M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’abord d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui est en Nouvelle-Calédonie ; j’y étais, à ses côtés, hier encore.

Je souhaite ensuite, avant d’entrer dans le vif du sujet, répondre au rapporteur spécial : personne ne peut dire que l’immigration n’est pas un sujet qui préoccupe le ministre de l’intérieur ! Vous pourrez le constater lorsqu’il viendra ici même présenter son projet de loi sur l’immigration : c’est sa préoccupation quotidienne.

Je donne par ailleurs quelques chiffres, afin de poser les termes du débat.

Le nombre de places autorisées pour l’hébergement des demandeurs d’asile, qui est rendu public depuis des années, était de 82 362 en 2017 ; il sera de 118 732 en 2023. Je m’adresse surtout à vous, madame Assassi, qui avez contesté ces chiffres. Quant au délai de traitement des dossiers par l’Ofpra, il est passé de 261 jours en 2021 à 128 jours en 2022. Vous mesurez l’effort : nul ne peut le contester. Je précise aussi qu’il y a en tout 26 centres de rétention administrative, dont 22 en métropole.

La mission « Immigration, asile et intégration » compte deux programmes. Les crédits de paiement demandés sont en hausse de 4 % par rapport à l’an dernier. Pour l’ensemble de la mission, nous demandons 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement.

Partons de données fiables pour éviter les fantasmes. Les flux migratoires sont en progression dans le monde entier. Cette tendance n’est pas propre à la France : elle concerne l’Europe, l’Amérique, le monde entier, qu’il s’agisse d’immigration ou de demandes d’asile. Notre pays compte ainsi 7,7 % de ressortissants étrangers et a délivré environ 270 000 titres de séjour en 2021. En 2022, 110 615 premières demandes d’asile ont été enregistrées, chiffre comparable au niveau observé en 2019.

Notre pays n’a pas cessé – et ne doit pas cesser – de respecter le droit international. Il appréhende avec humanisme les situations dramatiques, même les plus difficiles, les problèmes d’échelle européenne, comme celui de l’Ocean Viking, ayant tendance à se multiplier.

Pour autant, nous continuons à lutter contre l’immigration clandestine. Nous demandons à cet effet 170 millions d’euros pour 2023, soit 18 % de plus qu’en 2022. Aucun des orateurs qui m’ont précédé ne l’a dit, mais, au 31 octobre 2022, 274 filières avaient été démantelées et 1 023 passeurs interpellés.

La politique dont ce projet de loi est la traduction budgétaire est cohérente avec ce que je viens d’énoncer : nous continuons à mener une politique ferme face à l’immigration irrégulière.

Un effort sans précédent est réalisé en faveur du développement des capacités de rétention, puisque nous visons un total de plus de 3 000 places à l’horizon 2027, contre 1 500 aujourd’hui. Plus de 125 millions d’euros de crédits sont prévus à cet effet dans ce PLF, qui prévoit aussi 10 millions d’euros pour l’externalisation de certaines tâches non régaliennes qui sont pour l’heure effectuées, sans bénéfice évident, par la police aux frontières. Par ailleurs, conformément au cadre fixé par la Lopmi, près de 60 millions d’euros seront ajoutés chaque année à la trajectoire budgétaire, afin d’augmenter les moyens dévolus à la rétention administrative.

J’en viens à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière pour motif d’ordre public. Quelque 3 000 étrangers délinquants ont été éloignés du territoire à leur sortie de détention en 2021 et en 2022. En deux ans, plus de 2 500 titres de séjour ont été retirés par les préfectures pour motif d’ordre public et plus de 70 000 refus de délivrance ou de renouvellement de titre ont été notifiés. Le ministre de l’intérieur vous en reparlera plus précisément : il a souhaité que la direction générale des étrangers en France clarifie la situation en distinguant notamment entre les éloignements après OQTF, les départs volontaires et les départs accompagnés, entre la France métropolitaine et l’outre-mer… Il est trop simple de réduire l’analyse à un seul chiffre.

Personne ne m’en voudra de dire un mot sur Mayotte, compte tenu de mon portefeuille ministériel. Depuis 2019, notre stratégie repose sur le plan Shikandra, qui associe action civile et action militaire. Quelque 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé à Mayotte, soit 78 % de plus qu’en 2020. Au 30 novembre 2022, plus de 22 400 éloignements ont été réalisés. Nous continuons cependant et toujours à vouloir traiter de façon objective et humaine les demandes d’asile.

Sur l’accueil et l’examen des situations, plusieurs axes d’effort méritent d’être mentionnés.

D’abord, je l’ai dit, les délais de traitement des demandes ont pu être améliorés grâce aux efforts budgétaires consentis au cours des deux dernières années. En 2020, l’ouverture de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra a permis de réduire les délais d’instruction. Ainsi, 170 000 décisions ont été prononcées en 2020 et en 2021, dans le délai d’instruction de deux mois qui avait été fixé par le Gouvernement ; promesse tenue, donc, alors même que les délais de recours devant la justice administrative rendent les choses plus longues et plus difficiles.

Le délai de traitement des demandes d’asile a évidemment un impact direct sur le montant consacré à l’allocation pour demandeur d’asile. Oui, ce montant baisse d’un tiers, madame Assassi, mais il s’agit d’une allocation obligatoire : nul demandeur éligible n’en a été privé. Inutile de dire que les crédits dédiés sont insuffisants : les allocations dues sont versées !

Pour ce qui est de l’hébergement, nous allons créer 4 900 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et 1 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les réfugiés.

Le dispositif d’orientation régionale directive, introduit dans la loi du 10 septembre 2018, permet d’orienter les demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France, qui concentre 50 % de la demande, vers des hébergements en province. C’est ainsi que 16 000 demandeurs ont été orientés vers la province en 2021, première année de mise en œuvre de ce dispositif.

La politique de l’immigration a trait aussi à d’autres types de situations. Je pense à l’accueil des primo-arrivants et à des outils comme le passeport talent ou les mesures d’attractivité prises en faveur des étudiants étrangers. Je veux souligner, si c’est nécessaire, que cet accueil est non seulement la marque de notre solidarité en matière de développement des pays, mais aussi la garantie d’un meilleur rayonnement de la France à l’étranger.

Conscients de ces réalités, nous attribuons des moyens importants à la politique d’intégration, dont les crédits augmentent de 24 %. J’insiste en particulier sur le déploiement progressif du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir), qui doit globaliser l’accueil sous l’autorité des préfets de région et avec le concours d’associations compétentes ; il s’agit de favoriser l’intégration des réfugiés via l’emploi et le logement.

Par ailleurs, les formations linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) sont renforcées pour améliorer la maîtrise du français.

Nous sommes tout à fait conscients que nous avons continûment besoin, parce que le monde lui-même change continûment, d’adapter notre politique d’accueil et d’immigration, non tant pour pallier des manques que pour s’adapter, précisément, à ce monde en évolution, où les crises se multiplient et où, partant, nos besoins se diversifient.

La vérité de 2017 n’est pas la vérité de 2022, et celle de 2025 sera encore différente ! Il est donc tout à fait logique que nous revisitions régulièrement notre politique d’immigration ; le projet de loi annoncé par le Président de la République pour le début de l’année 2023 en sera prochainement l’occasion.

Sur le plan international et communautaire, nous poursuivons la discussion du Pacte européen sur la migration et l’asile, après les étapes franchies dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE). Le remplacement de l’Agdref par le système de l’Anef, qui a débuté en 2019, se fait de manière progressive ; c’est un projet de longue haleine. Je dis au représentant du Front national que ce « grand remplacement » de l’Agdref par l’Anef sera achevé en 2023. (M. Stéphane Ravier proteste.)

M. Didier Mandelli. C’est malin !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous proposons est juste au regard de l’équilibre, complexe à tenir, entre différents objectifs : le respect de nos valeurs républicaines, avec lesquelles nous ne pouvons pas transiger ; nos impératifs de sûreté, qui nous obligent à l’endroit de nos concitoyens ; notre nécessaire solidarité à l’égard des pays amis ; le rayonnement que nous voulons pour notre pays ; la réponse aux besoins de nos entreprises en matière de main-d’œuvre.

Il semble au Gouvernement qu’un tel équilibre est atteint dans les crédits de cette mission ; je déplore donc que vous ayez décidé de les rejeter.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure quarante-cinq.

En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à douze heures trente, celui-ci serait reporté à la fin des missions de cette semaine, et nous passerions à l’examen de la mission « Pouvoirs publics ».

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

2 674 824 290

2 009 102 104

Immigration et asile

2 131 713 796

1 465 938 178

Intégration et accès à la nationalité française

543 110 494

543 163 926

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Pouvoirs publics - Conseil et contrôle de l'État - Direction de l'action du Gouvernement - Budget annexe : Publications officielles et information administrative

M. le président. L’amendement n° II-826 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

80 000 000

 

80 000 000

 

Intégration et accès à la nationalité française

 

80 000 000

 

80 000 000

TOTAL

80 000 000

80 000 000

80 000 000

80 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Alors que l’on estime à 135 000 le nombre de demandes d’asile en 2023, le budget de l’allocation pour demandeur d’asile baisse de 176 millions d’euros, soit de 36 %, pour atteindre 314 millions d’euros. Pour expliquer cette chute, le ministère de l’intérieur explique que les délais d’instruction seront réduits et que la lutte contre les fraudes sera renforcée, ce qui permettra de faire des économies. En somme, le budget diminue par anticipation d’un résultat hypothétique… Le bleu budgétaire ne fait même pas mention des réfugiés ukrainiens, qui bénéficient pourtant de cette allocation.

Cette baisse drastique est un choix purement politique, monsieur le ministre, qui porte la marque des orientations sécuritaires voulues par le Gouvernement, au détriment de l’accès aux droits et de la solidarité. Elle est difficilement justifiable au regard des conflits internationaux et de la guerre en Ukraine. Les problèmes engendrés par la sous-budgétisation de l’ADA ne feront qu’accroître les difficultés quotidiennes de personnes en détresse que la France a l’obligation d’accueillir et de traiter avec dignité.

Contraints par les règles de recevabilité financière prévues à l’article 40 de la Constitution, nous devons proposer, pour pouvoir abonder de 80 millions d’euros l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, « Immigration et asile », la diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, comme sur l’ensemble des amendements qui vont être présentés sur les crédits de cette mission.

Nul ne conteste les paroles du ministre de l’intérieur sur l’immigration ; le problème, ce sont les actes.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le projet de loi arrive !

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Nous verrons… Pour l’instant, nous n’avons pas vu grand-chose…

Bien que je sois d’accord avec mon collègue Benarroche sur l’optimisme excessif du Gouvernement, je demande le retrait de l’amendement n° II-826 rectifié ; à défaut, comme je l’ai dit, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Avis défavorable.

Je formule deux précisions.

Premièrement, le budget consacré aux réfugiés ukrainiens est inscrit ailleurs dans ce PLF.

Deuxièmement, l’ADA est une allocation obligatoire, que touchent – demain comme hier – tous ceux qui y ont droit. Si les services estiment que ces crédits sont suffisants compte tenu de la réduction des délais, rien ne permet de dire que cette prestation ne sera pas servie. S’il le faut, le budget sera modifié ultérieurement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-826 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-827, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

10 000 000

 

10 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à créer un fonds destiné à l’accompagnement et au suivi psychologique et psychiatrique des personnes exilées arrivant sur le territoire français.

La santé mentale, et plus particulièrement la souffrance psychique, est un angle mort des politiques publiques concernant les personnes exilées. Pourtant, lors de la prise en charge des primo-arrivants, les professionnels constatent que les personnes exilées sont atteintes de troubles psychiques multiples.

En effet, elles subissent souvent, de leur situation prémigratoire à leur arrivée, de multiples situations traumatisantes. Les violences ayant provoqué leur départ, les ruptures souvent brutales que celui-ci occasionne et le parcours d’exil lui-même, semé de violences et de pertes, sont la cause de troubles psychiques graves, renforcés par la grande précarité sociale et administrative vécue à l’arrivée.

La forme la plus courante de ces troubles est le syndrome psychotraumatique. Cette affection complique les témoignages devant l’Ofpra ou la CNDA – leurs agents nous le signalent –, des troubles de la concentration et de la mémoire affectant notamment la capacité des demandeurs d’asile à mettre en récit leur parcours d’exil. Ceux-ci peuvent oublier jusqu’au prénom de leurs enfants. Le stress des entretiens décuple généralement ces effets.

Désemparés face à ce phénomène, plusieurs organismes ont signalé la multiplication des cas de suicide et demandent la création d’un suivi psychotraumatique de ces personnes dès leurs premières mises en relation avec les centres d’accompagnement.

Tel est le sens de notre amendement : le fonds que nous proposons de créer financerait l’emploi des professionnels de santé, tant psychologues que psychiatres, spécialisés dans la prise en charge des pathologies traumatiques, au sein des centres gérés par l’État et des organes associatifs habilités à accompagner les personnes exilées.

Le financement de cette mesure se ferait par un transfert de 10 millions d’euros depuis l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », vers un fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable, en dépit des bonnes intentions des auteurs de cet amendement.

Nul ne conteste la nécessité d’accompagner des migrants qui viennent, pour certains, de zones de guerre, et qui ont vécu des situations extrêmement douloureuses, voire tragiques. Sans doute est-il dangereux, d’ailleurs, de laisser sans soins psychologiques des personnes qui arrivent d’Afghanistan ou d’ailleurs, comme tend à le montrer la multiplication des attaques au couteau ces trente dernières années. L’insuffisance des moyens est-elle en cause ? Le Gouvernement les accroît, d’une manière générale – les budgets augmentent –, mais les besoins sont immenses…

Telle est la question : la France a-t-elle les moyens d’une telle politique ? Le seul hôpital psychiatrique de mon département est condamné à la fermeture… Et nos filières de psychiatrie et de psychologie manquent cruellement de praticiens et d’étudiants.

Je m’en tiens aux réalités, donc, sans nier les bonnes intentions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. L’ancien préfet que je suis aurait pu aimer cette idée d’une administration administrante et s’occupant de tout.

Mais, quelle que soit l’acuité du sujet, bien soulignée par le rapporteur spécial, il est compliqué de tout faire faire par l’administration ou par un fonds spécialisé.

Pour réconforter les auteurs de cet amendement, je précise que 3,5 millions d’euros de subventions sont versés chaque année à des associations qui s’occupent de la question : en la matière, les actions sont financées.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-827.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-825, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

5 000 000

 

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. En somme, vous reconnaissez que l’intention qui motive nos propositions est bonne – c’est agréable à entendre –, mais, ajoutez-vous, nous n’en avons pas les moyens… Tirons-en la conclusion qui s’impose : notre politique migratoire est totalement hors sol !

L’amendement n° II-825 du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet d’augmenter le budget consacré à l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).

Comme l’écrivent les rapporteurs pour avis de la commission des lois Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, « [l]e développement capacitaire du parc d’hébergement du dispositif national d’accueil a connu un coup d’arrêt en 2022. Alors que la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait la mobilisation d’une provision exceptionnelle de 20 millions d’euros, initialement destinée à couvrir un éventuel dépassement de l’ADA, pour financer 4 900 places d’hébergement supplémentaires, ces crédits ont finalement été utilisés pour financer l’accueil des déplacés ukrainiens. Les créations de places ont été reportées à 2023, conférant de fait un caractère d’année blanche à 2022 ».

En 2023, faute de place disponible dans les HUDA, de nombreux demandeurs d’asile continueront donc de solliciter un hébergement en dehors des structures d’accueil, et notamment au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun, dont les capacités sont elles-mêmes saturées.

L’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile est pourtant capital : certaines places d’HUDA sont notamment spécialisées pour prendre en charge des femmes victimes de violence ou de la traite des êtres humains. De ce fait, il nous paraît primordial de créditer davantage ce budget en augmentant la part qui revient à ce type d’hébergement.

Le présent amendement vise ainsi à retirer 5 millions d’euros à l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », pour abonder la création d’un nouveau programme, qui s’intitulerait « Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Avis défavorable.

Comme l’a dit M. le ministre, le nombre de places d’hébergement augmente, toutes formes confondues, HUDA, Cada, etc. Le problème est toujours le même : nous traitons les conséquences et non les causes, à savoir le nombre trop important de personnes à loger. Il suffit d’ouvrir les yeux, à Paris et ailleurs, pour voir des personnes provenant certainement de l’étranger qui, faute d’hébergement disponible, se retrouvent à la rue (M. Guy Benarroche et Mme Esther Benbassa le confirment et le déplorent.), ce qui oblige les départements – l’élu local que je suis connaît bien ce genre de situations – à réserver pour eux des chambres d’hôtel.

Or, pour 2023, nous empruntons 270 milliards d’euros ; nous allons franchir le cap des 3 000 milliards d’euros de dette. Pouvons-nous nous le permettre ? Je vous dis non… Cet amendement a beau être plein de bonne volonté, je vous appelle à voter contre, mes chers collègues : la politique n’est pas affaire de bonne volonté et d’idéologie ; la politique, ce sont des faits. (M. Jean-Yves Leconte proteste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Le budget alloué à l’hébergement des demandeurs d’asile est déjà doté de 395 millions d’euros. Il s’agit ici de l’augmenter de 1,25 %, demande purement politique…. Le PLF pour 2023, fort de cette enveloppe, prévoit la création de 4 900 places dans le cadre du DNA,…

Mme Nathalie Goulet. Dernières Nouvelles dAlsace ? (Sourires.)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. … le dispositif national d’accueil.

Je dis un mot sur les HUDA, en réponse au rapporteur spécial de la commission des finances. L’idéal serait que tous ceux qui en ont besoin soient hébergés dans un CAES ou dans un Cada, plutôt que d’avoir à recourir à l’HUDA, voire à des chambres d’hôtel. Reste qu’il est nécessaire de conserver l’HUDA en outre-mer – c’est là que porte l’effort – et pour traiter des sujets spécifiques et des difficultés particulières – je pense aux femmes isolées.

En parallèle de l’augmentation du nombre global de places dans le DNA, il faut clarifier – c’est absolument indispensable et je le fais avec plaisir – la part respective des CAES, de l’HUDA et des Cada. (Marques damusement sur plusieurs travées.) Quant à l’effort, je l’ai dit, il est réel !

Mme Nathalie Goulet. Assez d’acronymes, monsieur le ministre !

M. François Bonhomme. Il nous faut un guide !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-825.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-828 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

L’amendement n° II-921 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes : 

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

200 000

 

200 000

Intégration et accès à la nationalité française

200 000

 

200 000

 

TOTAL

200 000

200 000

200 000

200 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° II-828.

M. Guy Benarroche. La politique, c’est aussi de la volonté, monsieur le rapporteur ! Si la volonté n’est pas politique, je ne sais pas ce qu’est la politique… (Marques dapprobation sur les travées du groupe CRCE.)

Par ailleurs, monsieur le ministre, gouverner c’est prévoir. Quand on se retrouve à dépenser beaucoup plus faute d’avoir prévu ce qui devait l’être, peut-on parler d’économies ? Les politiques actuelles nous coûtent beaucoup plus cher, en définitive, que si nous anticipions.

L’amendement n° II-828 vise à ouvrir les cours de français aux personnes étrangères exclues du parcours d’intégration du contrat d’intégration républicain, le fameux CIR. Le CIR est conclu entre l’État français et tout étranger non européen admis au séjour en France. Il offre un parcours personnalisé d’intégration, comprenant notamment une formation à la langue française.

Or certaines personnes étrangères présentes sur le territoire – elles y sont déjà : nul appel d’air d’aucune sorte dans ma proposition – mais non signataires du CIR ont besoin d’apprendre la langue française, ne serait-ce que pour s’insérer, pour éviter la précarité sociale et pour accéder à leurs droits. Cet amendement a donc pour objet, à titre expérimental, d’ouvrir l’accès à la formation linguistique à un public étranger non signataire du CIR.

À cette fin, nous proposons de gager l’augmentation de 200 000 euros des crédits de l’action n° 12 du programme « Intégration et accès à la nationalité française » sur une baisse équivalente des crédits de l’action n° 03 du programme « Immigration et asile ».