M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Didier Rambaud. Sous réserve des discussions et des amendements adoptés, le groupe RDPI votera bien évidemment les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, comme chaque année, nous examinons en seconde partie du projet de loi de finances les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette année, le contexte est particulier, car l’environnement économique et social est singulièrement anxiogène, en conséquence de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.
Les maires que nous côtoyons sont inquiets. Beaucoup d’entre eux voient leur budget déséquilibré et peinent à le boucler en raison de l’explosion des dépenses d’énergie, ainsi que du renchérissement des produits alimentaires et des marchés de travaux. Tous constatent que la précarité gagne du terrain, tandis que les centres communaux d’action sociale (CCAS) multiplient les aides aux plus démunis.
Dans ce contexte, il est regrettable que le Gouvernement ait regardé les collectivités territoriales comme une variable d’ajustement de son budget plutôt que comme un élément moteur de l’effort de résilience. Il se targue de travailler main dans la main avec les associations d’élus : le dialogue serait permanent et fructueux et le budget serait coconstruit…
Dès lors, madame la ministre, pourquoi toutes ces associations s’alarment-elles de ses projets ? Tout simplement parce que le Gouvernement confond concertation et consultation, dialogue et monologue, horizontalité et verticalité. Ce n’est pas faute de vous alerter : nous l’avons encore fait lors des débats budgétaires de cette session.
Or, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, vous avez décidé de donner naissance à une nouvelle génération de contrats de Cahors. Non seulement vous continuez de ne pas faire confiance aux collectivités, mais, en plus, vous les infantilisez en menaçant de les sanctionner et de les priver de dotations d’investissement si elles ne réduisent pas leurs dépenses de fonctionnement.
L’Assemblée nationale et le Sénat vous ont dit leur refus et vous ont enjoint de mettre un terme à ce climat de défiance, mais vous insistez, en réintroduisant ce dispositif à l’article 40 quater de cette seconde partie du projet de loi de finances.
C’est doublement inacceptable, pour les collectivités, suspectées de dépenser à tort et à travers alors que leurs budgets ne peuvent être en déficit, et pour le Parlement, que vous tentez de bâillonner.
Madame la ministre, nous supprimerons de nouveau ce carcan dans lequel vous entendez placer les collectivités.
M. André Reichardt. C’est bien !
M. Didier Marie. J’en viens à la CVAE. Après la suppression de la taxe d’habitation, dont la compensation continue de poser problème, vous poursuivez votre stratégie de nationalisation des impôts locaux et de réduction des marges de manœuvre des collectivités.
Il est tout de même extraordinaire que, quand le Gouvernement souhaite faire des cadeaux fiscaux, ce ne soit jamais avec ses propres impôts, mais avec ceux des collectivités, nous plaçant ainsi sous tutelle ! Ce faisant, vous coupez le lien entre les territoires et les entreprises.
Quel maire, à l’heure de la sobriété foncière, arbitrera en faveur d’une activité industrielle, source de nuisances potentielles sans retour fiscal, face à un projet immobilier rémunérateur ? Le vague fonds national de l’attractivité économique des territoires, dont les critères de répartition ne sont pas définis, ne suffira pas à le rassurer.
Vous nous garantissez, la main sur le cœur, que le remplacement de la CVAE par une fraction de la TVA sera profitable à nos communes et à nos départements. Ce qui sera pourtant profitable aux entreprises, et d’abord aux plus importantes d’entre elles, ne le sera pas aux ménages, sur lesquels vous allez faire peser l’impôt – un impôt particulièrement pénalisant pour les familles modestes, qui en paient proportionnellement plus que les plus aisées, un impôt volatil, qui, certes, a progressé plus vite que la CVAE ces dernières années, mais dont la tendance peut se retourner en période de stagnation ou de crise.
Une majorité s’est exprimée au Sénat pour maintenir la CVAE. Ne faites pas fi de nos arguments, ne passez pas en force, une fois de plus, en usant du 49.3.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Didier Marie. Ne restez pas accroché à votre dogme du moins d’impôt et renoncez à la politique de désarmement fiscal que vous menez au détriment des services publics et du plus grand nombre.
S’agissant de l’inflation, nous le répétons, les conséquences de la guerre en Ukraine sur le coût de l’énergie pénalisent lourdement de multiples collectivités et mettent en danger leur capacité d’investissement. Nombre d’entre elles ont déjà reporté des réalisations prévues, promises lors des dernières élections locales.
Elles font toutes preuve de responsabilité et d’imagination pour limiter leurs dépenses courantes. Mais comment accepter de réduire l’éclairage public, au risque de l’insécurité, d’augmenter les tarifs de la restauration scolaire ou de baisser les températures dans les écoles et dans les crèches ?
Le Gouvernement annonce la mise en place d’un filet de sécurité. À l’origine, celui-ci devait concerner 22 000 communes, puis 12 000 ; il est maintenant question, au mieux, de 7 000 communes… Le Sénat vous recommande de l’élargir et d’en resserrer les mailles. Nous aurions souhaité aller plus loin que M. le rapporteur général, mais nous nous rangeons à sa proposition. Reste à savoir si le Gouvernement en fera de même.
À cela s’ajoute l’inflation sur les produits alimentaires, les travaux d’entretien courant, les fournitures diverses, ainsi que l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires.
Madame la ministre, nous vous invitons à écouter le Sénat et à ne pas revenir sur le vote de la revalorisation de la DGF visant à l’indexer sur l’inflation. Vous proposiez 320 millions d’euros ; en temps normal, nous aurions applaudi, mais cette augmentation de 1,47 % est bien loin des 4,7 % d’inflation que la Banque de France anticipe.
M. Vincent Éblé. C’est une aumône !
M. Didier Marie. J’en viens aux crédits de la mission proprement dits.
Divisés en deux programmes, 119 et 122, ils représentent environ 4 % du total des transferts financiers de l’État aux collectivités et connaissent une baisse de 12,84 % de leurs crédits d’engagement, particulièrement regrettable au regard du contexte que je viens d’évoquer.
Si la baisse qui touche le programme 122 s’explique en grande partie par la diminution des fonds alloués aux collectivités victimes d’aléas climatiques, celle qui concerne le programme 119 va peser sur l’investissement local. Ainsi, les crédits des dotations de compensation vont une fois de plus décroître de près de 8 % en volume, confirmant l’érosion progressive de la compensation des compétences passées.
Les crédits de soutien à l’investissement local subissent, eux, une réduction en valeur de 13,2 % et de 19,9 % en volume. Certes, le Gouvernement nous dira que ces évolutions sont liées à l’extinction de dispositifs exceptionnels. Était-ce cependant le bon moment pour restreindre le soutien à l’investissement local ?
Pour ce qui concerne les articles rattachés, j’appelle votre attention, madame la ministre, sur les craintes de perte de DPEL lors des créations de communes nouvelles, qui pourraient s’en trouver freinées. Nous déposerons un amendement pour soutenir cette démarche et relancer le processus d’encouragement au regroupement.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Didier Marie. Enfin, comme chaque année, nous reviendrons, avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, sur les modalités des décisions de répartition de la DSIL et de la DETR, ainsi que du fonds vert, pour en améliorer la lisibilité et mieux y associer les élus.
Madame la ministre, nous parvenons aux limites du pouvoir d’agir des collectivités territoriales, tant leurs moyens se dégradent. Alors que les élus ont répondu à chaque appel du Gouvernement lors des différentes crises que nous avons traversées depuis cinq ans – « gilets jaunes », covid-19, crise économique et maintenant guerre en Ukraine –, vous sortez le bâton plutôt que la carotte et vous les découragez.
Le Président de la République annonce un nouveau chapitre de la décentralisation. Nous lui rappelons que décentraliser, c’est lâcher du lest, et non tenir en laisse.
Les collectivités locales ont besoin de visibilité, de moyens et de confiance. En les régentant, en les bridant, on alimente la grogne sociale, ainsi que l’incivisme, et l’on fragilise la démocratie.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, et pour l’ensemble de l’œuvre du Gouvernement envers les collectivités territoriales, nous ne voterons pas ces propositions pour les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions dû fêter cette année un bel anniversaire : les quarante ans de l’acte Ier de la décentralisation.
En 1982, une série de lois marque une rupture avec la tradition centralisatrice qui a constitué, pendant des siècles, une forte spécificité de l’organisation politique et administrative de notre pays. De Charlemagne à Louis XIV, à la Révolution française et à Napoléon, notre histoire centralisatrice – plus que jacobine – a jalonné la construction politique multiséculaire de la France.
En 1982 s’impose au contraire la volonté d’une administration décentralisée et déconcentrée, fondée sur l’idée que l’affermissement de la liberté locale associée au maintien des pouvoirs régaliens de l’État renforçait l’incarnation des principes républicains.
Cette année aurait donc dû être celle de la célébration des libertés locales ; elle restera comme l’année durant laquelle a sonné leur marche funèbre.
Ce nouveau budget rogne largement les finances des collectivités. Madame la ministre, votre gouvernement a choisi, en usant de nouveau du 49.3 à l’Assemblée nationale, de faire fi des discussions parlementaires sur le sort de nos collectivités territoriales.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, rejeté par l’Assemblée nationale et durci par le Sénat, trace une feuille de route austéritaire, de laquelle découle également ce projet de loi de finances. Concrètement, une perte de 2,9 milliards d’euros pour les collectivités territoriales a été votée, portant à 13 milliards d’euros le montant de DGF qui leur a été retiré depuis 2014.
La colère des élus grandit, madame la ministre. Depuis quelques semaines, comme d’autres sénateurs, je suis destinataire de motions adoptées par les conseils municipaux de mon département concernant les finances locales.
J’ai donc tout naturellement une pensée ce matin pour les communes de Pouilly-lès-Feurs, Saint-Polgues, Violay, Saint-Nizier-sous-Charlieu, Lentigny, Saint-Germain-Laval, Saint-Haon-le-Châtel ou encore Saint-André-d’Apchon, et tant d’autres. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Et voilà !
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, nos collectivités doivent faire face à une situation sans précédent, avec une inflation à son plus haut niveau depuis 1985. Le constat est là : les dépenses annuelles de fonctionnement ont crû et vont exploser de plus de 10 milliards d’euros.
Les conséquences en cascade de cette situation vont conduire à amputer les capacités d’investissement des collectivités ; par effet domino, notre activité économique, nos richesses territoriales, nos emplois locaux se trouvent menacés chez les artisans, ainsi que dans les très petites entreprises (TPE) et dans les petites et moyennes entreprises (PME) de nos départements. Pour reprendre l’expression de notre collègue Fabien Genet, si rien n’est fait, il va y avoir de la casse !
Ainsi, après quatre ans de baisse des dotations, de 2014 à 2017, la réduction des moyens s’est poursuivie avec le gel de la DGF et la diminution, chaque année, des attributions individuelles pour plus de la moitié des collectivités du bloc communal.
Madame la ministre, il n’est plus l’heure de déterminer quel quinquennat est responsable de cet état de fait. La réalité s’impose à nous, parlementaires, à vous, membres du Gouvernement, et surtout aux dizaines de milliers d’élus locaux. Ceux-ci font face chaque jour à l’impérieuse nécessité de répondre aux problèmes de leur population, de développer les services publics locaux et de gérer leur collectivité, alors que l’on assèche leurs moyens financiers et leur capacité à agir. Ils accomplissent ainsi leur mission d’amortisseurs de crise.
Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances, vous avez ainsi souhaité la suppression de la CVAE, à laquelle le Sénat s’est opposé. Vous proposez de nouveaux contrats de Cahors, qui s’appliquent à un plus grand nombre de collectivités que leurs devanciers.
M. André Reichardt. Eh oui !
Mme Cécile Cukierman. Nous en reparlerons lundi prochain.
Depuis 2014, la baisse cumulée des dotations a conduit à l’effondrement des investissements, alors que les comptes de l’État n’ont révélé aucune réduction de déficit.
À l’inverse du budget que vous nous proposez, nous défendons un projet viable pour nos collectivités, qui font vivre la démocratie.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Cécile Cukierman. Nous saluons ainsi l’indexation de la DGF sur l’inflation, même si nous regrettons que cette mesure ne vaille que pour l’année 2023, ainsi que la réintégration dans l’assiette du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) de l’agencement et de l’aménagement de terrains.
Alors que le filet de sécurité pour 2022, décrié sur toutes les travées de notre hémicycle, est de fait mort-né, nous prenons acte de la proposition sénatoriale pour 2023, même si, à notre sens, il aurait fallu conférer au dispositif une meilleure visibilité, de manière qu’il soit plus compréhensible par l’ensemble des élus.
Nous demeurons persuadés qu’il est nécessaire d’aller plus loin, et j’aurai l’occasion d’y revenir en présentant nos amendements sur les crédits affectés à cette mission. Nous défendrons un véritable projet de libre administration des collectivités territoriales, convaincus que, avec ou sans 49.3, les mesures votées par le Sénat seront conservées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Françoise Gatel et Sonia de La Provôté applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous consacrons huit heures de débats au budget de cette mission, soit plus que pour les affaires étrangères, la défense et l’aide au développement cumulées ! C’est dire l’intérêt que lui porte le Sénat.
Je dispose de quelques minutes pour vous faire part du désarroi des territoires les plus ruraux, comme le département de l’Orne, face à la gestion des dotations.
Ainsi, la DETR me semble avoir perdu beaucoup de son caractère rural, car nous nous trouvons en pleine schizophrénie : nous avons besoin d’y rendre éligibles un certain nombre de charges, lesquelles correspondent en réalité à de nouvelles normes et ne devraient donc pas lui être imputées. Laissons la DETR aux territoires !
J’ai à l’esprit, notamment, les aires d’accueil des gens du voyage ou la défense extérieure contre l’incendie, des charges supplémentaires d’intérêt général extrêmement lourdes, qui pèsent sur la DETR et réduisent sa disponibilité pour d’autres projets.
Ce sujet est très important, d’autant que le refus de DETR n’est jamais très clair. Nous examinerons d’ailleurs des amendements visant à obtenir une motivation des refus de DETR ou de DSIL. Nous avons déjà voté ces dispositions plusieurs fois, mais on nous oppose que cela conduirait à créer des recours contentieux. Au moins, cela ne donnerait pas lieu à des charges nouvelles !
De plus, le seuil de 100 000 euros pour passer devant la commission consultative des élus, dite « commission DETR », est trop élevé, et trop de dossiers échappent à ce contrôle.
Enfin, la gestion du fonds vert ne relève pas de vos compétences, alors que celui-ci constitue une dotation supplémentaire. À mon sens, elle ne devrait pas non plus échapper au contrôle de la commission.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Ses crédits devraient être répartis dans les mêmes conditions que ceux de la DETR, dans la mesure où, dans certains départements, ils seront égaux, voire supérieurs, au montant des dotations. La mise en place de ce fonds va susciter un appel, et je ne vois aucune raison pour que la distribution des fonds en question soit soustraite à ce contrôle.
Nous verrons un certain nombre d’amendements relatifs à ce sujet lors de l’examen des articles rattachés. Certes, tout cela relève de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », mais cela concerne bien les collectivités.
Il faut dire que ce fonds vert semble être à la fois les Galeries Lafayette et la Samaritaine (Sourires.) : depuis quelques jours, chaque fois que nous évoquons une dépense, on nous répond qu’elle sera prise en charge par ce dispositif, lequel devra sans doute être mieux cerné.
Il me reste quelques secondes pour vous informer, madame la ministre, que Bellou-en-Houlme, La Chapelle-au-Moine, Le Châtellier, La Gonfrière, La Lande-Patry, Landisacq, Macé, ainsi que Mauves-sur-Huisne n’ont pas reçu les fonds du filet de sécurité. (Nouveaux sourires. – M. le rapporteur spécial s’exclame.)
Je note que je bénéficie du plein soutien de M. le rapporteur spécial,…
M. Jean-Pierre Sueur. Et des grands électeurs !
Mme Nathalie Goulet. … qui sait bien que cette tribune sert à la défense des collectivités ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Nous voilà arrivés à la mission la plus importante de notre projet de loi de finances, celle qui concerne les relations avec les collectivités territoriales.
C’est la plus importante, parce que, en France, 70 % de l’investissement public sont portés par ces collectivités. Malheureusement, ces dernières n’ont plus de marges de manœuvre pour poursuivre ces actions dans le contexte que nous connaissons.
La responsabilité en revient pleinement à ce gouvernement, qui a creusé plus de 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires. En parallèle, il a contraint les communes à l’austérité budgétaire en les privant de 11 milliards d’euros de recettes tirées de la taxe d’habitation. Et il entend maintenant supprimer la CVAE…
Vous espérez que les communes résolvent, à leurs frais, le paradoxe macroniste du « en même temps », entre le « quoi qu’il en coûte » dispendieux et issu des restrictions de liberté de la période du covid-19, la casse d’EDF et notre soumission à l’austérité budgétaire imposée par l’Union européenne à nos administrations publiques.
Dans nos départements, madame la ministre, les centres des villes et des villages perdent leurs commerces, la pérennité des services publics encore existants est menacée, les déserts médicaux progressent et les inégalités territoriales s’accroissent.
Le Gouvernement est incapable d’alléger la pression fiscale que fait peser l’État sur les entreprises françaises et sur les ménages, mais les hauts fonctionnaires de Bercy trouvent toujours un impôt – local – à supprimer ! Les communes, après l’hôpital, sont la variable d’ajustement de votre politique budgétaire.
Avec la loi 3DS, les élus locaux ont compris que vous n’aviez pas l’ambition de réformer, non plus que de simplifier, le millefeuille administratif et le mille-pattes fiscal.
Vous misez tout sur les pôles métropolitains, sans réelle vision pour la ruralité, à laquelle vous promettez des millions, certes, mais des millions de migrants !
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Quel est le rapport, franchement ?
M. Stéphane Ravier. Alors que l’objectif « zéro artificialisation nette » crée des tensions, vous rompez le lien d’intéressement entre industrie et territoire par la suppression de la CVAE. Les communes ne pourront donc pas participer à la réindustrialisation du pays.
Je reste convaincu qu’une partie de notre salut ne peut venir que d’une sobriété, sinon d’une cure de désintoxication, fiscale. Je vous soutiendrai dans la suppression des impôts locaux quand vous supprimerez des impôts d’État !
Depuis trente ans, les ressources des communes connaissent une baisse, qui se poursuit dans ce PLF : les dotations de soutien à l’investissement local diminuent de 20 % en volume, dans un contexte inflationniste.
À cela, vous ajoutez un nouveau critère écologique flou pour l’attribution de la DETR et de la DSIL, en en renforçant encore l’illisibilité pour les élus locaux.
Je finirai en rappelant que les communes ne représentent que 4 % de la dette publique – 9 % seulement pour toutes les collectivités confondues. De plus, l’État a le droit d’emprunter pour financer ses dépenses de fonctionnement, mais ce n’est pas le cas des communes. Celles-ci n’ont donc pas de leçon de gestion à recevoir. Il revient bien à l’État, obèse et glouton, de faire l’effort de réduire son train de vie.
La proximité communale, c’est l’avenir. C’est efficace, démocratique, économique, patriotique et écologique ! En l’état, je ne voterai pas les crédits de cette mission du budget pour 2023.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne déposerai pas de liste de courses pour mon département du Pas-de-Calais, non plus que pour mon bassin minier natal, mais je me propose de laisser quelques subsides à ma collègue Maryse Carrère qui lutte contre le loup et l’ours ! (Mme Maryse Carrère rit.)
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Elle a bien raison !
M. Jean-Pierre Corbisez. Mes chers collègues, les élus locaux, que nous avons la charge de représenter, ont toujours su faire preuve de réactivité et de responsabilité. Ils ont répondu présents quand il s’est agi d’accompagner l’État dans la crise sanitaire qui a frappé notre pays. Il est grand temps que ce dernier restaure la relation de confiance qu’il doit entretenir avec les collectivités territoriales.
Hélas, le budget que nous examinons aujourd’hui ne traduit pas un tel effort. Au-delà des effets de périmètre exposés dans les travaux de nos rapporteurs, force est de constater que les autorisations d’engagement et les crédits de paiement stagnent, voire baissent, alors que nos collectivités doivent faire face à un contexte inflationniste particulièrement difficile.
Ce signal est bien peu encourageant quand, dans le même temps, les mesures prises par le Gouvernement contraignent chaque jour davantage les marges de manœuvre de nos territoires. Même si l’État compensait à l’euro prêt les recettes fiscales précédemment tirées de la taxe d’habitation et de la CVAE, leur autonomie en serait ainsi réduite progressivement.
Le levier fiscal, nous le savons tous, est l’un des rares outils que les élus ont la possibilité d’actionner pour se donner des marges de manœuvre, notamment afin d’investir pour maintenir le dynamisme de leur territoire et accompagner son développement.
Aujourd’hui, ils ne le peuvent plus ! Dans l’ensemble, nous observons des velléités de contraindre les dépenses de fonctionnement des collectivités. Il s’agit d’un véritable coup de poignard dans le dos, tandis que, dans le même temps, les déficits de l’État s’envolent.
Madame la ministre, ce message d’infantilisation adressé aux exécutifs locaux démontre, oserai-je dire, un réel mépris, bien éloigné du lyrisme du discours présidentiel appelant à une véritable décentralisation. « Chiche ! » serait-on pourtant tenté de lui répondre.
Quand bien même on constate une stabilité de l’enveloppe pour le bloc communal – il faut s’en féliciter, malgré tout –, la croissance inédite de l’inflation, qui se poursuivra en 2023, se traduira par une contraction des budgets locaux, donc par une moindre capacité à investir.
M. Didier Marie. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Corbisez. À quand l’indexation de la DGF sur l’inflation, réclamée par les associations d’élus ?
Un petit motif de satisfaction réside, pourtant, dans la revalorisation du budget consacré à la préservation de la biodiversité et dans son ouverture plus large aux communes situées dans le périmètre d’un parc national.
Nous soutiendrons, par ailleurs, les amendements proposés par nos rapporteurs concernant les procédures d’octroi des dotations de l’État destinées à l’investissement, car ils visent à renforcer l’information des élus locaux sur les décisions prises par le préfet. Ce point est sensible, dans la mesure où le recours aux appels à projets pour l’attribution d’un certain nombre de subventions cause de réelles difficultés aux plus petites collectivités, lesquelles sont peu outillées pour y répondre.
Or il est de la responsabilité de l’État de garantir l’égalité de traitement, en simplifiant les procédures ou en accompagnant mieux les communes dans la constitution des dossiers.
Quant à la compensation de la participation des communes aux missions de l’État, celle-ci doit être renforcée, dans une véritable logique de partenariat et de coopération, et non dans un esprit de contrainte ou de prescription. J’ai ainsi en mémoire l’épineuse question de la délivrance des titres sécurisés ou celle de la contribution des communes aux frais d’installation et de fonctionnement des agences France Services.
L’ambition qui présidait à cette dernière initiative est louable, mais les modalités de sa mise en œuvre ont constitué, à mon sens, un véritable affront pour les communes. Chacune d’entre elles offre un lieu d’accueil, bien identifié par nos concitoyens ; plutôt que de lancer un nouvel appel à projets, il aurait été plus simple, plus efficace et plus respectueux de leur attribuer une dotation supplémentaire pour leur permettre de remplir ces missions.
Les retours que nous avons des élus locaux, qui sont au quotidien au contact de leurs habitants, semblent indiquer que France Services n’est pas partout une réussite. Gageons que nos communes auraient su mieux faire.
Avant de conclure, je réitérerai la demande déjà formulée par le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen : nous souhaitons débattre d’un véritable projet de loi de finances dédié aux collectivités territoriales, sorti du projet de loi de finances annuel, comme le sont les dépenses de sécurité sociale, examinées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C’est à ce prix que nous pourrons enfin construire une relation équilibrée entre l’État et les collectivités et reprendre sereinement nos discussions sur la préparation d’un nouvel acte de décentralisation.
Les membres du groupe RDSE se positionneront en fonction du sort des amendements qu’ils ont déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Michel Canévet applaudit également.)