! Parce qu’il y a un réseau routier ! Parce que l’emplacement géographique – à côté du Benelux, du tunnel vers le Royaume-Uni et des grandes régions industrielles du nord de l’Europe – est stratégique ! Parce qu’à l’époque – c’est en train de changer –, l’électricité était la moins chère de l’Union européenne ! C’était un choix d’implantation.
Monsieur le ministre, en supprimant des impôts comme vous le faites, vous aggravez la dette que d’aucuns condamnent ici régulièrement.
Il faut arrêter d’opposer les collectivités aux entreprises. Toutes font partie du même écosystème. Tous les investissements que les collectivités réalisent sur les territoires contribuent à l’amélioration du cadre de vie des entreprises et de leurs salariés.